PASSION DES SAINTS BONOSE ET MAXIMILIEN, SOLDATS DE LA TROUPE DES VIEUX HERCULIENS, SOUS L'EMPEREUR JULIEN ET LE COMTE JULIEN, LE 12 DES CALENDES D'OCTOBRE.

Fêtés de 21 août


Le comte Julien dit à Bonose et Maximilien : «Notre seigneur l'empereur a ordonné d'enlever le symbole que vous avez sur l'étendard.»
— «C'est impossible.»
— «L'empereur ordonne que vous honoriez les dieux que lui et moi adorons.»
— «Nous ne pouvons pas, dit Bonose, adorer les dieux fabriqués.»
— «Obéissez sous peine d'être mis à la torture.»
— «Nous sommes prêts à rendre témoignage au Christ.»
Le comte dit : «Que Bonose s'assoie.» Quand il fut assis, le comte lui dit : «Adore les dieux que l'empereur et moi adorons.»
— «Nous gardons la loi que nous tenons de nos parents et nous la vénérons; nous ne connaissons pas ces dieux-là.»
— «J'ai le pouvoir de vous torturer et de vous faire brûler vifs.»
— «Nous ne craignons pas tes moyens d'intimidation.»
— «Qu'on lui donne le fouet plombé.»
Tandis qu'on le battait, — il reçut plus de trois cents coups, — Julien lui dit : «Épargne-toi et obéis.»
Bonose rit et ne répondit pas.
— «Que dis-tu, Bonose ?»
— «Nous adorons le Dieu vivant et ne servons que lui seul nous ignorons quels sont les dieux autres que lui.»
Julien dit : «Que Maximilien s'assoie.» Après qu'il fut assis, Julien lui dit : «Adorez les dieux que nous adorons et changez le symbole de votre étendard.»
— «Que tes dieux t'écoutent et qu'ils te parlent; quand ils t'auront parlé, nous pourrons les adorer. Mais comment servez-vous et adorez-vous des dieux qui n'ont ni parole ni aucun sens ? Notre Dieu a une grande puissance, nous espérons en lui et nous nous hâtons de lui rendre témoignage, parce que notre espérance est dans le martyre. Tu sais bien et ton empereur aussi, qu'il nous est ordonné de ne pas adorer des idoles sourdes et muettes.»
— «Qu'on suspende Bonose et Maximilien au chevalet.»
Quand ce fut fait, Julien dit : «Reposez-les.» On les reposa, et Julien leur dit : «Vous vous voyez dans les grands supplices. Obéissez et ne détournez pas vos camarades par vos discours séditieux; mais, ainsi qu'il convient, faites ce qui est ordonné, changez le symbole de votre étendard et placez-y l'image des dieux immortels.»
— «Nous ne faisons pas ce que tu commandes; cela est contraire à Dieu. Nous avons un Dieu vivant, invisible et immortel, en qui nous espérons.»
— «Frappez-les.»
Comme on les frappait du fouet plombé, pour la troisième fois, et qu'ils ne sentaient rien, Julien dit : «Si je n'ai pu jusqu'à ce moment triompher de votre entêtement, j'ai d'autres supplices à ma disposition. Qu'on apporte de la poix brûlante, qu'on en remplisse la piscine et qu'on les y plonge. Où est-il le Dieu en qui leur aberration les fait croire? Voyons s'il pourra les délivrer.»
Ils se rendirent au lieu où on devait les submerger, sans frayeur et tout joyeux; et voilà que, soudain, ils furent comme couverts de rosée, la flamme vacilla, la poix refroidit, et tout ce que les démons cruels avaient préparé pour les tourmenter fut éteint, en sorte qu'ils n'éprouvèrent pas la moindre incommodité. Mais pour que le témoignage d'une si glorieuse confession persistât, les traces des supplices demeurèrent sur leurs corps, quelques ampoules en prouvaient la réalité. Comme ils continuaient tranquillement leur prière pendant ce supplice, les Juifs et les Gentils qui étaient accourus pour insulter à leur mort se mirent à crier : «Ce sont des magiciens et des sorciers. Leur Christ jetait des sorts». Quand on prévint le préfet Secundus, il accourut voir ce qui se passait. Après qu'il eut vu, il dit : «Qu'on m'amène les prêtres des dieux, je vais leur faire la même chose, et nous verrons bien s'ils s'en tirent comme ceux-ci.» Ces prêtres vinrent, firent des encensements suivant leurs rites, et quand ils eurent tout fini, on les jeta dans la poux bouillante; ils y restèrent.
