HOMÉLIE 81

J'Al FAIT CONNAÎTRE VOTRE NOM AUX HOMMES QUE VOUS M'AVEZ DONNÉS, EN LES SÉPARANT DU MONDE. ILS ÉTAIENT A VOUS, ET VOUS ME LES AVEZ DONNÉS, ET ILS ONT GARDÉ VOTRE PAROLE. (VERS. 6-13)

ANALYSE.


1. Nouvelles paroles de condescendance quine prouvent rien, sinon l'union du Père et du Fils. — Autre texte qui montre l'égalité du Père et du Fils.
2. Jésus Christ, s'accommodant à la portée de ses disciples, les recommande à son Père comme s'il ne pouvait les défendre lui-même.
3. N'être pas enfant en sagesse : suivre l'avis de l'apôtre, non-seulement pour en acquérir l'intelligence, mais encore pour bien régler sa vie. — On n'écoute point les choses célestes : la plupart des hommes courent comme des enfants aux choses terrestres, et se conduisent comme eux. — Quelles sont les véritables richesses. — Exhortation à l'aumône : l'aumône est un grand remède qu'on peut appliquer à toutes sortes de plaies. — Eloge et effets de l'aumône.

1. Le Fils de Dieu est appelé l'ange du Grand Conseil : et à cause de la doctrine qu'il a enseignée, et surtout parce qu'il a fait connaître le Père aux hommes; c'est ce qu'il dit maintenant: «J'ai fait connaître votre nom aux hommes (4)». Ayant dit qu'il avait achevé l'ouvrage, il déclare ensuite quel est cet ouvrage. Ce n'est pas que le nom de Dieu ne fût connu; Isaïe dit: «Vous avez juré au nom du vrai Dieu». (25,16) Mais comme je l'ai dit et je le répète encore, le nom de Dieu était connu des Juifs, et non de tous les peuples. Or, le Sauveur parle maintenant des gentils, et il marque qu'ils ne le connaissent pas seulement comme Dieu, mais aussi comme Père savoir qu'il est le Créateur, et savoir qu'il a un Fils, ce n'est point là une même chose. Jésus Christ a fait connaître le nom de son Père, et par ses paroles et par ses Ïuvres.
«Que vous avez pris du monde pour me les donner». Comme le Sauveur a dit auparavant : «Personne ne peut venir à moi, s'il ne lui est donné, et si mon Père ne l'attire» ; de même il dit ici : «Que vous m'avez donné» . (Jn 6,66) Or, il a dit qu'il était la voie (Ibid. 44); d'où il paraît clairement que par ces paroles il veut marquer deux choses : l'une qu'il n'est point contraire au Père, l'autre que c'est la volonté du Père qu'ils croient en son Fils. «Ils étaient à vous, et vous me les avez donnés». Par là Jésus Christ veut nous apprendre qu'il est beaucoup aimé de son Père car qu'il n'ait pas eu besoin que le Père les donnât, cela est visible, et parce que c'est lui qui les a créés, et parce que c'est lui qui en a continuellement soin par sa divine providence. Comment lui ont-ils été donnés ? Mais, comme j'ai dit, cela montre son union avec son Père.
Que si cette donation que le Père a faite à son Fils, on veut la prendre au sens littéral et d'une manière humaine, il se trouvera que ceux que le Père a donnés ne lui appartiennent plus. Car si, lorsque le Père les avait, le Fils ne les avait point, il est évident qu'en donnant à son Fils, il s'est démis de sa propriété : et il suit de là quelque chose de plus absurde : c'est que, quand ils appartenaient au Père, ils étaient imparfaits, et que quand ils sont tombés entre les mains du Fils, ils sont devenus parfaits. Mais vous sentez bien le ridicule de ce discours. Que veut donc dire Jésus Christ par ces paroles ? Il veut montrer que c'est la volonté du Père même qu'ils croient au Fils.
