PSAUME 117
Le peuple a coutume de répéter après chaque verset de ce psaume ces paroles : "C'est ici le jour qu'a fait le Seigneur, réjouissons-nous et soyons pleins d'allégresse." Ce verset ranime la ferveur d'un grand nombre de fidèles, et le peuple a l'habitude de le chanter dans cette assemblée spirituelle et dans cette fête céleste. Pour nous, si vous le trouvez bon, nous parcourrons ce psaume dans son entier, en commençant notre explication non point par le verset que le peuple répète en choeur, mais par les premières paroles. Comme ce verset est plein d'harmonie et d'une doctrine sublime, nos pères avaient établi qu'il serait répété par le peuple qui, ne pouvant comprendre le psaume tout entier, trouvait dans ce verset une doctrine parfaite. Quant à nous, il nous faut expliquer ce psaume dans son ensemble, bien qu'il contienne vers le milieu une des prophéties les plus importantes. Nous lisons en effet au verset vingt-deux : "La pierre qui avait été rejetée par ceux qui bâtissaient a été placée à la tête de l'angle." C'est la vérité que notre Seigneur Jésus Christ rappelle aux Juifs. (Mt 21,42). Il le fait indirectement et en termes couverts, pour ne point enflammer davantage l'ardente colère qu'ils avaient contre Lui; car "Il ne devait point briser le roseau cassé, ni éteindre la mèche qui fume encore;" (Is 42); mais cependant Il le fait. Commençons donc l'explication de ce psaume par le premier verset, comme nous l'avons dit. Quel est-il ? "Rendons gloire au Seigneur parce qu'Il est bon, parce que sa Miséricorde est éternelle." Le prophète considère les bienfaits que Dieu a répandus sur le monde entier, sa Bonté qui se perpétue d'âge en âge et qui s'étend à tous les hommes, et il les invite tous à venir s'associer à sa reconnaissance en leur mettant sous les yeux la source principale de toutes ces grâces.
"Que la maison d'Israël dise maintenant : Il est bon, et sa Miséricorde est éternelle." (lbid., 2). Que dites-vous ? Quoi ! La maison d'lsraël qui a souffert des captivités innombrables, qui a été réduite en servitude dans l'Égypte, emmenée aux extrémités de la terre, et qui dans la Palestine a été en proie à des maux sans fin ? Oui certes, répond le psalmiste, personne ne peut rendre un meilleur témoignage des Bienfaits de Dieu, parce que personne n'en a reçu de plus nombreux et de plus importants. Leurs tribulations mêmes sont une preuve de son infinie Bonté. Je dirai plus, à examiner sérieusement les choses, ils doivent rendre à Dieu de grandes actions de grâces pour l'avènement de Jésus Christ. Cet avènement a été pour eux l'occasion de grands malheurs, mais il n'en est pas la cause, et ils ne peuvent les attribuer qu'à leur propre malice. C'est pour eux qu'Il venait, et Il leur répétait fréquemment : "Je ne suis envoyé que pour les brebis perdues de la maison d'Israël." (Mt 15,24). Il disait également à ses disciples : "N'allez point vers les nations, allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d'Israël."(Mt 10,5). Et à la Chananéenne : "Il n'est pas bon de prendre le pain des enfants pour le donner aux chiens." (Mt 15,26). Tant il est vrai que dans toutes ses Actions, dans toutes ses Démarches, Il ne se proposait que leur salut. S'ils ont été jugés indignes d'une si grande grâce, ils ne doivent l'imputer qu'à eux-mêmes et à l'excès monstrueux de leur ingratitude. "Que la maison d'Aaron dise : Il est bon, et sa Miséricorde est éternelle." (Ibid., 3). Il invite ici séparément les prêtres à chanter les louanges de Dieu pour nous faire voir l'excellence du sacerdoce. Car plus ils sont élevés au-dessus des autres, plus aussi ils ont reçu de gloire de la part de Dieu, non seulement à raison du sacerdoce lui-même, mais par tous les autres priviléges qui leur ont été accordés. Ainsi, lorsque le feu sortit du tabernacle, ce fut en leur faveur. (Lev 10,2). "C'est pour eux également que la terre s'entr'ouvrit, que la verge d'Aaron fleurit." (Nom 16, 32 et 17,18). Que dis-je ? Une multitude d'autres événements et tant de prodiges n'ont eu lieu que pour eux et dans leur intérêt. "Que tous ceux qui craignent le Seigneur disent : Il est bon et sa Miséricorde est éternelle." (Ibid., 4). Voilà ceux en effet qui peuvent surtout connaître sa Miséricorde et pénétrer tous les secrets de sa Bonté. Mais que signifient ces paroles : "Parce que sa Miséricorde est éternelle "? C'est-à-dire qu'elle s'exerce continuellement sans interruption et qu'elle brille dans tous les événements d'un éclat toujours constant. Il en est un grand nombre, il est vrai, qui ne la voient point, mais ils ne doivent en accuser que la faiblesse de leurs pensées. Voyez ceux dont les yeux sont malades, ils ne peuvent voir la lumière du soleil, et ceux mêmes qui ont les yeux sains ne peuvent continuellement le contempler dans sa splendeur. De même il est impossible à l'homme de connaître parfaitement les voies de la Providence divine, parce que la grandeur de ses Conceptions et de sa Sagesse surpasse de beaucoup toute intelligence humaine. Il est d'ailleurs un grand nombre de passions qui répandent des ténèbres sur l'esprit des insensés, et qui leur dérobent complètement la vue de cette divine Providence. La première, c'est l'amour des plaisirs qui ferme les yeux aux vérités les plus manifestes pour tous. Ajoutez en second lieu l'ignorance et le dérèglement de l'esprit. Est-il une absurdité semblable ? Vous voyez un père châtier son enfant, il obtient votre approbation et vos louanges. Mais que Dieu veuille punir l'homme de ses mauvaises actions, vous le trouvez mauvais, vous en êtes indignés ! Peut-on imaginer une perversité plus grande que de se révolter contre des choses diamétralement opposées, et se plaindre tantôt du châtiment, tantôt de l'impunité ? Lorsqu'ils voient des voleurs qui s'emparent du bien d'autrui, ils demandent qu'ils soient punis. Quand il s'agit de leurs propres fautes, ils ne veulent plus entendre parler de châtiment. N'est ce point là l'indice d'un esprit dépravé et corrompu ? Une troisième raison, c'est qu'ils ne peuvent discerner le bien du mal, et qu'ils se trompent dans le jugement qu'ils en portent, parce qu'ils se plaisent dans le mal et se laissent entraîner au vice. Une quatrième cause, c'est qu'ils ne tiennent aucun compte de leurs péchés. Une cinquième, c'est la distance infinie qui sépare Dieu des hommes. Une sixième enfin, c'est que Dieu ne veut pas toujours nous découvrir toutes les raisons de sa Conduite, parce qu'il nous suffit de connaître les événements particuliers qui se déroulent successivement.