Quand on vit qu'ils y avaient péri, le comte Julien demeura confus, et fit sur-le-champ écrouer Bonose et Maximilien jusqu'au moment où le préfet pourrait les entendre. Le cachot ayant été fermé pendant sept jours, les chaînes tombèrent à tous ceux qui croyaient au Christ. Le comte envoya alors aux prisonniers du pain marqué de son cachet, afin que, par ce moyen au moins, ils mangeassent des nourritures profanées.
Le jour de l'audience, Bonose et Maximilien dirent à Julien : «Voici les pains que tu nous as envoyés, nous ne les avons pas mangés. Celui en qui nous croyons nous a rassasiés, aussi ne craignons-nous pas tes menaces. Jésus Christ notre Dieu vous demandera compte de nos souffrances.»
Le préfet Secundus, contrarié, dit à Julien : «Interrogeons-les aujourd'hui même.»
Ils s'assirent pour les entendre, et leur méchanceté ne trouvait rien; alors Julien dit : «Qu'on m'apporte de la chaux vive, je les y enfermerai et la chaux sera éteinte sur eux, et nous verrons bien où est leur Dieu et s'il peut les délivrer».
On les plongea dans la chaux vive qu'on éteignit. Alors ils s'écrièrent : «Sois béni, Seigneur Dieu de nos pères, Dieu d'Abraham et Dieu d'Isaac, et Dieu de Jacob, qui as daigné nous délivrer des mains de nos ennemis; sois loué et glorifié dans les siècles.»
Lorsque la chaux fut éteinte sans leur avoir nui en aucune manière, Julien les fit reconduire en prison; on mit les scellés sur la porte et on déposa les clefs au palais. Le douzième jour, quand on ouvrit la prison, on les trouva avec des flambeaux très brillants qu'on ne pouvait éteindre; on leur présenta, comme à des affamés, des pains offerts en sacrifice. afin que, poussés par la faim, ils fussent souillés par ces offrandes; mais eux qui étaient nourris par le saint Esprit persévérèrent sans souillure et sans contact avec les choses sacrifiées. Alors le comte Hormisdas, qui fut chrétien, vint à la prison et se fit ouvrir le cachot. Quand il fut ouvert et quĠil vit les chrétiens sains et joyeux et rendant grâces à Dieu, il leur dit : «Priez le Seigneur pour moi, pécheur, afin que je sois sauvé.»
Julien, en apprenant tout cela, ordonnait des supplices, parce qu'il était vaincu par la puissance du Seigneur et qu'il se voyait méprisé par ses serviteurs. Tandis qu'il roulait ces pensées en lui-même, il gémit et dit : «Qu'on me les amène au Bain-Vieux, je les y entendrai.» Ce qui fut fait. Julien adressa la parole à Bonose.
— «Quelle vertu de ton Dieu montres-tu pour que, étant chrétien, tu échappes de mes mains ?»
— «Le Dieu en qui nous croyons est puissant, il peut agréer notre martyre vers lequel nous courons, afin que nous sortions, chrétiens, de tes mains.»
— «Je vais vous livrer aux bêtes.»
— «Le Dieu des chrétiens peut se trouver là pour nous délivrer, et nous recevrons de lui la couronne que nous espérons. Nous ne craignons pas les bêtes, ni ce que tu nous promets ; nous avons Dieu le Père et Jésus Christ son Fils et le saint Esprit par qui nous surmontons tout cela.»
— «Je vous replongerai de nouveau dans une fournaise ardente, et vous obéirez alors.»
Tous ceux qui avaient été choisis lui résistèrent et dirent :
«Voyant le combat de nos frères qui sont prêts au martyre, nous aussi nous y marchons, afin d'adorer un Dieu unique qui montre toute sa puissance par ses serviteurs Bonose et Maximilien.
Secundus dit à cela : «Je ne puis les interroger par la torture. Tu sais, Julien, quand tu vois les vers sortir de ta bouche.»
Il se tourna vers Bonose : «Je t'adjure au nom de Dieu, saint homme de Bonose, pense à moi dans tes prières.»
Le comte Julien dit alors à Jovien et à Herculien : «Changez le symbole que vous avez sur l'étendard et mettez-y l'image des dieux; pourquoi défendez-vous le symbole des chrétiens ?»
