PSAUME 9
Ce psaume est d'une certaine longueur, c'est un effet de la Sagesse de l'Esprit saint. Tous les psaumes en effet n'ont pas la même étendue, grands ou petits; mais l'Esprit saint a mis dans leur dimension une grande variété. Les uns sont plus longs pour exciter la négligence, les autres plus courts pour diminuer le travail. «Je Te confesserai, Seigneur, de toute l'étendue de mon coeur, je raconterai toutes tes Merveilles.» Il y a deux espèces de confessions : l'une est une accusation de nos propres péchés, l'autre est une action de grâces que nous rendons à Dieu. C'est dans ce dernier sens que le roi-prophète entend ici le mot confession. Que signifient ces paroles : «de tout mon coeur» ? Dans toute l'ardeur et l'empressement de mon âme; non seulement je Le louerai pour les biens que j'en ai reçus, mais aussi pour les épreuves de l'adversité. C'est en effet la marque d'une âme reconnaissante et sage de rendre grâces à Dieu jusqu'au milieu des tribulations, et de Le glorifier dans toutes les circonstances de la vie, non seulement pour ses Bienfaits, mais pour les épreuves qu'Il nous envoie. Cette conduite nous rend dignes d'une plus grande récompense. En vous montrant reconnaissant dans la prospérité, vous acquittez une dette; en rendant grâces à Dieu dans l'adversité, vous devenez son créancier. En effet, celui qui rend grâces pour les bienfaits qu'il a reçus, acquitte une véritable dette; mais celui qui glorifie Dieu jusqu'au milieu de ses malheurs, rend pour ainsi dire Dieu son débiteur. Qui pourrait dire tous les biens dont Dieu nous comblera et qu'Il nous accorde dès maintenant en retour de cette disposition de notre âme ? Le sentiment douloureux du malheur ne saurait même nous atteindre. Comment, en effet, s'attrister des malheurs dont on rend grâces à Dieu ? Nous recueillons encore de cette disposition un autre avantage, c'est d'échapper à toute pensée de tristesse et d'abattement. N'est-il pas vrai que lorsque vous rendez grâces à Dieu pour la perte de vos richesses, la peine produite par cet accident est effacée par la joie qu'accompagne l'action de grâces ? C'est là pour le démon un coup mortel. Voilà ce qui inspire à notre âme l'amour de la sagesse, et ce qui nous fait juger sainement des choses présentes. Un grand nombre d'hommes jugent mal des choses d'ici-bas, et c'est pour eux la source de mille peines. Ainsi, ceux qui n'ont pas l'usage de la raison, craignent ce qui n'est pas à craindre, redoutent des dangers qui n'existent pas et s'enfuient devant l'ombre même du péril. C'est l'image de ceux qui craignent de perdre leurs richesses. Cette crainte, en effet, n'est nullement dans la nature, elle est toute volontaire; si la perte des richesses était une cause nécessaire de tristesse, tous ceux qui l'éprouvent devraient s'en affliger. Si donc elle ne produit pas ce sentiment dans tous ceux qu'atteint l'infortune, cette crainte n'est point dans la nature, elle est le résultat de nos dispositions imparfaites.
On en voit souvent qui, dans les ténèbres tremblent à la vue d'une corde, comme à l'approche d'un serpent, qui soupçonnent partout des pièges, et regardent leurs amis comme des ennemis. De même ceux qui n'ont pas un sens droit, sont comme plongés dans de profondes ténèbres, ne connaissent pas la nature des choses, mais roulent comme dans un bourbier. Pour eux, le fumier cesse d'être du fumier; sous l'impression de l'avarice dont leur âme est remplie, ils ne sentent pas l'odeur infecte qui les entoure, et ils ne commencent à s'en apercevoir que lorsqu'ils s'en sont retirés. Ceux qui sont épris d'amour pour une femme sans beauté, ne s'aperçoivent de sa laideur que lorsqu'ils sont guéris de leur passion; il en est de même de ces malheureuses victimes de l'amour des richesses. Et comment, me direz-vous, pourrai-je éteindre cette passion ? Je me sers du même exemple. Celui qui aime une femme dont la figure est difforme, ne fait qu'enflammer sa passion par le commerce habituel qu'il entretient avec elle; mais s'il consent à s'en éloigner tant soit peu, cette passion s'éteindra insensiblement. Vous donc aussi, éloignez-vous un peu de vos richesses, et cette légère séparation mettra entre elle et vous une grande distance. Commencez seulement à bien faire; vous avez une maison qui vous est inutile, vendez-la, et donnez-en le prix aux indigents, en vous persuadant bien que vous ne l'avez point perdue, mais que vous ne faites que vous en assurer la propriété. Considérez non point la dépense qui en résulte pour vous, mais le profit qui vous en revient; vous ne vous dépouillez point de cette maison, vous en devenez plus que jamais le maître. Voilà comment vous mériterez de publier continuellement les Merveilles de Dieu. C'est la vérité contenue dans les premières paroles de ce psaume. Celui qui est esclave de la passion des richesses, n'est guère capable de ces considérations. Il ne rêve qu'usures, contrats, obligations, acquisitions, testaments, estimations de terres et de maisons, gains, trafic; voilà les pensées qui l'absorbent continuellement. Or, où est votre trésor, là est aussi votre coeur. (Mt 6,21). C'est le sujet de toutes ses conversations, de toutes ses pensées. Les serviteurs ont toujours présents à l'esprit les ordres de leurs maîtres, et lui aussi ne cesse de penser aux ordres que lui donne son maître. Qu'a-t-il commandé ? Qu'a-t-on fait pour obéir ? Que reste-t-il encore à faire ? Je vous engage donc à vous délivrer de cette passion qui assiège votre coeur, pour vous appliquer à ces saints récits qui ont pour objet les miracles particuliers et généraux, que Dieu ne cesse d'opérer tous les jours, soit dans l'intérêt de tous les hommes, soit en faveur de quelques-uns d'entre eux. Tout dans l'univers prête à ces récits; quel que soit le sujet que vous choisissiez, il vous promet un exorde brillant, que vous l'empruntiez au ciel, à la terre, à l'air, aux animaux, aux semences, aux plantes ou aux arbres. Si vous voulez rappeler le souvenir des anciens bienfaits, de ceux qui ont ou précédé ou accompagné la loi; des dons plus abondants sous le règne de la grâce, de ceux qui nous attendent au sortir de cette vie, au moment même de la mort, vous trouverez comme une mer immense de narrations variées. Quelle serait donc votre folie, puisque vous avez à votre disposition un si grand nombre de sujets qui peuvent procurer à votre âme tant de douceur, de profit et d'utilité, d'aller traîner vos pensées dans les récits fangeux qui n'ont pour objet que l'avarice et la cupidité.
2. Si vous aimez mieux, quittons les cieux pour descendre sur la terre, et décrivons sa grandeur, la position qu'elle occupe, son usage, sa nature, son inépuisable fécondité, les productions nombreuses et variées qui sortent de son sein, les semences, les herbes, les plantes, les fleurs, les prairies, les jardins. Distinguons encore par l'analyse la forme de chacun des arbres, son port, sa hauteur, l'odeur qu'il répand, les fruits qu'il produit, la saison où il les donne, l'usage auquel on l'applique; joignons une foule d'autres observations sur la fertilité ou la stérilité de la terre, car elle ne renferme rien d'inutile. Ici en effet, elle produit du fer, là de l'airain, celle-ci de l'or, celle-là de l'argent, l'une des parfums, l'autre des médicaments variés et de toute espèce. Parlerai-je de l'utilité des eaux potables ou salées, des richesses des montagnes, des variétés de marbre qu'elles cachent dans leur sein, des sources qu'elles renferment, des arbres qui les ombragent et qui servent à la construction des maisons ? Voilà les fruits du désert; ajoutez qu'il nourrit les animaux et les bêtes féroces. Parlerai-je encore des lacs, des fontaines et des fleuves ? De même que les femmes qui sont devenues mères, versent des fontaines de lait pour nourrir leurs enfants nouveau-nés, ainsi la terre ouvre les fleuves, les fontaines, comme autant de mamelles, pour arroser les prairies et les jardins. Que dis-je ? Il faut que l'enfant s'approche pour boire au sein de sa mère, tandis que la terre ouvre d'elle-même son sein et répand partout du haut des montagnes ses eaux fécondantes.
