PSAUME 47

 

Psaume qui doit servir de cantique aux enfants de Coré, (v.1). - «Le Seigneur est grand et digne de toute louange, dans la Cité de notre Dieu et sur sa sainte Montagne.» (Ibid. 2). «Il lui fait pousser de profondes racines aux acclamations de toute la terre.» (Ibid. 3). Un autre interprète traduit : «Par la beauté de ses rejetons, à la joie de la terre entière.» Un autre : «Avec un éclat déterminé dès le commencement et qui a rejailli sur toute la terre.»

 

1. Ce psaume a pour objet la délivrance des guerres et des combats. Lorsqu'au retour de Babylone, les enfants d'Israël, affranchis des rigueurs d'une longue captivité, rentrèrent dans la terre de leurs pères et se virent délivrés des ennemis qui leur avaient fait la guerre, ils chantèrent ce cantique d'actions de grâces pour tous les bienfaits qu'ils avaient reçus de Dieu, Auteur de tout bien; «Le Seigneur est grand et digne de toute louange.» Ils proclament que Dieu est grand, mais ils ne disent pas quelle est l'étendue de sa Grandeur. Personne ne peut la mesurer, c'est pour cela qu'il ajoute : «Et Il est souverainement digne de louanges», car sa Grandeur ne connaît point de bornes. Tel est le sens des paroles du prophète. C'est Lui seul qu'Il faut glorifier et louer au-delà de toute mesure, tant à cause de la grandeur infinie et incompréhensible de sa Nature, que par reconnaissance pour les bienfaits dont Il nous a comblés. Car Il a voulu, et toutes ses Volontés ont été accomplies. «Dans la Cité de notre Dieu et sur sa sainte Montagne.» Que dites-vous ? Ce Dieu si grand, si digne d'éloges, vous restreignez ses louanges à une seule ville, une seule montagne ? Non, répond le prophète, mais je parle de la sorte parce que nous avons connu la grandeur de Dieu avant tous les autres peuples. Ou bien encore ces paroles : «Dans la Cité de notre Dieu» signifient que la grandeur des miracles qui se sont accomplis dans cette cité a fait éclater la Grandeur et la Gloire de Dieu. N'est-ce pas Lui en effet qui environna de gloire et d'éclat de misérables captifs, objet de mépris et d'opprobre, retenus dans un pays ennemi comme dans un tombeau ? N'est-ce pas Lui qui les éleva au-dessus de leurs propres vainqueurs, leur rendit et leur prospérité première et les anciennes institutions de leur patrie ? La grandeur seule des créatures, dit le Roi-prophète, suffisait pour proclamer la souveraine majesté de Dieu, mais comme l'intelligence d'un trop grand nombre ne pouvait comprendre ce langage, Dieu s'est fait connaître par les victoires qu'il nous a fait remporter sur nos ennemis. Il n'a cessé d'élever de nouveaux trophées, de nous faire marcher de victoires en victoires, et d'opérer des prodiges qui surpassaient toute espérance et toute attente. Il appelle cette ville la cité de Dieu, non que sa providence ne s'étendît pas sur les autres villes, mais parce que les Israélites étaient parvenus bien longtemps avant les autres à la connaissance de Dieu. Les autres nations pouvaient être appelées son peuple à titre de créatures, mais les Israélites l'étaient en vertu des liens particuliers qui les unissaient à Dieu, parce que c'était au milieu d'eux qu'il opérait tous ses miracles. Cette ville était alors appelée la cité de Dieu, mais maintenant nous appartenons tous à Dieu : «Ceux qui appartiennent à Jésus-Christ, dit saint Paul, ont crucifié leur chair avec leurs passions et leurs désirs déréglés.» (Gal 5, 24). Vous voyez ici la perfection de la vertu. On appelait cette montagne la montagne de Dieu, parce que Dieu y était adoré.

