PSAUME 134
1.Le prophète invite de nouveau les Juifs à offrir à Dieu le sacrifice de louange; c'est là le sacrifice et l'offrande qui lui sont agréables. C'est ce qui fait dire ailleurs au psalmiste : "Je célébrerai le Seigneur dans mes cantiques; je Le glorifierai dans mes louanges. Ce sacrifice sera plus agréable au Seigneur que l'immolation d'un jeune taureau aux cornes naissantes et aux ongles forts." (Ps 68, 35-36). Il leur remet sans cesse devant les yeux le temple et ses parvis sacrés polir les attacher au lieu saint, sans, leur permettre de s'en éloigner. Lorsque Dieu leur donna dès le commencement l'ordre de Lui élever un sanctuaire, Il se proposa de détruire parmi eux l'impiété et l'idolâtrie, en les réunissant tous dans un seul lieu, on ne les verrait plus alors errer en liberté, au gré de leurs désirs. aveugles, chercher dans les bois, dans les fontaines, dans les montagnes, dans les collines, antan d'occasions de se livrer à leur impiété, en offrant dés sacrifices et en faisant des libations sur les hauts lieux. Aussi Dieu condamnait-Il à mort celui qui offrait un sacrifice en dehors du temple : "Celui qui n'aura point offert la victime à la porte du tabernacle pour être sacrifiée, le sang lui sera imputé." (Lev 17,4). Il les convoque donc de toutes les parties de la Judée, dans un même lieu, afin qu'ils puissent recevoir les leçons de la sagesse et se préserver de toute erreur. Il leur fait un devoir de louer Dieu, de chanter, de célébrer ses louanges, parce que les louanges de Dieu étaient l'aliment de leur piété. Ces louanges leur rappelaient le souvenir des anciens événements qui s'étaient accomplis dans l'Égypte, dans le désert, dans la terre promise, la promulgation de la loi, les scènes du mont Sinaï, les guerres qu'ils avaient soutenues. En même temps donc qu'ils célébraient les louanges de Dieu, ils trouvaient dans ces chants de précieux enseignements qui tout à la fois devenaient la règle de leur vie et leur donnaient une connaissance exacte de la vérité. "Louez le Seigneur, parce qu'Il est bon." Suivant une autre version : "Parce qu'Il est bienveillant. "Le psalmiste revient sans cesse sur les attributs que les hommes ont le plus à coeur, la bonté, la miséricorde, la bénignité : "Chantez à la gloire de son Nom parce qu'Il est plein de douceur." Vous le voyez, l'utilité se trouve ici jointe an plaisir. Le fruit le plus précieux que nous recueillons de ce saint exercice est de chanter les louanges de Dieu, de purifier notre âme, d'élever nos pensées, d'avoir une connaissance parfaite des vérités divines, et une idée juste du présent et de l'avenir. La mélodie donne d'ailleurs à ces chants un charme ineffable, qui console, repose l'âme et rend digne de vénération celui qui aime à chanter les hymnes sacrés. Un autre interprète fait ressortir plus clairement ces effets en traduisant : "Parce que cela est convenable." Un autre : "Parce que c'est une chose pleine de douceur." Tous deux sont dans la vérité. Supposez un homme livré aux plus-honteux excès, s'il chante les psaumes avec respect, il assoupit la tyrannie de ses passions; et fût-il accablé sous le poids de maux innombrables et en proie à une profonde tristesse, la douceur de ces chants allège sa douleur, élève ses pensées et enlève son âme jusqu'aux cieux.
"Le Seigneur a choisi Jacob pour être à lui, Israël pour être sa possession." (Ibid., 4). Le psalmiste ne rappelle point ici aux Israélites les bienfaits qui leur sont communs avec les autres hommes, il s'arrête à celui qui leur est personnel et qui surpasse tous les autres. Quel est-il ? C'est que Dieu a choisi Israël pour son peuple, qu'Il Se l'est consacré, et qu'Il lui a témoigné une bienveillance toute particulière. Les prophètes ne cessent d'évoquer les mêmes souvenirs, et leurs oracles ne sont qu'une longue émumération des Bienfaits de Dieu. Que signifient ces paroles : "Pour être sa possession ?" Pour en faire ses richesses, sa fortune. Ce peuple était bien peu considérable, il est vrai; cependant Dieu l'a choisi pour être sa richesse. Il ne considéra point son peu d'importance, mais la vertu à laquelle Il voulait élever cette nation choisie. C'est ainsi qu'Israël offrait à Dieu des ressources plus abondantes que les autres nations, grâce à la bonté de celui qui l'avait choisi, et qui voulait par ce peuple instruire les autres hommes. Saint Paul lui-même compare souvent aux richesses le salut des hommes, comme dans ces paroles : "Tous n'ont qu'un même Seigneur qui répand ses Richesses sur tous ceux qui L'invoquent." (Rom 10,12). Et dans ces autres : "S'il tombe ou s'il demeure ferme, c'est pour son maître." (Rom 14,4). Voilà comme en les appelant la possession de Dieu, il proclame l'Amour, la Providence, la Sollicitude de Dieu à leur égard. Cette providence toute particulière se révèle donc par ces deux faits que Dieu les a choisis et qu'Il en a fait sa possession. Avez-vous remarqué comme il fait ressortir la Bonté de Dieu dans les premières paroles de ce psaume : "Louez le Seigneur, parce qu'Il est bon. J'ai reconnu que le Seigneur est grand ?" (Ibid., 5). Voici un nouveau motif de louer Dieu : Quel est-il, dites-le moi, ô prophète ? Vous le connaissez. Est-ce que les autres l'ignorent ? Non, répond-il, ils le savent, mais ils ne le savent pas comme je le sais. C'est le privilège des saints et de ceux qui sont plus élevés en perfection, d'avoir une connaissance plus parfaite de la Majesté divine.Ils ne connaissent pas sa Nature tout entière (cela est impossible, mais ils en ont une connaissance plus claire que les autres hommes. "Et que notre Dieu est élevé au-dessus de tous les dieux." Mais quoi, me direz-vous, le prophète qui vient de proclamer la Grandeur de Dieu et d'affirmer qu'il la connaissait, affaiblit cette déclaration; il compare Dieu avec d'autres dieux, et ne lui accorde qu'une excellence relative. Non, mais il tient compte des dispositions de ceux qui l'écoutaient, et ce n'est que pas à pas qu'il les conduit à la vérité. Ce ne serait pas en effet une preuve bien forte de la Grandeur de Dieu que de Le déclarer supérieur à tous les autres dieux. Aussi, je le répète, le psalmiste proportionne son langage à la faiblesse de ses auditeurs. Car il leur était alors utile et avantageux qu'il leur fit entendre et comprendre cette vérité.