Il faut donc se garder de ces efforts imprudents qui voudraient pénétrer trop avant dans la conduite du Gouvernement divin, car ce serait prétendre à la connaissance de choses infinies et qui surpassent de beaucoup toute intelligence créée. Quant à ceux qui désirent connaître une partie de ses Desseins, ils doivent se rendre libres de toutes les passions dont nous avons parlé, et ils la verront alors briller, sinon dans toute sa splendeur, au moins d'un éclat plus vif que celui du soleil, et cette faible partie qu'ils en découvriront leur fera rendre grâces pour la conduite générale de la Providence. "J'ai invoqué le Seigneur dans ma tribulation, et le Seigneur m'a exaucé et mis au large." (lbid., 5). Voyez-vous quelle miséricorde, quelle bonté de la part de Dieu. Le psalmiste ne dit pas : J'étais digne d'être exaucé; il ne dit pas : Je lui ai représenté mes bonnes oeuvres, non, je me suis contenté de l'invoquer, et ma prière a suffi pour éloigner de moi le malheur. C'est ce que Dieu Lui-même dit de son peuple parmi les Égyptiens : "J'ai vu l'affliction de mon peuple, et je suis descendu pour le délivrer." (Ex 3,7). Il ne dit pas : J'ai vu les vertus de mon peuple, j'ai vu qu'il revenait à de meilleurs sentiments; mais : J'ai vu son affliction, j'ai entendu ses cris et je les ai exaucés. Reconnaissez-vous à ces traits un père plein de bonté et de miséricorde qui s'empresse de porter secours par ce seul motif qu'on est dans le malheur ? Parmi les hommes, il ne suffit pas qu'on soit dans l'affliction pour qu'on mérite d'en être délivré. Tous les jours, nous voyons frapper de verges et torturer des esclaves, sans chercher à les arracher au supplice, parce que nous avons devant les yeux la grandeur de leurs crimes. Mais pour Dieu, l'affliction seule est un motif suffisant pour qu'Il nous en délivre, et non content de nous en délivrer, Il nous donne encore une sécurité parfaite. "Il m'a exaucé et m'a mis au large." Que dis-je ? L'affliction elle-même, dans les Desseins de Dieu, a pour but de rendre meilleurs et plus sages ceux qu'elle atteint.
"Le Seigneur est mon soutien, je ne craindrai point ce que l'homme pourra me faire." (Ibid., 6). Voyez quelle élévation d'esprit, quelle grandeur d'âme, comme il s'élève au-dessus de la faiblesse humaine pour mépriser de là toute la nature. Ne nous contentons pas de répéter ces paroles, mais traduisons-les dans notre conduite. Remarquez que le psalmiste ne dit pas : Je serai à l'abri de l'épreuve, mais : "Je ne craindrai pas ce que l'homme pourra me faire." C'est-à-dire que je serai sans crainte au milieu même des souffrances, en m'écriant par avance avec saint Paul : "Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ?" (Rom 8, 31). Et cependant que d'ennemis ligués contre ces deux saints personnages, mais ils ne pouvaient rien contre eux. Ne serait-ce pas en effet la marque d'une âme timide et pusillanime de craindre ses semblables, lorsqu'elle est assurée de l'amitié de son Dieu ? Tel n'est point le Roi-prophète, il domine comme d'un lieu élevé toutes les craintes qui peuvent l'assaillir. Imitons nous-mêmes son exemple, et ne perdons point le secours de Dieu par une trop grande appréhension des hommes, car ce serait là un véritable outrage fait à la Protection divine. Telle fut la cause des malheurs d'Ezéchias. Le soleil avait retourné en arrière et avait ensuite remonté les degrés par lesquels il était descendu; (IV Roi 20,11); et ce miracle suffisait pour remplir d'effroi ceux qui étaient venus dans le dessein de s'en instruire. Cependant Ézéchias craignant d'être un jour envahi par ses ennemis, voulut leur inspirer de la crainte non point par les faits miraculeux dont il venait d'être l'objet, mais par des moyens purement humains, et il leur montra tous ses trésors dans lesquels il mettait sa confiance. Aussi Dieu irrité de cette conduite lui dit : "Vos ennemis s'empareront de toutes ces choses, c'est-à dire de tous ces trésors dans lesquels vous placez toute votre espérance et votre force."(IV Roi 20,17). Dieu reproche aussi aux Israélites de se confier dans leurs trésors et dans leurs chevaux. C'est pourquoi le prophète leur conseille d'apaiser Dieu par une conduite toute opposée et de dire : "Nous n'attendrons plus notre salut de la vitesse de nos chevaux." (Os 14, 4). Eh quoi ! Dieu vous témoigne de l'honneur, et vous l'outragez ? Dieu vous honore à ce point de vous promettre son Secours, et vous cherchez un refuge dans les espérances humaines, et vous faites dépendre votre salut d'une matière inanimée, c'est-à-dire de votre argent ? Dieu ne se contente pas de vouloir vous sauver, Il veut le faire honorablement pour vous. Il vous aime d'un amour extrême, et c'est pour cela qu'Il veut vous séparer de tout pour vous attacher à Lui, vous ôter tout autre moyen de salut pour vous forcer d'avoir recours à sa Protection, et il semble vous dire par tout ce qu'Il fait : " Espérez en moi, et demeurez-moi constamment attachés."
