HOMÉLIE 88
APRÈS DONC QU'ILS EURENT DÎNÉ, JÉSUS DIT À SIMON PIERRE : SIMON, FILS DE JEAN, N'AIMEZ-VOUS PLUS QUE NE FONT CEUX-CI ? IL LUI RÉPONDIT : OUI, SEIGNEUR, TOUS SAVEZ QUE JE VOUS AIME. (VERS. 15 JUSQU'À LA FIN)
ANALYSE.
1. Pierre, la langue et le chef des apôtres. Pierre plus modeste et plus circonspect après sa chute. Pierre, docteur de tout le monde.
2. Combien saint Jean était éloigné du faste.
3. Fruit qu'on retire de l'étude et de la méditation de la parole de Dieu. Les sollicitudes de ce siècle, les biens de ce monde sont des épines qui piquent de tous côtés. Les biens spirituels réjouissent la vue. Avant les récompenses éternelles, on reçoit dès ici-bas le fruit de ses bonnes Ïuvres; il en est de même des mauvaises Ïuvres : outre l'enfer, elles causent en cette vie un bourrellement de conscience. Suite et effets du péché : il est affreux, il est un fardeau plus pesant que le plomb. Pénitence dÕAchab : l'imiter, pour obtenir le pardon de ses péchés. L'avarice détruit le bien que l'aumône a produit : si l'un fait tomber, l'autre relève : on sortira de ce combat corrompu et brisé. Se décharger de tout ce qui embarrasse. Fruit des bonnes Ïuvres.
1. Il y a bien des moyens propres à nous mettre en crédit auprès de Dieu, et à nous rendre illustres et agréables à ses yeux. Mais cÕest la sollicitude à l'égard du prochain qui l'emporte sur tout, et qui nous attire le plus sûrement la bienveillance et la protection du Seigneur; c'est là aussi ce que le Christ exige de Pierre, car, après le dîner, «Jésus dit à Simon Pierre : Simon, fils de Jean, m'aimez-vous plus que ne font ceux-ci? Il lui répondit : Oui, Seigneur, vous savez que je vous aime. Jésus lui dit : Paissez mes agneaux». Et pourquoi Jésus Christ, laissant là les autres apôtres, parle-t-il à Pierre seul de ce soin et de cet amour ? Entre les apôtres, Pierre était le plus grand et le plus éminent; il était la langue et le chef du collège : c'est pour cela que Paul le fut voir préférablement aux autres. En même temps, Jésus Christ voulait rassurer Pierre, et lui montrer que la souillure de son renoncement était effacée : c'est pourquoi il lui confie le gouvernement de ses frères, et il ne lui rappelle, il ne lui reproche point son renoncement, mais il lui dit : Si vous m'aimez, recevez le gouvernement de vos frères : montrez maintenant l'ardent amour que vous avez toujours fait paraître, et dont vous vous glorifiiez; la vie que vous vouliez donner pour moi, donnez-la pour mes brebis.
Le Seigneur ayant donc interrogé Pierre par deux fois, Pierre prit pour témoin celui-là même qui connaît ce qu'il y a de plus caché dans le cÏur; mais, comme il s'entend interroger encore une troisième fois, il en est troublé, le souvenir de ce qui s'était passé auparavant, l'ayant rendu plus timide et plus circonspect : car alors il avait répondu d'un ton ferme et assuré, ce qui ne l'avait pas préservé de la chute : il s'en rapporte à Jésus Christ même, en lui disant : «Vous savez toutes choses (17)» , c'est-à-dire, le présent et l'avenir. Remarquez-vous, mes frères, combien Pierre est changé, combien il est plus circonspect et plus modeste ? Il n'a plus cette arrogance qu'il avait auparavant, vous ne l'entendez plus contredire : ces interrogations réitérées le troublent. Est-ce que par hasard, dit-il en lui-même, je croirais aimer sans aimer réellement ? En serait -il de même qu'auparavant ? j'avais une bonne opinion de moi, j'ai répondu avec beaucoup d'assurance et de fermeté, et ensuite j'ai succombé. Le Seigneur interroge Pierre trois fois, trois fois il lui fait le même commandement, pour montrer combien il fait cas du soin des brebis, et que ce soin est le plus grand témoignage d'amour qu'on lui puisse donner.
