SAINT IÉRON, PRÊTRE ET MARTYR

(EN L'ANNÉE 856)
 
fêté le 17 août

En ce temps-là fleurit en Hollande le bienheureux Iéron, prêtre du Seigneur. Il était né en Angleterre de parents nobles, et fut baptisé aussitôt après sa naissance.
Il prit plus tard l'engagement de répudier toute sa vie l'impiété et les désirs du siècle, de vivre dans la sobriété et la justice, selon les commandements de Dieu. Mort et enseveli au péché par le baptême, il devait ne vivre désormais que pour la justice, et mériter ainsi l'éternelle béatitude. Par une inspiration de la grâce du saint Esprit, on donna à l'enfant au baptême le nom de Iéron, présage de la sainteté de sa vie : hiéron, en effet, signifie essentiellement saint. Ses parents l'élevèrent en Angleterre avec le plus grand soin. Durant son enfance on ne le vit point se livrer aux amusements de son âge : il était déjà tout absorbé par ses devoirs envers Dieu, s'employant à développer sa vie intérieure, à mesure que se développait extérieurement son petit corps. Ainsi, tout en croissant en âge, il croissait en sagesse et en sainteté.
Mais pourquoi tant de détails ? Progressant toujours dans la vertu, il monta par les différents degrés de la hiérarchie ecclésiastique et parvint au sacerdoce. Alors il songea à embrasser un état de vie, et désirant jouir des récompenses promises à ceux qui abandonnent tout pour le Seigneur, il résolut de quitter ses parents et sa patrie, et de se rendre là où le Seigneur daignerait le diriger.
Guidé par la grâce, il s'éloigna de l'Angleterre et aborda en Frise, où il trouva des habitants dont les uns étaient encore païens et les autres, après avoir reçu et reconnu la vérité, avaient été entraînés dans diverses erreurs par de faux docteurs. Il se demanda si Dieu ne le destinait pas à procurer le salut de ces populations; il se mit donc à l'oeuvre avec le dévouement qu'il avait autrefois témoigné à ses concitoyens et exhorta ces peuples à se débarrasser des liens dans lesquels le diable était si heureux de les retenir, et à se soumettre au joug suave de leur Créateur. Bref, en prêchant le Christ Dieu, il réussit à dompter l'orgueil farouche de cette nation et en fit promptement un peuple agréable au Seigneur.
Vers cette époque (c'est-à-dire l'an 856), comme les Danois et les Norvégiens ravageaient la Hollande, massacrant une partie des habitants sans distinction de sexe ni d'âge, emmenant les autres en captivité, ils rencontrèrent à Nortwyck le saint prêtre de Dieu Iéron, occupé à diriger ses ouailles et donnant des instructions à ses prêtres. Ils le saisirent et le réservèrent pour un prochain interrogatoire. Tandis que les barbares l'entraînaient le saint, tout joyeux d'être jugé digne de souffrir pour le nom de Jésus-Christ, faisait cette prière : «Seigneur, dirigez-moi dans les sentiers de votre justice, car mes ennemis essaient de m'en faire dévier; faites que je marche toujours en votre présence.» Quand il comparut devant le tribunal du chef des Danois, la populace se mit à pousser des hurlements frénétiques. Les uns criaient : «Extermine cet homme de la surface de la terre; ne laisse pas vivre plus longtemps l'ennemi de nos divinités sacrées.» D'autres demandaient qu'on le soumît aux tortures les plus raffinées, afin que ses prêtres fussent épouvantés de son châtiment et que les fidèles de Hollande, qui l'affectionnaient beaucoup, en fussent terrifiés.
