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PSAUME 149 |
1. Pris dans le sens anagogique, ce cantique nouveau dont il est ici parlé, c'est celui du Nouveau Testament; car toutes choses alors ont été renouvelées. Le testament, d'abord : "J'établirai pour vous un testament nouveau;" (Jer 31,31); la créature, ensuite : "Toute créature, quelle qu'elle soit, est renouvelée dans le Christ;" (II Cor 5,17; l'homme, enfin : "Dépouillant le vieil homme et revêtant le nouveau, celui qui se renouvelle dans la connaissance de la vérité, à l'image de son Créateur." (Col 3,9). C'est sur ce renouvellement de la vie et de toutes les choses que repose le Nouveau Testament, et dans ce psaume le prophète nous exhorte à chanter ce nouveau cantique. Au point de vue des faits, ce cantique est nouveau parce qu'il est destiné à célébrer d'une manière éclatante les victoires remportées, les oeuvres accomplies, les trophées et les triomphes. "Que sa Louange retentisse dans l'assemblée des saints." Voyez-vous comment, avant la louange de la parole, il demande celle des oeuvres et de la vie, quels sont ceux qu'il admet à former son religieux concert ? Il ne suffit pas que la voix chante une hymne d'actions de grâces, il faut que la vertu des oeuvres l'accompagne. "Que sa louange retentisse dans l'assemblée des saints." Il y a là un autre enseignement : nous voyons dans cette parole qu'il faut louer Dieu avec un accord parfait; car l'Église est une réunion où règne la plus complète harmonie.
"Qu'Israël se réjouisse en Celui qui l'a créé." (Ps 149,2). Avant les faveurs particulières il place un bienfait général, et, par ce qui va suivre, il semble nous adresser cette exhortation : Rendez grâces à Dieu de ce que, lorsque vous n'étiez pas, il vous a donné l'existence et soufflé une âme immortelle. C'est là sans doute un assez grand bienfait; mais le prophète en signale un plus grand encore : à l'existence vient rajouter l'intime union avec Dieu. Il veut donc que ses auditeurs lui rendent grâces, non seulement de ce qu'Il leur a donné la vie, mais encore de ce qu'Il les a faits son peuple particulier. Il leur fournit de la sorte, vous le voyez, un plus puissant motif de reconnaissance; et cette reconnaissance, Ii la veut pleine d'élan, d'ardeur et de joie. C'est tout cela qu'il exprime par un mot : "Qu'il se réjouisse." Avant tout Il exige donc le sentiment du coeur dans la reconnaissance, un vif désir du bien, un amour sincère, un abandon sans bornes envers le Dieu qu'on loue. Lui-même exprime ailleurs ce sentiment : "Comme le cerf altéré soupire après les sources des eaux, ainsi mon âme soupire après Toi, ô mon Dieu;" et puis encore : "Mon âme a soif du Dieu fort et vivant." (Ps 41,2-3). "Mon âme est dévorée par la soif; combien ma chair n'en est-elle pas tourmentée pour Toi, dans une terre déserte, impraticable, desséchée !" (Ps 62, 2). La terre elle-même éprouve la soif, suivant l'expression d'une variante. Le prophète ne peut mieux rendre l'amour qui consume son âme qu'en se comparant à une terre dévorée par le soleil, à un cerf tourmenté par la soif. Il poursuit en ces termes le développement de cette même pensée : "Quand viendrai-je, quand apparaîtrai-je devant la Face de mon Dieu ?" (Ps 41,3). Voilà ce que sont les âmes des saints; telle était l'âme de Paul, qui gémissait des entraves qui le retenaient sur la terre. (Il Cor 5,4). "Que les enfants de Sion tressaillent en leur roi." Il insiste sur cette union intime qui rattache ce peuple à Dieu, comme nous l'avons déjà dit. C'est le sens de cette parole : "En leur roi." Ce n'est pas simplement à cause de la création que le Seigneur est leur Roi, il l'est encore à cause de cette union.
"Qu'ils louent son Nom dans leurs concerts." Voici donc reparaître cette douce symphonie qui réunit dans un même choeur toutes les voix et toutes les âmes. Paul la recommande aussi quand il dit : "N'abandonnant pas leurs assemblées." (Heb 10,25). La prière que nous récitons tous en porte elle-même l'empreinte : "Notre Père qui êtes aux cieux..., remets-nous nos dettes...; ne nous laissez pas succomber à la tentation; mais délivre-nous du mal." (Mt 6,9-13; Luc 11,4). C'est toujours au pluriel que nous y parlons. L'ancien peuple n'était pas moins instruit à chanter la Gloire du Seigneur dans des choeurs symphoniques; rien n'était oublié pour lui inspirer la concorde et l'harmonie.
2. "Qu'ils le chantent sur le tambour et le psaltérion." Plusieurs, interprétant dans un sens anagogique le nom de ces instruments, disent que les tambours représentent l'obligation où nous sommes de mortifier notre chair, et que le psaltérion nous apprend à lever les yeux vers le ciel; car ce dernier instrument est mû par en haut au lieu de l'être par en bas comme la cithare. Pour moi, je dis simplement que de tels instruments étaient concédés à ce peuple parce que son intelligence était encore bien appesantie et qu'il venait à peine de quitter le culte des idoles. De même donc qu'il avait autorisé l'usage des sacrifices, Dieu tolérait celui de ces instruments, par condescendance pour la faiblesse des hommes.
