PSAUME 108
1. Nous avons ici besoin d'une grande prudence, car ces paroles, à ne considérer que le sens qui résulte de leur signification première et littérale, jettent un certain trouble dans l'âme de ceux qui les entendent. Tout ce psaume en effet, est rempli jusqu'à la fin d'imprécations, expressions d'une âme bouillonnante et enflammée de colère, qui, non contente de tirer vengeance du coupable, étend le châtiment sur ses enfants, sur son père et sa mère. Que dis-je ? Une seule calamité ne lui suffit pas, il les accumule les unes sur les autres. Voyez, que de souhaits de vengeance : «Donne au pécheur l'empire sur lui, et que le démon se tienne à sa droite.» C'est-à-dire qu'il soit en butte à toutes les accusations, à tous les mauvais desseins des hommes pervers, et qu'il ne puisse en triompher. Car voilà ce que signifient ces paroles : «Quand on le jugera, qu'il soit condamné.» Mais ce châtiment ne lui suffit pas encore, et non content de cette condamnation, il demande qu'un autre lui succède dans ses dignités : «Et qu'un autre reçoive son emploi.» Il ne s'arrête même pas là, et il lui interdit l'accès du seul port qui lui était laissé, en demandant à Dieu de lui fermer le sein de sa Miséricorde : «Et que sa prière même devienne un crime.» Que dis-je ? Il lui souhaite même une mort prématurée : «Que ses jours, dit-il, soient abrégés.» Ce n'est pas encore assez, bien que la mesure parût à son comble. Il déclare, ce qui est la marque d'une âme arrivée au dernier degré de la colère, qu'il ne suffit pas pour lui d'un ou de deux châtiments, et qu'il faut que d'autres soient ajoutés. Les calamités qui suivent sont plus déplorables encore, puisqu'il demande que les enfants qu'il laisse soient orphelins, et que sa femme soit sans époux. Ces malheurs sont la conséquence nécessaire de la mort du coupable, et cependant dans le feu de la colère, le Roi-prophète les mêle aux autres imprécations. Ce n'est pas encore assez que ses enfants soient orphelins; après avoir accumulé sur eux tant de calamités, il y met le comble en demandant qu'ils mènent une vie errante et vagabonde. «Que ses enfants errants et vagabonds soient contraints de mendier.» C'est-à-dire que dans cette vie errante ils n'aient pas même le pain qui leur est nécessaire, qu'ils soient réduits à changer tous les jours d'asile, chassés, poursuivis par toute la terre sans pouvoir trouver un lieu où ils puissent s'arrêter. À ces imprécations, il en joint encore une plus terrible, il les dévoue à une misère extrême et intolérable où ils ne pourront obtenir aucune assistance de leurs proches, ils seront obligés d'aller de tous côtés demander des secours à des étrangers et à des inconnus. Écoutez comme il formule cette imprécation. Après avoir dit : «Que ses enfants, errants et vagabonds, soient contraints de mendier,» il ajoute : «Qu'ils soient chassés de leurs demeures; que l'usurier recherche tout son bien, et que les étrangers lui ravissent ses travaux.» Voilà un nouveau genre de calamités, leurs biens seront livrés au pillage, à la rapacité artificieuse des usuriers, ils seront en proie à des injustices de toute espèce, et ce qui est plus affreux, au milieu de si grands maux, ils n'auront personne pour les défendre. C'est le sens de cette imprécation : «Qu'il ne trouve personne pour l'assister.»