«Il lui fait pousser de profondes racines aux applaudissements de toute la terre.» Ces paroles sont très obscures et demandent une attention sérieuse. À une simple lecture on y trouve de grandes difficultés, mais celui qui cherchera à en pénétrer la signification, découvrira facilement leur liaison et leur enchaînement avec l'objet de ce psaume. Voici en effet le sens de ces paroles : «Le Seigneur est grand et souverainement digne de louange dans la cité de notre Dieu, qu'il enracine fortement sur la montagne sainte;» c'est-à-dire il lui fait pousser de profondes racines, il la fixe, il l'affermit à la joie et aux applaudissements de toute la terre. C'est la même pensée qu'un autre interprète rend d'une manière plus obscure, «avec un éclat qui a été prévu et qui doit rejaillir sur toute la terre. «Cette ville a été, en effet, la splendeur et la joie de l'univers entier; c'est là qu'étaient la source de la vraie religion, les racines et l'origine de la connaissance de Dieu. C'est à ce titre que Dieu l'a profondément enracinée et affermie pour l'ornement du monde, à la joie et aux applaudissements de toute la terre. Jérusalem, en effet, était alors l'école du monde entier, et ceux qui voulaient trouver avec la joie la science des vérités qui sont le plus bel ornement de l'intelligence, venaient puiser à cette source la connaissance de leurs devoirs. Aussi, pour mieux exprimer cette vérité, le Roi-prophète ne dit pas simplement : «Il l'enracine», mais : «Il lui fait pousser de profondes racines.» Si vous voulez entendre ces paroles dans un sens plus relevé, vous reconnaîtrez la vérité de cette prédiction, car de Jérusalem l'allégresse s'est répandue sur toute la terre : c'est de là qu'est sortie la joie vive et pénétrante, c'est là qu'étaient les sources de la vraie sagesse; dans ce lieu où Jésus Christ a été crucifié, et d'où les apôtres sont partis pour évangéliser le monde. «C'est de Sion que sortira la loi, et la parole du Seigneur de Jérusalem.» (Mi 4,2). Or cette joie a des racines immortelles.

«Les montagnes de Sion sont les côtés de l'aquilon.» Suivant une autre version : «Les montagnes de Sion sont comme les croupes de l'aquilon.» Le texte hébreu porte : Ar Sion jerchte Saphoun. Pourquoi est-il ici question du nord et pourquoi cette description de la ville ? Parce que c'est du nord que la guerre et l'invasion des peuples barbares venaient continuellement les assaillir. C'est ce que les prophètes expriment fréquemment en désignant la guerre sous le nom de l'aquilon et en décrivant le vase bouillonnant qu'embrase le souffle de l'aquilon. (Jr 1,13-14). Le royaume des Perses est en effet situé au nord relativement à la Palestine. Le Roi-prophète admirait donc ces événements et semblait dire à Dieu : «Tu as rendu imprenable cette ville du côté où elle était sans cesse attaquée.» De même qu'en parlant du corps nous dirions : Tu as fortifié la partie qui était plus faible, le Roi-prophète veut faire entendre aussi que la joie et la sécurité règnent dans les lieux d'où venaient leurs gémissements, leurs larmes et la cause de tous leurs malheurs. Les menaces, la crainte, les dangers qui naissaient de ce côté ont fait place à l'allégresse; personne ne redoute plus cette partie septentrionale du monde; désormais aucune inquiétude, aucun soupçon, tous les habitants de la ville sont dans l'allégresse, parce que vous avez planté ses racines dans la paix et dans la joie. «La Cité du grand Roi.» - «Dieu est connu dans ses maisons, lorsqu'Il prendra sa défense.» (Ibid. 4). Une autre version traduit : «Il a été connu.» Une autre : «Dieu sera connu dans ses palais pour les fortifier.» Une autre : «Dieu est connu dans ses palais comme Celui qui doit la délivrer.»

2. Le Roi-prophète proclame ici ce qui fait la dignité, la gloire, la couronne de Jérusalem; «Elle est la Cité du grand Roi.» Il justifie ses droits à un si beau titre en ajoutant : «Dieu est connu dans ses maisons», c'est-à-dire que la Providence de Dieu l'environne de toutes parts, non seulement en veillant sur elle, mais en étendant sa Sollicitude à chacune de ses maisons. Nous n'avons pas besoin de cet effet particulier de la Providence pour connaître Dieu, mais le Prophète s'en sert pour découvrir aux ennemis de Dieu toute l'étendue de sa Puissance. Sous le règne d'Ézéchias, lorsqu'une nuée de barbares vint fondre sur cette ville, et l'entoura tout entière comme dans un filet, ils furent forcés de s'enfuir après avoir vu périr sous leurs yeux, la plus grande partie de leur armée. Beaucoup d'autres peuples qui s'emparèrent de cette ville en furent honteusement chassés. Ce sont là autant d'effets de la Providence de Dieu, qui ont donné à cette ville autant de gloire que d'éclat. Et non seulement elle est devenue célèbre, mais cette cé]ébrité est devenue pour elle un principe de grandeur.

