LES ACTES DE SAINT EUPLIUS, DIACRE
(En 303)
fêté le 11 août
Sous le neuvième consulat de Dioclétien et le huitième de Maximien, la veille des ides d'août, dans la ville de Catane, le diacre Euplius, devant le voile qui fermait le secrétariat du consulaire, criait à haute voix : «Je suis chrétien, je veux mourir pour le nom du Christ.» Le consulaire Calvisianus, l'ayant entendu, dit : «Qu'on fasse entrer cet homme qui a crié.» Euplius fut introduit dans le secrétariat du consulaire; il portait dans ses mains le livre des Évangiles. Un des amis de Calvisianus, nommé Maxime, dit en le voyant : «Le livre que cet homme tient à la main est un outrage aux décrets de nos empereurs.» Galvisianus dit à Euplius : «Où l'as tu pris ? Est-il sorti de chez toi ?» Euplius répondit : «Je n'ai point de chez moi, Jésus-Christ mon maître en est témoin.» Le consulaire Calvisianus dit : «Est-ce toi qui as apporté ce livre ici ?» Euplius dit : «Oui, c'est moi : tu le vois bien je l'avais en main quand on m'a arrêté.» Calvisiallus dit : «Lis-moi quelques passages de ce livre !» Euplius lĠouvrit et lut : «Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, parce que le royaume des cieux est à eux.» Puis dans un autre endroit : «Que celui qui veut venir après moi prenne sa croix et me suive.» À ces passages il en ajoutait d'autres, lorsque le consulaire Calvisianus lui dit : «Qu'est-ce que cela ?» Euplius répondit : «C'est la loi de mon Maître, telle qu'elle m'a été donnée.» Le consulaire Calvisianus dit : «Donnée par qui ?» Euplius répondit : «Par Jésus Christ, le Fils du Dieu vivant.» Le consulaire Calvisianus dit, en l'interrompant : «Maintenant que nous avons sa confession, quĠon lĠinterroge dans la torture , et quĠon le remette aux mains des bourreaux.» À peine leur eut-il été livré, que la seconde interrogation, l'interrogation par la torture, commença.
Sous le neuvième consulat de Dioclétien et le huitième de Maximien, la veille des ides d'août, le consulaire Calvisianus dit à Euplius pendant qu'on l'appliquait à la question: «Tu viens tout à l'heure de confesser ta foi devant nous; qu'en penses-tu maintenant ?» Euplius, se signant le front de la main qu'on lui avait laissée libre, dit : «Ce que j'ai confessé, je le confesse encore je suis chrétien, et je lis les Écritures divines.» Calvisianus dit : «Pourquoi gardais-tu ces livres, et ne les remettais-tu pas aux juges ? Les empereurs l'avaient ordonné.» Euplius répondit : «Parce que je suis chrétien, et- qu'il ne mĠétait pas permis dĠêtre traditeur. Plutôt mourir que d'être traditeur. La vie éternelle est dans la mort; au contraire, le traditeur perd la vie éternelle. C'est pour ne pas la perdre que je donne ma vie.» Calvisianus l'interrompit et dit : «Euplius, contre l'édit de nos princes, n'a pas livré les Écritures, mais il les a lues au peuple; que le bourreau continue la torture.» Pendant le supplice, Euplius disait : «Je vous rends grâces, ô Christ ! défendez-moi; c'est pour vous que je souffre ces tourments.» Le consulaire lui dit : «Renonce Euplius, à tant de folie. Adore les dieux, et je te rendrai la liberté.» Euplius répondit : «J'adore le Christ, j'ai les démons en horreur; achève ce que tu veux faire; je suis chrétien; il y a longtemps que j'ambitionne ce bonheur; encore une fois achève ce que tu veux faire, ajoute de nouvelles tortures : je suis chrétien.»
La torture, en effet, continua longtemps; à la fin les bourreaux reçurent l'ordre de suspendre quelques instants. Alors Calvisianus dit: «Malheureux, adore nos divinités; rends tes hommages à Mars, à Apollon et à Esculape.» Euplius dit : «J'adore le Père, le Fils, et le saint Esprit. J'adore la sainte Trinité; il n'y a pas d'autre Dieu qu'elle. Périssent des dieux qui n'ont fait ni le ciel, ni la terre, ni rien de qu'ils renferment ! Je suis chrétien. Le préfet Calvisianus dit : «Si tu veux être délivré, sacrifie.» Euplius répondit : «Je me sacrifie maintenant au Christ notre Seigneur, et je ne sais ce que je pourrais faire de plus. Tes efforts sont in utiles. Je suis chrétien. Calvisiarius ordonna qu'on recommençât la torture plus cruelle que la première fois. Euplius, du milieu des supplices, disait encore : «Je vous rends grâces, ô Christ. Christ, secourez-moi; c'est pour vous, Christ, que je souffre ces tourments.» Il répétait souvent cette prière, et lorsque ses forces s'épuisaient, ses lèvres défaillantes la redisaient encore ou plusieurs autres pareilles.
Alors Calvisianus, rentrant derrière le voile, dicta la sentence et revint aussitôt; il tenait dans ses mains la tablette et lut : «Le chrétien Euplius a méprisé les édits des princes, il a blasphémé nos dieux et refuse de se repentir; j'ordonne qu'il ait la tête tranchée par le glaive. Emmenez-le.» On suspendit au cou d'Euplius, Évangile qu'il portait quand on l'avait arrêté; devant lui un héraut criait : «Euplius chrétien, ennemi des dieux et des empereurs.» Mais Euplius, dont les vÏux étaient comblés, répétait sans cesse : «Grâces au Christ Dieu.» Arrivé au lieu du supplice, il éleva ses mains étendues vers le ciel et dit : «Je vous rends grâces, Seigneur Jésus Christ, de ce que votre puissance m'a soutenu; vous n'avez pas laissé périr mon âme avec les impies, et vous m'avez donné la grâce de confesser votre nom. Confirmez à cette heure ce que vous même avez opéré en moi, et que l'audace de votre ennemi soit confondue.» Puis, abaissant ses regards sur le peuple, il continua : «Frères bien-aimés, écoutez mes dernières paroles; priez Dieu et craignez-le de tout votre cÏur; car au moment de la mort il se souvient de ceux qui le craignent; et quand ils seront sortis de ce monde, les anges viendront au-devant d'eux et les conduiront dans la cité du Seigneur, à la sainte Jérusalem.»
En achevant ces paroles, le bienheureux Euplius se mit à genoux et présenta sa tête au bourreau, qui l'abattit d'un seul coup. Aussitôt il alla recevoir la couronne éternelle, récompense de sa foi; les nombreuses légions des anges et des saints martyrs l'introduisirent en triomphe devant le trône de notre Dieu et Seigneur Jésus Christ. Quand à son corps, les chrétiens l'enlevèrent, l'embaumèrent avec respect, et le déposèrent dans un lieu vénéré, où notre Seigneur Jésus Christ se plaît encore chaque jour à multiplier les miracles, et à guérir les nombreux malades qui viennent y prier.