DE LA CONDUITE DES VIERGES
1° Excellence de la Virginité; 2° Danger des richesses; 3° Des ornements; 4° Des assemblées mondaines; 5° Exhortation.
La règle est la gardienne de lÕespérance, le lien de la foi, le guide salutaire de notre pèlerinage, lÕaliment des bonnes moeurs, la maîtresse de la vertu. CÕest elle qui nous unit pour toujours au Christ, qui nous fait vivre en Dieu, qui nous fait jouir des célestes promesses et des divines récompenses. Heureux ceux qui la suivent! malheur à qui sÕen éloigne! Soyez fidèle à la règle, nous dit lÕEsprit-Saint dans les Psaumes, de peur que le Seigneur ne sÕirrite contre vous et que, sous le poids de sa colère, vous ne vous écartiez de la droite voie. (Ps 2). Le Seigneur dit encore au pécheur: Pourquoi faire parade de tes mérites? Pourquoi te glorifier de mon alliance? tu méprises toute règle, tu foules aux pieds mes commandements (Ps 49). Enfin nous lisons : Celui qui repousse la discipline est voué au malheur (Sag 3)
Mon fils, nous dit Salomon, en nous donnant les leçons de la sagesse, ne négligez pas la loi du Seigneur; sÕil vous châtie, ne vous éloignez pas de lui, car Dieu châtie ceux quÕil aime (Pro 3). SÕil en est ainsi, si Dieu châtie pour corriger, ses disciples aussi, surtout ceux qui portent le caractère sacerdotal, aiment leurs frères quand ils les reprennent pour les rendre meilleurs. CÕest ce que Dieu a prédit par la bouche de Jérémie : Je vous donnerai des pasteurs selon mon coeur et ils vous conduiront avec la règle. Ainsi les deux Testaments, lÕAncien comme le Nouveau, nous parlent sans cesse de la règle; le fondement de la religion et de la foi dépend de notre respect pour elle et de notre fidélité à lÕobserver : dÕaprès cela, est-il pour nous un bien plus désirable que de jeter dans ce terrain béni de profondes racines, de construire nos demeures sur ce rocher inébranlable, où, vainqueurs des orages et des tourbillons du siècle, nous arriverons, par lÕaccomplissement des préceptes divins, aux récompenses que Jésus nous a promises ? Ne savons-nous pas dÕailleurs que nos membres sont les temples de Dieu, quÕils ont été purifiés, par lÕeau régénératrice, des souillures de lÕancienne contagion, quÕil nÕest permis ni de les violer ni de les souiller, car, en les souillant, on se souille soi-même ? CÕest nous qui devons décorer ces temples; cÕest nous qui en sommes les pontifes,: servons celui a qui nous appartenons. Vous nÕêtes plus à vous, dit saint Paul dans les épîtres où, à lÕaide des conseils divins, il nous forme à la vie chrétienne, vous nÕêtes plus à vous, car vous avez été achetés bien cher; glorifiez et portez Dieu dans votre coeur (1 Cor 6). Oui, glorifions Dieu , portons-le dans un corps pur, sans tache, voué à une vie meilleures. Puisque nous avons été rachetés par le sang du Christ, notre maître, obéissons en tout à sa volonté, faisons en sorte que rien dÕimmonde et de profane ne pénètre dans son sanctuaire, de peur que, justement offensé, il nÕabandonne sa demeure. Ecoutez les paroles de ce Dieu qui nous guérit en nous instruisant : Vous voilà rendu à la santé, ne péchez plus, de peur quÕil ne vous arrive quelque chose de pire (Jn 5). Après la guérison, il donne la règle de la vie, la loi de lÕinnocence. Il ne veut pas quÕon marche sans frein; mais, après avoir soumis lÕhomme à cette régie salutaire, il le menace de maux plus graves sÕil lÕabandonne; car, si cÕest une faute légère de pécher avant de connaître la loi divine, cÕest une faute impardonnable de connaître Dieu et de lÕoffenser. Ces préceptes regardent tous les sexes, tous les âges, aussi bien les hommes que les femmes, les jeunes gens que les jeunes filles. Que chacun, fort de sa religion et de sa confiance en Dieu, veille avec crainte sur ce dépôt de grâce et de sainteté quÕil tient de la bonté du Seigneur, car il est écrit : Celui qui persévèrera jusquÕà la fin sera sauvé (Mt 10).