Ces malheurs sont déjà insupportables par eux-mêmes, mais l'absence de toute protection les rend mille fois plus accablants. «Que nul n'aie pitié de ses enfants orphelins.» Grand Dieu ! Jusqu'où va son indignation ! Quoi ! Ces enfants, devenus sitôt orphelins, ne pourront rencontrer aucune âme compatissante ? Bien plus, il les précipite dans la mort la plus affreuse. «Que ces enfants soient voués à la destruction, et que son nom s'éteigne dans une seule génération.» Voyez comme la colère respire dans ces paroles et ne semble ne plus connaître de bornes. Tout son désir est qu'ils soient victimes de fléaux de tout genre, qu'ils épuisent toutes les calamités, et qu'ils périssent sans laisser aucune trace de leur nom. Et comme si le malheur des enfants ne lui suffisait pas encore, il ajoute : «Que l'iniquité de ses pères revive dans la mémoire de l'Éternel, que le péché de sa mère ne soit point oublié.» (Ibid. 14). «Que leurs crimes soient toujours devant le Seigneur, et que leur mémoire soit effacée de dessus la terre.» (Ibid.15). C'est l'effet d'une extrême colère d'énumérer ainsi les fléaux qu'on a commencé par appeler en général sur la tête de son ennemi, et d'y revenir continuellement. Ainsi après avoir dit : «Que l'iniquité de ses pères revive dans la Mémoire du Seigneur,» il ajoute :
«Et qu'elle ne soit point oubliée.» C'est la même idée répétée, mais la colère aime ces répétitions, et ces paroles signifient : Tuez-le, égorgez-le, faites-le disparaître. Voyez quel amas d'imprécations ! Si vous le voulez, je vais les récapituler : qu'il tombe entre les mains des méchants, qu'il soit en leur pouvoir, qu'il soit accusé, condamné, qu'il meure d'une mort prématurée, qu'il soit dépouillé de ses honneurs, et qu'il les voie transmis non pas à ses enfants, mais à des étrangers. Que son épouse périsse, que ses enfants soient pauvres, orphelins, réduits à la dernière indigence, soient condamnés, chassés de tous les côtés, sans que personne vienne à leur aide. Qu'ils ne trouvent même en Dieu aucune compassion, qu'il n'y ait pour eux ni port ni refuge, que son nom soit effacé de dessus la terre, que sa mort soit sans gloire, que son père et sa mère portent la peine de ses péchés, et qu'ils périssent eux-mêmes sans laisser aucune trace de leur passage.
2. N'êtes-vous point frappés d'épouvante en entendant ces paroles ? Ne désirez-vous point savoir sur qui tombent ces imprécations ? Lorsque nous entendons un homme en injurier un autre, nous cherchons à savoir de ceux qui sont présents, quel est celui qu'on insulte. Or ici, où ces imprécations sortent de la bouche du Prophète, à plus forte raison devons-nous chercher à connaître dans un sentiment de crainte et de frayeur, quel est celui qui a encouru une si violente indignation, et qui a contristé l'Esprit saint au point d'attirer sur sa tête de si terribles fléaux. Examinons donc ce psaume dès le commencement avec la plus grande attention. Soyez sans inquiétude, je l'expliquerai de mon côté avec tout le soin possible. Toutes ces questions ont une grande importance. Premièrement, pourquoi au châtiment ignominieux de celui qui est coupable, vient se joindre celui de ses enfants, de son épouse et de ses parents ? Secondement, quel est celui qui est l'objet de ces imprécations ? Troisièmement, comment le Prince des apôtres applique-t-il à Judas ce psaume, ou plutôt une partie de ce psaume ? «Car il est écrit, dit-il, dans le livre des psaumes : «Que leur habitation soit déserte, et que personne n'habite sous ses tentes.» (Ac 1,20). Ces paroles donnent lieu à une autre question. Car les deux parties de la citation ne se trouvent point dans le même psaume; aussi saint Pierre ne dit pas : Dans ce psaume; mais : «Dans le livre des psaumes. En effet, ce premier membre : «Que leur habitation soit déserte» se lit dans un psaume, (Ps 68, 26); et dans un autre, ce second membre : «Et qu'un autre reçoive son apostolat.» L'Apôtre a réuni ces deux propositions dans un seul témoignage. C'est ce que saint Paul fait ordinairement, comme lorsqu'il cite ces paroles du prophète : «Il sortira de Sion un libérateur qui bannira l'impiété de Jacob». Et c'est là l'alliance que je ferai avec eux, lorsque j'aurai effacé leurs péchés.» (Rm 11,26; Is 59,20; 27,9).