2. Dieu est donc sans comparaison au-dessus de tous les autres dieux, le prophète le démontre dans la suite du psaume, où il apporte la preuve la plus frappante de la Puissance divine, et nous fait voir ainsi que ce qu'il a dit précédemment, était un langage proportionné à la faiblesse de ses auditeurs. Ainsi, quand il ne fait qu'énoncer cette vérité, ses expressions paraissent faibles, mais quand il s'agit de l'expliquer, de la démontrer, de donner des preuves de la Majesté divine, son langage prend lui-même un caractère de grandeur et d'élévation. Quelle est donc cette grandeur. vraiment digne de Dieu, et qui ne convient qu'à Lui seul ? Écoutez la suite : "Le Seigneur a fait tout ce qu'Il a voulu, dans le ciel et sur la terre, dans la mer et dans tous les abîmes." (Ibid., 6). Voyez-vous cette puissance à laquelle rien absolument ne fait défaut ? voyez-vous cette source de vie ? Voyez-vous cette foi ce invincible ? voyez-vous cette supériorité incomparable ? Voyez-vous ce pouvoir qui ne connait point d'obstacles ? Comme tout lui est aisé, comme tout lui est facile ! "Il a fait tout ce qu'il a voulu." Dites-moi quel a été le théâtre de sa Puissance souveraine ? "Le ciel et la terre." C'est-à-dire non seulement la terre, mais le ciel, et avec le ciel, la terre et la mer et tous les abîmes. Les abîmes signifient les parties qui sont au-dessous de la terre, comme le ciel comprend tout ce qui est au-dessus des cieux. Ces régions immenses n'offrent aucun obstacle à sa Volonté, elle franchit tous ces espaces; et ce qu'il y a de plus admirable, tant de merveilles n'ont coûté à leur auteur ni travail, ni peine, ni commandement, elles sont l'oeuvre de sa Volonté seule, il n'a eu qu'à vouloir, et tout a été fait. Ainsi fait-il ressortir la facilité, la richesse des oeuvres de Dieu, et la grandeur de cette puissance à laquelle rien ne peut résister. Laissant ensuite de côté le ciel et la terre, il parle de quelques. uns des phénomènes qui s'y rapportent; il passe sur les merveilles admirables dont le ciel est le théâtre, pour s'arrêter à celles qui l'environnent. Pour quel motif ? Parce que les merveilles des cieux, si grandes qu'elles fussent, étaient inconnues du plus grand nombre, tandis que les autres phénomènes, bien que d'un ordre inférieur, étaient visibles, frappaient tous les regards. Il s'adressait à des hommes qui se laissaient beaucoup moins conduire par la foi à la pensée des choses invisibles que par le spectacle extérieur de la création. Il prend donc d'abord les choses visibles pour matière de son discours et de ses enseignements, et met ainsi lui-même en pratique le conseil qu'il donne aux autres. Quel est ce conseil ? C'est que celui qui connaît en détail les oeuvres de Dieu, doit en faire le sujet de ses louanges, et lui rendre gloire pour chacune d'elles. Il ne cesse de nous exhorter à louer Dieu; en répétant sans cesse : "Louez le Nom du Seigneur, louez le Seigneur, vous qui êtes ses serviteurs." Et il nous apprend en même temps comment nous devons remplir ce devoir, en parcourant la création tout entière, pour exalter dans un sentiment d'admiration mêlé d'effroi la Sagesse de Dieu, sa Providence, sa Puissance, sa Sollicitude. Le psalmiste nous apprend encore qu'indépendamment de la mer que nous voyons, il en est beaucoup d'autres dont l'étendue est immense : "Dans les mers, et dans tous les abîmes." En effet la mer Caspienne, la mer des Indes, la mer Rouge sont différentes de celle qui est sous nos yeux, aussi bien que l'Océan sont la terre est environnée. "Il fait venir les nues des extrémités de la terre." (Ibid., 7. Une autre version porte : "Il élève;" une autre : "Il attire les extrémités de la terre. "Une autre : "Des limites." Job proclame la même vérité : "Il enchaîne les eaux dans les nuées;" (Job 26,8); ainsi que Salomon, lorsqu'il dit : "Qui rassemble les eaux comme dans un vêtement." (Pro 30,4). Le psalmiste nous représente un autre prodige non moins admirable. Quel est-il ? C'est que l'air devenu plus lourd s'élève néanmoins et traverse les régions supérieures, et qu'un corps pesant suit une marche contraire aux lois de la nature. C'est une chose merveilleuse que l'air contienne de l'eau, mais il est bien plus étonnant que cette eau soit renfermée dans un élément plus léger, et ce qui est bien plus digne encore d'admiration, c'est que l'eau que contient cet air, une fois échappée du reste des nuées, n'est point arrêtée par la couche d'air qui suit, mais se répand partout et tombe sur la terre. Si cette eau était naturellement contenue dans les nues, elle devrait également être contenue dans l'air. Supposons qu'on laisse s'élever dans les airs une outre pleine d'eau, et que cette outre soit portée dans l'air; si cette eau vient à s'échapper de l'outre, l'air la portera nécessairement. Le même phénomène devrait se reproduire ici. Mais toutes les oeuvres de Dieu sont admirables et supérieures aux lois de la nature, il n'est donc pas étonnant qu'elles s'accomplissent contrairement à ces lois et aux prévisions de l'esprit humain. Ainsi, ce qui est contenu dans l'air au nuage, n'est point arrêté par la couche d'air qui est au-dessous du nuage. N'est-ce pas là un phénomène vraiment admirable, bien qu'il paraisse avoir à nos yeux une moindre importance ? Voici encore un autre prodige : "C'est des extrémités de la terre;" on si l'on veut des points des plus élevés de la terre qu'il fait venir les nuées. Non seulement ces nuées s'élèvent, mais elles traversent les airs, elles ne répandent pas la pluie dans les lieux où elles se sont formées, elles franchissent souvent de très grandes distances pour verser leurs eaux dans des contrées situées au delà des villes et des peuples. Et ce qu'il y a ici d'étonnant, c'est que, non seulement ces nuées s'élèvent dans les airs, mais qu'elles les traversent comme une surface solide, chargées qu'elles sont d'une masse d'eau si considérable.