"Le Seigneur est mon soutien, et je mépriserai mes ennemis." (Ibid., 7). Vous voyez, il ne cherche pas à se venger de ses ennemis par un châtiment mérité, il remet à Dieu le soin de la vengeance. "Mieux vaut se confier dans le Seigneur, que de mettre sa confiance dans l'homme." (Ibid ., 8). "Mieux vaut espérer dans le Seigneur, que de mettre son espoir dans les princes."( Ibid., 9). Le Roi-prophète ne veut point établir ici une comparaison, mais l'Écriture emploie ordinairement cette figure, même dans les choses qui n'admettent pas de comparaison, pour s'accommoder à la faiblesse de ceux à qui elle s'adresse. Ce n'est donc point ici une comparaison, mais un langage de condescendance. C'est dans le même sens qu'un autre prophète dit : "Maudit l'homme qui se confie dans l'homme." (Jer 17,5). Car rien n'est plus faible que cette espérance, elle est plus fragile qu'une toile d'araignée, et cette fragilité est encore pleine de dangers pour nous; j'en appelle ici au témoignage de ceux qui ont placé leur confiance dans les hommes, et qui ont été entraînés dans leur ruine. L'espérance en Dieu, au contraire, n'est pas seulement forte, elle est assurée, parce qu'elle est à l'abri de tout changement. Voilà pourquoi saint Paul s'écriait : "L'espérance ne nous trompe point;" (Rom 5,5); et un autre auteur inspiré : "Considérez les générations anciennes, et voyez si un homme qui a espéré en Dieu a été confondu." (Ec 2,10). Mais cependant, me direz-vous, j'ai espéré en Dieu et j'ai été trompé. Parlez plus sagement, je vous en prie, et ne vous mettez pas en contradiction avec l'Écriture. Vous avez été trompé, je le veux, mais votre espérance était défectueuse, elle n'a point été persévérante. Vous n'avez pas eu la patience d'attendre et vous avez perdu courage. Agissez tout différemment, et quand vous voyez le malheur prêt à tomber sur vous, gardez-vous de tout découragement; car le caractère particulier de l'espérance est de maintenir notre âme ferme et inébranlable au milieu des plus grands malheurs.
Quoi de plus misérable que les barbares habitants de Ninive ? Ils étaient déjà comme enlacés dans les filets de leurs ennemis, la destruction de leur ville était imminente, et cependant ils ne perdirent point confiance, ils donnèrent des preuves les plus certaines de repentir, et déterminèrent Dieu à revenir sur la sentence qu'il avait portée. Voyez-vous combien l'espérance est puissante. Et le prophète Jonas lui-même, est-ce que du sein de la baleine il ne pensait pas au temple et n'espérait pas son retour dans la ville de Jérusalem ? Lors même donc que vous toucheriez aux portes du tombeau, et que vous seriez sous le coup des plus grands dangers, ne perdez jamais confiance. Dieu est assez puissant pour vous faire triompher des plus extrêmes difficultés, ce qui a fait dire au Sage : "Du matin au soir il y aura de grands changements, et toutes choses sont faciles aux Yeux de Dieu." (Ec 17,26). Ne vous rappelez-vous point ce capitaine mourant de faim au milieu de la plus grande abondance, (IV Roi 7), et cette veuve au contraire qui fut dans l'abondance au milieu de la disette générale ? (III Roi 17). C'est lorsque votre situation vous paraîtra sans espoir que vous devrez le plus espérer. Dieu aime à manifester sa Puissance, non point au début de nos épreuves, mais lorsque les hommes regardent tout comme désespéré. C'est le temps que Dieu choisit pour venir à notre secours. Ainsi, Il ne délivra point tout d'abord les trois enfants, il attendit qu'on les eût jetés dans la fournaise. (Dan 3,93). Il ne délivra point non plus Daniel avant qu'il fût jeté dans la fosse aux lions, mais seulement sept jours après. (Dan 14,39). Ne vous arrêtez pas à la nature des choses qui ne peut que vous jeter dans le désespoir, mais considérez la puissance de Dieu qui à la situation la plus désespérée, sait faire succéder les meilleures espérances. C'est ce que le psalmiste veut nous prouver en nous montrant la grande facilité d'action de la Puissance de Dieu qui sait tirer les hommes, non seulement des premières épreuves, mais de l'abîme des maux où ils sont comme ensevelis.