Les lieux déserts ont encore d'autres avantages; la santé du corps y est plus vigoureuse, on y respire un air plus pur, ils nous font considérer la terre de plus haut, ils ouvrent notre âme aux pensées sérieuses, et la déchargent tant soit peu des préoccupations de la vie. Dirai-je encore les chants si variés des oiseaux et les moeurs des animaux qui servent au plaisir de la chasse ? Ajoutons que souvent le désert sert comme de rempart aux campagnes par les montagnes, par les crêtes élevées, par les précipices dont il les environne. Décrirai-je enfin la vertu des plantes que la terre produit, et qui apportent un si grand soulagement à notre corps dans ses maladies ? Or, si les lieux déserts et les montagnes sont d'une si grande utilité et produisent de si abondantes richesses, quelle nouvelle matière de descriptions nous offriront les plaines et les terres labourables ? De même que dans notre corps, nous distinguons les os, les nerfs, la chair; ainsi la terre est composée de montagnes, de précipices et de champs fertiles, et toutes ces choses ont leur utilité. Mais pourquoi parler de la terre qui, après tout, est un des éléments les plus importants ? Si prenant un seul arbre, vous voulez décrire sa forme, son usage, ses fruits, ses feuilles, la saison où il les produit, et mille autres choses semblables, vous aurez une riche matière de narrations. De même, si vous entreprenez la description des montagnes et de toutes les autres merveilles de la création. Si enfin vous choisissez l'homme et la formation de son corps pour texte de vos discours, quelle mer immense s'ouvre devant vous !
Que ces pensées nous soient donc familières, elles seront pour nous la source d'une joie ineffable, des biens les plus précieux, et d'une sagesse incomparable. C'est ce que le roi-prophète veut nous faire comprendre en ajoutant : «Je me réjouirai, je tressaillirai d'allégresse en Toi.» (Ibid. 3) Une autre version porte : «Je me réjouirai, et je chanterai ton Nom, ô Très-Haut»; une autre encore : «Je chanterai ton Nom.» C'est le signe d'une âme avancée déjà dans la sagesse de placer en Dieu toute sa joie. Car celui qui sait ainsi se réjouir parfaitement en Dieu, écarte de son coeur tous les autres plaisirs de la via présente. Quel est en effet le sens de ces paroles : «Je me réjouirai en Toi ?» Toute ma joie, toute mon allégresse est de T'avoir pour Seigneur et pour Maître. Celui qui apprécie cette joie à sa juste valeur, est insensible à tout autre plaisir; c'est en effet la seule véritable joie, toutes les autres n'en portent que le nom sans en avoir la réalité. C'est elle qui inspire à l'homme des pensées sublimes, c'est elle qui affranchit l'âme de la servitude du corps, c'est elle qui lui donne des ailes pour s'envoler aux cieux, c'est elle qui l'élève au-dessus des préoccupations de la vie, c'est elle enfin qui la délivre de tous les vices. Et rien de plus naturel, car si ceux qui sont épris de la beauté du corps sont indifférents à toutes les choses de la vie, et n'ont dans l'esprit que la personne qu'ils aiment; quels sont les biens, quels sont les maux qui peuvent faire impression sur une âme qui aime Dieu comme Il mérite d'être aimé ? Il n'en est aucun assurément, elle est supérieure à tout, et sa joie est éternelle comme l'objet de son amour. Ceux qui placent leur affection dans les choses de la terre, tombent bien vite et malgré eux dans l'oubli, quand les choses qu'ils aimaient ont perdu leurs charmes; mais l'amour de Dieu est un amour immense, infini, impérissable, mille fois supérieur aux autres amours, par la joie qu'il répand dans l'âme et par les avantages qu'il procure. Aussi, quel charme puissant que la pensée d'un amour qui ne doit jamais finir ! «Je chanterai ton Nom.» C'est l'effet naturel de l'amour. Ceux qui aiment prennent pour matière de leurs chants les personnes qui sont l'objet de leur affection, et se consolent ainsi de leur absence. C'est ce que fait aussi le prophète; il ne peut voir Dieu, il Le prend pour sujet de ses chants, il s'unit ainsi à Lui de l'union la plus étroite, il donne une nouvelle ardeur à ses désirs, il lui semble jouir de sa Présence, ou plutôt par ses hymnes et ses chants, il enflamme les désirs de tous ceux qui l'entendent. Ceux qui sont épris d'amour, chantent les louanges des personnes qu'ils aiment, et ils en ont toujours les noms sur leurs lèvres; ainsi fait le prophète : «Je chanterai ton Nom, ô Très-Haut».
3. Voyez comme il s'élève au-dessus de la terre, comme il approche sa nature de l'essence divine, et se consacre tout entier à Dieu. Aussi, ne cesse-t-il de célébrer son Nom comme ceux qui sont épris d'un ardent amour. «Lorsque Tu auras fait tourner mes ennemis en arrière, ils succomberont et périront devant ta Face.» (Ibid. 4). C'est encore un des caractères de l'amour, de redire continuellement les bienfaits qu'il a reçus et de s'y complaire. L'amour inspire ce sentiment de reconnaissance et la reconnaissance, à son tour, rend l'amour plus ardent On peut dire avec assez de fondement que le roi-prophète veut aussi parler des ennemis spirituels. Car eux aussi retournent en arrière, quand ils rencontrent une âme généreuse. Lorsqu'un javelot tombe sur un bouclier dont la matière est faible et sans résistance, il le perce de part en part; si au contraire, ce bouclier présente une surface dure et impénétrable, le fer du javelot vient s'y émousser et perdre toute sa force. Il en est de même pour notre âme; si les traits que lance le démon tombent sur une âme molle et sans énergie, ils lui font de profondes blessures, si au contraire le démon dirige ses coups sur une âme pleine de force et de vigueur, tous ses efforts sont inutiles, et loin de lui faire du mal, il lui procure deux, je dirai même trois avantages précieux : il n'a pu lui faire aucune blessure, il l'a rendue plus forte qu'elle n'était, tandis que lui-même est devenu plus faible.