Ainsi donc, le prophète exige qu'on chante avec joie; c'est ce qui respire dans cette parole : "Qu'ils louent son Nom par leurs concerts," par une agréable symphonie, par une vie pure. Puis, voulant exciter en eux une plus vive allégresse, il leur dit quel amour leur a témoigné Celui dont ils chantent les louanges; et voici, comment il poursuit : "Car le Seigneur a mis sa Complaisance dans son peuple." Quelle prospérité pourrait-on comparer à celle qu'on possède quand on a Dieu pour soi ? "Et il exaltera en les sauvant ceux qui pratiquent la douceur." (Ps 149,4). Observez comme il distingue ce qui vient de Dieu et ce qui vient des hommes. Comme il venait de demander aux hommes l'action de grâces, il fait ici la part de Dieu : "Car le Seigneur a mis sa Complaisance dans son peuple." Mais aussitôt qu'il a promis un bienfait divin, il rappelle un devoir à remplir par la nature humaine : "Il exaltera en les sauvant ceux qui pratiquent la douceur." Exalter, c'est l'Îuvre de Dieu; pratiquer la douceur, c'est l'obligation de l'homme. L'Îuvre de Dieu ne s'accomplit qu'autant que l'homme s'y trouve prédisposé. Or, voyez la grandeur du Don divin. Le prophète ne dit pas simplement : Il les sauve, mais bien : "Il les exaltera en les sauvant." Il ne se bornera pas à les éloigner du rital, il les entourera d'une éclatante lumière : avec le salut, il leur donnera la gloire. Le texte ne saurait être plus formel à cet égard : "Les saints se réjouiront dans la gloire." (Ibid., 5). Ce sont des hommes doux d'abord, et puis des saints qu'il réclame. Par, tout l'action de Dieu se manifeste par des miracles. C'est ainsi qu'il les retira de l'Égypte, ainsi qu'Il les ramena de Babylone : Il ne se contenta pas de les arracher au malheur, il les revêtit d'une splendeur nouvelle par la manière dont Il les délivra. "Ils seront heureux sur leurs sièges," ou bien sur leurs couches. C'est une image par laquelle il peint une profonde sécurité, une quiétude parfaite, la plénitude du bonheur et de la joie. En parlant de la sorte, il veut leur bien montrer que tout cela ne sera pas le résultat de leurs efforts ou de leur courage, qu'ils devront tout au Secours divin, et qu'ils sont dans l'obligation de l'attirer sur eux par leur douceur et leur humilité.
"Les louanges de Dieu seront dans leur bouche, et des glaives à double tranchant dans leurs mains, pour exercer ses Vengeances au milieu des nations et corriger en son Nom les peuples." (Ibid., 6, 7). C'est une guerre qui se fera par des chants religieux, c'est par leurs cantiques et leurs hymnes qu'ils triompheront; car voilà ce que signifient les Louanges de Dieu qui seront dans leur bouche : il faut entendre par là le chant des psaumes, les hymnes de la reconnaissance. Une variante le dit même expressément. "Pour exercer ses Vengeances au milieu des nations et corriger en son Nom les peuples." Que signifie cela ? Comme leurs dominateurs ne cessaient de les accabler d'outrages, Dieu S'engage à réprimer cette insolence par les faits, en leur montrant que ce n'est pas à sa propre faiblesse, mais aux péchés de son peuple qu'on devait attribuer ces revers. Aussi, quand le châtiment se fut assez prolongé, Dieu dans sa Bonté n'eut qu'à faire un signe, et les choses présentèrent aussitôt un changement merveilleux. Et voyez quelle étonnante victoire; car il ajoute aussitôt : "Pour mettre leurs rois dans les chaînes, pour charger leurs princes des fers." Quel triomphe complet ! Non seulement ils repoussent les attaques de leurs ennemis, mais encore ils s'en retournent les tenant en chaînés et faisant éclater à tous les yeux la Puissance divine. "Pour exercer sur eux le jugement prescrit." (Ibid., 9). Qu'est-ce donc qu'un jugement prescrit ? Un jugement manifeste, éclatant, à l'abri du doute et de l'oubli. Telles sont encore une fois les Îuvres de Dieu : par la grandeur des faits accomplis, par l'éclat des miracles, elles s'étendent à tous les temps. Telle sera donc la victoire qu'ils remporteront, tel le trophée qu'ils érigeront, que le monde entier en sera frappé dans toute la suite des siècles, comme si cela était gravé sur une colonne d'airain.
"A tous les saints appartient cette gloire."
Quelle gloire ? Celle d'avoir triomphé, non d'une
manière quelconque, mais dans de telles conditions, avec le
concours de la puissance céleste, ayant Dieu même pour
auxiliaire. Voyez comme il leur remet sous les yeux l'exemple des
saluts, afin d'exciter dans les âmes le zèle du bien et
d'imprimer une bonne direction à la vie. Pour moi, je suis
persuadé que ce n'est pas seulement à la gloire du ciel
qu'il donne le nom de triomphe, qu'il désigne encore ainsi les
chants religieux, les hymnes et les cantiques, voulant nous apprendre
en toute occasion que chanter les Louanges de Dieu c'est
acquérir de nouveaux droits à la gloire, c'est
s'entourer d'un nouvel éclat, par la Grâce et l'Amour de
notre Seigneur Jésus Christ, à qui gloire et puissance,
dans les siècles des siècles. Amen.