DEUXIEME HOMÉLIE SUR L'HOMME RICHE

 

Prononcée à Constantinople, dans la grande église, après qu'un autre avait porté la parole, en présence d'un petit nombre d'auditeurs.

- Sur ce texte : "Ne crains pas lorsqu'un homme sera devenu riche."

- Sur l'aumône.

 

La belle parole que vous venez d'entendre vous donne un fruit mûr, s'il n'est pas abondant : la corde de l'instrument est légère, mais le son est puissant : le discours n'est pas long, mais les pensées en sont d'un grand prix. Il a ranimé le peuple entier par une hymne de louanges, il a stimulé le zèle des auditeurs en célébrant l'Auteur de l'agriculture; après avoir commencé par l'action de grâces, conformément au précepte de l'Apôtre, il a terminé par un chant de gloire. S'il a promptement levé la table, ce n'est pas par indigence, c'est par humilité. Si l'orateur n'a pas voulu prolonger son instruction, ce n'est pas qu'il n'eût beaucoup à vous dire, c'est qu'il a préféré nous laisser ce devoir à remplir. Courage donc, et, délivrés maintenant de la tourmente qui nous a si profondément agités, retrempons-nous dans la lecture des Livres saints comme dans une eau pure et courante. Ainsi font les matelots : après avoir subi les coups de la tempête, et traversé de vastes mers, quand ils sont arrivés dans un port tranquille, repliant les voiles et laissant là les rames, ils descendent de leurs vaisseaux pour courir aux bains et réparer leurs forces par de meilleurs aliments, un sommeil plus calme, un doux repos; et de la sorte ils se disposent à fournir avec plus de vigueur le reste de leur course. Faisons comme eux, et, puisque nous sortons à peine de ces troubles civils où nous étions ballottés comme dans la tempête laissons notre âme de délasser dans la méditation des Écritures comme dans un port à l'abri de tous les vents.

C'est un port sûr et paisible, en effet, une citadelle inexpugnable, une tour que rien ne saurait ébranler, une gloire à l'abri de la malveillance, une armure à l'épreuve des traits, une confiance invincible, une intarissable joie, tout ce que vous pourrez dire d'heureux, que la lecture assidue des divines Écritures. Elle dissipe le chagrin, elle inspire une sainte allégresse, elle donne au pauvre le plus magnifique de tous les trésors, au riche une pleine sécurité, au pécheur la justice, au juste une sûre protection; elle déracine le mal qui existe et fait germer le bien qui n'existait pas; elle chasse la corruption et ramène à la vertu, et non seulement elle y ramène, mais encore y fait prendre racine, elle y confirme pour toujours : C'est un remède spirituel, un char-me inénarrable et divin qui endort la souffrance et fait taire les passions. Cette lecture arrache les épines au péché, purifie le champ de notre âme, répand la semence de la piété et la féconde jusqu'à ce qu'elle ait produit des fruits parfaits. Gardons-nous donc de négliger tant de précieux avantages, ne perdons pas ceux que nous avons déjà recueillis, revenons sans cesse à ce moyen pour y puiser une guérison incessante; que nul, à la vue du riche, ne s'abandonne à l'envie et ne murmure contre la pauvreté : con-naissons mieux la nature des choses, et passons à côté de l'ombre pour aller droit à la vérité. Elle a beau paraître plus grande que le corps, l'ombre n'est que l'ombre; ce n'est pas même qu'elle soit plus grande, elle le paraît seulement, et d'autant plus que nous sommes plus éloignés du rayon du soleil, si bien que vers le milieu du jour, le soleil étant au-dessus notre tête, l'ombre est extrêmement réduite et n'existe presque plus. C'est ce qu'on peut remarquer aussi dans l'existence humaine : à mesure qu'un homme s'éloigne de la vertu, les choses de la vie présente grandissent à ses yeux; mais, quand il se place dans l'éclatante lumière des Écritures, il voit clairement combien ces mêmes choses sont viles, méprisables et fragiles, il comprend qu'elles n'ont pas plus de consistance que les eaux rapides d'un fleuve, qui paraissent et disparaissent en même temps.