3. "Il change les foudres en pluie." Nouveau prodige, deux natures contraires se réunissent. Quoi de plus brûlant que la foudre, quoi de plus froid que l'eau ? Cependant ces deux éléments s'unissent sans se confondre, sans se mêler et en conservant chacun ses propriétés naturelles. Le feu demeure dans l'eau et l'eau dans le feu, sans que le feu absorbe l'eau, sans que l'eau éteigne le feu. Cependant l'éclair est plus vif, plus éclatant, plus pénétrant que la lumière du soleil. J'en appelle au témoignage de nos yeux qui supportent tous les jours les rayons du soleil, mais qui ne peuvent endurer, ne fût-ce qu'un seul instant, la vivacité de l'éclair. Ajoutez qu'il faut un jour entier au soleil pour parcourir toute l'étendue du ciel, tandis que l'éclair traverse en un instant l'univers tout entier, suivant ces paroles de Jésus Christ : "Comme l'éclair qui part de l'orient et apparaît en occident." (Mt 14,27). "Il fait sortir les vents de ses trésors." Voici un autre phénomène naturel qui est pour nous d'une grande utilité, et renferme une multitude d'avantages; Il délasse et rafraichit nos corps fatigués et donne à l'air plus de légèreté. En effet, la propriété des vents est d'agiter en tous sens l'air qui se corromprait en restant immobile, de mûrir les fruits et de nourrir les corps. Comment énumérer les services qu'ils. rendent à la navigation, les époques périodiques où on les voit s'élever, se remplacer les uns les autres, et s'agiter comme en choeur sur la surface des mers, et transporter ainsi les matelots ? Tel vent pousse un vaisseau et le transmet à un autre vent qui le reçoit, tout en suivant des routes contraires. Ils sont à nos ordres, et la guerre qu'ils se livrent nous est utile. Les vents nous procurent encore beaucoup d'autres avantages, le prophète ne s'y arrête point, il laisse à l'auditeur le soin de les recueillir et se borne à nous faire voir la facilité avec laquelle ils sont produits. Cette expression : "De ses trésors" ne signifie pas; en effet, qu'il existe des réservoirs où les vents soient amassés, mais la facilité avec laquelle Dieu les produit et la prompte obéissance que les créatures apportent à ses ordres. En effet, celui qui possède un trésor, en tire à son gré tout ce qu'il veut et au moment qu'il veut. Ainsi le Créateur de l'univers, sans aucune peine, tire du néant tous les êtres, pour former ce que nous appelons la nature.
Vous voyez du reste dans l'air, autant de différences que le feu et l'eau nous offrent de variétés. Il y a les eaux des fontaines, les eaux de la mer, les eaux de l'air, les eaux des nuages, les eaux du ciel, celles des régions supérieures au ciel, et les eaux qui coulent des entrailles de la terre. De même, il y a le feu dont le soleil est le foyer, celui qui se trouve dans la lune, dans les étoiles, dans les éclairs, dans l'air; le feu qui vient du bois, celui qui nous environne; celui des lumières qui nous éclairent, celui de la terre. Il est un feu en effet qui jaillit de la terre, comme des sources d'eaux vives. Il y a encore un feu qui sort des cailloux par le frottement, un autre que l'on voit jaillir également des branches des arbres qui s'entrechoquent, enfin le feu produit par la foudre. Or, l'air nous offre les mêmes variétés : l'un, celui qui nous environne, est plus épais; l'autre, celui qui est au-dessus de nous, est plus subtil et contient plus de feu. Ces mêmes différences se remarquent aussi dans le vent, l'un est plus léger, l'autre plus épais; l'un est plus froid, l'autre plus chaud; celui-ci est plus humide, celui-là plus sec. Voyez encore l'air et les nuages, tantôt ils s'avancent lentement, tantôt ils volent comme un coursier rapide. Il en est de même des nuages et des vents, les uns ressemblent à de grandes urnes tantôt pleines d'eau, tantôt vides, les autres ressemblent à un éventail. À la vue de ce spectacle si varié, pouvez-vous ne pas admirer le Créateur de ces merveilles ?