Écoutez en effet ce qui suit : "Toutes les nations m'ont assiégé" Quel moyen je vous demande, d'échapper à ce danger ? Il ne s'agit pas en effet, d'en venir aux mains, de livrer bataille à des ennemis qui sont en présence; le Roi-prophète est littéralement cerné, enveloppé comme dans un filet, pris comme dans un piège, et cela non point par un, deux ou trois peuples ennemis, mais par toutes les nations réunies . Cependant tous ces liens sont brisés par la confiance en Dieu. "Au Nom du Seigneur, je les ai exterminés; elles m'entouraient, elles me serraient de près, au Nom du Seigneur je les ai anéanties." (Ibid., 11)." Elles m'entouraient comme des abeilles entourent un rayon de miel; leur fureur s'est allumée comme la flamme qui embrase un buisson; au nom du Seigneur, je les ai détruites." (Ibid., 12). Comme il nous dépeint au vif la grandeur de ses épreuves, il ne se contente pas de dire : "Ils m'ont entouré," mais : "Ils m'ont entouré comme des abeilles, comme la flamme qui embrase un buisson." Les abeilles figurent la vivacité de l'action, et les épines sont le symbole d'une colère extrême, et d'une fureur que rien ne peut comprimer. Qui peut éteindre en effet le feu qui prend à des épines ? Et cependant, bien que mes ennemis aient pris feu et soient tombés sur moi avec la violence et la rapidité de l'incendie, non seulement j'ai pu leur échapper, mais je les ai anéantis. Le même prodige s'est produit sur la matière inanimée; le feu brûlait le buisson dans le désert, et le buisson n'était pas consumé sans que le feu fût éteint, et ces deux substances demeuraient ensemble sans se détruire. (Ex 3). Et cependant qu'y a-t-il de moins consistant que le bois d'un buisson, comme aussi qu'y a-t-il de plus ardent que le feu ? Mais la Puissance admirable de Dieu qui opère des prodiges bien au-dessus de notre intelligence, voulut que ces deux substances demeurassent intactes. Ce même prodige se renouvela pour le Roi-prophète; ses ennemis accouraient avec la rapidité du feu, ils fondaient sur lui avec la vivacité des abeilles, ils le tenaient comme assiégé de tous côtés, et tous leurs efforts contre lui furent inutiles. Le nom de Dieu, comme une armure invincible, comme un secours auquel rien ne peut résister, les a tous anéantis. "J'ai été poussé avec violence et près d'être renversé, et le Seigneur m'a soutenu." Pour nous donner une idée de la grandeur de ses épreuves, il nous a décrit la multitude de ses ennemis, leur extérieur menaçant, la vivacité de leurs attaques, et leur acharnement contre lui; il ajoute maintenant ce qu'ils lui ont fait souffrir. Ils m'ont assailli avec une telle violence que j'ai été sur le point de tomber et d'être abattu. Ils m'ont poussé si violemment que j'en ai été ébranlé et qu'ils ont failli me renverser. Mais, au moment où mes genoux allaient fléchir, où ma chute paraissait inévitable, et où je n'avais plus aucune espérance, Dieu est venu à mon secours. Il en agit ainsi, afin que personne ne soit tenté de s'attribuer la gloire qui Lui appartient. C'est ce qu'il a fait déjà sous les Juges, du temps de Gédéon. (Jud 7). Voilà pourquoi sous le règne d'Ézéchias, Il choisit la nuit pour remporter un triomphe éclatant sur ses ennemis. (IV Roi 24, 25). Car si ce prince sans avoir pris part ni à la guerre, ni à la victoire, se laissa dominer par la vaine gloire, à quel excès d'orgueil se serait-il emporté s'il eût assisté au combat et qu'il eût vu de ses yeux la défaite et l'anéantissement de l'armée ennemie ? C'est donc lorsque toute espérance humaine est perdue, que Dieu déploie sa Main toute-puissante. Nous en avons un exemple dans la défaite de Goliath, (I Roi 17), comme aussi dans la personne des apôtres. C'est ce qui faisait dire à saint Paul : "Nous avons reçu en nous-mêmes une réponse de mort, afin que nous ne mettions point notre confiance en nous, mais en Dieu qui ressuscite les morts." (II Cor 1,9). "Le Seigneur est ma force et ma louange, et Il est devenu mon salut." (Ibid., 14). C'est-à-dire, Il a été ma force et mon secours. Mais que signifient ces paroles : "Il a été ma louange." ? Il a été ma gloire, mon éloge, mon ornement, ma lumière; car non content de délivrer les hommes de tout danger, Il les environne d'éclat et de splendeur, et nous le voyons partout joindre la gloire et la protection qui sauve. Ces paroles renferment encore une autre vérité; quelle est-elle ? Dieu sera l'objet continuel de mes chants, ma voix est à jamais consacrée à l'hymne de la reconnaissance, et tout mon devoir sera maintenant de le louer.