Mais, me demandera-t-on, comment qualifier ce psaume ? Est-ce une prophétie, est-ce une imprécation ? C'est une prophétie sous forme d'imprécation; la sainte Écriture nous offre un exemple du même genre dans les dernières paroles du patriarche Jacob. Le Dessein de Dieu était que les châtiments des uns devinssent une leçon utile pour ceux qui viendraient à les connaître. Voilà pourquoi un grand nombre de prophéties sont faites de manière à inspirer au peuple une crainte salutaire par les menaces qu'elles contiennent. Il y a en effet une grande différence entre annoncer simplement les malheurs réservés à un homme, ou de les prédire avec l'accent de la colère et de l'indignation. Je prouve par un exemple tiré des prophètes eux-mêmes que cette interprétation n'est pas arbitraire. «Lorsque Jacob fut pour mourir, il dit à ses enfants : «Venez, afin que je vous annonce ce qui doit vous arriver dans les derniers temps.» (Gn 49,1). Sur le point de prophétiser, il est comme sous l'inspiration d'une vive colère qui éclate en imprécations : «Ruben, mon fils aîné, tu es dur à supporter, tu as été dur et insolent, tu m'as outragé, tu t'es répandu comme l'eau, tu ne croîtras point.» (Ibid. 3). Il lui prédit ainsi sa ruine future sous forme de malédiction. Au contraire, lorsqu'il prédit d'heureux événements, il emploie la forme de la prière : «Que Dieu vous donne de la rosée du ciel et de la graisse de la terre.» (Gn 27,98). Cependant, c'est en même temps une prophétie. Il est évident que ce n'est point ici l'expression d'un sentiment tout humain. Son père avait déjà fait une prophétie du même genre à l'égard de Chanaan : «Chanaan sera l'esclave des autres». (Gn 9,25). Ainsi Dieu vous apprend qu'Il est le Protecteur de ceux qui souffrent de l'injustice, et qu'Il en punit sévèrement les auteurs. Jésus-Christ S'est servi Lui-même de cette figure dans cette prophétie où Il déplore les malheurs qu'il prédit : «Malheur à toi Chorozaïns malheur à toi Betsaïde». (Lc 10,13) De même, lorsqu'il s'écrie : «Jérusalem, Jérusalem qui tue les prophètes.» (Lc 13,34)
Quel est donc l'objet de ce psaume ? Judas pour une partie, et l'Esprit saint a inspiré à David la prophétie qui le concerne; le reste du psaume s'applique à d'autres. C'est encore là un des caractères de la prophétie, et elle se présente souvent à nous sous cette forme; le commencement s'applique à une personne, la fin à une autre. Voici une nouvelle preuve de la même vérité. Lorsque les Juifs furent entrés dans la terre promise, Dieu ordonna au fils de Navé, de diviser les douze tribus en douze parties différentes, puis de bénir les unes et de maudire les autres. Ces bénédictions et ces malédictions étaient donc la prophétie de ce qui devait arriver : «Vous serez maudit dans la ville, disait-elle, et vous serez maudit dans les champs.» (Dt 27,46), et Josué dans une longue énumération, poursuit les nombreuses malédictions de ce genre qui concernent les diverses tribus.
