PSAUME 150

"Louez Dieu dans ses saints." Un autre dit : "Dans son saint." Un autre. encore : "Dans sa sanctification."

 

C'est du peuple lui-même, ou de la vie sainte, ou des hommes saints que cela doit s'entendre. Voilà que ce livre encore va se fermer sur une hymne d'actions de grâces, afin de nous enseigner que ce doit être là le commencement et la fin de nos actions et de nos paroles. C'est ce que Paul nous dit : "Dans tout ce que vous ferez, dans tous vos discours comme dans toutes vos oeuvres, rendez constamment grâces à Dieu, et par Lui au Père." (Col 3,17). Tel est aussi le commencement de notre prière; car dire à Dieu : "Notre Père," c'est rendre grâces pour les bienfaits reçus : ils sont tous renfermés dans ce seul nom. Celui qui dit Père, proclame l'adoption des enfants, et proclamer cette adoption, c'est reconnaître aussi la justification, la sanctification, la rédemption, le pardon des péchés, la possession du saint Esprit. Nous ne pouvons pas, en effet, posséder la grâce de l'adoption en dehors de ces conditions préalables; nous ne pouvons pas autrement appeler Dieu, notre Père. Dans ma pensée, le prophète nous suggère là une autre leçon : "Dans ses saints" veut dire par ses saints. Rendez Lui donc grâces de ce qu'Il nous a fait un genre de vie si sublime, de ce qu'il a transformé les hommes en anges. De là vient qu'après avoir dit : "Dans ses saints," le prophète ajoute, conjure pour confirmer ma pensée : "Louez-Le dans le firmament de sa Vertu." L'une de ces choses est beaucoup plus chère à Dieu que l'autre; car le ciel est fait pour l'homme, et non l'homme pour le ciel. Au lieu de firmament, un interprète met : "L'incorruptible" un autre : "Dans le firmament de son Pouvoir." le vois encore là un autre sens, comme dans un précédent psaume. De même qu'il avait dit : "Louez-Le, vous ses anges;" (Ps 148,2); il dit ici : "Louez-le dans son firmament." C'est comme s'il disait : Vous qui habitez son firmament. Nous n'ignorons pas qu'il appelle sans cesse les puissances supérieures à partager ses louanges. "Louez-le dans ses vertus ou dans ses puissances." (Ps 150,2). L'hébreu porte : Begeburotkaü. Or, voici la portée de ce verset : Louez-Le à cause de sa Grandeur, à cause de sa Puissance, à cause de ses Prodiges, à cause de cette Vertu qu'Il a fait éclater en toutes choses, dans le monde supérieur et dans le monde inférieur, dans l'ensemble et dans le détail, sur chaque point de la durée et dans toute la suite des âges. "Louez-Le selon l'étendue de sa Grandeur." Et coururent pourraient nos louanges répondre à l'infinie Grandeur de Dieu ? Aussi n'est-ce pas là ce que le prophète demande; il se borne à dire : Autant que vous pouvez plonger par le regard de l'âme dans l'abîme de la Divinité, autant vous lui devez vos adorations et vos louanges. Un homme ne saurait aller que jusqu'aux limites de son pouvoir dans les hommages qu'il rend à ce Dieu dont la Grandeur est infinie et que nul ne peut honorer comme il le mérite. - Voyez-vous de quel désir cette âme est enflammée, quel mouvement elle se donne, comme elle fait effort pour surmonter la faiblesse de sa nature et s'envoler désormais au ciel pour s'unir d'une manière encore plus intime à l'objet de son amour ?

"Louez-Le au son de la trompette, louez-Le sur le psaltérion et la cithare, louez-Le dans vos chants avec l'accompagnement du tambour; louez-Le sur l'orgue et tous les instruments à cordes; louez-Le sur les cymbales aux sons retentissants, sur les cymbales de la joie. Que tout esprit loue le Seigneur." (Ibid., 4-6). "Tout ce qui respire," est-il dit dans une autre version. Il existe aussi quelque différence dans les noms des instruments; mais cela ne touche en rien à la forme même de la pensée. Ce que le prophète se propose, c'est de mettre en branle tous les instruments : que tout se réunisse pour célébrer la Gloire de Dieu, que tous les coeurs soient embrasés d'amour pour Lui. Or, de même qu'il est prescrit aux Juifs d'employer ainsi tous les instruments en l'Honneur de Dieu, de même nous est-il prescrit d'y faire servir tous nos membres, les yeux, la langue, les oreilles et les mains. Paul dit aussi quelque chose de semblable : "Offrez vos corps comme une hostie vivante, sainte, agréable à Dieu; que la raison préside à votre culte." (Rom 12,1). L'oeil glorifie le Créateur quand il s'abstient de tout regard impudique; la langue, quand elle fait entendre des chants pieux; l'oreille, quand elle repousse les chants impurs et les accusations contre le prochain; l'intelligence, quand elle n'ourdit pas d'artifices et ne respire que la charité; les pieds, quand ils ne courent pas dans la voie du mal et ne tendent qu'au bien; les mains, quand on ne s'en sert pas pour la rapine, l'injustice ou la violence, mais plutôt pour secourir les indigents et défendre les opprimés. L'homme tout entier devient alors un harmonieux et multiple instrument qui fait remonter vers Dieu une mélodie spirituelle pleine de puissance et de douceur. Les instruments matériels étaient permis aux anciens par égard pour leur faiblesse : c'était un moyen pour leur inspirer la concorde et la charité, pour exciter les âmes à l'amour des choses saintes et des oeuvres salutaires; le zèle et la ferveur devaient naître de ces suaves impressions. Sachant à quel point les hommes étaient plongés dans la torpeur et l'indifférence, Dieu voulait ainsi les ranimer et leur faire accepter par ces agréables et savantes modulations le travail de la prière et de la vertu.

Qu'entend le prophète par cette expression : "Sur les cymbales de la joie ou de la signification ?" car ce dernier mot se trouve dans une variante. Il entend par là les psaumes eux-mêmes. En effet, ce n'était pas au hasard et sans but qu'on faisait retentir le son des cymbales et de la cithare, l'harmonie de ces instruments divers rendait autant que possible la signification des psaumes, et de la sorte l'application qu'on apportait à cette harmonie devenait la source des plus précieux avantages. "Que tout esprit loue le Seigneur." Après avoir convoqué les habitants du ciel, réveillé le zèle du peuple, mis en branle tous les instruments, le prophète s'adresse à la nature entière, à tous les âges sans exception, il convoque dans un même choeur les vieillards et les jeunes gens, les hommes et les femmes, les petits enfants eux-mêmes, tous les habitants de l'univers, préludant ainsi à l'universelle effusion de la divine semence, qui s'accomplira dans le Nouveau Testament. Ne cessons donc de louer le Seigneur et de Le bénir en toutes choses, par nos paroles et par nos actions. Voilà quel est notre sacrifice, voilà le meilleur genre d'adoration, celui qui convient à la vie même des anges. Si nous persévérons dans ces pieux exercices, nous traverserons heureusement la vie présente et nous obtiendrons les biens à venir. Puissent-ils être notre partage à tous, par la Grâce et l'Amour de notre Seigneur Jésus Christ, à qui gloire, puissance, honneur, en même temps qu'au Père et au saint Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.