L'INTERPRÉTATION SPIRITUELLE DES ÉCRITURES

 

EUCHER, à son fils dans le Christ, salut !

 

J'ai pensé qu'il entrait dans les devoirs de ma paternelle sollicitude envers toi de composer et de t'adresser ces Formules d'intelligence spirituelle. Par leur moyen, il te sera facile d'entrer dans l'intelligence de tous les Livres divins. Il est écrit, en effet, que "la lettre tue, mais que l'Esprit vivifie !". Il est donc nécessaire de pénétrer jusqu'au dedans de ces discours spirituels, grâce à l'Esprit qui vivifie. Toutes ces Écritures, tant de l'Ancien que du Nouveau Testament, doivent être prises au sens allégorique, comme nous en sommes bien avertis, çà et là, dans l'Ancien Testament : par exemple : "J'ouvrirai ma bouche en paraboles, je dirai les mystères anciens !", ou encore dans ce passage du Nouveau Testament : "Tout cela, Jésus le disait aux foules en paraboles et ne leur parlait jamais sans paraboles".

Et il n'est pas étonnant que le langage divin des prophètes et des apôtres s'éloigne de la sorte du mode usuel des autres écrits humains, en ce qu'il présente, au premier abord, un sens facile, mais contient au dedans de grandes profondeurs. Il convenait, en réalité, que les Enseignements sacrés de Dieu fussent distincts de tous les autres écrits, à la fois par la forme et par la valeur. Il ne fallait pas que la dignité des mystères célestes apparût au hasard et indiscrètement aux premiers venus, livrant ainsi "aux chiens ce qui est saint et les perles aux pourceaux". Il valait mieux qu'ils fussent comme la "colombe argentée", dont "le dos éclate de tous les feux d'un or rutilant". C'est ainsi que les saintes Écritures présentent tout d'abord l'éclat de l'argent, mais que leurs profondeurs sont rutilantes à l'égal de l'or ! Par là, avec raison, il a été procuré que cette sorte de chasteté des oracles sacrés fût protégée par un voile pudique contre les regards vulgaires. Ce fut un trait de la Providence divine d'envelopper ces Écrits dans leurs mystères célestes, tout comme la Divinité elle-même est dérobée dans son secret ! C'est pourquoi, quand il est question, dans les Écritures, des Yeux du Seigneur, du Sein du Seigneur, des Pieds et même des Armes du Seigneur, il ne saurait s'agir pour la foi catholique de délimiter Dieu dans l'étroitesse d'un corps. Il est invisible, incompréhensible, immuable, infini ! Il faut donc rechercher comment de telles expressions peuvent être expliquées par le saint Esprit, au moyen d'une interprétation figurée. C'est alors que l'on entre dans l'intérieur du Temple divin et dans le Saint des Saints.

Donc, le corps de l'Écriture sainte, tel qu'il s'offre à nous, c'est le sens littéral. L'âme se trouve dans le sens moral, qu'on appelle tropologique. Quant à l'esprit, il réside en un sens encore plus profond, qui se nomme anagogique. Ce triple sens des Écritures répond admirablement à la proclamation de la Trinité, "qui nous sanctifie en toutes choses, en sorte que tout ce qui est en nous, l'esprit, l'âme et le corps, soit conservé sans reproche jusqu'au jour de l'Avènement de notre Seigneur Dieu Jésus Christ".

La sagesse du monde a divisé la philosophie en trois parties : la physique, l'éthique, la logique. En d'autres termes, on distingue la philosophie naturelle, morale, rationnelle. La première s'attache aux causes de la nature qui contient tout; la philosophie morale considère les moeurs; quant à la rationnelle, s'élevant aux plus hautes vérités, elle établit la Paternité de Dieu sur toutes choses.

Cette distribution tripartite n'est pas tellement éloignée de notre enseignement. Tous ceux qui ont approfondi la doctrine des célestes Écritures estiment qu'il y faut distinguer l'histoire, la tropologie et l'anagogie.

L'histoire nous rapporte la réalité des faits et en fournit les preuves. La tropologie oriente les sens mystiques vers la correction morale de la vie. Enfin, l'anagogie conduit aux mystères les plus sacrés des figures célestes. Il en est aussi qui estiment qu'il faut ajouter, en quatrième lieu, l'allégorie, qui aperçoit, dans le récit des événements historiques, l'ombre de l'avenir.

Mais pour que tout cela se trouve mieux éclairci par des exemples appropriés, je dirai : le ciel, au sens historique, c'est ce que nos yeux voient, - au sens tropologique, c'est la vie céleste; - de même, les eaux, au sens anagogique, ce sont les anges, selon ce mot : "Que toutes les eaux qui sont au-dessus des cieux louent le Seigneur !"

Toute la discipline de notre religion découle de cette double source de science : celle qu'on a nommée pratique et celle qui est nommée théorique, c'est-à-dire active contemplative; l'une, qui fait consister la vie active dans la correction morale, la seconde, qui est toute consacrée à la contemplation des choses célestes et à la méditation des Écritures. Donc, la science actuelle ou active se subdivise en diverses applications, tandis que la contemplative s'oriente en deux directions vers la recherche du sens historique et vers l'interprétation spirituelle.

Mais, laissant tout cela de côté, nous allons proposer les formules d'intelligence spirituelle que nous avons promises, en parcourant les sens figurés des différents mots que l'on trouve dans le texte de la lecture divine.

Prions donc pour que le Seigneur nous révèle les secrets de ses Écritures !