HOMÉLIE 22

FEMME, QU'Y A-T-IL DE COMMUN ENTRE VOUS ET MOI ? MON HEURE N'EST PAS ENCORE VENUE. (VERSET 4-10)

ANALYSE.


1. Jésus Christ fait chaque chose en son temps, non qu'il soit soumis au temps, lui le Créateur des années et le Maître des siècles, mais par amour pour l'ordre.
2. Jésus Christ, par le miracle de Cana, montre qu'il est, le Créateur de l'eau et du vin, et ainsi il confond les hérétiques.
3. Les miracles de Jésus Christ surpassent de beaucoup les effets naturels. — Jésus Christ change en mieux nos volontés lâches et rebelles. — Les biens de ce monde ne sont point stables : ils s'évanouissent en un instant, ils coulent avec la rapidité d'un torrent. — La frugalité est la mère de la santé. — Les délices de la table et la bonne chère sont très-nuisibles au corps et à l'âme : elles produisent une infinité de maladies.

1. La prédication a ses difficultés et ses fatigues; saint Paul le reconnaît et le déclare par ces paroles : «Que les prêtres qui gouvernent bien soient doublement honorés; principalement ceux qui travaillent à la prédication de la parole et à l'instruction» (I Tim 5,47) des peuples. Mais il dépend de vous de rendre ce travail ou doux ou pénible. Si vous rejetez ce que nous disons, ou même si, sans le rejeter, vous n'en faites pas voir le fruit dans vos Ïuvres, le travail nous sera dur et pénible; parce que nous connaîtrons que nous travaillons en vain et inutilement : mais si vous êtes attentifs, et si vous pratiquez ce que vous avez entendu, nous ne nous apercevrons point de nos sueurs : le produit du travail n'en laisse pas sentir la peine. C'est pourquoi, si vous voulez nous encourager et animer notre ardeur, produisez-nous du fruit, je vous le demande en grâce; afin que voyant de belles et de riches moissons, soutenus de la confiance d'avoir fait un bon travail, et supputant nos richesses, nous ne nous ralentissions pas dans un commerce si heureux et si profitable.
La question qui se présente aujourd'hui n'est pas légère. Marie dit à Jésus : «Ils n'ont point de vin» , Jésus Christ lui répond : «Femme, qu'y a-t-il de commun entre vous et moi ? Mon heure n'est pas encore venue» ; et après une pareille réponse, Jésus fait ce que
lui demandait sa mère. Cette seconde difficulté n'est pas moins grande que la première. Invoquons celui qui a opéré ce miracle avant d'aborder la solution. Mais ce n'est point en ce seul endroit que se trouve cette parole; le même évangéliste dit dans la suite: «Ils ne purent point le prendre, parce que son heure n'était pas encore venue» (Jn 7,8); et encore : «Personne ne mit la main sur lui, parce que son heure n'était pas encore venue»; et ailleurs : «L'heure est venue, glorifiez votre Fils». (Jn 17,1) J'ai rassemblé ici ces textes qui sont répandus dans tout l'Evangile, pour leur donner à tous une seule explication. Quelle est-elle cette explication? Jésus Christ n'était point assujetti à la nécessité du temps, il ne disait pas: «Mon heure n'est pas encore venue», pour observer les heures. Comment en aurait-il tenu compte, lui, le maître du temps, le créateur des années et des siècles ? mais par ces paroles Jésus Christ veut nous apprendre qu'il fait, tout dans le temps propre et convenable, afin de ne point troubler l'ordre des choses, ne pas faire chaque chose dans son temps, t'eût été tout confondre : la naissance, la résurrection, le jugement.