Raisonnant sur ce même sujet, et cherchant à relever ces hommes pusillanimes et malheureux qui rampent à terre, sont éblouis par l'éclat des richesses, frémissant et tremblant devant ceux qui les possèdent; de plus, voulant nous détourner de cette indigne frayeur et nous inspirer le mépris des possessions terrestres, le prophète disait : "Ne crains pas lorsqu'un homme sera devenu riche et que la gloire de sa maison se sera multipliée; car, à l'heure de la mort, il ne prendra pas toutes ces choses avec lui." (Ps 48,17) Remarquez la précision et la clarté de ce langage. David ne dit pas : Lorsque sa gloire se sera multipliée, il dit : "La gloire de sa maison," voulant nous bien montrer que la gloire de l'homme est tout autre que celle de sa maison. Que sont ces deux sortes de gloire ? Nous devons les distinguer parfaitement l'une de l'autre, si nous ne voulons pas embrasser de vains fantômes, au lieu de la réalité. La gloire de la maison consiste dans la beauté des portiques et des allées, dans les lambris dorés et les parvis semés de pierres précieuses, dans les prairies et les jardins, dans le nombre des serviteurs et la richesse des meubles, toutes choses qui sont étrangères à l'homme. Ce qui fait la gloire de celui-ci, c'est une foi droite, un zèle selon Dieu, la charité, la douceur, la modération, l'assiduité à la prière, la sage distribution des aumônes, la chasteté, la modestie, tout ce qui complète enfin le magnifique ensemble de la vertu. A cet égard, le doute n'est pas possible : celui qui possède les biens extérieurs n'en retire évidemment aucune gloire, et nul ne songera à lui faire un mérite d'avoir une superbe maison, de beaux jardins, de vastes prairies, une multitude d'esclaves, une riche collection de vêtements. Tout cet éclat appartient aux objets eux-mêmes, et nullement à celui qui les possède. Nous admirons la maison, le jardin, la prairie, le splendide vêtement; c'est un hommage rendu à l'habilité des différents ouvriers, mais non certes à la vertu du possesseur de ces choses; ce serait plutôt un indice de sa perversité.

Ainsi donc, bien loin de procurer la moindre gloire à leur maître, de telles possessions la diminuent étrangement. Ceux qui se plaisent à faire un pareil étalage de leurs richesses sont taxés de cruauté, d'égoïsme, d'avarice, de barbarie; ils sont pour tous un objet de mépris et de risée. Et dans le fait, je l'ai dit, ce n'est pas ici la gloire de l'homme, mais tout au plus celle de la maison. Nous admirons et nous louons, au contraire, en toute liberté ceux qui vivent dans la pratique de la réserve et de la modestie, de la douceur et de la justice, les hommes qui s'adonnent entièrement au service de Dieu; car, après tout, c'est en cela que consiste la gloire de l'homme. Sachant qu'il en est ainsi, ne regardez pas comme digne d'envie celui qui possède abondamment des choses qui n'ont rien de commun avec lui. Le verriez-vous assis sur un char, se dressant avec un regard superbe, et portant son front jusqu'aux nues, non en réalité sans doute, puisque cela ne se peut pas, mais par l'orgueil ou mieux par la folle exaltation de son âme, gardez-vous bien de le tenir pour un homme grand, illustre, glorieux. Ce qui nous élève, ce n'est pas un char traîné par de magnifiques animaux, c'est la vertu dont nous avons gravi le faîte et qui monte jusqu'à l'abside des cieux. Un autre s'avance sur un superbe coursier, entouré de nombreux licteurs, qui lui fraient un passage dans la foule; n'allez pas non plus le proclamer heureux. Voyez plutôt ce qui se passe dans son âme, et vous pourrez alors juger ce que vous présentent ces dehors pompeux. N'est-ce pas là quelque chose de pitoyable ?