Il a frappé les premiers-nés d'Égypte. (Ibid., 8). Après ces prodiges que j'appellerai généraux, et qui montrent que la Providence de Dieu s'étend à tout l'univers, les éclairs, les vents, l'air, les nuées, les pluies; après avoir confondu les raisonnements insensés de ceux qui prétendent que la Providence de Dieu ne s'étend pas plus loin que la lune, le prophète en vient aux prodiges particuliers que Dieu a opérés dans l'intérêt des Juifs. Il a prouvé suffisamment par tout ce qu'il vient de dire, que la Bonté de Dieu se fait sentir à la terre, au ciel, à toutes les créatures visibles; mais il veut réveiller dans le coeur des Juifs le sentiment de la reconnaissance et il leur rappelle les faits qui leur sont personnels, en leur montrant que le Dieu de l'univers, dont la Providence embrasse tous les êtres créés, les a comblés de bienfaits tout particuliers. Il est vrai de dire, que ces bienfaits personnels tournaient au profit du monde entier. Ainsi, les Juifs étaient choisis de préférence aux autres nations, mais c'était pour ces peuples un motif de sainte émulation, comme saint Paul le fait entendre lorsqu'il dit : "Leur chute est devenue le salut des Gentils, afin que l'exemple des Gentils leur donnât de l'émulation pour les suivre." (Rom 11,11). Lorsqu'un père voit ses enfants s'éloigner de lui, il prend l'un d'eux pour le faire asseoir sur ses genoux, non point par un sentiment d'affection plus particulière pour cet enfant, mais bien plutôt dans l'intérêt des autres, afin que cette préférence les excite à revenir au plus tôt vers leur père, pour recevoir les mêmes marques de tendresse; c'est ce que Dieu a fait à l'égard des Juifs, ce n'est point sur ses Genoux, mais sur ses Bras, comme dit le prophète, (cf Os 11,3), et sur ses Épaules que Dieu les a portés. Il leur a prodigué toutes les faveurs qu'ils pouvaient envier, un temple, des sacrifices, ( cf Dt 32,11), et ce qui était l'objet de leurs désirs les plus ardents, la protection. dans les combats, les victoires, les triomphes, l'abondance des biens de la terre, la fertilité de leurs champs. C'est ainsi qu'il les comblait de bienfaits, et qu'il excitait l'émulation des autres peuples. Mais comme les Juifs seraient devenus mauvais, si Dieu n'avait jamais interrompu le cours de ses Faveurs, il les rappelait aussi par les châtiments au sentiment du devoir, tant la Sagesse de Dieu est grande, et sait ménager une issue favorable au milieu des plus grandes difficultés.
4. Considérez ici la prudence du prophète, qui des considérations générales, descend à des faits particuliers. Il va au devant de cette opinion ridicule qui voudrait restreindre l'action de la Providence dans le cercle des choses individuelles. Aussi, ce n'est qu'après avoir retracé son action sur l'ensemble de la création, qu'il en vient au détail : "Qui a frappé les premiers-nés d'Égypte ?" Ne vous semble-t-il pas que c'est surtout pour les Juifs que Dieu a exercé cette juste vengeance ? Si donc je vous prouve qu'il a eu aussi en vue les autres peuples, que diront ceux qui osent avancer que la Providence de Dieu ne s'étend pas au monde tout entier ? Comment le démontrer ? Il suffit pour cela de rappeler la parole de Dieu qui exprime clairement cette vérité : "C'est pour faire connaître en toi ma Puissance, et afin que mon Nom soit publié par toute la terre." (Ex 9,16; Rom 9,17). Voyez-vous comment cette mort des premiers-nés a été une véritable prédication, et cette plaie envoyée du ciel, une parole éloquente qui s'est répandue par toute la terre pour y publier la Puissance de Dieu ? La Providence divine s'étend donc à l'univers tout entier, lors même qu'elle pourrait ne s'occuper que des intérêts des Juifs. Dieu avait déjà donné des preuves de sa Puissance aux temps anciens, dans la personne de Joseph et d'Abraham, mais Il l'a manifestée ici par des faits plus éclatants. Comment cela ? C'était alors par des bienfaits, maintenant c'est par des châtiments; car, comme je l'ai souvent répété, Dieu ne laisse passer aucune génération sans Se faire connaître, sans se manifester par ses oeuvres. Il ne fait pas toujours de la même manière, ses moyens sont variés jusqu'à l'infini. Tantôt c'est l'épouse d'Abraham qu'il frappe de stérilité, puis la famine, puis l'abondance, puis les fléaux qui se succèdent sans interruption. Les Égyptiens accusaient Dieu d'impuissance, ils furent ainsi cause de la mort de leurs premiers-nés et ensanglantèrent les eaux de leur fleuve. Dans ce même temps, Dieu leur manifesta encore sa Puissance quoique d'une manière moins éclatante. Les sages-femmes des Égyptiens, pour avoir refusé d'obéir aux ordres cruels du roi, et éludé ses décrets inhumains furent magnifiquement récompensées. Nous voyons ici un double effet de la Providence de Dieu, et dans ces femmes qui firent preuve d'une vertu beaucoup plus grande que ceux qui étaient couronnés du diadème, et dans la récompense que Dieu leur accorda en leur donnant une nombreuse famille; c'est ce que signifient ces paroles : "Dieu récompensa les sages-femmes." (Ex 1,20). C'est-à-dire, leur famille s'accrut, et Dieu leur donna une récompense en rapport avec les services qu'elles avaient rendus aux Juifs. Elles avaient refusé de mettre à mort leurs enfants; Dieu les en récompensa en leur donnant une nombreuse postérité. Cependant, comme les sujets de Pharaon persévéraient dans leur aveuglement insensé, Dieu les frappa d'un fléau plus terrible qui servit tout à la fois d'enseignement pour tous les autres peuples et pour les Égyptiens en particulier, pour les uns par ce qu'ils en apprirent, pour les autres par les calamités dont ils furent témoins et victimes, et par là triste expérience qu'ils firent de la Puissance de Dieu. Car Dieu prit soin de leur faire prédire ce châtiment, afin qu'ils ne fussent point tentés de n'y voir qu'un de ces coups que la mort frappe d'ordinaire, ou un accident fortuit. Nous pouvons donc appliquer ici les paroles que le Roi-prophète dit dans un autre endroit du Sauveur : "Domine au milieu de tes ennemis." (Ps 109,2), En effet, ce n'est point après les avoir fait sortir