1° Maintenant, cÕest aux vierges que je mÕadresse: plus leur dignité est élevée, plus nous devons en prendre soin. Elles sont la fleur de lÕarbre de lÕÉglise, lÕhonneur et lÕornement de la grâce spirituelle; elles sont notre joie, le chef-dÕoeuvre incorruptible du Ciel, lÕimage de Dieu dont elles reproduisent ici-bas la pureté, la portion la plus illustre du troupeau de Jésus-Christ. LÕÉglise, se réjouit au milieu de cette glorieuse famille; elle bénit sa fécondité, et plus le nombré des vierges sÕaugmente, plus aussi sÕaccroît la joie de sa mère. CÕest à elles que jÕadresse mes exhortions. En agissant ainsi, je cède plus à mon affection quÕau devoir de ma charge. Moi, le plus petit, le dernier dÕentre les prêtres de Jésus-Christ; moi pénétré du sentiment de ma bassesse, je ne viens pas me donner le vain plaisir de censurer le vice, mais je viens vous mettre en garde contre les sollicitations et les attaques du démon.
Ce nÕest pas une précaution inutile, une crainte vaine que celle qui nous montre la voie du salut et nous rend fidèles aux préceptes du Seigneur. Nous savons que celles qui renoncent à la concupiscence de la chair, pour se consacrer à Dieu de corps et dÕesprit, accomplissent une oeuvre digne dÕune grande récompense. Elles ne doivent plus se parer que pour plaire à Celui qui couronne leur virginité. Il a dit lui-me : Tous ne comprennent pas cette parole, mais ceux à qui il a été donné de la comprendre. Il est des eunuques de naissance; dÕautres le sont par la violence des hommes; mais il en est qui se privent de tous les plaisirs charnels en vue du royaume céleste (Mt 19). LÕange de lÕApocalypse élève aussi la voix pour exalter la continence et la virginité : Ceux-là ne se sont jamais souillés avec les femmes; ils sont demeurés vierges; ils suivent lÕAgneau partout où il va (Apo 14). Quand Dieu promet aux hommes la récompense de la pureté, les femmes ne sont pas exclues; mais comme la femme est une portion de lÕhomme, quÕelle a été formée avec la chair de lÕhomme, Dieu, dans lÕÉcriture, sÕadresse presque toujours à lÕhomme, car ils sont deux dans une seule chair, et la femme est comprise dans lÕhomme. Si donc Jésus Christ a pour cortège les âmes pures, si le royaume de Dieu est destiné aux vierges, quÕont-elles à faire des parures et des ornements dÕici-bas ? En cherchant à plaire aux -hommes, elles offensent Dieu; elles oublient cette parole des Psaumes: Ceux qui plaisent aux hommes ont été confondus; Dieu les a méprisés (Ps 41). Paul aussi a dit dans son langage sublime : Si je cherchais à plaire aux hommes, je ne serais plus le serviteur de Dieu (Gal 1).
2° Mais la pudeur ne consiste pas seulement dans lÕintégrité de la chair; elle exige encore la modestie de la parure et des vêtements, selon cette parole de lÕapôtre: Que la femme non mariée soit sainte de corps et dÕesprit (I Cor 7). Le célibataire pense aux choses de Pieu, aux moyens de plaire à Dieu, lÕhomme marié pense aux choses du monde, aux moyens de plaire à son épouse: De même la vierge et la femme, libres des liens du mariage, sÕoccupent des biens célestes, afin dÕêtre saintes et de corps et dÕesprit.
Ce nÕest pas assez pour une femme dÕêtre vierge, elle doit encore le paraître, de sorte quÕen la voyant personne ne doute de sa virginité. Que sa pudeur sÕétende à tout ce qui lÕentoure, et que sa parure ne nuise pas à lÕhonneur dont elle est revêtue. Pourquoi paraîtrait-elle chargée dÕornements, comme si elle avait un mari on si elle en cherchait un? Si elle est vierge, quÕelle craigne plutôt de plaire; quÕelle ne sÕexpose pas au danger, celle qui aspire à une vie surnaturelle et divine. Que celles qui nÕont pas de mari, à qui elles doivent chercher à plaire, persévèrent dans la pureté du corps et de lÕesprit; car il nÕest pas permis à une vierge de se parer pour faire ressortir sa beauté; il ne lui est pas permis de tirer vanité de ses attraits corporels: bien loin de là, elle doit surtout lutter contre sa chair, et sa principale étude doit être de vaincre son corps et de le réduire en servitude. Loin de moi, sÕécrie saint Paul, de me glorifier dÕautre chose que de la croix de Jésus Christ, par qui 1e monde a été crucifié pour moi et moi pour le monde (Gal 6); et une vierge, dans lÕÉglise de Dieu, se glorifierait de lÕéclat de sa chair et de la beauté de son corps! Saint Paul ajoute: Ceux qui sont à Jésus-Christ sont crucifié leur chair avec leurs vices et leurs convoitises; et celle qui fait profession dÕavoir renoncé à la concupiscence et au vice persévérerait dans cette vie criminelle! Ton hypocrisie sera découverte, ô jeune fille; cÕest en vain que tu te couvres dÕun masque, je vois sur toi tes souillures de la concupiscence, alors que je ne devrais y trouver que lÕéclat et la blancheur de la pureté.