Le Sauveur parlant à son disciple de l'amour du à lui-même, lui prédit le martyre qu'il devait souffrir : il lui déclare qu'il ne l'a pas interrogé trois fois par défiance, et qu'il se croit véritablement aimé de lui : et ensuite, pour lui donner un exemple du vrai et sincère amour, et nous enseigner de quelle manière nous devons l'aimer, il dit : «Lorsque vous éliez plus jeune; vous vous ceigniez vous-même, et vous alliez où vous vouliez; mais lorsque vous serez vieux, d'autres vous ceindront et vous mèneront où vous ne voulez pas (18)». Mais c'est là ce que Pierre demandait et ce qu'il désirait. Voilà aussi pourquoi Jésus Christ lui déclare ouvertement qu'il donnera sa vie pour son Maître. Comme il avait souvent dit : «Je donnerai ma vie pour vous» (Jn 13,37), et : «Quand il me faudrait mourir avec vous, je ne vous renoncerai point» (Mt 26,35), le Sauveur lui accorda ce qu'il désirait.
Que signifient donc ces paroles : «Où vous ne voulez pas ?» Elles font allusion à l'instinct de la nature, aux attaches de la chair, à la répugnance qu'éprouve l'âme à se séparer du corps. Si donc la volonté de Pierre était ferme et consolante, la nature en lui était faible. C'est que personne ne quitte son corps sans douleur et sans peine, Dieu, comme je l'ai dit, l'ayant ainsi sagement ordonné pour notre utilité, de peur qu'on ne se tuât soi-même. Si, malgré cette admirable disposition de la divine Providence, le diable a pu pousser bien des hommes à se donner la mort, à se jeter dans des gouffres et des précipices; sans ce désir de la vie, cet amour et cette attache que l'âme a naturellement pour son corps, plusieurs, pour la moindre affliction, mettraient fin à leurs jours. Cette parole donc : «Où vous ne voulez pas», marque l'instinct de la nature.
Mais pourquoi le Seigneur ayant dit: «Lorsque vous étiez jeune», a-t-il ajouté : «Mais lorsque vous serez vieux ?» Ces paroles montrent, ce que nous savons d'ailleurs, que Pierre n'était alors ni jeune ni vieux, mais homme fait. Pourquoi lui a-t-il rappelé sa vie passée? Pour lui montrer quelles avaient été ses premières dispositions. Car, dit-il, quant aux choses du monde, un jeune homme est utile, un vieillard est inutile, mais quant à moi et à mon service, il n'en est pas ainsi dans la vieillesse, la force est plus grande, la valeur plus éclatante, l'âge n'y met aucun obstacle. Au reste, le Sauveur a parlé de la.sorte à Pierre et lui a marqué sa mort, non pour l'effrayer, mais pour l'encourager. Il connaissait son amour, et qu'il se porterait de bon cÏur à la mort; mais en même temps, il lui déclare de quelle manière il mourra. Pierre désirant continuellement de s'exposer au péril et de donner sa vie pour Jésus Christ, le Sauveur lui dit : ayez confiance, je remplirai votre désir de manière que la mort que vous n'avez point soufferte étant jeune, vous la souffrirez lorsque vous serez vieux.
L'évangéliste ensuite, pour réveiller l'auditeur et le rendre plus attentif, a ajouté «Or, il disait cela pour marquer par quelle mort il devait glorifier Dieu (19)». Il n'a point dit : Il devait mourir, mais : «Il devait glorifier Dieu», afin de vous apprendre que de souffrir pour Jésus Christ, c'est une gloire et un honneur. «Et après «avoir ainsi parlé, il lui dit : Suivez-moi». Par ces paroles, saint Jean fait connaître que le Sauveur avait un grand soin de Pierre, et un grand amour pour lui. Que si quelqu'un dit : Pourquoi donc saint Jacques a-t-il été élevé sur la chaire de Jérusalem? Je répondrai que si Pierre ne fut point élevé sur cette chaire, c'est que Jésus Christ l'établit pour être le docteur de tout le monde. «Pierre s'étant retourné, vit venir après lui le disciple que Jésus aimait, qui, pendant la cène, s'était reposé sur son sein (20)», et dit à Jésus : «Et celui-ci, Seigneur, que deviendra-t-il (21)?»