Considérez comme David relève ici la Puissance de Dieu : «Ils succomberont, dit-il, et périront devant ta Face.» Que cette expression ne réveille dans votre esprit aucune idée matérielle : David ne veut parler que de la force de l'Action divine, de sa manifestation et de la facilité avec laquelle Dieu exerce sa toute-puissance. C'est cette même vérité que le roi-prophète proclame ailleurs : «Il regarde la terre et Il la fait trembler.» (Ps 103,32). Ainsi, le Regard seul de Dieu suffit pour perdre les méchants; en effet, si la présence des saints frappe d'impuissance les efforts du démon, combien plus la Présence de Dieu ? L'éclair qui sillonne la nue, saisit d'effroi tous les hommes, jugez de l'épouvante dont cette puissance immortelle doit frapper les méchants et avec quelle facilité elle doit les surprendre. Vous voyez le caractère des hymnes du roi-prophète, comment il célèbre la Gloire de Dieu et exalte sa Puissance. Or, il nous donne une leçon importante de sagesse dans ces paroles : «Je chanterai ton Nom, ô Très-Haut. Lorsque Tu auras fait retourner mon ennemi en arrière». Quelle est cette leçon ? C'est la vigilance dont il a fait preuve non seulement dans les afflictions, mais encore dans la prospérité. Il en est beaucoup que l'adversité humilie, et rend plus attentifs sur eux-mêmes; mais qui, dans la prospérité, se laissent aller à la négligence et au relâchement. C'est le reproche que David fait aux Juifs dans un des psaumes suivants : «Quand Dieu les frappait, alors ils Le cherchaient» (Ps 77,38). Quant à lui, sa conduite était bien différente, et jusqu'au milieu du calme des jours prospères, il reste fidèle à la pratique de la sagesse et de la vigilance, et c'est là un grand pas dans la voie de la perfection; «Car Tu as fait triompher mon droit et Tu as jugé ma cause» (Ibid. 5). Une autre version porte : «Tu as jugé en ma faveur, Tu T'es assis sur ton tribunal, Toi qui juges selon la justice, Tu as repris les nations, et l'impie a péri.» Suivant une autre version : «Tu as perdu l'impie, Tu as anéanti leur nom pour toujours, et pour tous les siècles des siècles.» (Ibid. 6). Considérez de nouveau la sagesse du saint roi; il ne songe pas à se venger de ses ennemis, mais il se repose sur Dieu du soin de faire justice et observe par avance la recommandation de l'Apôtre : «Ne vous vengez pas vous-mêmes.» (Rm 12,19). Et ce n'est pas la seule chose que nous pouvons admirer ici, nous voyons encore que David avait été la victime de l'injustice de ses ennemis. S'il n'avait pas souffert injustement, Dieu n'aurait pas pris en main sa défense. «Tu T'es assis sur ton tribunal, Toi qui juges selon la justice». En parlant ici de trône et de tribunal, le roi-prophète s'accommode au langage ordinaire des hommes. En disant à Dieu : «Tu juges selon la justice» il fait connaître un des attributs particuliers à Dieu et qui tient de plus près à sa Nature divine. Nous ne pourrions faire le même éloge des hommes; fussent-ils mille fois justes, ils ne jugent pas selon la justice, parce qu'ils ne peuvent distinguer ce qui est vraiment juste, tantôt par ignorance, tantôt par un effet de leur négligence; mais Dieu qui est exempt de ces imperfections, juge toujours selon la justice, parce qu'Il sait ce qui est juste, et qu'Il sait y conformer son jugement. Ces paroles : «Tu T'es assis sur ton tribunal» signifient : Tu as jugé, Tu as châtié mes ennemis; Tu en as tiré vengeance. «Tu as repris les nations et l'impie a péri.» Vous voyez que Dieu n'a besoin ni d'armes, ni de glaive, ni d'arc, ni de flèches; ces expressions sont empruntées à notre langage. Dieu n'a qu'à reprendre simplement et Il fait périr ceux qui méritent ce châtiment. La suite vous donne une haute idée de sa Puissance : «Tu as anéanti leur nom pour toujours, et pour les siècles des siècles». C'est-à-dire, Tu les as détruits jusque dans la racine, Tu les as arrachés, Tu les as exterminés au point que leur mémoire est anéantie. «Les glaives de l'ennemi ont perdu leur force pour toujours» (Ibid. 7), suivant une autre version : «Les ruines». Le texte hébreu porte : Arboth. «Et Tu as ruiné ses villes». Quel est le sens de ces paroles ? Tu as mis à néant ses desseins et ses stratagèmes, et vous l'avez dépouillé de ses armes. Telle est la Colère de Dieu, elle détruit, elle anéantit tout ce qu'elle frappe. Un autre interprète traduit : «les déserts»; c'est-à-dire non seulement Tu as détruit les villes, mais Tu as encore anéanti jusqu'aux déserts. C'est ainsi que le juste combattait contre ses ennemis et leur faisait essuyer une défaite complète, sans autres armes et sans autres lances que le Secours de Dieu. Aussi cette guerre le couvre de gloire, et c'est de vive force qu'il remporte ici la victoire. «Leur mémoire a péri avec bruit»; suivant une autre version : «avec eux». Le texte hébreu porte le mot Em. Que signifie cette expression : «avec bruit» ? Ou bien la ruine entière des ennemis du saint roi, ou les cris de désespoir des vaincus. Car c'est encore un des traits de la Providence de Dieu, de ne point punir ses ennemis en secret, afin que les châtiments des uns puissent rendre les autres meilleurs. Ces paroles signifient donc que leur ruine sera éclatante.
4. «Mais Dieu demeure éternellement»; une autre version porte : «Il sera assis.» Cette expression s'emploie souvent pour la Nature divine qui reste toujours immuable; Jérémie l'emploie également lorsqu'il dit : «Tu es assis pour l'éternité.» (Ba 3,3); le texte hébreu porte Jesel. Toutes les fois que le prophète vient de décrire la fin si prompte des hommes, il proclame aussitôt l'éternité de la Nature divine et il oppose à la nature humaine dont la vie est éphémère, cette nature infinie et cette majesté impérissable. Il veut par là donner aux hommes deux motifs propres à leur inspirer la crainte de Dieu, la grandeur de sa Gloire opposée à la bassesse de leur nature, et son éternelle justice qui inflige aux pécheurs de si terribles châtiments. Ces mêmes paroles renferment un sens anagogique qu'il ne faut pas négliger. Il est dans l'Écriture certains passages que nous pouvons examiner à fond, d'autres que nous ne devons entendre qu'à la lettre, comme ces paroles : «Dieu fit le ciel et la terre» (Gn 1,4); d'autres enfin qu'il faut entendre dans un sens différent du sens littéral, comme celui-ci : «Que la biche très chère, que le faon très agréable partagent votre intimité» (Pr 5,19), et cet autre «Possédez seul ce qui vous appartient, et que les étrangers n'y aient point de part» (Ibid. 17), et cet autre encore : «Que la source d'eau soit pour vous seul» (Ibid. 18). Si vous considérez ces paroles dans le sens qui se présente le premier à l'esprit, sans vous éloigner de la lettre pour rechercher leur véritable sens, il vous paraîtra bien cruel de refuser de l'eau à qui vous en demande. Mais l'auteur sacré veut parler ici de l'épouse dont son mari doit jouir avec chasteté, et il la désigne sous les noms de source et de biche pour exprimer la pureté qui doit présider aux rapports des époux entre eux. C'est ainsi qu'il faut entendre ces différents passages. Il en est d'autres que nous devons entendre à la fois dans le sens littéral, et dans celui qui est figuré par les mots, comme ces paroles : «De même que Moïse a élevé le serpent» (Jn 3,14). Car il faut voir ici à la fois l'expression d'un fait réellement accompli et une figure de Jésus Christ. On peut aussi sans crainte de se tromper, appliquer aux événements dont les Juifs ont été les victimes, ces paroles du roi-prophète : «Tu t'es assis sur ton trône, Toi qui juges selon la justice. Tu as repris les nations et l'impie a péri. Tu as effacé leur nom pour l'éternité et pour les siècles des siècles. Les armes de l'ennemi ont perdu leur force pour toujours, et Tu as détruit leurs villes. Leur mémoire a péri avec bruit.» Les calamités qui sont venues fondre sur ceux qui ont crucifié Jésus Christ ont été connues de toute la terre, leurs villes ont été détruites, et tous les artifices du démon sont venus échouer contre les desseins providentiels de Jésus Christ qui ont dirigé toutes choses. Mais laissons aux esprits désireux de s'instruire le soin de pénétrer dans ces rapprochements mystérieux, et continuons l'explication que nous avons commencée.