dans la solitude, ce n'est pas dans un lieu étranger, c'est au milieu même de leur ville que Dieu les frappa de ce coup terrible. Mais considérez la Bonté de Dieu jusque dans l'exercice de sa Vengeance; elle s'appesantit d'abord sur les animaux, avant de s'étendre sur les hommes. Qui n'admirerait ici la Bonté de Dieu, qui dans un même moment, dans une même action, sait concilier les droits de sa Bonté et ceux de son ineffable Sagesse ? Cette plaie, en effet, ne fut pas la première, elle fut précédée de beaucoup d'autres qui avaient pour but de les ramener à de meilleurs sentiments; comme aussi Dieu les avertit avant de les frapper de ce dernier fléau. Dans quelle intention ? Pour les fléchir par ces simples menaces et leur en épargner la triste expérience. Mais comme ils restèrent insensibles, Dieu voulut qu'il n'y eût aucun doute sur la nature du châtiment. Voyez que de circonstances réunies qui s'opposent à toute idée de maladie ou de peste fortuite. Premièrement, la mort les frappe dans une seule nuit; secondement, elle frappe les premiers-nés. Si c'eût été une peste, elle ne se serait pas contentée d'atteindre les premiers-nés en épargnant les autres; elle eût frappé indistinctement; troisièmement, la peste n'eût pas entièrement épargné les Juifs, en ne choisissant ses victimes que parmi les Égyptiens. Au contraire elle eût frappé de préférence des corps accablés par la fatigue, la misère et par une longue suite de maux de tout genre, épuisés depuis longtemps par la pauvreté, par la faim, et elle ne fût point tombée sur les rois, les princes, sur ceux qui étaient assurés contre ses coups, et vivaient entourés de soins multipliés. La peste encore ne se fût pas déclarée tout d'un coup, mais avant de foudre sur l'Égypte, elle eût été précédée de signes précurseurs de son arrivée. Que voyous-nous au contraire ? Le fléau éclate soudain, pour confondre l'endurcissement des Égyptiens qui, après une plaie où ils devaient reconnaître clairement les caractères d'un châtiment divin, se mirent à la poursuite des Juifs qui étaient partis; se peut-il une preuve plus forte de leur délire, et une justification plus éclatante de la Conduite de Dieu ? Dieu allait cesser d'opérer des miracles sous les yeux des Égyptiens, Il les couronne par un prodige qui à Lui seul était pour un esprit attentif une apologie de tous ceux qui l'avaient précédé. On aurait pu demander pourquoi tous les Égyptiens sont-ils punis, puisque le roi seul est coupable en retenant les Juifs ? Ce dernier fléau répond à cette difficulté. Comment cela ? Parce qu'après la mort de leurs premiers-nés, les Égyptiens pressaient les Juifs de partir malgré le roi lui-même. Si donc ils l'eussent voulu tout d'abord, leur volonté eût prévalu sur la sienne. Donc, s'ils n'ont point triomphé de ses résistances, ce n'est point un effet de leur impuissance, mais de leur mauvaise volonté. Ajoutez que leur acharnement à poursuivre les Juifs mit le comble à leurs crimes.
5. C'est ce qui arriva aussi du temps de Saül; lorsqu'il fut question d'arracher son fils à la mort, tout le peuple dans un sentiment de flatterie, s'empressa de demander sa grâce, bien qu'il eût transgressé la loi; (cf I Roi 14,45); mais lorsque Saül voulut mettre à mort un si grand nombre de prêtres, personne n'éleva la voix, personne ne prit leur défense. Dira-t-on qu'ils invoquaient, dans le premier cas, les lois de la nature ? mais ne devaient-ils pas invoquer dans le second, les lois de la justice ? Les victimes étaient des prêtres, leur meurtre était un crime, et la colère du roi n'avait aucun motif légitime. Mais la vraie cause de leur inaction était leur indifférence et leur insensibilité pour le sort de ces malheureux prêtres. Or, réfléchissez sur les calamités qui vinrent fondre sur eux, et sur le juste châtiment de leur négligence, lors donc qu'un crime se commet sous vos yeux, gardez-vous de rester indifférent, soyez plus ardent que le feu, ressentez l'injure aussi vivement que ceux qui en sont victimes, vous préviendrez ainsi bien des maux. "Depuis l'homme jusqu'à la bête," Pourquoi frapper aussi les animaux ? Ils ont été créés pour le service de l'homme, et en les frappant, c'est l'homme que Dieu veut atteindre pour lui inspirer plus de crainte, pour ajouter à l'intensité du châtiment, et faire voir que le fléau vient de Dieu et que c'est du haut du ciel que la guerre est déclarée.
"Il a fait éclater des signes et des prodiges au milieu du toi, ô Égypte !" (Ibid., 9). Que signifient ces paroles : "Au milieu de toi ?" Elles indiquent un lieu déterminé, où elles ont le même sens que le mot ouvertement. En effet, l'expression : "Au milieu" a partout le même sens que publiquement, comme dans ces paroles : "Il a opéré le salut au milieu de la terre." (Ps 78,12). Car le milieu est visible pour tout le monde. "Il a fait éclater des signes et des prodiges au milieu de toi, ô Égypte;" justement certes, car ces prodiges avaient pour objet de rendre les hommes meilleurs, et de mettre en évidence ceux qui devaient en profiter. Ces prodiges en effet, n'étaient pas l'oeuvre du hasard, le Doigt de Dieu y était visiblement empreint, et ce double caractère de châtiment et d'opération divine en faisait aussi ressortir la double utilité. "Contre Pharaon et contre tous ses serviteurs." Quelle puissance vraiment ineffable ! Ses sujets ne formaient tous qu'un même corps, le châtiment les atteignait donc tous indistinctement, avec cette différence que les uns n'en recueillaient que de la souffrance et que les autres le faisaient servir à leur profit. Mais pourquoi dire : "Et contre tous ses sujets," puisque tous n'avaient pas de premiers-nés ? Le psalmiste veut parler ici des autres prodiges opérés dans l'Égypte, et qui étaient un châtiment pour les Égyptiens et une leçon salutaire pour les Juifs; de même que dans le désert, ceux qui suivaient les Juifs participaient également aux bienfaits dont Dieu comblait sou peuple. Dieu châtiait les ennemis des Juifs, Il répandait ses bienfaits sur ces derniers et les châtiments comme les bienfaits étaient utiles aux uns comme aux autres.