«Et ils ont gardé votre parole. Et ils savent présentement que tout ce que vous m'avez donné vient de vous (7)». Comment ont-ils gardé votre parole? En croyant en moi, et non pas aux Juifs. «Celui qui croit en lui», dit l'Ecriture, «a attesté que Dieu est véritable». (Jn 3,33) Quelques-uns tournent et expliquent ainsi ce passage : je sais présentement que tout ce que vous m'avez donné vient de vous; mais cette explication est contraire à la raison. Comment, en effet, le Fils aurait-il pu ignorer ce qui venait de son Père ? Ces paroles regardent les disciples. Aussitôt que j'ai dit ces choses, dit le Sauveur, mes disciples ont appris que tout ce que vous m'avez donné vient de vous. Je n'ai rien qui ne soit en même temps à vous, je n'ai rien de propre et de particulier. Car dire que l'on a quelque chose en propre et eu particulier, cela marque une possession distincte.
Mes disciples ont donc appris que ma doctrine et mes instructions viennent de vous. Et d'où l'ont-ils appris? De mes paroles : voilà comment je les ai instruits, et non-seulement je leur ai appris cela, mais encore que je suis sorti de vous. En effet, c'est là à quoi le Sauveur s'est le plus attaché dans tout son Evangile.
«C'est pour eux que je prie (9)». Que dites-vous, Seigneur ? Vous instruisez votre Père comme s'il ignorait quelque chose ? Vous lui parlez comme à un homme qui ne sait point? Que signifie donc cette différence que vous mettez là ? Ne voyez-vous pas, mes frères, que le Sauveur ne prie qu'afin de montrer à ses disciples l'amour qu'il a pour eux ? Car celui qui non-seulement fait ce qu'il peut, mais qui invite encore un autre à faire de même, donne sûrement en cela un témoignage d'un plus grand amour. Que signifie donc cette parole : «Je prie pour eux ?» Je prie, dit-il, non pour tout le monde, mais pour ceux que vous m'avez donnés. Jésus Christ emploie très-souvent ces termes : «Vous m'avez donnés», pour apprendre à ses disciples que telle est la volonté de son Père. Ensuite, comme il avait dit souvent. «Ils étaient à vous et vous me les avez donnés» ; pour effacer la mauvaise impression que cela pouvait faire sur leur esprit, et les empêcher de croire que son empire sur eux fût tout nouveau, et qu'ils venaient seulement de lui être donnés, écoutons ce qu'il dit : «Tout ce qui est à moi est à vous, et tout ce qui est à vous est à moi, et j'ai été glorifié en eux (l0)».
Dans ces paroles ne remarquez-vous pas, mes chers frères, l'égalité qui est entre le Père et le Fils ? Car, de peur qu'entendant ces mots: «Vous m'avez donnés», vous ne crussiez que ceux qui avaient été donnés étaient séparés du Père et n'étaient plus sous sa dépendance; ou qu'auparavant ils n'étaient point sous la puissance du Fils et ne lui appartenaient point, il a écarté ces deux soupçons tout à la fois par ce qu'il a dit, comme s'il fût parlé de la sorte: Quand vous m'entendez dire à mon Père «Vous me les avez donnés», ne croyez pas pour cela que ceux qu'il m'a donnés soient séparés de mon Père et ne soient plus sous sa dépendance: ce qui est à moi est à lui; et de même, quand vous m'entendez dire : «Ils étaient à vous», ne croyez pas qu'ils fussent séparés de moi; ce qui est à lui est à moi. Donc ces mots: «Vous m'avez donnés», ne sont dits de cette manière que par condescendance, puisque tout ce qui est au Père est au Fils, et que tout ce qui est au Fils est au Père. Mais cela ne peut se dire du Fils en tant qu'homme, mais seulement du Fils d'un être plus grand, «du Fils de Dieu» : car personne n'ignore que ce qui est au moins grand appartient aussi au plus grand; mais la réciproque n'est pas vraie. Or, il y a ici une conversion: «Ce qui est au Père est au Fils, ce qui est au Fils est au Père», et c'est cette conversion qui marque l'égalité «du Père et du Fils (1)». Jésus Christ, parlant de la connaissance du Père et du Fils, nous a déclaré encore ailleurs cette vérité par ces paroles: «Tout ce qui est à mon Père est à moi». (Jn 16,15)
Enfin ces mots : «Vous m'avez donnés», et les autres semblables, déclarent que le Fils n'a pas reçu ceux que le Père lui a donnés comme une chose étrangère, mais comme un bien qui lui était propre «et qui lui appartenait également». Il en apporte ensuite la raison et la preuve, en disant : «Et j'ai été glorifié en eux», c'est-à-dire, ou j'ai un pouvoir sur eux, ou ils me glorifieront lorsqu'ils croiront en vous et en moi, et ils nous glorifieront également. Que si le Fils n'est pas également glorifié en eux, ce qui est au Père n'est plus au Fils. Personne n'est glorifié en ceux sur lesquels il n'a point de pouvoir.