Quelle leçon pour ceux qui se laissent corrompre par des chants diaboliques. À quelle ruine ils s'exposent, et quel pardon peuvent mériter ceux qui se roulent dans la fange des chants consacrés au démon, tandis que le Roi-prophète célèbre à jamais son Sauveur ? "Les cris d'allégresse et de salut se font entendre dans les tentes des justes." (Ibid., 15). Lorsque, grâce à l'intervention divine, le succès est assuré, ceux qui jouissent des fruits de la victoire se livrent aux transports de l'allégresse, doublement joyeux d'être sauvés et de l'être par la Main de Dieu. Le principe de leur joie est celui-là même qui leur a fait remporter la victoire. Mais quel a été pour Dieu le motif déterminant d'accorder son Secours ? Ce qui suit l'explique : "Dans les tentes des justes." Le psalmiste ne dit pas : "Dans les maisons", mais : "Dans les tentes;" pour exprimer une habitation où l'on ne doit s'arrêter que quelques instants. Telle était la tente qu'habitait Abraham, lorsqu'il revenait vainqueur des rois barbares et couvert de la gloire qu'il devait à ses exploits. (Gen 14,16). Telle était encore la tente sous laquelle se reposait l'apôtre saint Paul, après avoir triomphé des démons, détruit les erreurs, et remporté les succès les plus éclatants. "La Droite du Seigneur a déployé sa Puissance, la Droite du Seigneur m'a élevé." (Ibid .,16). Vous voyez la cause de son allégresse, il répète ce qu'il a dit précédemment, et reconnaît hautement que Dieu seul est l'auteur d'un aussi grand triomphe. Remarquez-vous ici que la Bonté de Dieu ne se borne pas à nous délivrer des maux qui nous accablent, mais qu'elle nous met encore en possession d'une gloire éclatante ? En effet, après avoir dit : "La Droite du Seigneur a déployé sa Puissance," il ajoute : "La Droite du Seigneur m'a élevé," c'est-à-dire la gloire de l'action divine a rejailli jusque sur moi. Car cette expression : "Elle m'a élevé," signifie : elle m'a couvert de gloire. À la force, à la puissance, Dieu a donc voulu joindre l'éclat et la gloire.
"Je ne mourrai point, mais je vivrai, et je raconterai les oeuvres du Seigneur." (Ibid .,17). La mort se présentait à moi de tous côtés au milieu des dangers. "Cependant, je ne mourrai point, mais je vivrai;" et c'est-à-dire, la Puissance de Dieu s'est signalée par des prodiges si éclatants, que même sous l'ancienne loi, elle a délivre de la mort dans des extrémités désespérées pour donner une image de la résurrection future dont la translation d'Hénoc, dès l'origine du monde, avait déjà été le symbole. (Gen 5,24). Si vous doutez de la résurrection des corps, en voici une preuve frappante : Comment en effet, ce corps peut-il subsister aussi longtemps ? Car il y a une grande différence entre relever une maison qui est tombée en ruines, et conserver indéfiniment celle qui menace sans cesse de crouler. Avez-vous donc oublié que Dieu a créé l'homme en le tirant du néant ? Il lui sera donc beaucoup plus facile de lui rendre la vie. Vous avez encore une autre figure de la résurrection dans l'enlèvement d'Élie qui n'est point encore mort jusqu'à ce jour. (IV Roi 2,11). Pour Dieu, il n'y a ni difficultés, ni obstacles. "Il n'y a rien d'impossible à Dieu, dit l'ange à Marie." (Lc 1,3)7). Et le Roi-prophète lui-même dit dans un autre endroit : "Il a fait tout ce qui il a voulu." (Ps 113,11). Est-ce que le travail d'un artisan semblable à vous, ne vous offre pas quelquefois des difficultés ? Et cependant vous vous inclinez devant la connaissance qu'il a de son art. Ainsi vous soumettez votre raison à l'habileté d'un de vos semblables, et vous demandez compte à la Sagesse de Dieu de ses oeuvres, et vous refusez d'y ajouter foi ? N'est-ce pas le comble de la folie ? "Je ne mourrai point, mais je vivrai." On peut encore, sans se tromper, prendre ces paroles dans un sens anagogique. Le Prophète, il est vrai, veut parler ici de la résurrection, car cette expression : "Je ne mourrai point" signifie,que la mort n'est pas une mort véritable; cependant on peut l'entendre dans une autre acception. "Je ne mourrai point" de cette autre mort dont Jésus Christ a dit : "Celui qui croit en Moi, quand il serait mort, vivra, et quiconque vit et croit en Moi ne mourra jamais." (Jn 11,25).