Crie, dit le Seigneur à Isaïe, toute chair est de lÕherbe; son éclat est comme la fleur de lÕherbe. LÕherbe se flétrit, la fleur tombe; mais la parole du Seigneur subsiste à jamais (Is 11). Il est indigne dÕun chrétien, à plus forte raison dÕune vierge, de compter pour quelque chose la beauté du corps; la parole de Dieu, les biens éternels, voilà les objets dignes de son ambition. Si elle se glorifie dans son corps, que ce soit quand il est tourmenté pour la foi; quand elle, faible femme, est plus forte que les bourreaux qui la torturent; quand elle supporte le feu, la croix, le fer ou la dent des bêtes pour mériter la couronne. Voilà les joyaux précieux de la chair ; voilà les plus beaux ornements du corps.
Mais il est des femmes riches qui font parade de leur fortune et disent quÕelles doivent en user. Sachez dÕabord que la femme riche est celle qui lÕest en Dieu; que la femme opulente est celle qui lÕest dans le Christ; ce sont là les biens spirituels, divins, célestes, qui nous conduisent à Dieu et demeurent éternellement en notre possession auprès de Dieu. Quant aux biens de la terre, .ces biens que nous possédons dans cette vie et qui doivent demeurer ici-bas, nous devons les mépriser, comme nous méprisons le monde dont nous avons foulé aux pieds les pompes et les délices pour nous attacher à Dieu. Saint Jean nous exhorte de sa, voix céleste : NÕaimez ni le monde, ni ce qui est dans le monde : si quelquÕun aime le monde, la charité du Père, nÕest plus en lui, car tout ce qui est dans le monde est concupiscence de la chair, concupiscence des yeux, ambition du siècle, choses qui ne viennent pas du Père, mais de la corruption dÕici-bas. (Jn 2). Le monde passera avec sa concupiscence ; mais celui qui accomplira la volonté de Dieu vivra éternellement, comme Dieu lui-même. Mettons-nous donc à la poursuite des biens éternels et divins; accomplissons en tout la volonté divine, afin de marcher sur les traces de notre maître et de suivre ses maximes. Je suis descendu du Ciel, dit-il, non pour faire ma volonté, mais la volonté de celui qui mÕa envoyé. Si lÕesclave nÕest pas au-dessus de son maître, si lÕhomme délivré de ses liens doit obéissance à son libérateur, nous qui avons voulu être chrétiens, nous devons imiter les actions du Christ. il est écrit et on le lit dans nos églises pour nous servir de leçon : Celui qui se dit disciple du Christ doit marcher comme le Christ a marché lui-même. Il faut donc suivre les traces du maître et sÕefforcer dÕavancer avec lui. Alors nos oeuvres sont en rapport avec le nom qui nous distingue, et nos croyances, inspirant notre conduite, méritent la récompense.
Vous vous dites riche, dans lÕopulence; mais Paul est là pour vous répondre et pour vous dire de renfermer dans de justes limites votre luxe et vos ornements. Que les femmes, dit-il, se vêtent avec modestie et pudeur. QuÕelles ne portent ni cheveux tressés, ni or, ni perles, ni vêlements précieux; mais, comme il convient à leur sexe, que la chasteté respire dans toute leur conduite (I Tim 2). Pierre parle à peu près de même : Que la femme ne porte aucun ornement extérieur, ni or, ni vêtements recherchés; sa richesse est dans son coeur (I Pie 3). Si ces apôtres veulent quÕon réprime et quÕon réduise à lÕobservation des règles ecclésiastiques des femmes qui excusent leur toilette par les exigences de leurs maris à plus forte raison une vierge doit-elle sÕy soumettre, elle qui ne peut rejeter sa faute sur personne et qui doit en accepter toute seule la responsabilité.