Renouvelez ici votre attention, mes frères; il a fallu créer les créatures, mais non toutes ensemble : l'homme et la femme, mais non les deux ensemble. Il a fallu condamner à là mort le genre humain et le ressusciter, mais il a dû y avoir un grand intervalle entre ces deux événements. Il a fallu donner la loi et la grâce, mais non pas à la fois : la loi et la grâce ont dû être dispensées chacune dans son temps. Jésus Christ n'était donc point assujetti à la nécessité des temps, lui qui, comme créateur, a prescrit au temps l'ordre qu'il a voulu établir. Saint Jean fait dire ici à Jésus Christ : «Mon heure n'est pas encore venue», polir montrer qu'il n'était pas encore bien connu; et qu'il n'avait pas encore entièrement rempli le collège de ses disciples. André et Philippe le suivaient, mais nul autre avec eux : ou plutôt, tous ceux-ci ne le connaissaient pas comme il faut, ni même sa mère, ni ses frères. Car après tant de miracles; l'évangéliste parlant de ses frères, dit : «Ses frères ne croyaient pas en lui» (Jn 7,5) : de même pour ceux qui étaient aux notés, ils ne le connaissaient pas. S'ils l'avaient connu, ils se seraient approchés de lui, et, dans lé besoin où ils se trouvaient, ils l'auraient prié d'y avoir égard.
Jésus dit donc : «Mon heure n'est pas encore venue». Je ne suis pas encore connu de ceux qui sont ici, présents, et même ils ne savent pas que le vin leur mangue : attendez qu'ils le sachent. Il ne convenait pas que vous me fissiez cette demandé, étant ma mère, vous rendez le miracle suspect, il fallait que ceux qui sont dans le besoin vinssent s'adresser à moi, et me prier, non que j'aie besoin de leurs prières, mais afin qu'ils reçussent mon bienfait avec pleine adhésion. Car lorsque celui qu'une urgente nécessité presse, obtient ce qu'il demande; il en a une vive reconnaissance; mais celui qui ne s'est pas encore aperçu du besoin où il est, rie connaît point aussi tout le prix du bien qu'on lui fait.
Mais, repartirez-vous, pourquoi, après avoir dit : «Mon heure n'est pas encore venue», et avoir refusé, fit-il ensuite ce que sa mère lui avait demandé ? Afin que si l'on voulait faire des objections, et prétendre qu'il était assujetti à l'heure, on connût, à n'en pouvoir douter, qu'il n'était nullement assujetti ni à l'heure, ni au temps. En effet; s'il eût été assujetti à l'heure, comment, l'heure convenable n'étant point encore arrivée, aurait-il pu faire ce miracle ? De plus; il l'a fait par égard pour sa mère, pour ne pas paraître la contrarier, pour qu'on n'attribuât pas son refus à faiblesse et à impuissance, pour ne pas couvrir sa mère de confusion dans une si grande assemblée car elle lui avait déjà présenté les serviteurs. Ainsi, après avoir dit à la Chananéenne : «Il n'est pas juste de prendre le pain des enfants, et de le donner aux chiens» (Mt 15,6) néanmoins, touché de sa persévérance, il lui accorda ensuite ce qu'elle demandait; et quoiqu'il dît : «Je n'ai été envoyé qu'aux brebis de «la maison d'Israël, qui se sont perdues» (Ibid. 24); toutefois, après unetelle réponse, il guérit sa fille.
2. D'où nous apprenons, mes frères, que souvent par la persévérance nous nous rendons dignes de recevoir des grâces et des bienfaits, quelque indignes que nous en puissions être. C'est pourquoi la mère de Jésus attendit, et fit sagement approcher de lui ceux qui servaient, afin que plusieurs le priassent ensemble. C'est aussi pour cette raison qu'elle ajouta «Faites tout ce qu'il vous dira (5)». Car elle savait parfaitement bien que ce n'était point par impuissance qu'il avait refusé, mais parce qu'il fuyait l'éclat, et qu'il ne voulait pas sembler chercher l'occasion de faire un miracle; voilà pourquoi elle fit approcher ceux qui servaient.
«Or, il y avait là six grandes urnes de pierre, pour servir aux purifications qui étaient en usage parmi les Juifs, dont chacune tenait deux ou trois mesures (6).»