Quant au psaume qui nous occupe, on peut dire que sous cette forme d'imprécations, c'est une prophétie qui annonce et prédit les malheurs qui doivent arriver à Judas, et qui en second lieu a pour objet ceux qui se révoltent contre l'autorité sacerdotale. Son but est de nous apprendre quel crime c'est de s'insurger contre l'autorité divine du sacerdoce, et d'avoir recours contre elle à la ruse et à l'iniquité. Le tableau de tant de calamités réunies, nous fait connaître le triste sort réservé à ceux qui outragent leurs frères et persécutent avec toutes les ressources de la ruse et d'un esprit corrompu ceux qui ne leur ont fait aucun mal. Le Roi-prophète demande que ses enfants soient punis; n'en soyez point surpris, mon cher frère, ceux qu'il appelle ici ses enfants sont les complices de ses injustices. L'Écriture a coutume de donner ce nom aux enfants qui sont tels par la filiation du sang, et à ceux qui ne le sont que par la filiation du crime, quand même ils ne le seraient point par la filiation naturelle. C'est dans ce sens que Jésus Christ dit aux Juifs : «Vous êtes les enfants du diable.» (Jn 8,44). Et cependant les Juifs n'étaient point ses enfants par nature. Comment des êtres charnels auraient-ils pu être les enfants d'un être incorporel ? C'est la société et la complicité du vice qui a établi entre eux une véritable parenté. C'est dans ce même sens que notre Seigneur les retranche de la race d'Abraham : «Si vous étiez les enfants d'Abraham, leur dit-il, vous feriez les oeuvres d'Abraham.» (Jn 8,39). Que le fils ne soit point puni pour son père, ni le père pour son fils, c'est une vérité évidente pour chacun. La loi elle-même confirme cette vérité, elle ne fait d'exception que pour le père qui a mal élevé son fils, et alors ce n'est point pour son fils, mais pour sa négligence qu'il est puni comme le fut Hélie. (1R 3,13)
3. Reprenons, si vous le voulez, ce psaume dès les premiers versets : «Ô Dieu ne tais pas ma louange.» Un autre interprète traduit : «Ô Dieu, ne sois point sourd à ma louange.» Un autre : «Ne garde pas le silence,» c'est-à-dire, n'oublie pas de punir et de venger les injustices dont j'ai été victime. Tu as la gloire, la grandeur, la puissance nécessaires pour exercer cette juste vengeance. «Parce que la bouche du pécheur et celle de l'homme trompeur se sont ouvertes contre moi; ils ont parlé contre moi avec une langue perfide; ils m'ont comme assiégé par leurs discours remplis de haine, ils m'ont fait la guerre sans sujet. Au lieu de m'aimer, ils me déchirent par leurs médisances, et moi cependant je priais.» Vous voyez quel excès de perversité, quels coupables complots, quelle préméditation dans le crime ! Voilà ce qui provoque surtout l'Indignation de Dieu, c'est cette combinaison savante et réfléchie du crime dans les méchants qui le commettent. Il y a en effet, une grande différence entre celui que la séduction et l'enchantement font tomber dans le crime, et celui qui en fait profession, et surtout qui va jusqu'aux dernières limites, en exerçant sa méchanceté sur l'innocence elle-même. Le sens de ces paroles : «Au lieu de m'aimer, ils me déchirent par leurs médisances» est qu'ils ont répondu par une noire ingratitude aux avances de leur bienfaiteur, si digne d'être aimé et d'obtenir une autre récompense de ses bienfaits : «Et moi cependant je priais.» Voyez quelle sagesse, quelle modération, quelle douceur, quelle piété ! Je ne prenais pas les armes, je ne marchais pas pour les combattre, c'est près de Toi que je me réfugiais, j'implorais ton Alliance; ta Protection, ces armes invincibles, ce secours auquel rien ne peut résister. Puis, après avoir prédit la triste fin de Judas, comment il se jugea lui-même digne de mort, comment il prononça sa sentence, comment il se pendit, comment son apostolat fut donné à un autre, il revient au sujet principal du psaume. C'est encore en effet, un des caractères de la prophétie d'interrompre ses prédictions, d'y mêler quelque trait historique, et de revenir ensuite à son premier objet. L'obscurité qui couvre la prophétie, a pour cause l'ingratitude des Juifs. Le prophète, comme je l'ai dit, semble faire allusion à un personnage qui, après le retour de la captivité de Babylone, aurait conspiré contre l'autorité sacerdotale. Il lui prophétise donc les plus grands malheurs. Il sera privé de tout appui, et le Roi-prophète demande qu'aucun port ne lui soit ouvert, et qu'il ne puisse jamais obtenir ni miséricorde, ni bonté, ni pardon. Comme je l'ai dit plus haut, et comme je ne cesserai de le répéter, ce psaume paraît être un tissu d'imprécations; et en réalité, c'est une prophétie des effets de la Colère de Dieu contre ceux qui forment de coupables desseins contre l'autorité sacerdotale. Il fait ensuite l'énumération de toutes les calamités qui doivent tomber sur eux. «Parce qu'il ne s'est point souvenu de faire miséricorde. (Ibid. 16). Et qu'il a persécuté l'homme pauvre et indigent, et cherché à faire mourir celui dont le coeur était brisé de douleur. (Ibid. 17). Le dernier degré de la cruauté, le comble de l'inhumanité, c'est de s'attaquer à celui qui devrait bien plutôt exciter les sentiments de la pitié et de la commisération. Celui qui en est arrivé à ce degré, descend jusqu'aux instincts des bêtes féroces, il les surpasse même en cruauté. Les animaux tiennent de la nature cet instinct de férocité, l'homme au contraire qui a la raison en partage prostitue au crime cette noble faculté. Les animaux féroces eux-mêmes, traitent avec une certaine affection, avec une sorte de douceur les animaux de même espèce; mais ces hommes, sans respect pour les liens de la nature qui leur est commune, cherchent à renverser et à détruire celui à qui ils auraient dû témoigner de la pitié, prêter appui et assistance.
