Chapitre 5

Il faut faire plus de cas de l'impassibilité de l'âme que de la pureté du corps.

Car c'est là tout le soin d'un tel genre de vie, empêcher que la cime de notre âme ne soit abaissée par l'insurrection des voluptés, et que notre intelligence, au lieu de cheminer dans les hauteurs et de regarder vers les choses d'en haut, ne tombe, entraînée dans les passions de la chair et du sang. Comment peut-elle encore élever un regard libre vers la lumière intelligible à laquelle elle est apparentée, si elle s'est laissé clouer en bas à la volupté de la chair, si elle applique son désir aux passions humaines, toutes les fois qu'elle incline vers les biens matériels, par suite d'une prénotion fallacieuse qui a manqué d'éducation ? Car de même que les yeux des porcs, tournés naturellement vers le bas, n'ont aucune expérience des merveilles célestes, ainsi l'âme, entraînée en bas avec le corps, ne pourra plus regarder vers le ciel et les beautés d'en haut, du fait de son penchant pour ce qu'il y a de bas et de bestial dans la nature. Et donc, afin de pouvoir, libre et dégagée le plus possible, lever les yeux vers la Volupté divine et bienheureuse, notre âme ne se tournera vers aucun des biens terrestres et ne prendra point sa part des voluptés dont l'usage est permis dans la vie commune; mais elle détournera des biens corporels sa puissance d'aimer pour la reporter sur la contemplation intellectuelle et immatérielle du beau. Ainsi donc la virginité corporelle a été conçue à notre avantage, pour favoriser une telle disposition d'âme, afin de mettre le plus possibles en elle un oubli et une amnésie des mouvements passionnels de la nature, puisqu'elle n'entraîne aucune nécessité de s'occuper des dettes viles de la chair. Car une bonne fois libérée de telles obligations, il n'y a plus de danger que, sous une accoutumances progressive à des choses qui semblent permises par une loi de nature, elle en vienne à une aversion et à une ignorance de la volupté divine et sans mélange, que seule la pureté du coeur, en nous la faculté maîtresse, est de nature à poursuivre.