« Jésus leur dit : Emplissez les urnes d'eau et ils les emplirent jusqu'au haut (7)». Ce n'est pas sans sujet que l'évangéliste a dit : «Pour servir aux purifications qui étaient en usage parmi les Juifs» ; mais c'est de peur que quelque infidèle n'eût peut-être lieu de soupçonner qu'il était resté de la lié de vin dans ces vases, et qu'on n'eût qu'à y jeter et à y mêler de l'eau, pour obtenir un vin fort léger; voilà, dis-je, pourquoi saint Jean dit : «Pour servir aux purifications qui étalent en usage parmi les Juifs» ; par là il fait voir qu'on n'avait jamais gardé de vin dans ces urnes. En effet, comme il y a une grande disette d'eau dans la Palestine, et qu'il est rare dÕy trouver des sources et des fontaines, tes Juifs avaient soin d'avoir toujours des urnes pleines d'eau, pour n'être pas obligés dé courir aux fleuves, s'ils contractaient par hasard quelque impureté, et pour avoir sous leur main de quoi se purifier.
Mais pourquoi ne fit-il pas de miracle avant qu'on emplît ces urnes d'eau, ce qui aurait été beaucoup plus merveilleux ? car autre chose est de changer la matière qui existe, et qu'on a sous sa main, en lui donnant une autre forme, autre chose de créer la substance même qui n'existait point; l'un de ces prodiges est bien plus admirable que l'autre. Mais plusieurs auraient regardé ce dernier miracle comme incroyable, et c'est pour cette raison que souvent Jésus Christ a volontairement diminué la grandeur de ses miracles, afin qu'on les crût plus facilement.
Et pourquoi, direz-vous, n'a-t-il pas mis l'eau lui-même et a-t-il ordonné aux serviteurs d'emplir ces urnes ? C'est encore pour la même raison, et aussi afin d'avoir pour témoins de ce miracle ceux mêmes qui avaient puisé et apporté l'eau, afin qu'ils pussent attester que ce n'était pas un prestige, une illusion. Si quelques-uns avaient impudemment osé le nier, ceux qui serraient pouvaient dire C'est nous qui avons puisé l'eau. De plus, Jésus par cette conduite renverse les doctrines qui se sont élevées contre l'Eglise. En effet, comme quelques-uns enseignent qu'il y a un autre Créateur du monde, et que ce n'est pas lui qui a créé les êtres visibles, mais un autre Dieu qui lui est contraire; pour réprimer leur folie, il fait la plupart de ses miracles, en se servant des substances mêmes qui sont déjà créées. Car si le Créateur lui était contraire et opposé, il ne se servirait pas de l'ouvrage d'autrui, pour montrer et faire éclater sa propre puissance. Mais il fit voir, par ce prodige, qu'il est celui-là même qui change l'eau dans les vignes, et qui, y faisant entrer la pluie par les racines, la convertit en vin, en opérant dans un instant aux noces ce qu'il fait dans la vigne même avec plus de temps.
Or, après qu'ils eurent rempli les urnes d'eau, Jésus leur dit : «Puisez maintenant, et portez-le au maître d'hôtel. Et ils lui en portèrent (8).»
«Le maître d'hôtel ayant goûté de cette eau qui avait été changée en vin, et, ne sachant d'où venait ce vin, quoique les serviteurs qui avaient puisé l'eau le sussent bien, il appela l'époux (9).
«Et lui dit : Tout homme sert d'abord, le bon vin, et, après qu'on a beaucoup bu, il en sert alors de moindre : mais, pour vous, vous avez réservé jusqu'à cette heure le bon
vin (10)». Sur cet endroit encore quelques-uns plaisantent et disent : C'était là une compagnie d'ivrognes, de gens sans goût, sans discernement, incapables de juger des choses, jusqu'à ne savoir dire si on leur présentait de l'eau ou du vin : car, qu'ils étaient ivres, c'est ce que lé maître d'hôtel déclare lui-même. Voilà qui est fort plaisant, sans doute. Mais l'évangéliste a prévenu toute interprétation de ce genre. Il ne dit pas que ce furent les conviés qui jugèrent du vin, mais le maître d'hôtel qui était à jeûne et n'avait encore goûté de rien. Vous le savez tous, mes frères, les gens chargés de l'ordonnance d'un grand repas, ne prennent aucune part au festin et n'ont d'autre soin que de veiller à ce que tout se passe dans l'ordre. Voilà pourquoi Jésus appelle à témoin du miracle qu'il vient de faire cet homme à jeûne; car il n'a point dit: Versez du vin aux conviés; mais «portez-en au maître d'hôtel. Le maître d'hôtel ayant goûté de cette eau qui avait été changée en vin, et ne sachant d'où venait ce vin, quoique les serviteurs le sussent bien, appela l'époux».