«Les rois de la terre se sont assemblés, et ont conspiré unanimement contre elle.» (Ibid. 5) Une autre version porte : «Voici que les rois ont rangé leurs armées en bataille. À son aspect, ils ont été remplis d'étonnement, de trouble et d'émotion.» (Ibid. 6) Le tremblement les a saisis sous les murs, comme les douleurs de l'enfantement. (Ibid. 7). «Sous le souffle d'un vent impétueux.» Un autre interprète traduit : «Sous le souffle d'un vent violent.» Un autre : «D'un vent brûlant, Tu briseras les vaisseaux de Tharsis.» (Ibid. 8) Une autre version porte : «Tu briseras». Le texte hébreu porte le mot Tharsis. Le Roi-prophète fait ici le récit d'une guerre vraiment terrible, d'une guerre à laquelle ont pris part tous les peuples réunis, et d'une victoire encore plus éclatante. Il a déclaré précédemment que Dieu protégeait cette ville et veillait sur elle, il en donne maintenant les preuves. Des nations innombrables étaient venues fondre sur elle (c'est ce que figurent cette multitude, ces rois réunis pour lui faire la guerre.) Ils s'étaient coalisés et avaient déjà rangé leurs armées en bataille, mais Dieu Se déclara si visiblement en sa faveur, qu'ils se retirèrent saisis d'effroi devant les prodiges signalés dont ils furent les témoins. Le sort de la guerre se tournait tellement contre eux, qu'ils s'enfuyaient remplis d'étonnement, de crainte et d'épouvante; des multitudes entières battaient en retraite devant un petit nombre de soldats; des armées réunies étaient saisies de crainte devant des troupes disséminées et ils ressentaient les douleurs d'une femme qui est en travail d'enfant. Il était donc évident que le succès de cette guerre n'était point dû à des moyens humains, mais que Dieu seul avait dirigé le combat, détruit les prétentions orgueilleuses des ennemis, ébranlé leur courage, et leur avait fait éprouver les plus cruelles douleurs et des frayeurs indicibles. Spectacle semblable à celui d'une flotte nombreuse assaillie par une violente tempête qui brise tous les navires, submerge les galères et sème partout le trouble et l'effroi. Par cette comparaison, le Roi-prophète veut nous faire comprendre à la fois la facilité de la victoire, et la grandeur de l'épouvante qu'elle répandit parmi les ennemis. On peut dire aussi que ceux qui avaient réuni des régions les plus lointaines une flotte considérable, périrent tous sous le souffle de la Colère de Dieu, comme sous l'effort d'un vent impétueux. C'est pour cela que le Roi-prophète désigne l'endroit d'où ils étaient partis, en ajoutant : «de Tharsis,» mot qui se trouve également dans l'hébreu et que nous avons ajouté pour votre instruction dans la lecture du contexte. On peut adopter cette interprétation, ou celle que j'ai donnée précédemment : De même qu'un vent violent brise les vaisseaux qui viennent de Tharsis, ainsi la Colère de Dieu a semé le trouble et la terreur dans toute cette multitude. «Ce qu'on nous avait annoncé, nous le voyons dans la Cité du Dieu des armées, dans la Cité de notre Dieu.» (Ibid. 9). Vous voyez comment il explique ce qu'il a dit précédemment. «Qui donne de profondes racines.» Il ne dit pas : «Qui a donné; mais : «Qui donne» c'est-à-dire que sa Providence ne cesse de veiller sur cette cité, et de la couvrir comme d'un rempart inexpugnable. Après avoir raconté les événements qui se passèrent alors, il évoque de nouveau le souvenir des événements anciens, pour montrer le rapport qui existe entre les uns et les autres. Les choses que nous avions entendues, dit-il, nous en avons vu l'accomplissement sous nos yeux, c'est-à-dire les Victoires de Dieu, les triomphes, les effets de sa Providence et des prodiges qui surpassent toute pensée humaine. Dieu n'a jamais cessé de signaler sa Puissance; c'est donc à Lui qu'il appartient de nous délivrer de nos dangers, et de nous amener ainsi à la connaissance de sa Divinité. On ne peut qu'admirer le Roi-prophète, de rappeler ainsi le souvenir des événements les plus éloignés. Le passé comme le présent devait en effet concourir à l'instruction du peuple de Dieu. Le spectacle des événements qui s'accomplissaient sous leurs yeux, forçaient les moins intelligents de croire à la vérité des événements anciens. Il y avait ainsi pour eux double avantage, ils croyaient aux récits qu'ils entendaient, comme aux choses qu'ils voyaient de leurs yeux. «Dieu l'a fondée et affermie pour l'éternité.» «Nous avons reçu, ô Dieu, ta Miséricorde au milieu de ton temple.» (Ibid.1O). Une autre version porte : «Nous avons apprécié, ô Dieu, ta Miséricorde au milieu de ton peuple.» On lit dans le texte hébreu : Echalach demmenu. «Ta louange ainsi que ton Nom s'étend jusqu'aux extrémités de la terre.» (Ibid. 11).