Mais pourquoi Dieu n'a-t-Il pas étendu ses bienfaits jusque sur les Égyptiens ? Parce que la plupart des hommes sont bien plus facilement amenés à la connaissance de Dieu par les châtiments que sous l'impression de ses bienfaits. Or une preuve qu'il ne voulait pas les punir, c'est que nous le voyons différer autant qu'il peut de les frapper, et montrer ainsi par cette lenteur, et ensuite par les châtiments eux-mêmes, sa Puissance et sa Bonté. Il eût pu certes, après la première, la seconde, la troisième plaie, les regarder comme atteints d'une maladie incurable et les perdre sans retour; Il ne l'a point voulu, l'avenir Lui était connu, Il savait bien que ni la cinquième, ni la sixième, ni la dixième plaie ne les rendrait meilleurs, Il ne se départit point de la conduite qu'Il avait résolu de suivre à leur égard. N'est-ce point là une des plus fortes raisons pour nous, d'admirer sa Puissance, sa Providence, sa Sagesse, sa Bonté ? sa Puissance qui les a frappés, sa Providence qui a retardé le châtiment, sa Sagesse, qui malgré la connaissance qu'Il avait de l'avenir, Lui a fait suivre les inspirations de sa Nature, enfin son extrême Bonté qui Lui fait décharger d'abord ses Coups sur les êtres moins importants, sur les animaux privés de raison ? Le châtiment monta ensuite jusqu'au roi, parce que Dieu voulait lui donner ainsi un caractère plus évident de publicité. Les malheurs qui frappent un particulier, ont naturellement peu de retentissement, mais lorsqu'ils atteignent un grand de la terre, ils arrivent bientôt et sans difficulté à la connaissance du monde entier.
Le prophète nous a indiqué la cause de ces châtiments, il va maintenant nous les faire connaître. Toutefois son dessein n'est pas de les énumérer longuement et en détail, il les comprend tous dans cette seule proposition : "Il a envoyé des signes et des prodiges au milieu de toi, ô Égypte." Puis il va plus loin, et nous montre Dieu faisant sortir le peuple de l'Égypte pour le conduire dans le désert; il déclare ainsi qu'il n'est pas le Dieu d'une seule partie de la terre, et que son règne n'est pas restreint à une seule contrée, mais s'étend à l'univers tout entier. C'est pour cela qu'il ajoute : "Il a frappé plusieurs nations, Il a tué des rois puissants;" (Ibid., 10); c'est-à-dire, qu'Il n'a cessé de leur donner des gages variés de sa Puissance, et de les instruire par les faits qui s'accomplissaient sous leurs yeux. Ainsi les premières guerres leur avaient appris que ce n'était ni la nature de l'air, ni la puissance des éléments, ni aucune autre cause naturelle, qui combattait pour eux, mais la Main souveraine qui les gardait au milieu des dangers. Ces prodiges se rendaient ainsi mutuellement témoignage, les miracles de l'Égypte à ceux du désert, et les prodiges du désert à ceux dont l'Égypte avait été le théâtre. En effet, lorsque les Israélites mettaient leurs ennemis en fuite, sans armes, sans troupes rangées en bataille, sans combat, Dieu leur faisait voir clairement que s'il avait employé les éléments comme des instruments contre les Égyptiens, ce n'était pas qu'Il en eût besoin, mais parce qu'Il voulait diversifier les opérations de sa Puissance en faisant servir les créatures à la manifester, "Sehon, roi des Amorrhéens, et Og, roi de Basan." Le psalmiste n'énumère point les villes conquises, il n'entre pas dans le détail de chaque combat, mais il franchit avec grandeur d'âme une foule innombrable de miracles. Il aurait pu s'y arrêter, dépeindre sous de vives couleurs ces événements tragiques; il ne fait que toucher comme en courant, cette multitude de prodiges opérés par la Main de Dieu. Les peuples ennemis étaient armés, ils habitaient des villes fortifiées, ils étaient habiles dans l'art de la guerre; les Juifs au contraire, étaient comme des exilés, étrangers à la science des combats, délivrés à peine d'une longue servitude et d'une tyrannie de plusieurs siècles, épuisés par les privations et les souffrances, en butte à tous les outrages, mais la main qui les conduisait, les revêtait d'une puissance invincible à tous leurs ennemis.
6. D'ailleurs la guerre était juste. Les Israélites n'auraient point attaqué ces peuples, s'ils n'avaient donné des motifs de leur déclarer la guerre en interceptant le passage au peuple de Dieu, ce qui était de la dernière cruauté. Quant aux Iduméens, Dieu ne voulut point leur laisser prendre part à la lutte. Les Israélites auraient pu s'autoriser du Silence de Dieu pour entreprendre de nouvelles guerres, il leur fit donc connaître dans le désert les peuples qu'ils devaient combattre et ceux qu'ils devaient épargner, et c'est par les faits eux-mêmes qu'il leur prescrivit la conduite qu'ils devaient tenir à l'égard de ceux qu'ils rencontreraient sur leur passage. "Et tous les royaumes de Chanaan." Voyez-vous comme l'enseignement s'adresse ici à l'univers tout entier? Les Israélites tonnèrent sur tous ces peuples comme le feu tombe sur les épines, et aucun d'eux ne pouvait leur résister. Écoutez ici le témoignage de Balaam instruit non par les prophètes, ni par Moïse, mais par les événements eux-mêmes. "Ce peuple, dit-il, lèche la terre tout entière." (Num 22,4), Remarquez la justesse de cette métaphore. Le psalmiste ne dit point; cette nation fait la guerre, elle renverse, elle détruit, mais "elle lèche." Pouvait-il exprimer plus énergiquement avec quelle facilité ils remportaient la victoire, érigeaient des trophées sans verser de sang, et comment il leur suffisait de tomber sur leurs ennemis pour les mettre en déroute ? Ils n'ont besoin, dit-il, ni d'années rangées en bataille, ni d'en venir aux mains, il leur suffit de faire irruption dans un royaume pour que tout cède à leur approche. Dieu ne voulut pas que leurs victoires fussent seulement le résultat des lois de la guerre et de leur bon ordre de bataille, ils auraient pu s'en attribuer la gloire. Voilà pourquoi il soulevait les éléments contre leurs ennemis pour jeter l'épouvante dans leur esprit. La grêle en tombant sur eux en écrasa un grand nombre, le soleil suspendit sa course pour prolonger le combat, on vit mille autres prodiges du même genre, et le son des trompettes, plus violent que le feu, renverser les murailles. Cette Conduite de Dieu était utile aux uns comme aux autres; elle apprenait aux peuples ennemis que ce n'étaient point les hommes qui leur faisaient la guerre; elle enseignait aux Israélites à lever les yeux vers Dieu, à ne jamais se vanter ou s'enorgueillir de leurs exploits, mais à se conduire en tout avec modestie et humilité. De semblables victoires étaient plus glorieuses pour eux que s'ils les avaient remportées par les moyens ordinaires, elles les rendaient dignes de vénération aux yeux des autres peuples, et leur inspiraient en même temps des sentiments plus modestes. En effet, rien de plus propre à leur attirer la vénération que d'avoir lieu pour chef, et à étouffer en eux toute présomption que d'être dans l'impossibilité de s'enorgueillir de leurs triomphes ?