Pourquoi vous avancer ainsi sur la place publique ? Pourquoi, je vous le demande, écarter et repousser les autres hommes, n'étant après tout qu'un homme vous-même ? Que signifie cet appareil ? Quelle est cette arrogance ? Êtes-vous donc devenu loup ou lion, pour qu'en traversant la ville vous mettiez tout le monde en fuite ? Mais le loup ne s'attaque pas au loup, ni le lion au lion; on les voit plutôt se réunir et respecter leur commune nature : et vous, à qui tant d'autres motifs avec celui-là devraient inspirer la mansuétude, l'humilité, l'équité, pourquoi vous montrez-vous un tel mépris d'êtres doués de raison en exigeant d'eux ce respect pour un animal qui ne la possède pas ? Le Seigneur a fait à l'homme cet honneur de l'admettre dans le ciel, et vous ne voulez pas vous rencontrer avec l'homme sur le marché ! Que dis-je ? Il l'a fait asseoir sur le trône royal, et vous le chassez de la ville ! Que signifie ce frein d'or que porte votre cheval ? Quelle excuse ou quel espoir de pardon pouvez-vous avoir, vous qui donnez à la brute un ornement inutile et dont elle ne saurait avoir le sentiment, -l'or et le plomb étant pour elle la même chose-, et qui voyez le Christ torturé par la faim sans lui fournir les aliments nécessaires ? Comment, homme, refusez-vous de vous mêler aux hommes, et vous faut-il la solitude au milieu des cités, sans qu'il vous vienne à l'esprit que le Seigneur s'est assis à la table des publicains, s'est entretenu avec une courtisane, a été crucifié avec des larrons, a conversé avec les hommes ? Dominé par l'orgueil et l'arrogance, vous avez en quelque sorte dépouillé votre qualité d'homme. De là le mépris que vous faites de toute pitié, l'amour des richesses, la cruauté et la barbarie. Quand vous donnez ainsi un frein d'or à votre cheval, des bracelets d'or à vos domestiques, des incrustations d'or à la prière; quand vous vous entourez de peaux et de vêtements rehaussés d'or; quand vous vous imposez à vous-même cette perverse nécessité, à tel point que votre chaussure brille de l'éclat de l'or aussi bien que votre ceinture, et que vous tenez de satisfaire vos insatiables désirs, de rassasier le plus féroce de tous les monstres, la soif de l'or; vous dépouillez alors les orphelins et les veuves, vous devenez l'ennemi du genre humain et vous avez entrepris un labeur sans résultat, une course qui ne saurait aboutir à rien d'heureux.

A quoi bon, par exemple, couvrir d'or ce barbare dont vous avez fait votre serviteur ? Quel bien peut-il en résulter pour vous ? quelle utilité pour votre âme ? quel délassement pour votre corps ? quel avantage pour votre maison ? C'est tout le contraire que vous éprouvez : une dépense inutile, des frais condamnés par la raison, un aliment donné à la luxure, un enseignement d'iniquité, un moyen de dissolution, la ruine de l'âme, un chemin qui conduit à des maux sans nombre; et ces lits entourés d'argent, tout resplendissants d'or, et ces escabeaux, et ces vases formés du même métal, et ces rires immodérés, quelle heureuse influence peuvent-ils avoir sur votre vie ? En deviendrez-vous meilleur vous-même, ou bien votre femme, ou bien quelqu'un de votre famille ? N'est-ce pas là plutôt ce qui fait les voleurs, les brigands audacieux, les esclaves infidèles ? En voyant de toutes parts l'or et l'argent briller à leurs yeux, ils sentent se réveiller en eux l'instinct de la rapine. Si vous, homme libre et qui n'avez que des sentiments élevés, quand vous voyez l'argent étalé sur les places publiques, n'êtes pas à l'abri des instigations de la cupidité, que pouvez-vous attendre d'un esclave ? Je ne dis pas cela pour atténuer le crime des esclaves fugitifs ou des autres malfaiteurs, je le dis uniquement pour que vous n'alimentiez pas chez eux un mal aussi funeste. - Où placerons-nous donc ces richesses, me dira-t-on, et faudra-t-il les enfouir dans la terre ? - Assurément non; et, si vous écoutez mes conseils, je vous dirai de quelle manière vous pourrez faire d'un esclave fugitif un serviteur fidèle.