"Et je raconterai les oeuvres du Seigneur." Voilà la véritable vie : louer Dieu et annoncer à tous les hommes les oeuvres de sa Puissance. Quelles sont ces oeuvres ? Celles qu'Il va faire connaître : "Le Seigneur m'a châtié pour me corriger, mais Il ne m'a point livré à la mort." Dites-moi, se peut-il rien de plus merveilleux, et en même temps de plus utile pour notre instruction ? Il rend grâces à Dieu non seulement de l'avoir délivré de ses tribulations, mais de ses tribulations elles-mêmes, qu'il met au rang des plus signalés bienfaits et dont il rappelle les avantages. Quels sont-ils ? "Le Seigneur m'a châtié pour me corriger." Voilà pour lui la grande utilité des épreuves, elles l'ont rendu meilleur. Voyez-vous briller d'un même éclat dans ces deux circonstances la Puissance de Dieu et sa Bonté ? Il a permis que David fût comme assailli par des maux de tout genre, et Il l'en a délivré. "Il ne m'a point livré à la mort," ou selon la traduction pleine de justesse d'un autre interprète : "Il ne m'a point donné à la mort," expression qui montre que tout dépend de la Puissance de Dieu. Le Roi-prophète est donc redevable à Dieu d'une double délivrance, de la délivrance de ses maux et de la délivrance du péché. C'est dans ce sens que saint Paul écrivait aux Hébreux : "Si vous n'êtes point châtiés, vous êtes donc des enfants bâtards, et non des enfants légitimes ?" (He 12,8). "Ouvrez-moi les portes de la justice, j'y entrerai et je rendrai grâces au Seigneur." Ces portes ne sont ouvertes qu'à ceux qui ont passé par les épreuves et qui se sont déchargés du fardeau de leurs péchés." (Ibid., 19).
Celui qui a été instruit à l'école du châtiment peut dire avec confiance : "Ouvrez-moi les portes de la justice." Il faut entendre ces paroles dans le sens anagogique, c'est-à-dire des portes du ciel qui demeurent fermées aux méchants et ne s'ouvrent qu'à la vertu, qu'à l'aumône, qu'à la justice. "Voilà la porte du Seigneur, c'est par cette porte que les justes entreront." (Ibid., 20). Il y a les portes de la mort, les portes de la perdition; il y a aussi les portes de la vie, les portes étroites et petites. C'est parce qu'il y a plusieurs portes que le psalmiste nous donne le signe distinctif de la porte du Seigneur en disant : "C'est là la porte du Seigneur" Quel est donc ce signe ? C'est qu'il n'y a que ceux que Dieu châtie, qu'Il éprouve, qui entrent par cette porte, car elle est bien étroite et bien resserrée. Si donc elle est étroite, ceux qui ont été foulés par la tribulation pourront entrer par cette porte. Au contraire, la porte qui ouvre sur la mort et la perdition est large et spacieuse. "Je Te rendrai grâces, Seigneur, de ce que Tu m'as exaucé et de ce que Tu es devenu mon salut." (Ibid., 21). Il ne se borne pas à dire :"Tu m'as exaucé," il ne rappelle cette faveur qu'après le châtiment qui l'a rendu meilleur. Il témoigne donc à Dieu sa reconnaissance pour cette double grâces non seulement d'avoir été exaucé, mais d'avoir été châtié. C'est en cela, en effet, que Dieu l'a exaucé, aussi voyons-nous ce genre d'action de grâces occuper une large place dans toutes ses prières. Car, comme je l'ai dit et comme je ne cesserai de le répéter, c'est le premier des sacrifices et la plus excellente victime. "La pierre que les architectes ont rejetée est devenue la pierre d'angle." (Ibid., 22). Il est évident aux yeux de tous que c'est de Jésus Christ qu'il est ici question. Car Lui-même S'applique cette prophétie dans l'Évangile, lorsqu'Il dit : "N'avez-vous jamais lu que la pierre qui avait été rejetée par ceux qui bâtissaient est devenue la pierre d'angle ?" (Mt 21,42); (Lc 20,17). Cette prophétie ne paraît pas se rattacher à ce qui précède et semble interrompre la suite de ce psaume. Il n'y a en cela rien d'étonnant, rien de nouveau, la plupart des prophéties de l'Ancien Testament se présentent de cette manière, et la raison c'est que sans cette espèce de voile dont elles étaient couvertes, les livres qui les contenaient auraient pu être détruits. La prophétie qui a pour objet la Naissance du Sauveur paraît se rattacher à un fait historique, sans avoir cependant rien de commun avec lui. "Voici, dit le prophète, qu'une vierge concevra et enfantera un fils, et on l'appellera Emmanuel, c'est-à-dire Dieu avec nous." (Is 7,14; Mt 1,23). "La pierre qui a été rejetée par ceux qui bâtissaient." Ce sont les Juifs, les docteurs de la loi, les scribes, les pharisiens, qui ont rejeté Jésus Christ en lui disant : "Tu es un Samaritain et un possédé du démon." (Jn 8, 48); et encore : "Cet homme ne vient pas de Dieu, mais il séduit le peuple." (Jn 7,12). Et cependant, cette pierre qu'ils ont rejetée a été jugée digne de devenir la tête de l'angle. Toute pierre, en effet, n'est point propre à cet usage, il faut pour cela une pierre d'une forme toute particulière et qui puisse relier ensemble les deux murs qu'elle rejoint. Voici donc le sens de ces paroles du prophète. Celui que les Juifs ont rejeté et traité avec mépris a brillé d'un si vif éclat, que non- seulement il a servi à construire l'édifice, mais qu'il est devenu la pierre qui réunit et supporte les deux murs. Quels sont ces deux murs ? Les Juifs et ceux qui parmi les Gentils embrassaient la foi, au témoignage de saint Paul lui-même : "C'est Lui, nous dit-il, qui est notre paix, c'est Lui qui des deux peuples n'en a fait qu'un, en détruisant dans sa propre Chair le mur de séparation, c'est-à-dire leurs inimitiés, abolissant par ses décrets la loi chargée de préceptes pour former en Lui-même un seul homme nouveau de ces deux peuples." (Ep 2, 14-15). Et plus loin : "Vous êtes comme un édifice bâti sur le fondement des apôtres et des prophètes, dont Jésus Christ est Lui-même la principale pierre de l'angle." (Ep 2,20). Ces paroles renferment une accusation capitale contre les Juifs qui n'ont pas su discerner la pierre convenable pour l'édifice qu'ils construisaient, et qui ont rejeté comme défectueuse la pierre qui était capable de le consolider. Voulez-vous savoir quelles sont ces deux murailles ? écoutez ce que vous dit Jésus Christ Lui-même : "J'ai encore d'autres brebis qui ne sont point de cette bergerie, il faut que Je les amène, et il n'y aura plus qu'un troupeau et qu'un pasteur." (Jn 10,16). Cette vérité avait été figurée bien longtemps auparavant dans la personne d'Abraham, qui fut le père de deux peuples, des incirconcis et de ceux qui avaient reçu la circoncision. Mais ce n'était qu'une figure, et nous avons ici la vérité. "Cette pierre a été placée à la tête de l'angle," c'est-à-dire qu'elle a réuni ces deux peuples.