2. Pour quelle raison l'évangéliste rappelle-t-il qu'il s'était reposé sur le sein du Seigneur ? Ce n'est pas sans sujet, c'est pour montrer combien était grande la confiance que Pierre, après son renoncement, avait en son Maître. Car c'est Pierre, celui-là même qui n'osait alors interroger, et qui faisait signe à un autre de le faire pour lui, qui reçoit alors le gouvernement de ses frères, et qui non seulement ne confie plus ses intérêts à un autre, mais qui même interroge son Maître sur le sort d'autrui. Jean reste dans le silence; lui il parle, il interroge. Enfin, l'évangéliste fait aussi connaître l'amour que Pierre avait pour lui, car Pierre aimait beaucoup Jean, comme la suite de l'histoire le fait voir : et cette étroite amitié se montre à découvert et dans tout l'Evangile, et dans les actes des Apôtres.
Comme donc le Seigneur avait annoncé de grandes choses à Pierre, comme il lui avait confié le gouvernement du monde, lui avait prédit le martyre qu'il devait souffrir, lui avait donné: de plus grands témoignages d'amour qu'à ses autres disciples, Pierre désirant de faire participer Jean à toutes ces grâces, dit : «Et celui-ci, Seigneur, que deviendra-t-il ?» Ne marchera-t-il pas dans la même voie que nous? Et de même que dans le temps qu'il n'osait interroger, il avait engagé Jean à le faire pour lui, ainsi maintenant il lui rend la pareille; et, pensant bien que ce disciple aurait voulu demander à son Maître ce. qu'il deviendrait et qu'il ne l'osait pas, il le demande lui-même. Que répondit dons Jésus Christ? «Si je veux qu'il demeure jusqu'à ce que je vienne, que vous importe (22) ?» Pierre faisait cette demande par le grand amour qu'il avait pour Jean, et parce qu'il souhaitait de ne point se séparer de lui; et Jésus Christ, pour lui faire connaître que quelque grand que fût son amour pour son confrère, il ne pouvait pas néanmoins atteindre au sien, lui répond : «Si je veux qu'il demeure, que vous importé ?» Par là le Seigneur nous apprend que nous ne devons nous inquiéter, ni curieusement chercher à pénétrer au delà de ce qu'il lui plaît de nous découvrir. Il fit donc cette réponse à Pierre pour réprimer son feu, parce qu'il était toujours ardent, toujours prêt à faire de semblables questions; et pour nous montrer aussi que nous ne devons point tant interroger, ni tenter de connaître ses desseins et de les approfondir.
«Il courut sur cela un bruit parmi les frères», c'est-à-dire, parmi les disciples, «que celui-ci ne mourrait point. Jésus, néanmoins, n'avait pas dit : Il ne mourra point, mais : si je veux qu'il demeure jusqu'à ce que je vienne, que vous importe (23) ?» Ne pensez pas, dit le Seigneur, que je veuille disposer de vous tous d'une même manière; il avait en vue, en disant cela, leur attachement mutuel. Comme ils devaient bientôt être chargés du soin de toute la terre, il ne fallait pas qu'ils s'attachassent ainsi les uns aux autres, ce qui aurait été très-préjudiciable au monde. C'est pourquoi le Sauveur dit à Pierre : Je vous ai confié une grande charge, donnez-y tous vos soins, remplissez-en les devoirs, combattez, luttez. Et que vous importe, si je veux que Jean demeure ? Pour vous, attachez-vous à ce qui vous regarde, et appliquez-y toute votre attention. Considérez ici, je vous prie, mes frères, combien l'évangéliste est exempt de vanité. Après avoir rapporté l'opinion des disciples, il la corrige, comme s'ils n'avaient point compris les paroles de Jésus Christ, et dit. «Jésus, néanmoins, n'avait pas dit : Il ne mourra point, mais : si je veux qu'il a demeure».