«Dieu a préparé son trône pour rendre ses arrêts.» (Ibid. 8). Suivant une autre version : «Il l'a fondé, affermi pour le jugement». Il jugera Lui-même toute la terre dans l'équité; Il jugera les peuples dans la justice.» (Ibid. 9). Voyez-vous comme le discours du prophète s'élève par degrés. Il vient de parler de trône, mais il se hâte d'en faire connaître la nature. Ce trône n'est point composé de bois ou de quelque autre matière grossière, c'est un trône de justice. Il est établi, dit-il, sur la justice. «Il jugera l'univers dans l'équité.» Cette prédiction embrasse à la fois la vie présente et la vie future. Le jugement général est réservé pour l'autre vie, mais Dieu exerce dès cette vie un jugement partiel et fait souvent éclater des traits de sa Justice, afin que les insensés ne s'imaginent pas que tout marche au hasard sur la terre. Ne vous étonnez pas du reste si tous ne reçoivent pas les récompenses qu'ils méritent; «car Il a établi un jour pour juger le monde selon la justice» (Ac 17,31). Cette vie est le temps de la lutte, de la guerre et des combats. Tous ne reçoivent pas ici-bas ce qu'ils ont mérité, mais Dieu tient en réserve pour l'autre vie les récompenses des justes et les châtiments des méchants. Ici-bas il use à notre égard de patience et de longanimité pour nous engager à effacer nos péchés dans les larmes de la pénitence. Tant qu'un homicide est libre, il est en son pouvoir de changer de vie et d'échapper au supplice, mais dès qu'il est traîné devant le tribunal du juge, il n'a plus en perspective que le glaive, le bourreau et une mort affreuse. Il en est de même par rapport à nous. Tant que nous sommes dans cette vie, nous pouvons échapper au supplice par notre conversion, mais lorsque nous en serons sortis, toutes nos larmes seront inutiles, «car Dieu a préparé son trône pour exercer son Jugement». On peut, sans crainte de se tromper, prendre cette expression : «Il a préparé» dans son sens littéral; car tout est préparé dès maintenant, les supplices, les couronnes et les jugements. En Dieu il n'y a ni délai, ni retard, ni répit, et ceux qui sont vivants ne préviendront point ceux qui sont morts, selon ces paroles de saint Paul : «Nous qui vivons et qui sommes réservés jusqu'à l'Avènement du Sauveur, nous ne préviendrons point ceux qui sont dans le sommeil de la mort.» (1 Th 4,14). Voyez comme la sagesse du prophète embrasse à la fois dans ses prédictions le présent et l'avenir; le présent lorsqu'il dit : «Tu as repris les nations, et l'impie a péri»; l'avenir, lorsqu'il ajoute plus loin : «Il a préparé son trône pour exercer son Jugement, et Il jugera toute la terre dans l'équité.» Son but est de convaincre par le spectacle du présent ceux qui ne croient point aux jugements de l'autre vie. «Et le Seigneur est devenu le refuge du pauvre.» (Ibid. 10). Une autre version porte : «de celui qui est écrasé.» Une autre : «de celui qui est brisé». David se donne continuellement le nom de pauvre et d'indigent, bien qu'il eût pour demeure un palais. C'est ce qu'il répète encore dans un autre psaume : «Pour moi, je suis pauvre et dans l'indigence.» (Ps 39,18). Il savait en effet, à n'en pouvoir douter, que tous les biens de cette vie sont plus fugitifs que l'ombre, et que le seul bien qui nous soit vraiment propre, c'est la vertu, tandis que tout le reste est semblable aux feuilles des arbres qui ne tiennent qu'à l'extérieur. Une preuve évidente que la vertu est un bien qui nous est personnel, c'est que nous la portons avec nous partout où nous allons. Il n'en est pas ainsi des biens de cette vie. La vertu nous appartient donc en propre, et les autres biens ne sont à nous que d'une manière éloignée. De même donc que nous donnons le nom d'intime à celui qui nous est uni par des liens plus étroits, ainsi nous disons que la vertu est un bien qui nous appartient d'une manière plus intime, parce qu'elle est toujours plus rapprochée de nous.
5. Considérez ici comme l'âme du roi-prophète s'ouvre aux inspirations de la reconnaissance et de la sagesse. Il avait des chevaux, des armées nombreuses et mille autres moyens de défense; il n'en tient aucun compte et s'adresse à Dieu seul pour implorer le secours d'en-haut, et reconnaît que c'est à Lui seul qu'il doit son salut. Il ne dit pas : Mes troupes, mes richesses, mes enfants sont devenus mon refuge; mais : «Le Seigneur est devenu le refuge du pauvre». Il m'a placé dans un lieu sûr, car rien ne peut être comparé à ce refuge au double point de vue de la facilité et de la sécurité. Les autres refuges sont environnés d'embûches; ils ne sont pas toujours à proximité; ils dépendent du temps, du lieu et de mille autres circonstances qui peuvent vous en fermer l'accès; mais pour celui-ci il est toujours à votre disposition, pour peu que vous le cherchiez avec soin. «Tu parleras encore, dit-il par son prophète, et Je répondrai : Me voici» (Is 58,9). Et encore : «Je suis le Dieu de près et non pas le Dieu de loin.» (Jr 23,23). Il n'est besoin ni de courses ni de longs voyages; sans quitter notre demeure, ce refuge nous est ouvert. Tantôt Dieu nous délivre des dangers qui nous menacent, tantôt Il les fait tourner à notre gloire et nous donne la victoire sur nos ennemis, et toujours en temps convenable. Lorsque ceux qu'Il choisit pour être l'objet de ces faveurs se conduisent avec modération, Il les leur accorde toutes deux; si au contraire ils n'en font pas un bon usage, Il se borne à une seule pour ne point les exposer par une plus grande libéralité à la tentation de l'orgueil. Si vous doutiez que les Bienfaits de Dieu deviennent souvent pour les hommes une occasion de vaine présomption, je vous citerais l'exemple d'Ézéchias, qui s'enorgueillit de ses succès. Cependant Dieu ne l'abandonna point, mais comme la gloire de son triomphe avait enivré son âme, Dieu lui envoya une maladie pour le ramener à des sentiments plus justes. «Il vient à son secours dans le temps opportun, dans l'affliction». Que signifient ces paroles : «dans le temps opportun»? Dans le temps convenable, David fait ressortir ici une double convenance, le secours que Dieu accorde et l'opportunité du temps où Il le donne. Or le temps opportun est le temps de l'affliction. Pour quelle raison ? Parce qu'elle est la mère de la vraie sagesse, qu'elle délivre l'homme de la mort, et qu'elle attire en lui la Grâce de Dieu. Dans l'affliction, notre âme secoue toute négligence et toute paresse, et nos prières sont plus ferventes. L'hiver est le temps le plus favorable pour cultiver la terre, de même l'affliction est le temps le plus propre à la culture de l'âme. Le Secours de Dieu nous est toujours nécessaire, même au milieu de la prospérité; mais nous en sentons plus vivement le besoin au temps de l'affliction.