Vous vous, dites riche, dans lÕabondance; mais doit-on faire tout ce quÕon peut? doit-on donner cours à des désirs insensés, nés de lÕambition du siècle? doit-on les laisser franchir les bornes de lÕhonnêteté et de la pudeur virginale, alors quÕil est écrit : Tout est permis, mais tout nÕest pas avantageux; tout est permis, mais tout nÕédifie pas (1 Cor 6) ? DÕailleurs, si vous vous parez avec luxe, si vous paraissez en public avec des ornements remarquables, vous attirerez sur vous les yeux des jeunes gens, vous exciterez leurs désirs, vous entretiendrez leurs passions; si vous ne périssez pas vous-mêmes, vous perdrez les autres; vous serez pour eux comme un poison et un glaive. Pourrez-vous alors donner pour excuse la pureté, la chasteté de votre intention? Non, cette parure coupable, ces ornements impudiques crient contre vous. Vous ne pouvez plus être comptée parmi les vierges du Christ, vous qui vivez de manière à exciter un coupable amour.
Vous vous vantez de votre richesse et de votre opulence; vous croyez devoir user des biens que Dieu a mis en votre possession. Soit, usez-en, mais pour des choses utiles; usez-en, mais pour de bonnes oeuvres; usez-en, mais pour ce que Dieu prescrit, pour ce que Dieu recommande. Que les pauvres se ressentent de vos richesses, que les indigents partagent votre fortune. Déposez votre patrimoine entre les mains de Dieu; nourrissez le Christ; obtenez par les prières des pauvres de porter bien haut la gloire de la virginité et de mériter la céleste récompense. Placez vos trésors dans ce lieu où on nÕa pas à craindre ni les ruses ni les violences des voleurs. Ayez des possessions, mais dans le Ciel : là vos récoltes dureront toujours; elles seront à lÕabri des atteintes des fléaux du siècle; elles échapperont à lÕaction de la rouille, aux ravages de la grêle, aux ardeurs du soleil, â la corruption des pluies.
Vous péchez contre Dieu, si vous croyez quÕil vous a donné la richesse pour en abuser. Dieu nous a donné la voix: est-ce une raison pour chanter des airs obscènes? Il nous a donné le fer pour cultiver la terre : est-ce une raison pour en faire un instrument meurtrier? Il a créé lÕencens, le vin, le feu : doit-on sÕen servir pour sacrifier aux idoles ? parce que les troupeaux abondent dans vos champs, devez-vous offrir des victimes aux faux dieux ? Certes, cÕest une grande tentation quÕun grand patrimoine. Que lÕhomme, guidé par la prudence chrétienne, en fasse un bon usage, afin que, plus riche que ses possessions, il rachète ses fautes au lieu de les aggraver.
4° Les ornements affectés, le luxe des vêtements, le soin des formes du corps ne conviennent quÕà des courtisanes; les femmes qui se parent le plus sont celles qui ont perdu toute pudeur, Ainsi, dans les Ecritures où Dieu vous a laissé ses enseignements, nous trouvons la description de la cité prostituée. Elle est parée avec magnificence, elle brille sous ses ornements, mais elle doit périr avec eux, ou plutôt à cause dÕeux. Et, dit le texte sacré, un des sept anges qui portaient les sept fioles sÕapprocha de moi en disant : viens, je te montrerai la condamnation de la grande courtisane assise sur des eaux nombreuses qui a fait partager sa corruption aux rois de la terre. Et il me conduisit en esprit, et je vis une femme assise sur la bête, et cette femme était couverte dÕun manteau de pourpre; elle étincelait dÕor, de diamants et de perles; elle tenait dans sa main une coupe dÕor pleine des blasphèmes, des impuretés et des fornications de toute la terre (Apo 17). Que les vierges chastes et pures fuient ces ornements, ces habits, ces parures qui ne peuvent convenir quÕà des femmes perdues. Les filles de Sion aussi portaient des parures dÕor et dÕargent, elles se revêtaient dÕhabits somptueux, vivaient dans un luxe coupable et sÕéloignaient de Dieu, pour se plonger dans les délices du .siècle ; aussi lÕEsprit-Saint les reprend par la bouche dÕIsaïe. Les