«C'est ce même disciple qui rend témoignage de ces choses et qui a écrit ceci, et nous savons que son témoignage est véritable (24)». Pourquoi Jean se sert-il lui seul de termes dont aucun, autre évangéliste ne s'est servi, et parle-t-il avec cette fermeté et cette assurance? Pourquoi se rend-il un second témoignage à lui-même? Pourquoi paraît-il vouloir d'abord prévenir ses auditeurs? Pour quelle raison en use-t-il de la sorte? On rapporte que cet évangéliste a écrit le dernier son évangile, induit à cela par une impulsion divine : c'est pour cette raison qu'il fait souvent mention de son amour, insinuant par là le motif qui l'a porté à écrire; et il répète souvent la même chose pour rendre son histoire digne de foi, et montrer qu'il ne s'est porté à l'écrire que par l'effet d'une impulsion d'en-haut. Je sais, dit-il, je sais que les choses que Jean a écrites, sont véritables : Que si bien des gens n'y croient point, voici une preuve qui doit les convaincre. Laquelle? Ce que je dis ensuite.
«Jésus a fait encore beaucoup de choses, et si on les rapportait en détail, je ne crois pas que le monde même pût contenir les livres qu'on en écrirait (25)». De là, il résulté évidemment que je n'ai point écrit par flatterie. Moi qui, dans un sujet riche et abondant, où il y a une multitude de choses à dire, n'en rapporte même pas autant que ceux qui ont écrit les premiers, et omets la plupart des événements pour raconter de préférence comment les Juifs ont dressé des embûches à Jésus, lui ont jeté des pierres, l'ont haï, chargé d'injures et d'outrages, appelé possédé du démon et séducteur: moi, dis-je, qui ai publié toutes ces choses, je ne puis être accusé d'avoir écrit mon histoire par flatterie. En effet, pour être historien complaisant, il aurait fallu s'y prendre tout autrement; à savoir : cacher tous les sujets de honte et ne rapporter que les faits illustres et glorieux.
L'évangéliste ayant donc écrit ce qu'il savait sûrement et exactement, ne refuse et ne craint pas de produire aussi son témoignage, comme pour nous inviter à vérifier en détail tout ce qu'il raconte. C'est notre coutume, à nous aussi, d'appuyer de notre témoignage une assertion dont nous sommes parfaitement sûrs. Or, si nous en lisons de la sorte, à plus forte raison saint Jean a-t-il pu le faire de même, lui qui écrivait par l'inspiration du Saint Esprit, et c'est ce qu'ont fait aussi les autres apôtres lorsqu'ils prêchaient, disant : «Nous sommes nous-mêmes les témoins de ce que nous vous disons, et le saint Esprit que Dieu a donné à tous ceux qui lui obéissent l'est aussi» (Ac 5,32) avec nous. Saint Jean, dis-je, a pu donner son témoignage, lui qui était présent à tout, qui n'avait point quitté Jésus, même sur la croix, et à qui le divin Sauveur avait recommandé sa mère. Toutes ces choses sont autant de marques de l'amour de Jésus pour son disciple, et des témoignages sûrs de l'exacte connaissance qu'avait celui-ci de tout ce qu'il a écrit.
Que si cet évangéliste attribue à Jésus de si nombreux miracles, n'en soyez pas surpris, mais, pensant à l'ineffable vertu de celui qui les opérait, recevez avec foi ce que dit l'historien sacré. Et certes, autant il nous est facile de parler, autant et beaucoup plus encore il était facile à Jésus de faire ce qu'il voulait, car il n'avait qu'à vouloir, et l'effet aussitôt suivait sa volonté.
3. Méditons donc, mes chers frères, méditons soigneusement ces divines paroles; ne cessons point d'en faire notre étude, travaillons à en acquérir l'intelligence. Le fréquent usage que nous en ferons ne sera point perdu pour nous; par là, nous pourrons corriger nos mÏurs, purifier notre vie, et arracher les épines qui étouffent la divine semence. Car ce sont de vraies épines que le péché et les sollicitudes de ce siècle, qui sont si stériles et si douloureuses. Et comme les épines, par quelque côté qu'on les prenne, piquent celui qui les saisit; de même les choses de ce siècle, de quelque manière qu'on y touche, nuisent et font du tort à celui qui les prend et les serre dans ses mains. Mais il n'en est pas ainsi des biens spirituels: semblables à une pierre précieuse, de quelque côté qu'on les tourne et quÕon les regarde, ils réjouissent la vue.