2. Mais comment est-il également glorifié ? Il l'est, parce que tous meurent pour lui, comme pour le Père, et que tous le prêchent ainsi que le Père, et encore, parce qu'en disant que tout se fait au nom du Père, ils disent aussi de même que tout se fait au nom du Fils. «Je ne suis plus dans le monde, mais» pour eux, «ils sont» encore «dans le monde (11)». C'est-à-dire, quoiqu'on ne me voie plus dans la chair, je serai glorifié en eux. Pourquoi répète-t-il souvent : Je ne suis plus dans le monde et je les laisse, je vous les recommande; et, lorsque j'étais dans le monde, je les ai conservés ? Si l'on prend ces paroles à la lettre, il s'ensuivra bien des absurdités. Comment n'est-il plus dans le monde, et, lorsqu'il en sort, les recommande-t-il à un autre ? Ce sont là les paroles d'un pur homme qui se séparerait des siens pour toujours.
Ne voyez-vous pas que le Sauveur parle d'une manière humaine, et pour s'accommoder à la portée et au génie de ceux qui croyaient que sa présence leur était nécessaire, pour être plus en sûreté? Voilà pourquoi il dit : «Lorsque j'étais avec eux, je les conservais». Et néanmoins, il ajoute : «Je reviens à vous». (Jn 14,28) Et : «Je suis moi-même toujours avec vous jusqu'à la fin du monde». (Mt 28,20) Comment donc parle-t-il de même que s'il allait partir ? Ainsi que je l'ai dit, le Sauveur parle de la sorte pour se conformer à la pensée de ses disciples, et afin qu'ils respirent et prennent courage en lui entendant dire ces choses, et les recommander à son Père. Ils ne se rendaient point à toutes ces paroles de consolation qu'ils avaient entendues, le Sauveur les recommande enfin à son Père, et montre ainsi l'amour qu'il a pour eux; c'est comme s'il disait : Mon Père, puisque vous m'appelez à vous, mettez-les en sûreté, car je retourne à vous.
Que dites-vous, Seigneur ? Ne pouvez-vous pas vous-même les conserver ? Je le puis. Pourquoi parlez-vous donc de la sorte? C'est «afin qu'ils aient en eux-mêmes la plénitude de ma joie», c'est afin qu'étant encore bien faibles et bien imparfaits, ils ne se troublent pas néanmoins. Le Sauveur fait voir par ces paroles qu'il n'a parlé en ces termes que pour les consoler, les mettre en repos et leur donner de la joie : autrement, il paraîtrait se contredire.
«Je ne suis plus dans le monde, mais pour eux, ils sont» encore «dans le monde (11)». C'était là leur pensée, et le divin Sauveur a la bonté de s'accommoder à leur faiblesse. S'il eût dit : Je les conserve moi-même, ils ne l'auraient point cru; c'est pourquoi il dit : «Père saint, conservez-les en votre nom (11)», c'est-à-dire, par votre secours. «Lorsque j'étais avec eux dans le monde, je les conservais en votre nom (12)». Jésus Christ parle encore comme homme et comme prophète. Et même il ne paraît jamais clairement qu'il ait fait quelque chose au nom de Dieu. Il dit : «J'ai conservé ceux que vous m'avez donnés, et nul d'eux ne s'est perdu; il n'y a eu de perdu que celui qui était enfant de perdition, afin que l'Ecriture fût accomplie (12)». Et ailleurs : «Je ne laisserai perdre aucun de ceux que vous m'avez donnés». (Jn 18,9) Mais toutefois, non-seulement l'enfant de perdition s'est perdu, mais bien d'autres encore se sont perdus dans la suite; comment dit-il donc : «Je ne laisserai point perdre ?» Autant que je le pourrai, je ne les laisserai point perdre; et c'est ce qu'il dit plus clairement ailleurs : «Je ne les jeterai point dehors». (Jn 6,37) Il ne se perdra point par ma faute, il ne se perdra point pour avoir été poussé ou abandonné. Que s'ils se retirent volontairement, je ne les attirerai point par force.