filles de Sion, dit-il, marchent la tête haute; elles font signe avec leurs yeux, elles traînent de longues robes et se balancent sur leurs pieds. Mais le Seigneur humiliera les orgueilleuses filles de Sion; il les dépouillera de leurs vêtements somptueux, il enlèvera tous leurs ornements, et leur chevelure bouclée, et leurs bandeaux, et leurs agrafes, et leurs bracelets, et leurs colliers, et leurs camées, et leurs chaînes, et leurs anneaux, et leurs pendants dÕoreilles, et leurs voiles de soie mêlés dÕor et dÕhyacinthe. Au lieu de parfums elles respireront la poussière, au lieu de ceinture elles auront une corde, au lieu de lÕor dont elles chargeaient leur front, une tête dépouillée de cheveux ( Is 3). Tels sont les désordres que Dieu condamne; voilà dÕaprès lui, ce qui a corrompu les filles de Sion et leur a fait abandonner le culte du Dieu véritable. Elles se sont élevées pour tomber; leurs parures ont attiré sur elles des outrages de tout genre; revêtues de soie et de pourpre, elles nÕont pu revêtir le Christ; parées dÕor, de perles et de colliers, elles ont perdu les vrais ornements du coeur et de lÕâme. Qui ne fuirait avec dégoût ce qui a causé la mort des autres ? Qui rechercherait ce qui a été pour son frère un trait meurtrier? Si quelquÕun, après avoir épuisé une coupe, Venait à mourir, vous comprendriez que ce breuvage était empoisonné. Si quelquÕun mourait après avoir mangé dÕun certain aliment, vous diriez : cette nourriture est mortelle et vous vous garderiez bien de manger ou de boire ce qui peut donner la mort. Mais quel aveuglement, quelle folie de vouloir ce qui a été et sera toujours si funeste, de penser que ce qui fut mortel pour les autres sera pour vous sans danger !
Dieu nÕa pas donné aux toisons des brebis la couleur du vermillon ou de la pourpre. Dieu nÕa pas enseigné lÕart de teindre et de colorer la laine avec des sucs dÕherbes et des coquillages. Dieu nÕa pas inventé ces étranges édifices de diamante et de perles enchâssés dans lÕor, qui cachent une tête dont il est lÕauteur. Chose étrange, lÕoeuvre divine disparaît et, au-dessus, lÕinvention du diable sÕétale avec audace. Dieu a-t-il voulu quÕon perçât les oreilles de ces pauvres enfants, qui ne soupçonnent rien encore de la malice du siècle, pour y suspendre je ne sais quelles graines qui les fatiguent de leur poids? Ce sont là les inventions des anges apostats, lorsque, précipités sur la terre, ils perdirent leur céleste vigueur. Ce sont eux qui ont enseigné lÕart funeste et corrupteur dÕétendre sur les paupières une couleur noire, de donner aux joues un éclat menteur, de changer la couleur des cheveux, dÕenlever au visage et â la tête tout ce quÕils ont de naturel et de vrai. Et ici, avec cette autorité que me donne mon caractère, avec cette charité que je trouve dans mon coeur, je mÕadresse non seulement aux vierges, mais aux veuves et aux femmes mariées, et je leur dis quÕelles ne doivent jamais altérer lÕoeuvre divine avec ces fards, ces couleurs empruntées, ces compositions en un mot qui nÕont dÕautre effet que de corrompre la nature. Dieu a dit : Faisons lÕhomme à notre image et à noIre ressemblance, et on osera changer et dénaturer lÕouvrage de Dieu! CÕest un attentat contre Dieu que de réformer et de transfigurer son oeuvre. Sachons-le bien, ce qui naît vient de Dieu; les changements sont lÕoeuvre du démon. Un peintre représente avec des couleurs qui rivalisent avec la nature le visage, les traits, lÕextérieur dÕun homme; son oeuvre est terminée. Un autre peintre, se croyant plus habile, vient jeter de nouvelles couleurs sur le tableau pour le corriger : quelle injure pour le premier artiste ! Quel sujet dÕune juste indignation! Et vous croyez que votre audace téméraire restera impunie et que lÕartiste suprême ne vengera pas son offense?
Malgré le fard impur qui vous couvre, vous ne vous êtes pas écartée, avec les hommes, des lois de la pudeur: cÕest possible.