«Il vient à son secours.» Le roi-prophète, en se servant de cette expression, veut nous apprendre que nous devons nous-mêmes contribuer à notre salut. En effet, on ne vient au secours que de celui qui agit déjà par lui-même. Gardons-nous donc de nous laisser aller au découragement, multiplions les prières, les aumônes et prenons tous les moyens qui sont en notre pouvoir. Les corps auxiliaires viennent au secours de ceux qui combattent et non point de ceux qui restent dans une honteuse inactivité. Si donc vous voulez obtenir le Secours de Dieu, ne trahissez jamais vos propres intérêts. Comment Job a-t-il mérité le Secours de Dieu ? Par son attitude courageuse et ses glorieux combats; et les apôtres eux-mêmes ne l'ont obtenu que par leurs pénibles travaux. «Et que ceux-là espèrent en Toi qui connaissent ton Nom.» Suivant une autre version : (Ibid. 11) «Qu'ils mettent leur confiance en Toi». Le roi-prophète passe continuellement de la prière à l'exhortation, et change ainsi d'interlocuteur, comme le commun docteur de l'univers, qui ouvre à tous les hommes les riches trésors de la sagesse. Considérez l'heureux choix de ces paroles : «Et que ceux-là espèrent en Toi qui connaissent ton Nom.» Ceux qui Te connaissent, dit-il, et qui connaissent aussi la puissante protection dont Tu nous entoures, ont dans l'espérance qu'ils mettent en Toi une ancre des plus fermes, en même temps qu'un secours des plus efficaces, une tour inexpugnable dans Celui qui non seulement peut les délivrer de tout danger, mais qui, au milieu même des périls donne à leur âme le calme et la tranquillité. En effet, celui qui renonce au secours qui vient des hommes et qui ne place ses espérances que dans le ciel, non seulement se voit bientôt délivré de tous les dangers, mais il ne connaît ni l'agitation ni le trouble qu'amène avec lui le malheur, parce qu'il est fortement appuyé sur l'espérance comme sur une ancre inébranlable. Ainsi, non seulement les trois enfants ont été tirés de la fournaise, mais pendant même qu'ils y étaient, leur âme ne ressentit aucun trouble, car ils savaient que Dieu viendrait à leur secours. C'est pour cela qu'un autre interprète traduit : «Et ils se confieront»; c'est-à-dire ils mettront leur confiance. En effet, la sécurité qui naît de cette espérance en Dieu est bien supérieure à la tyrannie que les troubles extérieurs peuvent exercer sur notre âme, car ces épreuves, quelles qu'elles soient, viennent des hommes, tandis que notre confiance est divine et invincible. Le roi-prophète ne se contente pas de nous dire que Dieu est notre secours et notre refuge, mais il nous apprend à quelles conditions; c'est que notre espérance en Lui sera persévérante et continuelle. Si Dieu ne fait pas cesser aussitôt vos malheurs, c'est qu'Il veut vous éprouver. Dieu pourrait sans doute défendre à l'adversité de fondre sur vous, Il le lui permet cependant pour donner une nouvelle force à votre âme. De même, Il pourrait vous en délivrer tout aussitôt, mais Il attend et Il diffère pour accroître votre fermeté, exercer votre espérance, et rendre votre amour pour Lui plus ardent. Ainsi, Il ne permet pas que la tribulation pèse toujours sur vous, de peur que vous ne veniez à faiblir. Il ne veut pas non plus que vous soyiez toujours dans le calme pour ne pas vous exposer à tomber dans le relâchement. «Parce que Tu n'as point abandonné, Seigneur, ceux qui Te cherchent.» Une autre version porte : «Car Tu n'as pas abandonné.» C'est la vérité que proclame un autre auteur inspiré : «Considérez les générations anciennes, et voyez si un seul de ceux qui ont espéré dans le Seigneur, a été confondu, si un seul de ceux qui L'ont invoqué a été délaissé de Lui». Et comment, me direz-vous, pouvons-nous chercher Dieu, puisqu'Il est partout ? Par la sainte activité de notre âme et par le détachement des choses de la terre et de toutes les préoccupations du siècle. Car il nous arrive souvent d'avoir sous les yeux ou entre les mains certains objets sans nous en apercevoir, et nous courons de tous côtés pour chercher ce que nous avons comme entre les mains, parce que notre esprit est occupé d'autres pensées.
6. De quelle manière devons-nous donc chercher Dieu ? Par l'application sérieuse de notre âme et en nous rendant libres de toutes les sollicitudes matérielles de cette vie. Celui qui cherche Dieu avec cette liberté entière de l'âme, trouve nécessairement ce qu'il cherche. Il ne suffit pas de chercher Dieu, il faut Le rechercher avec empressement. Celui qui Le cherche de la sorte ne se contente pas de ses efforts personnels, il fait appel aux efforts des autres pour trouver plus sûrement ce qu'il cherche. Lorsqu'il s'agit des biens de la terre, nous cherchons souvent sans trouver; mais dans les choses spirituelles, nous trouvons nécessairement ce que nous cherchons. Pour peu que nous commencions, Dieu ne permettra pas que nous nous épuisions longtemps dans de vaines recherches, c'est pour cela qu'Il dit: «Tout homme qui cherche trouve.» (Mt 7,8). «Chantez le Seigneur qui habite dans Sion.» (Ibid. 12). Une autre version porte : «Qui est assis, annoncez parmi les peuples ses inventions. » Que dis-tu, saint prophète ? Celui qui a le ciel pour trône et la terre pour marchepied (Is 46,1) et qui tient en ses Mains les profondeurs de la terre, (Ps 119, 4), habite dans Sion ? Oui certainement, mais en parlant de la sorte, il n'a pas l'intention de circonscrire dans un lieu cette infinie Majesté, il veut simplement exprimer la Prédilection de Dieu pour ce lieu, et l'espèce de familiarité qui le Lui fait choisir pour demeure, afin d'attirer les Juifs à Lui par cet acte de condescendance à leur égard. Nous-mêmes aussi nous appelons notre habitation l'endroit où nous habitons de préférence. Nous disons encore que Dieu habite au milieu de nous, non pas qu'Il puisse être limité par notre faible nature, mais à cause de l'attachement particulier qu'Il a pour nous. Dans le sens anagogique, Sion est la figure de l'Église : «Vous vous êtes approchés de la montagne de Sion, et de l'Église des premiers-nés.» (Gn 12,29). C'est avec raison que l'Église est comparée à une montagne à cause de sa stabilité et de son inébranlable]e fermeté. On ne peut ébranler une montagne, l'Église de Dieu ne peut l'être davantage. «Annoncez parmi les peuples ses conseils.» Il veut que les Juifs proclament hautement les Bienfaits de Dieu et se gardent de les ensevelir dans le silence. Et cette recommandation s'adresse à ceux qui les publient comme à ceux qui les entendent publier; car les uns et les autres y trouveront le même avantage, s'ils y apportent une égale attention. «Parce qu'Il s'est souvenu du sang de ses serviteurs.» (Ibid. 13). Vous voyez quel est l'objet des conseils de Dieu, c'est de faire du bien. Le roi-prophète nous rappelle en même temps une grande vérité, c'est qu'aucun homicide ne reste impuni et sans être vengé, ce que Moïse lui-même nous enseigne dans la Genèse, lorsqu'il prête à Dieu ces paroles : «Je vengerai votre sang.» (Gn 9,5). C'est là une preuve de sa Providence infinie et de sa Sollicitude vraiment extraordinaire. S'Il paraît différer quelque temps sa Vengeance, n'en soyez pas surpris, Il veut donner aux pécheurs le temps de faire pénitence. (Rm 2,4).
«Il n'a point mis en oubli le cri des pauvres.» Voyez quel honneur encore pour les pauvres ! Toutefois il entend ici non pas toute espèce de pauvres, mais ceux qui sont pauvres d'esprit, selon la recommandation de Jésus Christ. (Mt 5,3). Car Dieu exauce surtout la prière de ceux dont le coeur est humble et contrit. Le roi-prophète ne sépare pas ici ces deux choses, la prière et l'humilité. «Sur qui jetterai-Je les yeux, si ce n'est sur celui qui est humble, doux et paisible, et qui écoute mes paroles avec tremblement ?» (Is 66, 2). Partout, nous voyons que l'humilité est comme le char de la prière, car Dieu est proche de ceux qui ont le coeur contrit. Celui qui veut prier Dieu doit donc avant tout, bannir de son coeur tout sentiment d'orgueil. C'est la condition que demande saint Paul lorsqu'il veut que les hommes prient : «Sans colère et sans contention.» (1 Tm 2,8). Remarquez le choix de cette expression : «Le cri des pauvres. » Ce cri, c'est l'affection de leur coeur plutôt que le son prolongé de leur voix. «Dieu n'a point mis en oubli le cri des pauvres. » Le roi-prophète nous montre par là qu'ils n'ont cessé d'invoquer Dieu, et que cependant Dieu a différé d'exaucer leurs prières. Quel est donc le vrai sens de ces paroles ? Ne pensez pas que ce soit l'oubli de Dieu qui soit cause de l'impunité qu'Il semble accorder aux méchants, c'est le propre de sa Nature de prendre la défense des pauvres avant même qu'on L'en prie. Combien plus lorsque la prière Lui en est faite avec un coeur humble et contrit ! «Aie pitié de moi, Seigneur; vois l'état d'humiliation où mes ennemis m'ont réduit». (Ibid. 14). Toi qui me retires des portes de la mort afin que je publie tes éloges aux portes de la fille de Sion.» (Ibid. 5). Une autre version porte : «Les hymnes en votre honneur»; une autre : «tes louanges». Voyez comme le roi-prophète est continuellement appliqué à la prière. Il est délivré de ses épreuves, il jouit d'un calme assuré, et cependant il ne cesse point de prier en disant à Dieu : «Aie pitié de moi» et d'implorer sa Protection pour l'avenir. Nous avons toujours besoin de la Providence de Dieu, mais surtout lorsque nous venons d'échapper au danger. Car à cette première guerre en succède une autre bien plus difficile, la guerre du relâchement et de la présomption, et c'est alors que le démon déploie le plus d'activité. C'est donc lorsque nous sommes délivrés des malheurs qui nous accablaient, que le Secours de Dieu nous est nécessaire, pour supporter plus facilement le poids de la prospérité. Voyez les Juifs, lorsqu'ils furent délivrés des Égyptiens; ils furent victimes d'une guerre beaucoup plus funeste, celle de la présomption et de la négligence. C'est alors qu'ils furent frappés de mort, parce qu'ils n'étaient point capables de diriger leur marche. Ils ne purent lutter courageusement ni contre la sensualité ni contre leurs convoitises, mais ils imitèrent les vices des Égyptiens, et ce fut la cause de leur perte. David lui-même, lorsqu'il fut sorti victorieux des persécutions de Saül et de toutes ses guerres contre les peuples ennemis, au milieu d'une paix profonde, eut à soutenir une guerre bien plus funeste contre la passion de l'incontinence, qui attira sur lui les plus grands malheurs. C'est donc lorsque nous sommes délivrés des maux qui pesaient sur nous que nous devons craindre davantage.