On lui infligea donc toutes sortes de tourments, puis on le jeta dans un obscur cachot, en lui disant que le lendemain il aurait à offrir de l'encens à l'idole, ou, s'il refusait, serait puni de mort. - Le bienheureux chanta des psaumes au fond de sa votre visage, et par votre grâce je tressaillirai d'allégresse tout ce jour.» Le lendemain matin on vint le tirer de prison, et on l'amena devant le capitaine et son conseil : «Eh bien ! dit celui-ci au saint, ressens-tu encore les coups d'hier ?» Le bienheureux Iéron répondit en plaisantant : «Non seulement je ne ressens point de mal, mais au contraire je me sens plus fort. Car il est écrit : En proportion des peines qui ont envahi mon coeur, vos consolations, Seigneur, ont réjoui mon âme.» Le président lui demanda alors de quelle condition il était et à quelle secte il appartenait. Le saint répondit : «Non seulement je suis homme libre, mais j'appartiens à une famille de haute noblesse; j'adore le Christ, Dieu véritable, que je sers depuis mon enfance, et jamais je ne courberai la tête devant de vaines idoles, parce que le Seigneur, mon Dieu, dit dans l'évangile : «Tu adoreras le Seigneur Dieu, et tu ne serviras que lui seul.» Le président : «Écoute-moi et sacrifie aux dieux, afin que tu puisses achever gaiement ce qui te reste de vie, parvenir à une vieillesse avancée et jouir de notre amitié.» Saint Iéron : «Tu me donnes là un sot conseil; tu me fais des promesses bien douteuses. Tu me dis d'abandonner bon gré mal gré le Dieu Créateur, notre sainte religion, qui dure depuis le commencement des siècles, et d'offrir des sacrifices aux démons, afin de pouvoir prolonger ma vie jusqu'à  la vieillesse, alors que Dieu, qui a tout créé, connaît de loin, tout ce qui doit arriver.» Le président : « Je voudrais que tu m'apprisses quel est ce Dieu, que tu proclames seul digne des louanges de toute la création.» Le saint : Il est écrit : «N'offrez point aux chiens ce qui est sacré, et ne jetez pas les perlés aux pourceaux. Aussi jamais tes oreilles souillées n'entendront de ma bouche l'exposition de cette vérité. Mais comme parmi ceux qui nous entourent je sais qu'il y en a de prédestinés à la vie éternelle, je vais faire un court résumé de notre religion : Nous croyons au Père, de qui, selon l'Apôtre, découle toute paternité au ciel et sur la terre. Nous croyons au Fils et au saint Esprit, dont fait mention le Psalmiste dans ce verset : «Par le Verbe du Seigneur, les cieux ont été affermis, et d l'esprit de sa bouche dépend toute leur puissance.» Telle es la Trinité que nous adorons, indivisible et une selon la substance, divisible selon les personnes. Et dans cette Trinité il n'y a rien d'antérieur et de postérieur, rien de plus grand et de plus petit, mais les trois personnes sont co-égales et co-éternelles. Quiconque reconnaît et honore comme dieu quelque chose d'étranger à ce Dieu unique et trine et met en cela l'espérance de son salut périra certainement.»
En entendant cette confession de la foi véritable, tous les chrétiens tressaillirent de joie; parmi les assistants, les uns se sentirent affermis dans la foi, les autres eurent les âmes purifiées de l'affection aux faux dieux, les autres enfin se sentirent affranchis de la crainte des tourments.
Quant au juge, semblable à l'aspic qui se bouche les oreilles pour ne point entendre la voix de l'enchanteur, il ordonna de faire mourir sur-le-champ le bienheureux, afin de ne pas entendre plus longtemps outrager et insulter les dieux. Tandis que les appariteurs l'entraînaient vers le lieu du supplice, Iéron chantait : «Seigneur, je n'ai point caché en mon coeur votre miséricorde et votre vérité, étant en présence d'une nombreuse multitude. Aussi, je vous en prie, ne me faites pas attendre plus longtemps les effets de votre miséricordieuse bonté; mais que votre miséricorde et votre vérité me reçoive pour toujours en son sein.» Pendant qu'il priait ainsi, les bourreaux lui faisaient endurer divers genres de supplices, enfin ils l'immolèrent à cause de sa profession de foi, et en firent un glorieux martyr du Seigneur. Iéron fut reçu dans la patrie céleste le 6 des calendes de septembre. Quelques-uns des spectateurs, remplis de la crainte de Dieu et affligés de la perte d'un si saint homme, ravirent secrètement (par crainte des païens) le corps sacré du martyr, et, versant d'abondantes larmes, ils le déposèrent, en récitant les prières accoutumées, dans un sépulcre neuf.