Donnons-en un exemple : quelqu'un a fait l'aumône, non-seulement il s'entretient de l'espérance des biens futurs, mais encore jouit des biens de cette vie, toujours plein de confiance et d'assurance dans toutes ses actions. Les mauvais désirs de la concupiscence ont perdu tout empire sur lui : avant même d'être mis en possession du royaume éternel, dès ce monde il recueille le fruit de son aumône, dans le bien qu'on dit de lui, dans les louanges qu'on lui donne, et surtout dans le bon témoignage que lui rend sa propre conscience. Et il en est ainsi de toutes les autres bonnes Ïuvres; au contraire, les mauvaises, avant de nous précipiter dans l'enfer, font le supplice de notre conscience. Si, lorsque vous avez péché, vous pensez à l'avenir, encore que personne ne punisse votre faute, vous êtes dans des alarmes et des frayeurs perpétuelles; si vous pensez au présent, vous ne voyez que des ennemis: mille soupçons vous agitent, vous vivez dans la défiance, et vous n'osez plus regarder en face ceux qui vous ont fait du mal : que dis-je ? ceux mêmes qui ne vous en ont pas fait. Vous n'avez pas tant de plaisir à voir les hommes que de chagrin et de peine : au dedans, les reproches et les cris de la conscience; au dehors, les hommes qui vous condamnent : la colère d'un Dieu, un enfer ouvert, prêt à vous engloutir : ces pensées ne vous laissent aucun repos.
Oui, c'est un lourd, un lourd et incommode fardeau que le péché : le plomb même est moins fatigant à porter. Celui que sa conscience accuse, quelque endurci qu'il soit, ne peut pas même lever les yeux. Ainsi Achab, ce prince impie (3 R 21,27), pour avoir senti lÕamertume et le poids du crime, marchait la tête baissée, extrêmement contrit et humilié; voilà pourquoi il se couvrait d'un sac et versait des torrents de larmes. Si nous faisons de même, si nous pleurons comme lui, comme Zachée nous nous dépouillerons de nos injustices et de nos péchés, nous en obtiendrons le pardon. Comme c'est en vain qu'on applique des remèdes aux tumeurs et aux fistules, si l'on n'arrête l'épanchement de l'humeur, qui cause la plaie et l'augmente tous les jours; nous, de même, si nous n'écartons pas nos mains de l'avarice, si nous n'arrêtons pas le cours de cette cruelle maladie, quand bien même nous ferions l'aumône, tous nos efforts demeureront inutiles : parce que l'avarice étouffe et détruit tout le bien que l'aumône a produit, et fait à l'âme une blessure plus grande et plus dangereuse que la première.
Mettons fin d'abord à nos rapines, et alors nous ferons l'aumône. Si nous nous jetons nous-mêmes dans les précipices, comment pourrons-nous ensuite nous en tirer ? Si nous sommes sur le point de tomber, et que d'un côté quelqu'un nous retienne (telle est la vertu de l'aumône), tandis qu'un autre bras nous entraînera dans l'abîme, quelle sera l'issue de ce combat? Que nous serons déchirés et mis en pièces. Pour éviter un pareil malheur, et de peur que le poids de l'avarice, en nous entraînant dans le gouffre, ne réduise l'aumône à nous abandonner, déchargeons-nous de tout ce qui nous peut embarrasser, afin que, parvenus à la perfection par les bonnes Ïuvres et la fuite du mal, nous obtenions les biens éternels, par la grâce et la bonté de notre Seigneur Jésus Christ, à qui, avec le Père et le saint Esprit, appartiennent la gloire, l'honneur, l'empire, maintenant et toujours, et dans tous les siècles des siècles. Amen.
FIN DU COMMENTAIRE SUR L'ÉVANGILE DE SAINT JEAN.