7. Une bête féroce qui est enchaînée est plus à craindre que lorsqu'elle est en liberté; de même le vice est beaucoup moins redoutable dans l'affliction, car il est alors comme enchaîné par la tristesse et l'abattement et par d'autres liens qui lui ôtent sa liberté d'action; mais c'est dans les douceurs du repos que nous devons le craindre davantage. Aussi, vous verrez souvent que la prospérité enfante plus de crimes que l'adversité. C'est ainsi qu'après de glorieuses victoires, Ézéchias se vit à deux doigts de sa perte. C'est ce qui fait dire au roi-prophète dans un autre endroit : «Il est bon que Tu m'aies humilié.» (Ps 118,71). Bien que Dieu l'ait déjà délivré, il ne laisse pas d'implorer encore sa Miséricorde, et la raison qu'il donne à l'appui de sa prière, c'est la peine qu'il éprouve. «Vois l'état d'humiliation où mes ennemis m'ont réduit.» Et encore : «Toi qui me retires des portes de la mort.» C'est-à-dire, je me réfugie dans le sein de Celui qui a toujours été mon Protecteur et mon Défenseur, et qui m'a toujours tendu la main. Vous voyez qu'en implorant la Protection de Dieu pour l'avenir, il Lui rend grâces pour les faveurs passées, et proclame le double bienfait qu'il en a reçu. Car il ne dit pas simplement : «Toi qui me délivres des portes de la mort», mais : «Toi qui me relèves des portes de la mort». En effet, la Protection de Dieu ne se borne pas seulement à délivrer ses serviteurs de leurs épreuves, elle les élève et les environne de considération, d'honneur et de gloire. Remarquez encore qu'il ne dit pas : «de la porte, mais : «des portes», pour exprimer les nombreux dangers qu'il a courus. «Afin que j'annonce toutes tes louanges aux portes de la ville de Sion.» David fait lui-même ce qu'il a conseillé aux autres de faire. «Annoncez, leur disait-il, parmi les peuples, ses conseils.» Je vous en donnerai moi-même l'exemple, et ce ne sera pas seulement devant un, deux ou trois hommes, mais devant une nombreuse assemblée que je publierai ses louanges. «Je serai transporté de joie à cause du salut que Tu m'as procuré.» (Ibid. 16). Ma couronne, mon diadème, c'est de triompher grâce à ton appui, c'est d'être sauvé par ton Secours. Et nous donc aussi, cherchons non pas à être sauvés et délivrés de nos maux à tout prix, mais à l'être selon la Volonté de Dieu. Je parle ainsi pour ceux qui, dans leurs maladies, ont recours à des paroles magiques ou à d'autres opérations semblables pour soulager leurs infirmités. Loin d'être sauvé, on se dévoue ainsi bien plutôt à une perte certaine. Le salut le plus assuré est celui qui nous vient de Dieu. «Les nations sont tombées dans la mort qu'elles ont préparée.» Une autre version porte : «Elles ont été englouties.» Cette mort, ou si l'on veut cette corruption, c'est la mort de l'iniquité; car il n'est point de corruption égale à celle que produit le vice. Rien aussi n'est plus faible que l'homme esclave de l'iniquité; il est vaincu par ses propres armes, et il est rongé par le vice, comme le fer par la rouille, comme la laine par les vers.
Ainsi, avant même le châtiment que Dieu prépare au pécheur, son crime devient son premier supplice. Le roi-prophète s'est étendu longuement sur la Justice divine, comme aussi sur le secours d'en-haut, mais comme cette justice ne se manifeste pas aussitôt, que souvent Dieu tarde d'en faire sentir les effets, et que ce retard favorise la négligence d'un grand nombre, il fait voir que le supplice est imminent, et que les méchants le subissent dès maintenant, comme l'atteste saint Paul : «Et ils ont reçu en eux-mêmes la peine due à leur égarement.» (Rm 1,27). Remarquez la justesse des expressions dont se sert le roi-prophète : «Ils ont été enfoncés», c'est-à-dire, ils ont été retenus par force, ils sont tombés dans un piège dont ils ne peuvent sortir. Et encore : «Leur pied a été pris dans le filet qu'ils avaient tendu en secret» : c'est-à-dire que les méchants sont enchaînés dans des liens qu'ils ne peuvent rompre. Nous en voyons un exemple dans les Juifs qui cherchaient à perdre les apôtres. Lorsqu'ils combattaient contre eux, ils ne leur causaient aucun dommage, et ils se précipitaient eux-mêmes dans une infinité de maux. Ils se voyaient privés à la fois de leur ville, de leur liberté et de toutes leurs autres prérogatives. La prédication se multipliait, et ceux qui s'y étaient opposés étaient renversés et détruits. Voyez encore ceux qui avaient jeté les trois enfants dans la fournaise de Babylone; ils y furent enfermés à leur tour, et la même chose se reproduisit pour Daniel. Mais, me direz-vous, ce qui arriva aux ennemis de Daniel était juste, car ils l'avaient eux-mêmes jeté dans la fosse. Mais quant aux trois enfants, comment se fait-il que ceux qui se tenaient devant la fournaise y aient été jetés, tandis que le roi était seul coupable ? Ils devinrent la proie des flammes parce qu'ils avaient obéi aux ordres du tyran, et qu'ils avaient adoré la statue d'or. «Dans le filet qu'ils ont tendu en secret.» Voyez quelle accusation sévère il formule contre eux. Comme le crime qu'ils commettaient était souverainement honteux, ils s'efforcent de le cacher et de le couvrir de profondes ténèbres. «On reconnaît que le Seigneur rend justice.» (Ibid. 17). Une autre version porte : «On a reconnu que le Seigneur rendait justice.» C'est-à-dire qu'Il punit l'iniquité et qu'Il en tire une juste vengeance. Vous voyez un nouveau genre de bienfait qui ressort du châtiment. Non seulement Il rend meilleurs ceux qui en sont l'objet, mais il sert encore à faire briller la connaissance de Dieu et à manifester plus clairement sa Présence sur les hommes. Lorsqu'Il permit à un troupeau de pourceaux de se précipiter du haut d'un rocher escarpé dans la mer, les témoins de cet événement furent saisis d'étonnement. (Mc 5,13). Nous voyons aussi dans l'Ancien Testament que les Juifs recherchaient Dieu lorsqu'Il les faisait mourir» comme le dit le roi-prophète. (Ps 77,34). Cependant, pourquoi Dieu n'emploie-t-Il pas plus souvent les mêmes moyens ? Parce qu'Il ne veut point que la pratique de la vertu nous soit imposée par force, mais que nous l'embrassions par le choix libre de notre volonté, et sous l'impression de ses Bienfaits plutôt que par la crainte de ses châtiments. Mais, me dira-t-on, ne vaut-il pas mieux être bon par nécessité que mauvais par son propre choix ? Je réponds qu'on ne peut être bon par nécessité. Celui qui est bon parce qu'il est comme enchaîné au bien, ne persévérera pas longtemps; aussitôt que la nécessité disparaîtra, il reprendra ses habitudes vicieuses. Celui au contraire qui s'est déclaré pour le bien par le libre choix de sa volonté, une fois devenu bon, le sera toujours. «Le pécheur a été pris dans les oeuvres de ses mains. » Il ne dit pas des Mains de Dieu, mais des mains du pécheur.