3. Le Roi-prophète avait dit : «Ce que nous avons entendu, nous le voyons;» il explique maintenant ce qu'il a entendu et ce qu'il a vu. Qu'a-t-il entendu et qu'a-t-il vu ? C'est que la Protection de Dieu a revêtu la cité d'une force qui la rend indestructible. Ce qui est pour elle un fondement assuré, une force invincible, ce n'est ni l'appui, ni le secours qu'elle tire des hommes, ni les armées qui la défendent, ni les remparts, ni les tours qui la protègent; qu'est-ce donc ? La Protection dont Dieu la couvre. C'est la vérité qu'il fallait surtout enseigner aux Juifs, et le Roi-prophète ne cesse de les y ramener. «Nous avons reçu, ô Dieu, ta Miséricorde au milieu de ton temple.» Qu'est-ce à dire «Nous avons reçu ?» Nous avons espéré, nous avons entendu, nous avons connu ta Miséricorde. Il avait dit précédemment : Dieu a fondé cette cité, il lui a fait pousser de profondes racines, il l'a fortifiée comme d'un rempart. Or il veut leur apprendre que de si grandes faveurs ne sont point dues aux mérites de ceux qui les reçoivent, mais à la Bonté de Celui qui les accorde, et pour réprimer en eux toute pensée d'orgueil, il s'adresse à Dieu à peu près en ces termes : Ces bienfaits signalés, sont l'Ïuvre de ta Miséricorde, de ta Gloire, de ta Bonté. C'est pour cela qu'il ajoute : «Ta louange ainsi que ton Nom s'étendent jusqu'aux extrémités de la terre.» «Ta louange», semble-t-il dire, opère des prodiges admirables, dont l'éclat et la gloire égalent la grandeur. Tu n'as mesuré tes bienfaits ni à leurs vertus, ni à leurs mérites, mais à ta propre Grandeur. Ta louange donc, c'est-à-dire la renommée de tes Ïuvres a répandu partout le bruit des grandes choses que Tu as accomplies en leur faveur. La Palestine seule en avait été le théâtre, mais l'éclat et l'importance de ces événements en firent parvenir la nouvelle jusqu'aux extrémités de la terre, et les peuples les plus éloignés en étaient instruits. La courtisane de Jéricho connaissait les prodiges opérés dans l'Égypte, mieux que ceux-là mêmes qui en avaient été les témoins. (Jos 2,1O) Ainsi, les habitants de la Perse proclamaient les événements accomplis dans la Palestine, et les peuples des extrémités de la terre connaissaient à leur tour les prodiges que Dieu avait opérés dans la Perse. (Dan 3,92). Et c'était justement pour en répandre la connaissance, que le roi envoya des lettres par tout l'univers, pour publier le miracle des enfants dans la fournaise. Aussi, le Roi-prophète, après avoir dit : «Ta louange s'étend jusqu'aux extrémités de la terre», ajoute : «Ta Droite est pleine de justice.» Suivant sa coutume, il remonte des Îuvres extérieures de Dieu jusqu'à ses divines Perfections. Gardons-nous de croire que ces Perfections soient jamais susceptibles d'accroissement ou de diminution, car la faiblesse et l'imperfection de notre langage nous font un devoir de donner à nos paroles un sens qui soit digne de Dieu. Les Perfections qui, dans le langage du prophète, sont inhérentes à la Nature de Dieu, font donc partie de sa propre Substance. Quelles sont ces Perfections ? «Ta Droite est pleine de justice. «Il prouve ici que Dieu n'agit point en vertu des mérites de ceux qu'Il comble de ses Bienfaits, mais sous l'inspiration de sa propre Nature qui met sa joie et son plaisir dans la manifestation de sa Justice et de sa Bonté; c'est là son Îuvre par excellence, son Îuvre de prédilection, et voilà pourquoi Dieu répandait sur eux ses Bienfaits par torrents. Il est dans sa Nature de faire du bien, comme dans la nature du feu, d'échauffer; comme dans la nature du soleil d'éclairer, et encore cette Inclination de Dieu à faire du bien, est-elle de beaucoup supérieure. C'est ce qui fait dire au Roi-prophète : «Ta Droite est pleine de justice,» paroles qui signifient que cette perfection est en Dieu au plus haut degré, et qu'elle fait partie de sa Nature.

