LES DEUX CENTS MARTYRS DE CARDENA PRÈS BURGOS

(EN L'ANNÉE 872)
 
fêtés le 6 août

 
(Les actes anciens sont perdus; on n'en a conservé que la substance que voici.)

L'ère 872, le roi Azepha envahit la Castille, dévasta toute la région, et arriva au monastère de Cardefia, où il tua deux cents moines qui y habitaient. - Ces moines furent ensevelis dans le cloître du monastère, et un miracle s'opère tous les ans à l'anniversaire de leur martyre : ce jour-là le pavé du cloître où ils sont enterrés apparaît tout imbibé de sang ?

Puisque la Providence du Dieu tout-puissant veut que les vaillants soldats de Dieu, qui ont acheté l'immortalité au prix de leur sang, et reçu dans les cieux la couronne que méritait le triomphe de leur vertu, soient également merveilleusement honorés en ce siècle, il convient que nous nous efforcions de remettre en mémoire et de rendre à la célébrité ceux de ces saints que la condition infirme de ce monde a peu à peu relégués dans l'obscurité. De ce nombre sont ces martyrs, ces valeureux athlètes du Christ, que le glaive des infidèles a immolés, à l'instar des victimes, dans le monastère de Saint-Pierre de Cardena, de l'ordre de Saint-Benoît, près de Burgos, et dont l'âme, inébranlablement attachée au bien, endura la mort avec patience.
À l'époque où la tyrannie cruelle des Arabes pesait sur les chrétiens d'Espagne, et que leur roi, l'impie Zafa, dévastait la province de Castille, les infidèles s'acharnaient tout particulièrement sur les religieux, serviteurs de Dieu et défenseurs de la foi, parce qu'ils les savaient les adversaires les plus redoutables de leur secte exécrable. Tandis qu'ils se contentaient de persécuter et de vexer les moines vénérables qui dans les divers lieux du royaume d'Espagne vaquaient avec ferveur au service divin, plus heureux que leurs confrères furent les moines de Saint-Pierre de Cardegna près Burgos, qui étaient renommés pour la sainteté de leur vie : car ils furent trouvés dignes par notre Seigneur Jésus Christ, de conquérir tous ensemble, au nombre de 200, la couronne du martyre.
Exercés depuis longtemps, sous la direction de leur abbé Étienne, homme de grande sainteté, au combat spirituel, ayant appris à triompher de la chair, à mépriser le monde, et à faire la guerre aux puissances de l'air, dès qu'ils apprirent que les Arabes, ministres de Satan, accouraient altérés de leur sang, ils ne consentirent point à payer de rançon, afin de se procurer une résurrection bien préférable à la vie d'ici-bas. Puissamment protégés par l'amour de Dieu, bouillants d'une ardeur divine, ils résolurent d'un commun accord d'attendre de pied ferme tous les supplices qu'on voudrait leur infliger. Comprenant parfaitement qu'il n'y a point en cette vie de souffrances qui puissent entrer en ligne de compte avec la gloire qui dans le ciel se manifestera en nous, ils s'exhortèrent mutuellement à subir courageusement le martyre, et s'entraidèrent par de ferventes et continuelles prières.
Affermis donc par la grâce divine, ils se tinrent tous réunis sous le cloître, et attendirent avec courage et patience l'arrivée des bourreaux. Tous furent massacrés par les infidèles et reçurent la couronne du martyre, qu'ils souhaitaient si ardemment, le 8 des ides d'août, la quatrième férie, en l'an du salut 824.
Ils furent ensevelis en ce lieu même, par les fidèles qui pénétrèrent dans le monastère quand les hordes sauvages des Arabes se furent retirées. Dieu qui ne se contente pas de couronner ses soldats dans le ciel, mais encore les glorifie en ce monde, a rendu ce lieu célèbre par un insigne miracle qu'il produisit pour la gloire des martyrs : pendant plusieurs années, au jour anniversaire de leur mort, le pavé du cloître devenait tout rouge, et comme imbibé de sang nouvellement versé.