Mais vous avez flétri, profané les dons de Dieu, par suite vous êtes pire quÕune adultère. En croyant parer et embellir votre corps, vous vous rendez coupable dÕun attentat contre lÕoeuvre divine, dÕune prévarication contre la vérité. Jetez dehors le vieux levain, nous dit lÕapôtre, afin que vous soyez une nouvelle pâte, comme vous êtes des azymes; car le Christ, notre pâque, a été immolé. Célébrons donc nos fêtes, non avec le vieux levain, le levain de la malice et de lÕiniquité, mais avec les azymes de la sincérité et de la vérité (1 Cor 5). Or, est-ce être fidèle à la sincérité et à la vérité que de souiller la nature par des couleurs empruntées et de se servir du fard pour faire de la vérité un mensonge?
Le Seigneur a dit : Vous ne pouvez faire un seul cheveu noir ou blanc (Mt 5) et vous voulez être plus fort que la parole divine! Avec une audace et un mépris sacrilège, vous souillez vos cheveux. Fatal présage ! vous leur donnez un reflet de lÕenfer, et vous profanez votre tète, la partie la plus noble de votre corps. Nous lisons dans lÕApocalypse : La tête elles cheveux du fils de lÕhomme étaient blancs comme la laine ou la neige (Apo 2); et vous, vous détestez les cheveux blancs, vous repoussez la couleur qui est celle de la tête du Seigneur.
Ne craignez-vous pas, je vous le demande, vous qui agissez ainsi, quÕau jour de la résurrection, votre créateur ne vous reconnaisse pas et que, lorsque vous vous avancerez pour recevoir la couronne promise, il ne vous exclue et ne vous repousse ? Ne craignez-vous pas, quÕavec la rigueur dÕun censeur et dÕun juge, il ne vous dise : Ce nÕest pas là mon ouvrage; cette image nÕest pas la mienne, tu as souillé ton corps par des couleurs menteuses, tu as donné à tes cheveux une teinte adultère, le mensonge a défiguré ton visage, il en a corrompu les traits; cette face nÕest pas la tienne. Tu ne pourras pas voir Dieu, car tes yeux ne sont pas son oeuvre, mais celle du démon. Tu as voulu marcher sur ses traces, en donnant à tes yeux lÕéclat et la bigarrure de ceux du serpent; tu as pris les couleurs de lÕennemi, va donc brûler avec lui. Je vous le demande, les serviteurs de Dieu ne doivent-ils pas se préoccuper de ces dangers? ne doivent-ils pas les craindre jour et nuit ?
Que les femmes mariées nÕinvoquent pas trop le vain prétexte de plaire à leurs époux: en les donnant pour excuse, elles nÕen feraient tout au plus que les complices dÕune coupable faiblesse. Quant aux vierges (et cÕest à elles que sÕadresse cet écrit), si elles usent de ces ornements funestes, je crois quÕil ne faut plus les compter parmi les vierges. Semblables à des brebis atteintes de la contagion, on doit les éloigner du saint troupeau ,afin que leur contact ne souille pas les autres et que, perdues elles-mêmes, elles ne les entraînent pas dans leur ruine. En un mot, puisque nous cherchons les avantages de la continence, évitons tout ce qui peut porter dans nos âmes le ravage et la mort.
5° Je ne dois pas omettre des usages que le relâchement a introduits parmi nous et qui sont devenus le fléau des moeurs pures et chastes. Il en est qui ne rougissent pas dÕassister aux noces et de mêler des paroles déplacées à ces entretiens où la licence sÕintroduit en toute liberté. Elles disent, elles entendent des choses inconvenantes; elles observent; elles participent à des conversations honteuses, à des festins où, la chaleur du vin enflammant les passions, rend la femme capable de tout souffrir et lÕhomme capable de tout oser. Que va-t-elle faire aux noces celle qui nÕa pas la pensée de se marier ? Quel plaisir, quelle joie peut-elle y trouver celle dont les goûts sont si différents ? QuÕy voit-on ? quÕy apprend-on? Oh ! quÕune vierge manque à sa vocation en gaspillant de la sorte le trésor de pureté quÕelle portait dans son âme ! Sans doute elle peut être encore vierge de corps et dÕesprit;mais ses yeux, ses oreilles, sa langue ont perdu leur virginité.
Que dire, de celles qui fréquentent les bains publics ? qui exposent aux regards des curieux des corps voués à la pudeur ? en se mêlant ainsi aux hommes, ne fournissent-elles pas au vice un coupable aliment? nÕallument-elles pas des désirs impurs à qui elles ont lÕair de sÕoffrir en pâture ?