— «Nous sommes chrétiens, dirent-ils, depuis le temps de notre père Constantin, lorsqu'il reçut le baptême à Achyron près de Nicomédie, peu avant de mourir. Il nous obligea par serment à tous ses ordres, afin que nous ne tentassions rien contre le trône de ses fils et contre l'Église.»
Là-dessus Julien ordonna de couper la tête à Bonose, à Maximilien et à tous leurs compagnons de prison, qui, joyeux et fiers, marchèrent au supplice. L'évêque Mélèce avec ses frères les co-évêques les accompagnèrent pleins de joie; toute la cité était heureuse de fournir ses martyrs. Enfin Bonose et Maximilien terminèrent leur long témoignage par la mort. Trois jours après, le comte Julien commença de rendre des vers par la bouche sans discontinuer; il dit alors à sa femme : «Va, malheureuse, adresse-toi à l'Église et prie en ma faveur, afin que tu ne deviennes pas veuve; demande aux chrétiens de prier pour moi afin que cette infection intolérable s'éloigne de ma bouche.» Sa femme lui répondit : «Ne te l'ai-je pas dit : Ne poursuis pas les saints de Dieu; et tu ne voulais pas m'écouter ? Tu vois maintenant que tu es dans ces souffrances.» — «Cours donc, malheureuse, hâte-toi d'aller à l'église, si tu ne veux pas devenir veuve.» — «Je suis veuve depuis le jour où tu as commencé à persécuter les chrétiens. Tu meurs rongé par les vers à cause de ce que tu as fait. Je n'oserai pas prier pour toi, de peur que le malheur ne tombe sur moi et que la colère de Dieu ne me foudroie.» Julien se tut et gémit; il dit enfin : «Dieu des chrétiens, aie pitié de moi, parce que ma femme a oublié ta miséricorde et ne m'écoute pas. Dieu des vivants, aide-moi et reçois bientôt mon esprit.» Et il expira, tombant en pourriture, comme sa vie le lui méritait.
Les saints martyrs Bonose et Maximilien reposent en paix, dans la gloire du Père, du Fils et du saint Esprit, pendant les siècles des siècles. Amen.

NOTE SUR QUELQUES SOLDATS CONFESSEURS DE LA FOI

Julien employait volontiers la ruse pour faire abjurer les chrétiens. Un jour qu'il célébrait une fête militaire dans laquelle il était d'usage que l'empereur fît un don d'argent aux soldats, ce prince fit placer auprès du tribunal où il était assis un autel sur lequel un feu était allumé. On prévint les soldats que chacun devait jeter un grain d'encens dans le feu avant de tendre la main recouverte du pan de la chlamyde vers l'empereur; on leur expliqua que c'était un vieil usage romain qu'on ressuscitait. Quelques soldats virent le piège et refusèrent de se soumettre aux ordres donnés; d'autres passèrent outre, quelques-uns se dirent malades; et il y en eut enfin qui ne soupçonnant pas le piège, jetèrent leur grain d'encens et reçurent la haute paie.
À l'heure du repas, ces derniers, dînant avec des chrétiens, firent, selon leur coutume, le signe de la croix; mais ils furent surpris de s'entendre dire par leurs camarades : «Comment pouvez-vous encore invoquer Jésus Christ ? vous n'êtes plus chrétiens.» — «Comment cela ?» dirent-ils. — «En jetant de l'encens sur l'autel, leur répondit-on, vous avez fait acte de paganisme et renié le Christ.» Là-dessus, ces soldats bondissent, courent au forum et crient : «Nous sommes chrétiens ; nous voulons que tout le monde le sache et que Dieu l'entende. Nous n'avons pas renié Jésus Christ et renié notre baptême. Si notre main a failli, la volonté n'y était pour rien. L'empereur nous a trompés.» Ils entrèrent dans le palais, arrivèrent jusqu'à Julien et lui jetèrent l'argent des hautes paies : «Tue-nous pour le Christ notre roi, lui disent-ils, celui qui nous est tout au monde.»
Théodoret dit qu'on coupa la tête à ces soldats. Au moment de mourir, le plus âgé demanda au bourreau de commencer par le plus jeune, afin de lui épargner l'horreur de cette scène. On banda les yeux de ce jeune homme, lorsque survint une commutation de peine. «Hélas ! disait le soldat en se relevant, je n'étais pas digne d'être nommé martyr.» Ces soldats, ajoute Théodoret, furent relégués à l'une des extrémités de l'empire, avec défense d'entrer dans les villes.