Pourquoi ne s'adresse-t-il pas aux serviteurs ? C'était la voie la plus courte de publier le miracle. C'est que Jésus; loin de divulguer lui-même ses prodiges, voulait que la vertu et la puissance qu'il avait de faire des miracles, vinssent insensiblement et peu à peu à la connaissance des hommes. Si dès lors celui-là avait été répandu, on n'aurait pas ajouté foi au récit des serviteurs; on les aurait jugés fous d'attribuer une si grande action à celui qui, dans l'opinion de plusieurs, était un homme ordinaire. A la vérité, ils avaient clairement vu ce qui s'était passé, ils en avaient une parfaite connaissance; ils ne pouvaient pas révoquer en doute ce que leurs mains avaient fait, mais toutefois ils n'étaient pas propres à persuader les autres. C'est pourquoi Jésus Christ n'a pas découvert ce miracle à tous les conviés, mais seulement à celui qui pouvait mieux l'apercevoir, réservant à l'avenir de le mettre dans une plus grande évidence; car les autres prodiges qu'il devait faire ne pouvaient manquer de rendre celui-ci plus croyable. Du moins, à lÕoccasion de la guérison du fils de l'officier, l'évangéliste fait entendre, par ce qu'il en dit, que ce miracle du changement de l'eau en vin était dès lors plus connu. En effet, la connaissance, comme j'ai dit, qu'en avait cet officier, est ce qui le ports le plus à s'adresser à Jésus. Saint Jean le déclare ouvertement, en disant : «Jésus vint à Cana en Galilée, où il avait changé l'eau en vin» (Jn 4,46); non seulement en vin, mais en un vin excellent.
3. Tels sont les miracles de Jésus Christ : ils surpassent de beaucoup parleur excellence les effets de la nature. Ainsi, pour les membres qu'il a redressés, il les a rendus plus forts et plus robustes que ceux qui ont toujours été sains et vigoureux. Non seulement des serviteurs, mais encore le maître d'hôtel et l'époux, allaient donc certifier que c'était là du vin et un vin excellent; et ceux qui avaient tiré l'eau devaient naturellement déclarer que Jésus Christ avait fait le miracle de la changer en vin, en sorte que ce prodige ne pouvait manquer d'être à la fin révélé. C'est ainsi que Jésus s'était réservé pour l'avenir bien des témoignages nécessaires. Les serviteurs étaient témoins qu'il avait changé l'eau en vin, le maître d'hôtel et l'époux, que ce vin était bon. Et il y a aussi toute apparence que l'époux répondit quelque chose quand il goûta le vin : mais l'évangéliste, se hâtant de passer à des choses plus nécessaires, s'est contenté de raconter le fait, et il a omis tout le reste. Il importait qu'on sût que Jésus avait changé l'eau en un bon vin; mais saint Jean n'a pas jugé nécessaire de rapporter la réponse que fit l'époux au maître d'hôtel. En effet, un grand nombre de miracles ont été au commencement dans l'obscurité, qui, dans la suite des temps, sont devenus célèbres, ceux qui les avaient vu opérer en ayant fait un exact et fidèle récit.
