Chapitre 2 : La virginité est la perfection propre de la Nature divine et incorporelle.
1. Il nous faut en effet beaucoup d'intelligence pour arriver à connaître l'excellence de cette grâce dont l'idée accompagne celle de père incorruptible, car c'est bien un paradoxe que la virginité soit trouvée chez un père, qui possède un fils et l'a engendré sans passion. Elle est comprise en même temps que le Dieu Fils unique, chorège de l'incorruptibilité, puisqu'elle a resplendi simultanément avec la pureté et l'impassibilité de sa génération : encore le même paradoxe, que la virginité achemine à la pensée d'un fils. Elle est contemplée également dans la pureté essentielle et incorruptible du saint Esprit, car en parlant de pureté et d'incorruptibilité, on désigne sous un autre nom la virginité. Elle est concitoyenne de la nature hypercosmiques tout entière, puisque son impassibilité lui donne rang parmi les puissances supérieures, inséparable d'aucune des réalités divines, sans la moindre attache avec les réalités adverses.
Ainsi, ce qui par nature aussi bien que par choix tend à la vertu tire toute sa parure du pur éclat de l'incorruptibilité, et les êtres relégués dans le rang adverse tiennent de leur déchéance hors de la pureté et leur mode d'être et leur nom Quelle force d'éloquence suffira donc pour égaler une si grande grâce ? Comment ne pas craindre que, par ces louanges trop zélées, on n'insulte à la magnificence de cette dignité en inspirant à ses lecteurs une estime de la pureté inférieure à leur première intuition ? Il convient donc de renoncer aux discours d'une rhétorique élogieuse en parlant de la virginité, puisqu'on ne peut élever le discours aux cimes d'un tel sujet, et il est bon, dans la mesure du possible, de rappeler toujours le souvenir de ce don divin et d'avoir à la bouche cet idéal excellent : encore que la virginité appartienne en propre et par privilège à la nature incorporelle, Dieu, dans son Amour pour l'homme, l'a donnée gracieusement même à ceux qu'Il destinait à recevoir la vie par la chair et le sang, afin que la nature humaine, dégradée par sa condition soumise aux passions, saisisse comme une main tendue, cette participation à la pureté, de nouveau se redresse et laisse ramener ses regards vers le haut. C'est pour cela, je pense, que la source de l'incorruptibilité, notre Seigneur Jésus Christ Lui-même, n'est pas entré dans le monde par un mariage, afin de montrer par le mode de son Incarnation ce grand mystère, que seule la pureté est capable d'accueillir Dieu quand Il se présente pour entrer. On ne peut réussir à la pratiquer avec une parfaite exactitude que si l'on s'est rendu complètement étranger aux passions de la chair. Ainsi ce qui s'est accompli corporellement dans Marie immaculée quand la plénitude de la Divinité a resplendi dans le Christ par la virginité, cela aussi s'accomplit en toute âme qui demeure vierge suivant la raison, non pas que le Seigneur se rende désormais présent corporellement, puisque nous ne connaissons plus le Christ selon la chair, mais il vient habiter spirituellement, et introduit avec lui le Père, comme dit quelque part l'Évangile.
3. Si grande est la puissance de la Virginité, qu'elle demeure les cieux près du Père des esprits, qu'elle danse en choeur avec les puissances hypercosmiques, et qu'elle s'applique au salut de l'homme : car elle amène Dieu par son entremise à partager ici-bas la vie humaine; elle donne des ailes à l'homme pour l'élever en elle-même jusqu'au désir des biens célestes, et, devenue comme un lien qui assure la familiarité de l'homme à Dieu, par sa médiation, elle conduit à un accord deux êtres de natures si distantes.
Quelles paroles pourrions-nous donc trouver qui s'élèvent à la hauteur de cette merveille ? Mais il est tout à fait absurde de paraître semblable à des êtres muets ou insensibles, en prenant l'une de ces deux attitudes, ou de sembler ignorer les beautés de la virginité ou, les eût-on reconnues, de se montrer stupide et indifférent. Nous avons donc pris à coeur d'en traiter brièvement puisque nous devons obéir en tout à l'autorité de celui qui nous l'a ordonné. Mais que personne ne cherche à obtenir de nous des discours emphatiques : le voudrions-nous, que nous ne le pourrions pas, faute d'avoir l'habitude de ce genre de style; et même si nous savions parler avec emphase, nous ne préférerions pas à l'intérêt général l'avantage d'être estimé d'un petit nombre. Je pense en effet qu'un homme, s'il est du moins sensé, doit chercher entre tous les moyens non ceux qui le feront admirer plus que les autres, mais ceux qui lui vaudront d'être utile et à lui-même et aux autres.