Oui, la fortune est bien réellement un esclave fugitif, aujourd'hui chez l'un, et demain chez un autre. Elle n'est pas seulement fugitive, mais elle rend l'homme fugitif, puisqu'elle inspire à ceux qui sont chargés de la garder la pensée de prendre la fuite. Comment pourrez-vous donc l'enchaîner et la retenir ? Par un moyen tout contraire à celui qu'on emploie pour retenir les autres fugitifs. On retient les autres en les serrant de près; traitez-la de la sorte, et c'est alors qu'elle s'enfuira : elle vous restera si vous la jetez dehors. Ce que je vous dis vous parait étrange peut-être; mais l'exemple des agriculteurs vous y ramènera. S'ils enfouissaient dans leurs maisons le froment qu'ils ont recueilli, ils le perdraient en le donnant à dévorer aux insectes; s'ils vont le répandre dans les champs, non seulement ils le conservent, mais encore ils le multiplient. Il en est ainsi des richesses : sont-elles renfermées dans des coffres ou dans la terre, elles disparaissent bientôt malgré les serrures et les verrous; si vous les répandez dans le sein des pauvres, comme l'agriculteur répand le blé dans son champ, bien loin de disparaître, elles ne font qu'augmenter. Sachant donc cela, ne les confiez pas à quelques serviteurs, distribuez-les en mille mains, celles des veuves, des orphelins, des infirmes, des estropiés, des prisonniers. Elles n'échapperont point à des étreintes aussi nombreuses, elles seront en sûreté, elles se multiplieront même. - Et que laisserai-je à mes enfants ? me dira-t-on peut-être. - Prenez garde, je ne vous oblige pas à tout donner; et encore donneriez-vous tout, ce serait le moyen de rendre vos enfants plus riches; car, au lieu de vos biens, vous leur laisseriez la protection de Dieu, le trésor de l'aumône, des défenseurs et des protecteurs nombreux même parmi les hommes. Nous détestons les avares, alors même qu'ils ne nous ont fait aucun tort, et nous respectons, nous aimons les hommes généreux et compatissants, sans qu'il nous soit rien parvenu de leurs largesses, et ces sentiments, nous les reportons sur leurs enfants. Songez donc quelle est cette gloire d'avoir tous les hommes pour amis, de les entendre tous, en retour du bien que le père aura fait aux pauvres, dire de l'enfant : Voilà le fils d'un véritable ami des hommes, d'un homme bon et miséricordieux. - Et vous, c'est une chose inanimée que vous couvrez de vains ornements; la pierre ne s'animera pas, quelle que soit la quantité d'or dont vous la couvriez. En attendant, vous refusez les aliments nécessaires à des êtres doués de sensibilité et que la faim consume. Lorsque se dressera devant nous le redoutable tribunal, entouré de fleuves de feu, et qu'il nous sera demandé compte des actes de notre vie, que direz-vous pour vous disculper d'une telle indifférence,d 'une aussi dangereuse folie, d'une conduite aussi barbare ? Quelle excuse aurez-vous à faire valoir ?

Tous les hommes ont un but connu d'eux, un motif qui les guide : demandez à l'agriculteur, et il vous dira pour quelle raison il attelle les boeufs, il trace des sillons, il mène la charrue; demandez au marchand, et il vous dira de même pourquoi il traverse les mers, il loue des ouvriers, il fait des avances; le maçon, le cordonnier, le forgeron, le boulanger, un artisan quelconque, vous rendra raison des procédés de son art. Mais vous, quand vous revêtez d'argent votre couche, quand vous parsemez votre cheval ou vos murs de lames d'or, quand vous acquérez des peaux si richement préparées, si l'on vous en demande la raison, qu'aurez-vous à répondre ? Est-ce que par hasard cette brillante couche doit vous procurer un plus doux sommeil ? Assurément, c'est ce que vous ne pouvez pas dire; je dirai même le contraire, au risque de vous étonner : les craintes et les soucis qui naissent des richesses troubleront votre sommeil. L'or qui brille sur les murs les rend-il plus solides ? Non, vous devez encore l'avouer. Votre cheval et votre domestique vous servent-ils mieux à cause de l'or qui les couvre ? C'est bien l'opposé. Pourquoi donc, avec ce luxe, étalez-vous également votre ineptie ? Je sais ce que vous allez me dire; c'est pour augmenter votre considération que vous agissez ainsi. - Eh quoi, n'avez-vous pas entendu dès le commencement de notre discours qu'en cela ne consistait pas la gloire de l'homme, mais qu'il trouvait plutôt un sujet de honte, de mépris, de répulsion et de risée ? De là naît l'envie, la haine, une suite intarissable de maux; plus la fortune persiste, plus les accusations sont obstinées. Ces vastes et splendides maisons sont elles-mêmes d'impitoyables accusateurs, qui ne cessent d'élever la voix contre leurs maîtres, après même qu'ils sont morts : le corps est dans la terre; mais la vue de ces constructions ne permet pas que le souvenir de la cupidité qu'elles attestent disparaisse dans le même tombeau. Chaque passant, en contemplant la hauteur et l'étendue, l'éclat et la magnificence de l'édifice, se dit à lui-même ou dit à son voisin : De combien de larmes cette maison est pétrie ! que d'orphelins spoliés, que de veuves opprimées, que d'ouvriers victimes de l'injustice ! - Voilà donc vos espérances bien trompées : vous prétendiez avoir la gloire dans la vie, et l'opprobre vous suit jusque dans la mort. Votre nom est partout affiché sur cette maison comme sur une colonne d'airain; elle vous suscitera mille accusations flétrissantes, de la part même de ceux qui ne vous auront jamais vu de votre vivant.