Que chacun, direz-vous, examine son intention; pour moi je ne veux quÕune chose, refaire mon corps et le purifier : Cette excuse ne vous justifie pas. Loin de laver, un bain semblable salit; il ne purifie pas le corps, il le souille. Vous ne jetez sur personne des regards impudiques; mais on en jette sur vous. Vous ne donnez pas à vos yeux le plaisir de la volupté; mais ce plaisir vous lÕoffrez à dÕautres et vous partagez leurs souillures. Le bain devient une sorte de théâtre; le vice sÕy montre même avec plus dÕimpudeur. Là on laisse à la porte toute retenue; avec ses habits, on dépose toute décence; une jeune fille ne sÕy montre que pour y perdre sa virginité. Considérez ensuite si, revêtue de vos habits et rendue à la vie ordinaire, vous conservez au milieu des hommes la même modestie, vous qui avez reçu de si funestes leçons. Ne vous étonnez donc pas si lÕEglise pleure souvent sur les vierges, si elle gémit sur leurs détestables erreurs. Ainsi se déflore la plus belle des vertus ainsi la continence chrétienne perd sa gloire, sa dignité, son honneur.
Je viens de vous parler des pièges que lÕennemi dresse sur votre route, des artifices par lesquels il cherche â vous séduire. Oui, en prenant trop de soin de leur toilette, en donnant à leurs démarches trop de liberté, les vierges perdent le plus beau de leurs privilèges; elles tombent dans le déshonneur, veuves avant dÕêtre mariées, infidèles, noir à un époux terrestre, mais au Christ. Aussi elles seront punies de leur prévarication et dÕautant plus sévèrement que la couronne qui leur était promise était plus belle.
6° Écoutez-moi donc, ô vierges, écoutez-moi comme un père qui vous donne ses enseignements et ses avis, comme un ami fidèle qui ne veut que vos intérêts.
Soyez telles que Dieu vous a faites : conservez les traits que le Créateur vous a donnés; un visage sans fard, un cou sans ornement, un corps simplement vêtu. NÕensanglantez pas vos oreilles, ne chargez pas vos bras et votre cou de bracelets et de colliers précieux; ne mettez pas vos pieds dans des entraves dÕor, ne souillez vos cheveux dÕaucune couleur étrangère; que vos yeux soient toujours dignes de voir Dieu. Baignez-vous chastement avec des personnes de votre sexe. Évitez les noces, évitez ces festins où la débauche répand sa contagion. Sachez résister à lÕattrait dÕun vêtement, vous qui êtes vierge et servante de Dieu; sachez résister à lÕéclat de lÕor, vous qui avez vaincu et votre chair et le monde: Quand on a triomphé des grandes difficultés, on doit compter pour rien les petits obstacles. Elle est étroite et pénible la route qui mène à la vie; il est dur et abrupte le sentier qui conduit à la gloire (Mt 7). CÕest par ce chemin que montent les martyrs, les vierges, les justes de tout genre. Fuyez les chemins larges et spacieux : là se trouvent des charmes et des plaisirs qui donnent la mort; là le démon flatte pour tromper; il sourit pour nuire; il séduit pour tuer. Le martyr reçoit la plus belle couronne, la seconde vous est réservée. De même que le martyr oublie la chair et le siècle, quÕil se prive de toutes les délicatesses et de tous les plaisirs, de même, vous qui posséderez dans la gloire la seconde récompense, vous devez être, dès ici-bas, les émules des martyrs. Il nÕest pas facile dÕatteindre les hauteurs. Que de sueur, que de travail pour arriver au sommet dÕune montagne ! QuÕest-ce donc que monter au ciel ? Mais rappelez-vous la récompense et votre travail vous paraîtra bien peu de chose. Le Seigneur promet à celui qui persévère lÕimmortalité, la vie éternelle, son propre royaume.
Persévérez ô vierges, persévérez dans votre vocation, ménagez vos intérêts les plus chers; votre chasteté vous donne droit à une grande récompense et à de grands privilèges.