«Il a aimé la malédiction, elle fondra sur lui, il a rejeté la bénédiction, elle s'éloignera de lui.» (Ibid. 8). Après toutes ces imprécations et ces tristes souhaits, le Roi-prophète déclare qu'il n'en est point la cause, et qu'il faut la chercher tout entière dans celui qui a repoussé par ses actions le Secours de Dieu, et s'est exposé directement aux coups de sa vengeance. «Il a revêtu la malédiction; comme un vêtement, elle est entrée comme l'eau dans ses entrailles, et comme l'huile dans ses os.» En s'exprimant de la sorte, le prophète veut nous montrer la violence et la perpétuité du châtiment et nous apprendre que tous les hommes sont les auteurs des maux qui leur arrivent, puisque c'est par leurs actions et leur conduite qu'ils se privent des biens qui les attendaient, et qu'ils se rendent dignes des châtiments de la Vengeance divine. «Qu'elle soit sur lui comme le manteau dont il se couvre, et comme la ceinture qui serre toujours ses reins.» (Ibid. 9). Nous voyons ici la Vengeance incompréhensible de Dieu qui s'attache à ces infortunés. Ces paroles signifient que ces fléaux seront tellement identifiés avec leurs victimes, qu'aucun changement ne sera possible, et qu'ils feront à jamais leur désespoir par leur invariable continuité. Mais ce n'est pas seulement cet homme dont parle le prophète qui sera châtié pour sa méchanceté et pour ses crimes; tous ceux qui imitent sa conduite partageront son supplice. «Tel est le salaire que Dieu réserve à ceux qui m'attaquent par leurs médisances.» (Ibid. 20). C'est-à-dire : tel sera le châtiment, le supplice de mes ennemis qui me tendent des embûches et me déclarent la guerre. «Et de ceux qui profèrent des paroles meurtrières contre moi.» Les simples paroles elles-mêmes seront donc punies et d'un châtiment des plus rigoureux.
4. Après avoir terminé cette énumération, le Roi-prophète a de nouveau recours à Dieu pour implorer sa Protection. Il ne se contente pas de prédire le châtiment de ses ennemis, il veut nous montrer que les opprimés ont Dieu pour vengeur des injustices qui leur sont faites, et qu'ils trouvent en Lui un appui ferme et assuré. «Et Toi, Seigneur, agis pour moi à cause de ton Nom.» (Ibid. 21) Voyez la religion et tout à la fois l'humilité du prophète; les maux qu'il endurait étaient un titre légitime pour obtenir le Secours de Dieu ! Nous voyons en effet, dans une multitude d'endroits de l'Écriture, que les hommes victimes de l'injustice, ont un droit tout particulier de réclamer la protection du ciel. Cependant, il ne fait point usage de ce titre, et ne met sa confiance que dans la Bonté de Dieu. «Agis pour moi à cause de ton Nom.» Ce n'est point parce que j'en suis digne, mais parce que vous êtes bon et miséricordieux. Il ajoute : «Parce que ta Miséricorde est pleine de douceur.» Il a raison de s'exprimer de la sorte, car il n'en est pas ainsi de la miséricorde des hommes qui devient souvent dans leurs mains un instrument de destruction et de mort, tandis que Dieu n'est jamais miséricordieux que dans notre intérêt. «Délivre-moi, parce que je suis pauvre et dans l'indigence, et mon coeur est troublé au dedans de moi.» (Ibid. 22). Vous le voyez, il prie Dieu de nouveau de le délivrer, non parce qu'il est digne, ni parce qu'il est juste, mais parce qu'il est tout à fait accablé et en proie à d'innombrables douleurs. «Et mon coeur est troublé au dedans de moi.» Telle est la force de l'épreuve, non seulement elle tourmente le corps, mais elle jette le trouble dans l'âme. «J'ai passé comme l'ombre qui s'incline, je suis jeté ça et là comme la sauterelle;» (Ibid. 23), figure qui exprime la violence des desseins pervers de ses ennemis, leur méchanceté indicible, et les sentiments dont il est animé au milieu de ces rudes épreuves. «Mes genoux sont affaiblis par le jeûne, et ma chair est toute changée, parce que je n'ai pu m'oindre d'huile.» (Ibid. 24). Vous voyez les armes qu'il oppose à ses ennemis et le genre de vexations qu'ils lui faisaient endurer. «Je suis devenu pour eux un objet d'opprobre, ils me regardent et secouent la tête.» (Ibid. 24). Voilà bien le caractère des méchants; loin que la religion et la piété du juste qu'ils oppriment, les désarment, c'est pour eux un nouveau sujet de railleries, d'insultes et de nouvelles attaques.