"C'est le Seigneur qui a fait cette pierre." (lbid., 23). Que signifient ces paroles ? Ce n'était pas ici une oeuvre humaine, dit le Roi-prophète, aucun être privilégié soit même parmi les anges, soit parmi les archanges, ne pouvait faire la pierre qui forme cet angle. C'était une oeuvre impossible aux justes, aux prophètes, aux anges, aux archanges; Dieu seul pouvait opérer cette merveille qui Lui appartient en propre. Un autre interprète traduit : "C'est le Seigneur qui a fait cela," cette oeuvre admirable, extraordinaire. c'est-à-dire la pierre qui forme cet angle. Et c'est pour nos yeux un objet digne d'admiration. Quel est cet objet ? Cet angle, la réunion des deux peuples dans une même religion. Les Juifs, en effet, embrassèrent la foi par milliers, et les apôtres eux-mêmes avaient été choisis parmi eux. Remarquez la justesse de cette expression : "Pour nos yeux," car ce prodige n'a point frappé tous les regards avec le même éclat. Mais qui ne serait saisi d'étonnement et d'admiration en voyant le Christ adoré là même où Il avait été crucifié, l'ignominie devenir le partage de ses bourreaux, tandis que ses adorateurs sont couverts de gloire ? En effet, sa parole se répandit dans tout l'univers pour réunir tous les hommes dans les liens de la vérité. C'est donc un spectacle admirable pour tous, à quelque point de vue qu'ils le considèrent, mais qui brille d'une lumière beaucoup plus éclatante pour ceux qui ont embrassé la foi et que le Prophète désigne par ces paroles : "Pour nos yeux." -"C'est ici le jour qu'a fait le Seigneur, réjouissons-nous et soyons pleins d'allégresse." (lbid., 24). Ce jour ne doit point s'entendre du cours ordinaire du soleil, mais des prodiges dont il a été le théâtre. Lorsque nous disons d'un jour qu'il est mauvais, nous ne voulons point parler non plus du jour mesuré par le cours du soleil, mais des malheurs que sa lumière a éclairés. C'est ainsi que le Roi-prophète appelle un jour de bonheur celui qui a été témoin d'événements heureux, et voici le sens de ses paroles : Dieu est l'auteur des prodiges accomplis en ce jour, et sa Main puissante était seule capable de les opérer.
Qu'y a-t-il de comparable à ce jour ? Alors, en effet, Dieu s'est réconcilié avec les hommes, cette guerre qui durait depuis si longtemps a été terminée, la terre est devenue un véritable ciel, et les hommes qui étaient indignes d'habiter la terre sont devenus dignes du royaume céleste; les prémices de notre nature ont été élevées au dessus des cieux, le paradis nous a été ouvert, nous sommes entrés en possession de notre ancienne patrie, la malédiction a été anéantie, le péché détruit, ceux que la loi avait condamnés au supplice ont été sauvés sans la loi, la terre tout entière et la mer ont reconnu leur souverain Maître; sans parler de mille autres prodiges qu'il est inutile de rappeler en ce moment. Ce sont toutes ces merveilles que le Roi-prophète repasse dans son esprit, et dont il attribue toute la gloire à Dieu, en proclamant qu'il en est le seul et unique auteur. "Réjouissons-nous et livrons-nous à l'allégresse en ce jour." La joie dont il parle ici est une joie tout intérieure, la joie de l'esprit, la joie du coeur. "Réjouissons-nous et livrons-nous à l'allégresse en ce jour, en reconnaissance des bienfaits signalés dont Dieu nous a comblés." C'est en effet la marque d'une grande vertu de se livrer à la joie, de tressaillir d'allégresse au souvenir des grâces que Dieu nous accorde, et de faire ses délices des bienfaits que nous en recevons.