«Mais maintenant, je viens à vous (13)». Ne voyez-vous pas que Jésus Christ tempère son discours d'une manière humaine? C'est pourquoi, si l'on veut se servir de ces paroles, pour diminuer la grandeur du Fils, on diminuera aussi celle du Père. Car vous avez à observer que dès le commencement Jésus Christ a parlé, tantôt comme pour enseigner et instruire, tantôt comme pour faire une recommandation; il enseigne, il instruit par ces paroles : «Je ne prie point pour le monde» ; il recommande par celles-ci : «Je les ai conservés jusqu'à présent, et nul ne s'est perdu» ; et : «vous, mon Père, conservez-les» ; et encore : «Ils étaient à vous, et vous me les avez donnés» ; et derechef : «Lorsque j'étais dans le monde, je les conservais». Mais on résout toutes ces difficultés en disant que le Sauveur a parlé de la sorte, pour s'accommoder à la faiblesse de ses auditeurs. Au reste, quand il a dit: «Il n'y a eu de perdu que celui qui était enfant de perdition», il a ajouté : «Afin que l'Ecriture fût accomplie». Quelle Ecriture ? Celle qui avait prédit bien des choses de lui. Mais, néanmoins, Judas ne s'est pas perdu, afin que l'Ecriture fût accomplie. Nous avons expliqué cela au long ci-dessus : Nous avons dit que c'est une façon de parler de l'Ecriture, que de se servir d'expressions qui semblent marquer la cause, lorsqu'elles marquent seulement l'issue. Or, pour bien entendre l'Ecriture, il faut faire attention à tout, examiner exactement toutes choses, et le caractère de la personne qui parle, et le sujet, l'idiome et l'usage de l'Ecriture, sans quoi on tombe dans de grandes absurdités. «Mes frères, ne soyez point enfants en ce qui regarde la sagesse». (I Cor 14,20)
3. Il faut le suivre, cet avis de l'apôtre, non-seulement pour acquérir l'intelligence des Écritures, mais encore pour bien régler sa vie. Les petits enfants ne sont pas curieux des grandes choses, mais ils admirent ce qui n'est d'aucun prix. Ils regardent avec un eeil avide et plein de joie un char, des chevaux, un cocher, des roues, le tout en argile. Mais si l'empereur vient à passer sur un chariot d'or, attelé de mulets blancs, et pompeusement orné, ils ne le regardent même pas. Ils habillent et parent avec soin des poupées; mais qu'une belle personne se présente à leurs yeux, ils ne savent pas l'admirer : et ils font de même à l'égard de plusieurs autres choses.
Beaucoup de gens ne sont pas plus sages que ces enfants : parlez-leur des choses célestes, ils ne vous écouteront pas; présentez-leur des objets de terre et de boue, ils les saisissent curieusement et avidement, comme les enfants; ils admirent les richesses terrestres et s'y attachent; ils font grand cas de la gloire et des délices de cette vie. Mais ce sont là de purs jouets, de vraies puérilités : au lieu que les choses célestes nous procurent véritablement la vie, la gloire et le repos. Et encore, comme les enfants pleurent, lorsqu'on leur ôte leurs poupées et leurs jouets, comme ils ne sont même pas capables de désirer les biens réels et véritables; ainsi font et se conduisent beaucoup de ceux qui se croient des hommes. Voilà pourquoi l'apôtre dit : «Ne soyez pas enfants en sagesse».