Et que fait le juste ? Il a recours à l'invincible Protection de Dieu, à cette force toujours victorieuse de ses ennemis. «Viens à mon aide, Seigneur mon Dieu, sauve-moi dans ta Miséricorde. (Ibid. 26). Qu'ils sachent que mon salut est l'oeuvre de ta Main, et que c'est Toi-même qui l'as opéré.» (Ibid. 27). Que veulent dire ces paroles : «Ta Main ?» C'est-à-dire ta Protection, ton Appui. Je ne veux pas seulement être sauvé, mais je veux qu'ils sachent quel a été mon Sauveur et que je remporte ainsi un double trophée, une double couronne, une gloire éclatante. «Ils me maudissent, mais Tu les béniras. Ceux qui s'élèvent contre moi seront confondus, et ton serviteur se réjouira en Toi.» (Ibid. 28). Le Roi-prophète nous donne ici une leçon de haute sagesse. Il veut nous apprendre que toutes les malédictions de ses ennemis ne peuvent prévaloir contre la Bénédiction de Dieu, que non seulement elles ne leur feront aucun mal, mais que ces outrages et ces opprobres retomberont de tout leur poids sur leurs auteurs. «Mais ton serviteur se réjouira en Toi.» Remarquez cette expression «en Toi», elle nous apprend que la source de la vraie joie est la même, d'où découlent sur lui tant de biens. Quelle affliction, semble-t-il dire, pourrait encore troubler mon coeur rempli de cette joie que rien ne peut altérer ? «Que ceux qui me calomnient soient couverts de honte, et qu'ils soient enveloppés de leur confusion comme d'un manteau.» (Ibid. 29). Vous voyez qu'il n'appelle pas seulement sur eux le châtiment, mais l'humiliation, mais la honte, afin qu'elles soient pour eux une correction utile et une occasion de devenir meilleurs. «Je bénirai Dieu de toute la force de ma voix, et je Le louerai au milieu d'un peuple nombreux.» (Ibid. 30). «Parce qu'Il S'est tenu à la droite du pauvre pour délivrer mon âme de ceux qui la persécutaient.» (Ibid. 31). Pour tous ces biens qu'il a reçus de Dieu, il lui offre une hymne, un cantique de louanges, d'actions de grâces, il annonce à tous les hommes les oeuvres de sa Puissance, et publie comme au milieu d'un théâtre les bienfaits dont Dieu l'a comblé. Voilà le sacrifice, voilà l'offrande que Dieu a pour agréable, c'est de conserver toujours le souvenir de ses bienfaits, de le graver profondément dans son âme, de les publier continuellement, de les porter à la connaissance de tous les hommes. Grâce à ces sentiments de reconnaissance, celui qui est l'objet d'un bienfait reçoit une nouvelle récompense, et se rend digne d'une protection plus grande. D'un autre côté, ceux qui entendent le récit de ces bienfaits en deviennent meilleurs, et la vue des grâces que Dieu a répandues sur leurs frères devient pour eux un puissant encouragement à la pratiquer de la vertu.