La prophétesse Mariam elle aussi nous permet les mêmes conjectures quand, aussitôt après le passage de la mer, elle prend en main, sec et sonore, le tambourin, et marche en tête du choeur des femmes. (cf. Ex 15,20). Peut-être en effet par ce tambourin, l'Écriture, à ce qu'il semble, fait-elle allusion à cette virginité que Mariam fut la première à pratiquer, préfigurant au sens typique, je pense, Marie, la Mère de Dieu. Car de même que le tambourin rend un son retentissant lorsqu'on l'a tenu à l'écart de toute humidité et rendu extrêmement sec, ainsi la virginité devient brillante et fameuse, parce qu'elle n'admet rien en elle de cette humeur qui donne la vie d'ici-bas. Si donc c'est un corps mort le tambourin que Mariam tenait en main, et si la virginité est une mortification du corps, peut-être ne s'écarte-t-on pas beaucoup de la vraisemblance en pensant que la prophétesse était vierge. Mais c'est affaire de conjectures et de suppositions, non de démonstration évidente, si nous soupçonnons qu'il en est ainsi du fait que la prophétesse Mariam conduisait le choeur des vierges, encore que beaucoup de ceux qui ont examiné ce problème aient démontré clairement qu'elle n'était pas mariée, pour ce motif que nulle part dans le récit il n'est fait mention à son sujet de mariage ou d'enfantement. C'est en effet non d'après son frère Aaron, mais d'après son mari, s'il existait, qu'elle serait nommée et connue, car ce n'est pas le frère mais le mari qui est appelé chef de la femme. Pourtant, si, aux yeux de ceux qui recherchaient légitimement la procréation comme part de bénédiction, la grâce de la virginité vient à paraître précieuse, faisons nôtre d'une manière bien supérieure ce zèle, nous qui entendons les paroles divines non pas selon la chair mais spirituellement. Ces paroles divines nous ont révélé en effet pourquoi enfin la gestation et la mise au monde d'un enfant sont choses bonnes et quelle espèce de fécondité était recherchée par les saints de Dieu. Le prophète Isaïe et le divin Apôtre l'ont signalé clairement et de façon manifeste, l'un disant : "De ta crainte, Seigneur, nous avons conçu", (Is 26,17-18) l'autre se glorifiant d'être devenu le plus fécond de tous pour avoir porté des villes et des nations entières, non seulement en mettant au jour par ses propres douleurs et en formant dans le Seigneur Corinthiens et Galates, mais en remplissant aussi l'univers, "depuis Jérusalem et les pays d'alentour jusqu'à l'Illyrie", (Rom 15,19) de ses propres fils "qu'il a engendrés dans le Christ par l'Évangile". (1 Cor 4,15). Ainsi sont dites bienheureuses, dans l'Évangile, les entrailles de la Vierge sainte qui ont servi à l'enfantement sans souillure, parce que ni cet enfantement n'a détruit sa virginité, ni sa virginité ne l'a empêchée de porter en son sein. Là en effet où est engendré un esprit de salut, comme dit Isaïe, sont absolument inutiles les vouloirs de la chair.