8. Vous voyez comment le prophète répand la variété dans son discours. C'est du ciel, nous dit-il, que descend le supplice du pécheur, et son iniquité devient son premier châtiment. Comment nous montre-t-il le châtiment descendant du ciel ? «On reconnaîtra que le Seigneur rend justice.» Où voyons-nous que les pécheurs sont punis par leurs propres péchés ? «Les nations sont tombées dans la mort qu'elles avaient préparée.» Il reproduit la même vérité dans les paroles qui suivent : «Le pécheur a été pris dans les oeuvres de ses mains.» Il ne se borne pas à parler du châtiment dont Dieu est l'auteur, parce que souvent Dieu diffère de l'exercer; il ne s'arrête pas non plus exclusivement au supplice que le pécheur trouve dans son propre crime, parce qu'un grand nombre s'y complaisent volontiers, mais il trouve dans chacun d'eux la preuve de ce qu'il avance. C'est pour cela qu'il dit en propres termes : «Le pécheur a été pris dans les oeuvres de ses mains». Une autre version porte : «de la paume de ses mains. «Ne croyez donc pas que ce soit contre votre frère que vous travaillez lorsque vous lui dressez des embûches, c'est à vous-même que vous tendez des pièges. «Chant dont la modulation est différente.» Une autre version porte : «Voix qui doit toujours se faire entendre». Une autre : «Chant mélodieux à toujours ». On lit dans le texte hébreu : Enguon sel. «Que les pécheurs soient précipités dans l'enfer, tous ces peuples qui oublient Dieu.» (Ibid. 18). Suivant une autre version : «Ils seront précipités». Le roi-prophète continue de développer la même idée et de prouver que le crime est nécessairement puni, que l'impiété enfante la mort, et que le péché est la source de mille dangers. «Car le pauvre ne sera pas en oubli pour jamais, la patience des pauvres ne périra pas sans retour.» Un autre interprète traduit : «L'attente de ceux qui sont doux ne sera pas toujours mise en oubli». Remarquez le choix de cette expression : «pour toujours,» par laquelle le prophète nous apprend qu'on ne cherchera pas constamment le repos. Si ce repos était toujours à venir, où serait l'exercice de la patience ? Voici le sens de ces paroles. Les méchants doivent s'attendre à être punis, et punis des derniers supplices. Car Dieu ne permettra pas que les victimes de l'injustice soient exposées à de continuels dangers. Il console ainsi les uns en même temps qu'il effraie les autres, et il fait ressortir la Bonté de Dieu qui, en différant ainsi le châtiment, achève d'éprouver les bons, et invite les méchants à la pénitence.
Mais voyez comme les pauvres sont encore traités avec honneur, je dis les pauvres qui ont le coeur contrit. Ce sont ces pauvres qui sont particulièrement capables de résignation, ou plutôt ces deux vertus s'attirent mutuellement, l'humilité produit la patience et la patience l'humilité. Si l'on me demande comment la pauvreté engendre ainsi l'humilité, je répondrai parce qu'elle a plus de facilité pour pratiquer la vertu. Le riche est toujours dans l'agitation et le trouble, tandis que le pauvre supporte facilement toutes les épreuves, comme un athlète exercé aux luttes et aux privations de la pauvreté. Aussi Jésus Christ déclare-t-Il qu'il est difficile d'entrer avec les richesses dans le royaume des cieux. Que signifient ces paroles : «La patience des pauvres ne sera pas frustrée pour toujours» ? Elle ne périra pas sans retour, mais elle recevra intégralement la récompense qui lui est due. C'est ce qui est loin d'arriver toujours pour les choses de la vie présente où nos travaux restent souvent stériles et infructueux. Ainsi, le laboureur et le marchand attendent avec patience; mais souvent l'intempérie des saisons vient les priver du fruit de leurs peines. Avec Dieu au contraire, rien de semblable à craindre, et ce que nous faisons pour Lui obtient nécessairement sa récompense. Or c'est une grande consolation que d'être ainsi assuré du fruit de ses travaux. «Lève-Toi, Seigneur, que l'homme ne s'affermisse pas dans sa puissance.» (Ibid. 20). Une autre version porte : «Qu'il ne devienne pas audacieux. Que les nations soient jugées devant Toi.» Suivant une autre version : «Devant ta Face.» Après avoir fait connaître l'iniquité qui s'est emparée de la plupart des hommes, et fait l'énumération de leurs vices, de leurs rapines, de leur avarice, de leurs homicides, il prie Dieu de prendre en main la défense des victimes de l'injustice. Telle est la sensibilité du coeur des saints; oublieux de ce qui les touche, ils supplient Dieu pour l'univers entier comme pour une seule famille, et ils l'implorent pour tous les hommes comme ne formant tous qu'un même corps : «Lève-Toi, Seigneur, que l'homme ne s'affermisse pas dans sa puissance.» Quel est le sens de ces paroles : «Lève-Toi, Seigneur ?» Viens au secours de ceux qui souffrent injustement, et tire une éclatante vengeance de leurs persécuteurs. Remarquez l'heureux choix de ces expressions simples : «Lève-Toi, Seigneur,» et encore : «Que l'homme ne se fortifie pas,» pour signifier que l'homme est une créature vile, qui tire son origine de la terre, et qui n'est que cendre et poussière. «Que les nations soient jugées devant Toi.» Que veulent dire ces paroles ? Qu'elles subissent la peine due à leurs crimes. Ta Patience à leur égard ne les a pas rendues meilleures, demande-leur un compte sévère de leurs iniquités. Établis, Seigneur, un législateur sur eux. Que les peuples sachent qu'ils sont hommes.» (Ibid., 21). «Changement de modulation.» Suivant une autre version : «Toujours.» Que signifient ces paroles : «Établis un législateur sur eux ?» Puisqu'ils se conduisent en tout comme s'ils étaient indépendants, et qu'ils refusent de se soumettre au châtiment qu'ils méritent, tire vengeance de cette audace et que leur propre supplice leur serve d'enseignement. Un autre interprète exprime la même vérité en traduisant : «Établis ta Crainte dans leurs coeurs.» Vous voyez ce que demande le prophète, ce n'est pas leur supplice, c'est leur instruction, la réforme de leur conduite criminelle, la cessation de leurs iniquités. Leur châtiment, dit-il, servira d'enseignement non seulement pour eux, mais pour tous les autres. Si vous voulez connaître les heureux effets de cette Conduite de Dieu, et comment elle guérit la grande maladie du genre humain, écoutez la suite : «Que les hommes sachent qu'ils sont hommes;» paroles dont voici le sens : Il en est un grand nombre qui ont perdu jusqu'a la conscience de leur nature, qui se sont emportés à des excès inouïs et se méconnaissent eux-mêmes. Et il ajoute ce mot «toujours,» pour nous faire comprendre qu'ils se sont rendus coupables de cet oubli non seulement dans le malheur, mais encore au sein de la prospérité. Mais si Tu les châtie maintenant, dit le prophète, ils seront saisis de crainte, ils conserveront le souvenir des châtiments qu'ils ont soufferts, et même si la bonne fortune leur sourit de nouveau, ils ne perdront point la conscience de ce qu'ils sont.