Vous aimez les richesses, dites-moi, et vous n'aimez pas celles qui sont stables et permanentes, mais de frivoles jouets d'enfants ? Ainsi, si vous voyez quelqu'un convoiter une pièce de monnaie de plomb, et se baisser pour la ramasser, vous jugez que c'est un homme bien pauvre? Et vous, qui amassez des choses plus viles encore, vous vous mettez au rang des riches. Cela ne répugne-t-il pas à la raison? Le vrai riche, c'est l'homme qui méprise toutes les choses présentes. Personne, en effet, non, personne ne se portera à rire et à se moquer de ces choses viles et abjectes, de l'argent, de l'or, et de tout ce qui n'a qu'un prix vain et imaginaire, s'il n'est embrasé de l'amour de ce qui est plus grand et plus relevé; comme l'on ne méprisera point la monnaie de plomb, si l'on n'a des pièces d'or. Vous donc, lorsque vous voyez un homme passer, sans le regarder, devant toutes les choses d'ici-bas, croyez que ce dédain lui vient de ce qu'il a les yeux dirigés vers un monde supérieur. De même, si le laboureur sacrifie de bon cÏur une petite portion de son blé, ce n'est que dans l'espérance d'une riche et abondante moisson. Si donc nous sacrifions ainsi ce que nous possédons, lors même que l'espérance du fruit est encore bien incertaine, nous devons à plus forte raison faire de même, lorsque le profit est assuré.
C'est pourquoi, je vous en prie et je vous en conjure, mes frères, ne nous faisons pas tort à nous-mêmes, et ne nous privons point, pour un peu de terre et de boue, des trésors du ciel, en amenant au port un vaisseau chargé de chaume et de paille. Blâme et censure qui voudra nos fréquentes exhortations : qu'on nous appelle bavards, ennuyeux, importuns, nous ne cesserons point pour cela de vous avertir, et de vous prêcher ces mêmes vérités, ni aussi de vous répéter à vous tous cette parole du prophète : «Rachetez vos péchés par les aumônes, et vos iniquités par les Ïuvres de miséricorde envers les pauvres, et attachez-les à votre cou». (Dan 4,24) Ne faites pas aujourd'hui des aumônes, pour cesser d'en faire demain : le corps a tous les jours besoin de nourriture, et l'âme de même; ou plutôt l'âme en a encore plus de besoin, et si elle ne donne, et si elle ne fait des couvres de miséricorde, elle devient et plus infirme et plus hideuse.
Ne la négligeons donc pas dans ses maux, dans sa détresse : tous les jours la cupidité, la colère, la paresse, les injures, la vengeance, l'envie, font de grandes blessures à l'âme; il faut donc lui appliquer des remèdes; et l'aumône est un grand remède qu'on peut appliquer à toutes sortes de plaies. «Donnez l'aumône», dit Jésus Christ, «et toutes choses vous seront pures». Donnez l'aumône de vos biens, et non de vos rapines : ce qui vient de rapine ne demeure, ne subsiste point, lors même qu'on le donne aux pauvres. La véritable aumône est celle qui n'est souillée d'aucune injustice : cette aumône purifie tout; c'est une chose plus excellente que de jeûner et de coucher sur la dure : quoique cela soit plus pénible et plus laborieux, l'aumône cependant est d'un plus grand prix et d'un plus grand profit. Elle éclaire, elle nourrit et embellit l'âme. L'huile ne fortifie point tant les athlètes, que celle-ci donne de force et de vigueur à ceux qui s'exercent aux Ïuvres de piété et de miséricorde.
Frottons donc nos mains de cette huile, afin que nous puissions les lever courageusement contre notre ennemi. Celui qui prend la ferme résolution d'assister les pauvres, écartera bientôt de lui l'avarice : celui qui persévère dans l'assistance de l'indigent, chassera bientôt la colère, et ne s'enflera jamais d'orgueil. Comme le médecin habitué à soigner des malades, se soumet aisément à un régime, instruit par la vue d'autrui des infirmités auxquelles la nature humaine est sujette; nous, de même, si nous nous consacrons au soulagement des pauvres, nous nous exercerons plus volontiers à l'étude de la sagesse, nous ne regarderons pas les richesses avec des yeux d'admiration, nous n'estimerons pas les choses présentes comme quelque chose de grand. Mais, méprisant tout ce qui est terrestre, et nous élevant au ciel, nous obtiendrons facilement les biens éternels, par la grâce et la bonté de notre Seigneur Jésus Christ, à qui soit la gloire et au Père, et au saint Esprit, dans tous les siècles des siècles ! Amen.