"Et il a donné terre en héritage, et pour être l'héritage d'Israël, son peuple," (Ibid., 12). Voici encore un des prodiges les plus surprenants : non seulement ils chassaient les peuples devant eux, mais ils s'emparaient de leurs pays, et se distribuaient leurs villes entre eux, ce qui leur donnait à la fois une grande joie, de la considération et une gloire éclatante. Ils en étaient encore redevables à la Puissance de Dieu. Ce n'était pas en effet une petite entreprise de s'emparer d'un pays ennemi, et il fallait pour cela un secours extraordinaire de Dieu. "Seigneur, ton Nom subsistera éternellement, et le souvenir de ta Gloire s'étendra de génération en génération." (Ibid.,13). Une autre version porte : "Ton souvenir." Le prophète interrompt la suite de son récit pour louer Dieu selon la coutume des saints. À peine ont-ils commencé à parler des merveilles de la Main de Dieu, que l'amour qui les embrase les force de s'interrompre pour bénir et louer l'auteur de ces prodiges et satisfaire ainsi le désir de leur coeur. C'est ce que saint Paul ne cesse de faire, surtout au commencement de ses épîtres, comme lorsqu'il écrit aux Églises de Galatie : "Que la grâce et la paix vous soient données par Dieu notre Père, et par Jésus Christ notre Seigneur, qui S'est livré Lui-même pour nos péchés, selon la Volonté de Dieu notre Père, à qui appartient la gloire dans les siècles des siècles. Amen." (Gal 1,3-5). Et dans l'Épître aux Romains : "Eux à qui appartiennent l'adoption des enfants, la gloire, le culte, les promesses; qui ont pour pères les patriarches, et de qui est sorti, selon la chair, Jésus Christ même le Dieu au-dessus de toutes choses, et béni dans tous les siècles. Amen." (Rom 9,4). Et dans un autre endroit : "Au roi des siècles, immortel, invisible, au seul Dieu sage, honneur et gloire dans les siècles des siècles. Amen." (I Tim 1,17). De même ici le prophète, qui vient de méditer sur la Providence universelle de Dieu, et de repasser dans son esprit les plaies de l'Égypte, les miracles du désert, les grâces si variées que Dieu n'a cessé de répandre sur les Israélites, les fléaux qu'il a fait tomber sur leurs ennemis, sent son coeur s'enflammer au souvenir d'une si grande bonté, et laisse échapper ce cri de louange : "Seigneur, ton Nom subsistera éternellement et ton Souvenir s'étendra de génération en génération." C'est-à-dire ta Gloire est éternelle. Elle ne peut souffrir aucun amoindrissement, aucune interruption, elle est toujours la même, toujours immuable, à l'abri de tout changement, toujours dans sa fleur et dans sa force. Que signifient ces paroles; "ton Souvenir s'étendra de génération en génération ?" Ton Souvenir est également éternel, et n'aura jamais de fin. "Car le Seigneur jugera son peuple et Se laissera fléchir aux prières de ses serviteurs:" (Ibid., 14. On peut appliquer au peuple de Dieu les deux parties de la proposition en ce sens que Dieu commencera par le châtier; et qu'à l'action de sa Justice succédera la consolation, on peut aussi la diviser, c'est-à-dire appliquer au peuple de Dieu l'exercice de la bonté, et restreindre à ses ennemis l'action de la Justice divine. Tel serait donc le sens de ce verset : "Il fera sentir sa Bonté aux uns," ce que signifie l'expression : "Il se laissera fléchir," et Il jugera les ennemis de son peuple, c'est-à-dire qu'Il à éprouveront les effets de sa justice.
7. Le prophète ne pouvait s'appuyer sur les bonnes oeuvres des Israélites, le seul titre qu'il invoque en leur faveur est donc qu'ils sont le peuple de Dieu et ses serviteurs. L'expression "Il Se laissera fléchir," nous montre que le principe de la réconciliation est dans la Bonté de Dieu, et non dans les mérites du peuple. La prière, la supplication, supposent qu'on a besoin du portion, et la nécessité du pardon exclut le mérite des bonnes oeuvres et ne laisse place qu'à la miséricorde. Il avait dit précédemment : "Ton Souvenir s'étendra de génération en génération." Or, les Israélites étaient alors les seuls parmi tous les peuples qui reconnaissaient le vrai Dieu, et tel est le sens de ces paroles : "Le salut de ton peuple fera éclater ta Gloire parmi toutes les nations." Il est en Dieu une gloire essentielle, indépendante de tout culte, de tout hommage, elle n'est sujette à aucune division, à aucune altération, à aucun changement. Mais la gloire qui lui vient des hommes recevra un nouvel éclat de l'action qui nous sauve, lorsque nous aurons recouvré notre ville, les édifices sacrés et le temple, et que nous serons rentrés en possession de nos anciennes institutions. "Les idoles des nations sont de l'argent et de l'or, et les ouvrages des mains des hommes." (Ibid., 15). Il avait, en commençant, proclamé cette vérité : "Notre Dieu est au-dessus de tous les dieux;" et il semblait ne reconnaître en Lui qu'une supériorité relative à cause du peu d'intelligence de ceux à qui il s'adressait; il développe ici la même pensée,. Il décrit tout d'abord la Puissance de Dieu, les merveilles qu'Il a opérées dans le ciel, sur la terre, dans les abîmes, en faveur des Juifs, dans leur pays, comme dans les régions étrangères, au milieu de leurs ennemis et parmi toutes les nations de la terre. Puis il a fait le tableau de sa Bonté, de sa Miséricorde, de sa Sollicitude, de sa Sagesse, de sa Puissance, et montré qu'il était le Dieu de l'univers tout entier et que sa Providence s'étendait à tout ce qui existe. Il se rit maintenant de la faiblesse des idoles, tourne en ridicule leur nature, et fait de leur nom le premier chef d'accusation. Qu'est-ce qu'une idole, en effet ? Ce qu'il y a de plus impuissant, de plus vil, et son nom seul est synonyme de faiblesse extrême. Voilà ce qui lui fait dire : "Les idoles des nations sont de l'or et de l'argent." Premièrement, ce sont des idoles; secondement, une matière inanimée; troisièmement, par là même que ce sont des idoles, non seulement ce sont des êtres vils, faibles et impuissants, mais ils sont l'ouvrage des hommes, comme l'ajoute le prophète : "Et les ouvrages de la main des hommes." Pouvait-il condamner plus fortement ceux qui les adorent ? Ces idoles sont l'oeuvre de leurs mains, et ils placent en elles l'espérance de leur salut !