Alors donc Jésus changea l'eau en vin; dès lors et maintenant il ne cesse point d'améliorer de même nos volontés lâches et rebelles. Il est des hommes, il en est, dis-je, qui ne diffèrent point de l'eau, tant ils sont froids, mous et flottants ! Ces sortes de gens ainsi malades, amenons-les à Jésus Christ, afin qu'il change leur volonté; à l'eau il donnera la qualité du vin: ils coulent et se répandent de tous côtés, il les rendra stables et solides, et ils seront un sujet de joie et pour eux-mêmes et pour les autres. Mais qui sont ces hommes froids ? Ce sont ceux qui s'attachent aux biens passagers de cette vie, ceux qui ne méprisent pas les plaisirs de ce monde, ceux qui aiment la gloire et la puissance. Toutes ces choses sont fragiles et passagères: elles coulent avec rapidité et disparaissent en un instant; celui qui est riche aujourd'hui, demain sera pauvre; celui qui marche aujourd'hui précédé d'un héraut, ceint d'une écharpe, monté sur un char, escorté de plusieurs licteurs, est souvent le lendemain jeté dans une obscure prison, et laisse malgré lui à un autre son pompeux équipage. L'homme voluptueux et dissolu, après s'être rempli l'estomac, ne peut pas, un seul jour même, se contenter de sa plénitude; mais tout se dissipant et s'évaporant, il est obligé d'ingurgiter encore; en cela il ne diffère pas d'un torrent. car comme dans un torrent les flots qui coulent se pressent les uns les autres; nous de même d'un repas nous courons à un autre. Telle est la nature des choses de ce monde, elles n'ont point de stabilité : toujours elles coulent, toujours impétueusement elles sont emportées.
Mais les délices de la table, non seulement coulent et passent, mais encore elles nous créent mille embarras. Se répandant avec violence, elles détruisent la force du corps et la vertu de l'âme. Non, les plus rapides flots des fleuves qui viennent à se déborder n'ont pas coutume de faire tant de ravage sur leurs bords qu'en fait la bonne chère dans notre santé, dont elle entraîne avec soi les fondements. Voyez, interrogez un médecin, il vous dira que c'est de là que viennent toutes les maladies : une table couverte de mets simples et communs entretient la santé. Ne point se rassasier, demeurer sur son appétit, c'est là ce qu'ils appellent se bien porter: manger modérément, disent-ils, c'est santé: «La table frugale est la mère de la santé». Que si la frugalité est la mère de la santé, sans doute l'intempérance est la mère des infirmités et la cause de maladies qui surpassent l'art des médecins: maux aux pieds, à la tête, aux yeux, aux mains; tremblements, paralysie, jaunisse, fièvres continues et ardentes, et beaucoup d'autres encore que je n'ai pas le temps de détailler. Toutes ces maladies sont causées, non par la diète ou par un régime sobre, mais par l'excès des viandes et par l'intempérance.
Que si vous voulez maintenant examiner et connaître les maladies que suscitent à l'âme l'excès dés viandes et l'intempérance, vous trouverez que c'est de cette malheureuse source que sortent l'avarice, la mollesse, la mélancolie, la paresse, la concupiscence et l'ignorance. Les âmes qui font leurs délices de pareils repas sont aussi méprisables que les ânes, puisqu'elles se laissent déchirer par de tels monstres. Je n'omettrai pas ici le dégoût auquel sont sujets ceux que cette maladie a infectés; et ne pouvant tout rapporter, je vous découvrirai encore un mal dans lequel se résument tous les autres. C'est que ces amateurs de la bonne chère, ces hommes intempérants, ne jouissent jamais avec plaisir de leurs festins. Car si la frugalité est la mère de la santé, elle est également la mère du plaisir. Et comme la satiété est la source et le principe des maladies, elle l'est aussi du dégoût: car où est la satiété, là ne peut se trouver l'appétit; et où l'appétit manque, comment peut-il y avoir du plaisir ? Voilà pourquoi nous voyons due les pauvres ne sont pas seulement plus prudents et plus vigoureux que les riches; mais encore qu'ils jouissent de plus grands plaisirs.
Considérant toutes ces choses, mes frères, fuyons l'excès du vin et les délices: non-seulement les délices de la table, mais aussi toutes celles qu'on peut trouver dans les choses de ce monde, et en leur place nous acquerrons les biens spirituels et nous nous réjouirons dans le Seigneur, comme le prophète nous l'enseigne : «Mettez vos délices dans le Seigneur, et il vous donnera ce que votre cÏur demande» (Ps 37,6); afin que nous jouissions et des biens présents et des biens futurs, par la grâce et là miséricorde de notre Seigneur Jésus Christ par qui et avec qui la gloire soit au Père et au saint Esprit, dans tous les siècles des siècles. Amen.