VouIez-vous savoir les maux que vous fait éviter la continence, et. les biens quÕelle vous procure? Écoutez, cÕest le Seigneur qui parle à la première femme : Je multiplierai tes tristesse et tes gémissements; tu enfanteras tes fils dans la douleur, tu suivras partout ton époux et cÕest lui qui sera ton maître (Gen 3). Vous êtes à lÕabri de cette sentence; vous nÕavez à craindre ni la tristesse ni les gémissements des femmes, ni les douleurs de lÕenfantement; vous nÕavez pas à subir lÕautorité dÕun mari votre maître et votre chef cÕest le Christ; il remplit auprès de vous lÕoffice dÕépoux; votre vie est étroitement unie à la siennes Le Seigneur a dit : Les enfants de ce siècle engendrent et sont engendrés; ceux qui auront part à la résurrection glorieuse et à lÕhéritage céleste ne contracteront plus de mariages; ils nÕauront plus à subir les rigueurs de la mort; car, devenus enfants de la résurrection, ils seront semblables aux anges de Dieu (Lc 20). Ce que nous serons uni jour, vous lÕêtes déjà; vous jouissez, dès cette vie, de la gloire de la résurrection; vous traversez le siècle sans en partager la corruption. En persévérant dans la chasteté, ô vierges, vous ressemblez aux anges de Dieu. Conservez donc précieusement votre trésor et marchez toujours dans la voie où vous êtes généreusement entrées.
Donc, encore une fois, que la vierge ne fasse pas consister sa parure dans les colliers et dans les vêtements, mais dans lÕinnocence des moeurs. QuÕelle marche le regard fixé vers le Ciel et Dieu, et quÕelle nÕabaisse pas sur les jouissances de la chair ou les biens terrestres des yeux qui ne doivent chercher que les splendeurs éternelles. Le premier ordre de Dieu a prescrit lÕaccroissement et la génération; le second a conseillé la continence. Quand la terre était encore nouvelle et sans habitants, le genre humain dut se propager et se multiplier par la génération ; maintenant que lÕunivers est peuplé, ceux qui en sont capables doivent vivre dans la continence et se priver des plaisirs de la chair en vue du royaume céleste. Ce nÕest pas un ordre du Seigneur, mais un conseil; il nÕen fait pas une obligation, mais il laisse à chacun lÕusage de sa liberté. De plus, comme dans le royaume de son Père il y a plusieurs demeures, il nous indique les plus glorieuses. CÕest vers ce but que vous dirigez vos pas; en réprimant les désirs charnels, vous vous assurez la meilleure place dans le Ciel. Il est vrai que tous ceux qui se présentent à la fontaine baptismale y dépouillent le vieil homme par la grâce du bain salutaire. Introduits par lÕEsprit saint dans une vie nouvelle, ils se purifient, par une seconde naissance, de leurs anciennes souillures. Mais les effets de la régénération se manifestent plus complètement en vous, puisque les désirs charnels sÕéteignent dans vos coeurs; vous ne conservez plus que ces saintes aspirations qui vous élèvent à la vertu et à la gloire. Écoutez lÕapôtre que le Seigneur a appelé son vase dÕélection, Paul, chargé de nous révéler les décrets dÕen haut : Le premier homme, dit-il, est né du limon de la terre; le second vient du ciel. Ceux qui naissent de la terre ressemblent au premier, ceux qui viennent du ciel au second. De même que nous avons porté tÕimage de lÕhomme terrestre, portons celle de lÕhomme céleste (I Cor 15). Il est donné à la virginité, à lÕinnocence, à la sainteté, à la vérité de reproduire cette image. Elles la reproduisent, ces âmes dÕélite qui se rappellent la règle du Seigneur, qui marchent scrupuleusement dans les voies de la justice, fermes dans leur foi, humbles dans leur crainte, prêtes à tout supporter, souffrant les injures sans se plaindre, faciles à pardonner, maintenant, au sein de la société chrétienne, les liens de la concorde et de la, paix fraternelle.
Tels sont les devoirs que vous devez comprendre, aimer, accomplir, ô pieuses vierges, vous qui, consacrées à Dieu et au Christ, avez choisi la meilleure part et marchez à notre tête dans les voies du Seigneur. Vous qui êtes plus avancées en âge, instruisez les plus jeunes; vous plus jeunes, prêtez votre ministère à vos aînées; rivalisez dÕardeur avec celles de votre âge ; encouragez-vous mutuellement et cherchez à devancer vos compagnes dans lÕarène de la perfection. Travaillez avec courage; avancez soutenues par la grâce; arrivez heureusement au port. La seule chose que je vous demande cÕest de vous souvenir de moi quand vous recevrez la récompense de votre virginité.