Puisqu'un tel luxe ne peut pas nous donner la vaine satisfaction qu'on s'en était promise, fuyons, mes bien-aimés, fuyons cette triste maladie, ne tombons pas au-dessous des brutes elles-mêmes. Tout est commun entre elles, la terre, les fontaines, les prairies, les montagnes et les bois; l'une n'a rien de plus qu'une autre, et vous, tout homme que vous êtes, et l'homme est le plus doux des animaux, vous devenez plus cruel qu'une bête féroce, puisque vous entassez dans une seule maison la substance d'un nombre incalculable de pauvres. Et ce n'est pas seulement l'identité de nature qui nous unit; nous possédons en commun le ciel, le soleil, la lune, tous les choeurs des astres, l'air, la mer, le feu, l'eau, la terre, la vie et la mort, l'adolescence et la vieillesse, la maladie et la santé, la nourriture et le vêtement. Ajoutez à cela les biens spirituels, cette table sacrée, le Corps du Seigneur, son Sang adorable, l'espérance du royaume céleste, le bain de la régénération, la rémission des péchés, la justification, la sanctification, la rédemption, et ces biens ineffables "que l'oeil n'a pas vus, que l'oreille n'a pas entendus, que le coeur de l'homme n'a jamais goûtés." (1Cor 2,9) N'est-ce pas une chose contraire à la raison que des êtres unis par la nature et la grâce, par les mêmes pro-messes et les mêmes lois, se disputent avec tant de rapacité les possessions terrestres, méconnaissent à tel point les droits qui leur sont communs, se ravalent même au-dessous des bêtes sauvages, et cela, pour des objets qu'ils auront à quitter avant peu et qui de plus les exposent au danger de se perdre ? La mort viendra les en séparer, traînant après elle le terrible jugement et les supplices éternels.

Voulons-nous échapper à cette fatale destinée, soyons pleins de miséricorde. C'est la reine des vertus, elle sera plus tard la basse de notre confiance, elle nous préservera du châtiment, et nul ne fermera le passage à celui qu'elle conduit au ciel. Elle a des ailes puissantes, son crédit est grand auprès de Dieu, elle monte jusqu'au trône royal pour y présenter ses nourrissons avec sécurité. " Vos prières et vos aumônes, est-il écrit, sont montées en présence de Dieu et ne seront pas oubliées." (Ac 10,4) Pourquoi ne nous élèverions-nous pas nous-mêmes à cette hauteur, en nous dégageant des liens de cette fatale avarice, de ce luxe immodéré, de cette ambition sans bornes ? Du superflu, faisons le nécessaire, débarrassons-nous de ces biens surabondants, confions-les aux mains du Juge suprême, qui seul peut nous les conserver intacts et nous les compter comme un titre à son indulgence et à sa Libéralité, quand sera venu le jour du jugement. Serions-nous alors coupables de péchés innombrables, Il ne nous refusera pas son pardon. Puissions-nous tous l'obtenir par la Grâce et l'Amour de notre Seigneur Jésus Christ, à qui gloire et puissance dans les siècles des siècles. Amen.