"Seigneur, sauve-moi, je T'en prie; Seigneur, je T'en supplie, aplanis la voie devant moi." (lbid., 25). Le Roi-prophète à la vue du bonheur dont la terre est en possession, des heureux changements et des transformations qui se sont accomplies, félicite ceux qui en sont l'objet, et dit à Dieu : "O Seigneur, conserve, je T'en prie, ô Seigneur, je T'en supplie, rends la route heureuse." C'est-à-dire conserve-les dans ce bonheur dont ils jouissent, afin qu'ils en soient remplis et qu'ils produisent des fruits dignes d'une si grande grâce; rends-leur le chemin facile afin qu'ils ne perdent jamais les biens qu'ils ont si heureusement obtenus. "Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur." (Ibid ., 26). Nos espérances en effet ne s'arrêtent pas aux grâces que nous avons reçues, elles s'élèvent à des dons plus sublimes, à la résurrection, au royaume, à l'héritage avec Jésus Christ. Ce sont toutes ces choses que le prophète veut exprimer par ces paroles : "Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur." C'est ce que Jésus Christ Lui-même annonçait aux Juifs lorsqu'il leur disait : "Je vous le dis, en vérité, vous ne Me verrez plus jusqu'à ce que vous disiez : "Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur." Ils ne cessaient de Lui objecter à tout propos qu'il n'était pas de Dieu, qu'il était l'ennemi de Dieu, il leur fait donc cette réponse : "Vous Me rendrez témoignage que Je ne suis pas l'ennemi de Dieu, lorsque vous Me verrez venant sur les nuées, et que vous vous écrierez" : "Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur." Mais ces acclamations et ces louanges leur ôteront en même temps toute excuse. Les événements qui s'accompliront alors brilleront d'un si vif éclat qu'ils Lui arracheront des cris de louange pour Dieu et tout à la fois d'accusation sévère contre eux-mêmes. "Nous vous bénissons de la maison du Seigneur. Le Seigneur est le vrai Dieu, Il a fait luire sa lumière sur nous." (Ibid., 97). Le psalmiste veut parler ici de tout le peuple fidèle qui a été comblé de bénédictions dans la maison du Seigneur. Nous voyons en effet les prophètes proclamer partout le bonheur de ceux qui doivent embrasser la foi. Mais quelle est la cause, quel est le principe de ces bénédictions ? "La grâce de Dieu notre Sauveur, dit saint Paul, s'est révélée à tous les hommes pour nous apprendre à renoncer à l'impiété, aux désirs du siècle, et à vivre avec tempérance, avec justice, avec piété; attendant toujours la félicité que nous espérons, et l'avènement glorieux du grand Dieu et de notre Sauveur Jésus Christ." (Tit 2,11-13). C'est donc l'Incarnation qui est ici l'objet de l'admiration du prophète, et il s'étonne qu'étant notre Dieu, notre Seigneur, d'une nature aussi relevée, Il ait daigné Se manifester à nous. Cette manifestation, c'est l'Incarnation du Fils de Dieu qui est descendu dans le sein d'une vierge, S'est fait homme et a vécu au milieu des hommes. Voilà pourquoi le prophète s'écrie : "Nous Te bénissons", d'avoir obtenu un bienfait aussi éclatant. C'est cette même vérité que Jésus Christ exprimait en disant à ses disciples : "Beaucoup de prophètes et de justes ont désiré voir ce que vous voyez et ne l'ont point vu, et entendre ce que vous entendez et ne l'ont point entendu."
"Rendez ce jour solennel en couvrant de branches tous les lieux, jusqu'à la cime de l'autel." Suivant une autre version : "Ramassez d'épais feuillages dans le lieu de vos réunions." Suivant une autre : "Sacrifiez en ce jour de fête de grasses victimes." Le psalmiste revient de la prophétie à l'histoire, et dit aux Juifs : "Célébrez cette fête, rassemblez-vous en grand nombre." Quel est le sens de ces paroles : "Rendez ce jour solennel en couvrant de branches tous les lieux." ? Suivant un autre interprète : "Sacrifiez des victimes choisies." Suivant un autre : "Ornez le temple de couronnes et de feuillage." Le texte hébreu porte : Esron ag baad oth thim. Quel que soit le sens qu'on donne à ces paroles, elles signifient évidemment un jour de fête, un jour de joie et une assemblée nombreuse. Le Roi-prophète descend de nouveau des choses spirituelles aux objets sensibles, et célèbres le retour des Israélites. "Tu es mon Dieu, et je Te rendrai mes actions de grâces, Tu es mon Dieu et j'exalterai ton Nom." (Ibid., 28). Je Te rendrai grâces de ce que Tu m'as exaucé et de ce que Tu es devenu mon salut. Il nous apprend ici à rendre grâces à Dieu en dehors même de ses Bienfaits, et à le glorifier par le seul motif de sa Majesté, de sa Nature divine, et de sa Gloire ineffable. C'est le sentiment qu'il veut exprimer après avoir énuméré toutes les grâces dont il a été comblé. Quand je n'aurais reçu aucun bienfait, semble-t-il dire, je rendrais grâces à Dieu, je célébrerais son Nom en reconnaissance de ce que j'ai un Dieu si grand, si élevé, si éloigné de nos yeux, si incompréhensible. Cette expression : "J'exalterai," signifie je glorifierai. "Louez le Seigneur, parce qu'Il est bon, parce que sa Miséricorde s'étend dans tous les siècles." (Ibid., 20). Ce n'est point assez pour lui d'offrir à Dieu ce sacrifice, il invite tous les hommes à venir s'associer à ses louanges et à sa reconnaissance, il proclame la Bonté de Dieu, et ne cesse de célébrer sa Durée et sa Grandeur. Instruits de ces vérités, rendons nous-mêmes à Dieu d'immortelles actions de grâces, ne cessons de Lui offrir ce sacrifice, afin de mériter les biens éternels par la Grâce et la Bonté de notre Seigneur Jésus Christ, à qui soit la gloire avec le Père et le saint Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.