«Que le mont de Sion se réjouisse, et que les villes de Juda tressaillent d'allégresse à la vue de tes jugements, Seigneur.» (Ibid.12) Un autre interprète traduit : «À cause de tes Jugements.» «Mesurez le circuit de Sion, parcourez son enceinte.» Une autre version porte : «Faites le tour de Sion; racontez ces choses du haut de ses tours.» (Ibid. 13) Suivant une autre version : «Comptez le nombre de ses tours.» «Appliquez-vous à considérer sa force.» Une autre version porte : «Son enceinte.» Une autre : «Sa richesse. Et faites le dénombrement de ses maisons.» (Ibid. 14). Une autre version traduit : «Mesurez ses palais, et vous apprendrez aux générations futures.» Une autre : «à la génération suivante.» «Que le Dieu qui la protège est notre Dieu, notre Dieu pour l'éternité, et qu'Il régnera sur nous dans tous les siècles;» (Ibid.15). Pourquoi le Roi-prophète commande-t-il de faire le tour de la ville, de compter le nombre de ses tours, de considérer ses édifices, de contempler sa beauté, de faire le dénombrement de ses murs et de ses remparts, de mesurer ses maisons et ses palais ? Nous n'avons point besoin de l'expliquer, il nous en donne lui-même la raison. Quelle est-elle ? «Afin que vous appreniez à la génération qui suivra.» Tel est donc le sens des paroles du Prophète : «Que la joie inonde vos cÏurs et livrez-vous aux transports de l'allégresse. Toutefois ne le faites pas à la légère, mais considérez attentivement quelle est la force de votre cité. Cette ville avait été renversée, déracinée pour ainsi dire de fond en comble, et le sol même sur lequel elle s'élevait était presque détruit. Ils désespéraient donc de voir pour elle des jours meilleurs, et ils disaient : «Nos os ont séché, nous sommes épuisés, nous sommes retranchés,» (Ez 37,ll), et ils avaient perdu toute espérance de rentrer en possession de cette ville. Elle leur fut cependant rendue, et non pas telle qu'ils l'avaient perdue, mais dans un état bien supérieur de prospérité, de splendeur, d'éclat, d'autorité, de richesse, de magnificence dans ses édifices, dans son commerce, dans sa puissance, dans ses ressources, dans l'abondance de toutes choses. Car le prophète l'avait prédit : «La gloire de cette maison sera plus grande que celle de la première.» (Ag 2,l0). Le psalmiste encourage ici le peuple à peu près en ces termes : Voyez cette ville qui avait perdu tout espoir, qui avait été détruite et ne formait plus qu'un monceau de ruines; comment a-t-elle été rétablie dans un état plus brillant ? Considérez donc avec attention sa reconstruction, sa splendeur, son éclat, et en reconnaissant que c'est la Puissance de Dieu qui a élevé si haut cette ville qui n'avait plus d'espérance, racontez à vos descendants les Ïuvres de la Puissance divine et de la Providence continuelle da Dieu qui ne cesse de veiller sur nous, de nous diriger, de nous détendre. Ces récits seront pour vos descendants une haute leçon de sagesse, un moyen précieux pour arriver à une connaissance plus approfondie de Dieu, et à une pratique plus parfaite de la vertu. Vous comprenez maintenant pourquoi Il les engage à parcourir la ville dans toute son étendue, c'est afin d'instruire exactement leurs descendants des merveilles qu'elle renferme.

4. Et nous aussi, ne cessons de considérer et de contempler en nous-mêmes Jérusalem, notre véritable cité. Ayons toujours devant les yeux la beauté de cette ville qui est la métropole du Roi des siècles et qui réunit dans son sein les esprits des justes, les chÏur des patriarches, des apôtres, de tous les saints, où la mobilité des choses de la terre fait place à l'immutabilité, où toute beauté est invisible et immortelle. Ceux-là seuls la recevront en héritage, qui se seront entièrement détachés de tous les biens passagers et corruptibles de la vie présente, c'est-à-dire des richesses, des plaisirs et de toute ces voluptés pernicieuses dont le démon est l'inventeur. Développons donc de jour en jour dans nos cÏurs la charité fraternelle, I'amour du prochain, exerçons avec plus de soin l'hospitalité à l'égard des pauvres, pardonnons les injures du fond de notre cÏur; c'est ainsi qu'après une vie toute remplie d'Ïuvres agréables à Dieu, nous deviendrons héritiers du royaume des cieux, en Jésus Christ notre Seigneur à qui appartient la gloire et le règne avec le Père et l'Esprit saint, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.