"Elles ont une bouche et ne parleront point; elles ont des yeux et ne verront point; elles ont des oreilles et n'entendront point, car il n'y a point d'esprit de vie dans leur bouche. Que ceux qui les font leur deviennent semblables, et tous ceux aussi qui se confient en elles." (Ibid., 16-18), "Elles ont une bouche et ne parleront point." Voyez-vous comme il les poursuit de ses railleries, et comme il met à jour la fraude dont elles étaient les instruments. Comme les démons leur imprimaient quelquefois une apparence de vie, il dévoile le drame hypocrite qu'ils leur faisaient jouer en montrant que l'esprit de vie n'est pas dans leur bouche. Et comment se fait-il que le démon ne fait, ne dit rien que par elles ? Les statues de ces idoles sont les colonnes et le symbole de la fornication, de l'adultère, de tous les vices réunis; le démon se sert donc de la vue de ces idoles comme d'un moyen de séduction pour enseigner les vices qu'elles représentent, et c'est pour cela qu'il se tient près d'elles pour leur imprimer le mouvement et arriver ainsi à ses fins. Le psalmiste achève d'accabler ces idoles sous le ridicule en ajoutant : "Que ceux qui les font leur deviennent semblables." Jugez quels doivent être ces dieux, à qui l'on ne peut souhaiter de ressembler que par imprécation. Il n'en est pas ainsi parmi nous. La perfection de la vertu, ce qui nous élève au comble de tous les biens, c'est de devenir semblables à Dieu, autant que cela nous est possible. Pour eux, au contraire, leur culte et leurs dieux sont tels, que leur ressembler est le dernier des malheurs qu'on puisse souhaiter. Faire voir que ces idoles sont une matière inanimée, qu'elles sont l'oeuvre de ceux qui les adorent, et des monuments d'infamie, qu'elles n'ont aucun sentiment, et qu'on ne peut souhaiter de plus grand malheur que de leur ressembler, n'est-ce pas démontrer l'erreur souveraine des idolâtres ? Or, après avoir dévoilé la faiblesse des idoles, les fraudes dont elles sont l'instrument, la méchanceté des démons et la folie de ceux qui fabriquent ces statues, le prophète s'empresse de sortir de ces erreurs et termine son discours par les louanges de Dieu. Il ne continue pas le récit des merveilles que Dieu a opérées, il les a suffisamment exposées, il demande à tous ceux qui ont eu part à ses bienfaits, le tribut d'éloges que réclament ces prodiges que tous s'accordent à reconnaître. Voilà pourquoi tous, sans exception, sont appelés à célébrer la gloire de Dieu : "Maison d'Israël, bénissez le Seigneur. Maison d'Aaron, bénissez le Seigneur. Maison de Lévi, bénissez le Seigneur. Vous qui craignez le Seigneur, bénissez-le. Que le Seigneur soit béni de Sion, lui qui habite dans Jérusalem." (Ibid,, 19-21).
Mais pourquoi, au lieu de cette invitation distincte faite à chaque partie du peuple, ne pas inviter collectivement tous les Israélites ? Pour vous faire comprendre qu'il y a ici une différence dans la manière de bénir Dieu. Le prêtre ne le bénit pas comme le lévite, et le simple fidèle ne le bénit pas comme tout le peuple assemblé. Cette invitation : "Bénissez le Seigneur," a pour but de leur faire comprendre cette nature bienheureuse qui ne soufre aucun mélange. Bénissez Dieu, leur dit-il, de ce que vous êtes délivrés de vos ennemis, de ce que vous êtes dignes d'adorer un Dieu si grand, de ce que vous avez connu la vérité. Ah ! sans doute, il est béni parce qu'Il possède en sa Nature toute bénédiction, et qu'Il n'a point besoin des louanges des hommes; cependant ne laissez pas de Le louer, non pour ajouter quelque chose à sa Gloire, mais pour recueillir les fruits précieux que vous promet cette bénédiction. Oui, il est essentiellement béni de sa Nature, et cependant il veut encore que nous Le bénissions. Le psalmiste évoque de nouveau le souvenir de Sion et de Jérusalem. C'est là qu'était le siège de leur gouvernement et de leur religion, c'est là qu'ils venaient puiser les enseignements divins et les règles de la sagesse. Il veut donc leur inspirer pour ces lieux une vénération profonde en les couvrant du nom même de Dieu, afin que cette vénération accroisse leur désir et leur zèle pour ces saints lieux, que ce désir les y attire en plus grand nombre, et que profondément attachés par là au culte du vrai Dieu, ils puissent s'élever à une vertu plus parfaite, ce qui était la fin de tous les prodiges que Dieu avait opérés. Les Israélites avaient alors Jérusalem et Sion, nous avons aujourd'hui les cieux et les biens qu'ils renferment. Attachons-nous à ce bienheureux séjour, pour obtenir les biens éternels par la Grâce et la Miséricorde de notre Seigneur Jésus Christ, à qui soit la gloire dans les siècles des siècles. Amen.