9. Vous voyez la prière qu'il adresse à Dieu pour eux, et son vif désir de les voir renoncer à leur conduite insensée; car l'ignorance de soi-même est le comble de la folie, et elle est mille fois pire que la frénésie. Ce dernier mal est une maladie qu'on souffre malgré soi, mais l'autre est une corruption libre et volontaire. «Pourquoi, Seigneur, T'es-Tu retiré au loin, et dédaigne-Tu de me regarder dans le temps favorable, au milieu de mes tribulations ?» (Ibid. 1.) Le roi-prophète prie instamment Dieu au nom de ceux qui sont dans l'affliction et sans vouloir accuser aucunement sa providence. En effet, il en est beaucoup à qui, au milieu de leurs tribulations, la violence de la douleur fait désirer que Dieu exerce son jugement avant le temps marqué dans ses décrets. Ils ressemblent à ceux qui sont soumis à l'amputation d'un membre; avant que l'opération soit faite, ils repoussent la main du médecin et le conjurent contre leur intérêt de retirer le fer, parce qu'ils ne peuvent supporter la douleur de cette opération. Aussi les entend-on crier souvent aux médecins : Vous me faites souffrir, vous me torturez, vous me donnez la mort; paroles qui leur sont inspirées non par la raison, mais par la douleur. Tel est le langage que tiennent aussi les âmes faibles et timides qui ne peuvent supporter la souffrance inséparable de la tribulation. Sophonias fait aussi à Dieu la même prière. On conçoit ce langage sous l'Ancien Testament, alors qu'on n'avait à soutenir que des combats modérés, mais il est bien éloigné de la perfection de la nouvelle alliance. «Tandis que l'impie s'enfle d'orgueil, le pauvre est exposé au feu de la persécution. Ils seront enveloppés dans les complots qu'ils méditent.» (Ibid., 2). Une autre version porte : «Qu'ils soient enveloppés.» «Le pécheur est glorifié des désirs de son âme et le méchant est applaudi.» (Ibid., 3). «Le pécheur a irrité le Seigneur.» (Ibid., 4). Le prophète prend le rôle de suppliant, il s'adresse à Dieu au nom de ceux qui sont victimes de l'injustice et il se rend l'interprète de leurs peines, résultat de la faiblesse humaine, à la vue de l'impunité et de la prospérité des méchants qui leur est insupportable. Mais cette impunité et ce bonheur sont déjà un des plus grands châtiments que Dieu puisse leur envoyer. Le prophète demande ensuite à Dieu qu'il les punisse en faisant retomber sur eux leurs desseins criminels; puis il nous fait connaître un des caractères intolérables de leur iniquité. Quel est-il ? «Le pécheur est glorifié des désirs de son âme.» On n'a point assez de louanges, assez d'admiration pour des actions qui devraient le couvrir de honte et de confusion. Or quelle guérison peut-on espérer lorsque le vice lui-même est comblé de louanges ? Voilà le spectacle que présente le monde. On admire celui-ci parce qu'il est puissant, celui-là parce qu'il s'est vengé de ses ennemis; on loue la prudence d'un autre parce qu'il a su s'emparer de toutes les fortunes; alors qu'il s'est perdu lui-même, on dit qu'il s'est sauvé et mille autres choses semblables; mais des intérêts spirituels de l'âme il n'en est pas question. On ne loue pas avec tant d'empressement celui qui reste étranger aux affaires du monde, celui qui aime la pauvreté, et on exalte bien haut l'homme riche, l'usurier, le flatteur, celui qui pour des choses de néant s'abaisse aux actions les plus viles. Voilà ce que déplore le prophète, que le vice soit devenu assez puissant pour se complaire en lui-même, pour s'étaler avec assurance, et ce qui est plus triste encore, de ne pas le voir rougir, que dis-je, d'entendre faire son éloge et par lui-même et par les autres, se peut-il une folie plus dangereuse ?
«Le pécheur a irrité le Seigneur.» Un autre interprète traduit : «Le méchant a loué selon les désirs de son âme, et l'avare a applaudi, et ils ont irrité le Seigneur;» un autre : «Il a loué dans les désirs de son âme, et l'avare qui a lui-même applaudi a outragé le Seigneur. L'impie dans l'excès de sa colère ne cherchera pas.» Les Septante traduisent : «Le pécheur a irrité le Seigneur, dans l'excès de sa colère, il ne se mettra point en peine de Dieu.» Vous voyez jusqu'où le vice peut aller. Que dis-je ? qu'il persécute les pauvres; il va jusqu'à irriter Dieu lui-même. «Dans l'excès de sa colère, il ne se mettra point en peine de Dieu. Un autre interprète qui applique ces paroles à l'impie traduit : Dans l'excès de son élévation,» c'est-à-dire de son orgueil, de son arrogance. Vous voyez quelle folie et quelle corruption; il est l'ennemi déclaré de tous les siens, étranger à tout sentiment de vertu, et n'ayant d'affection et d'éloges que pour le vice. Aussi est-ce avec raison qu'un autre interprète a traduit : «Dieu n'est dans aucune de ses pensées,» c'est-à-dire qu'il a peu de souci de Dieu, que son âme est pleine de ténèbres et qu'il n'a point sa crainte devant les yeux. De même que l'humeur qui s'amasse sur le bord des paupières obscurcit la vue, ainsi le vice répand des ténèbres dans l'âme et l'entraîne dans des précipices. «Dieu n'est pas devant ses yeux» (Ibid. 5), suivant une autre version : «Dans aucune de ses pensées,» ses voies sont constamment souillées par le crime. «Tes jugements sont ôtés de devant sa vue» une autre version porte : «Ton jugement a été ôté.» Voilà les tristes fruits du vice. La lumière de l'esprit s'éteint, la force de la raison s'affaiblit, et l'âme devient esclave de l'iniquité. Celui qui a perdu les yeux est continuellement exposé à tomber dans des précipices; de même celui qui cesse d'avoir la crainte de Dieu devant les yeux, reste constamment plongé dans le vice. Il n'y a point chez lui alternative de vice et de vertu, il est toujours sous l'esclavage du vice, il ne pense ni à l'enfer, ni au jugement à venir, ni au compte qu'il devra rendre, il secoue comme un frein odieux ces pensées qui lui seraient d'un si précieux secours. Il est comme un navire qui a perdu son lest, et qui devient le jouet de la violence des vents et de la fureur des flots, sans guide pour le diriger et le conduire. Vous voyez comment l'iniquité devient le premier châtiment de celui qui la commet; car, qu'y a-t-il de plus malheureux qu'un cheval sans frein, qu'un navire sans lest, qu'un homme qui a perdu les yeux ?
10. Mais bien plus malheureux encore est celui qui passe sa vie dans le crime, et qui privé de la lumière que la crainte de Dieu répand dans l'âme, tombe dans une honteuse captivité. «Il dominera tous ses ennemis, car il dit en son coeur : Je ne serai point ébranlé; de race en race je vivrai sans aucun mal;» (Ibid. 10), une autre version porte : «Il disperse tous ses ennemis, et il dit dans son coeur : Je ne changerai point, je passerai de génération en génération, sans éprouver de malheur. » Quel excès d'orgueil ? Quelle ruine vraiment inexprimable ? Et comme le méchant descend par degrés dans l'abîme ! Voyez-vous comment ce bonheur tant vanté par les insensés, est au fond plein de misères, et quelle est sa fragilité ? Le méchant entend louer ses crimes et applaudir à ses injustices; c'est le premier abîme où celui qui n'est point sur ses gardes peut trouver la mort. Aussi devons-nous préférer ceux qui nous blâment et nous reprennent, à ceux qui nous flattent et nous perdent. Leurs louanges, en effet, sont pour les insensés un poison corrupteur qui les pousse à de plus grands crimes; ainsi ceux qui ont inspiré cet excès d'orgueil au pécheur, ont été la cause d'un si grand égarement. Voilà pourquoi saint Paul parle en ces termes aux Corinthiens de l'incestueux : «Et vous êtes encore enflés d'orgueil, et vous n'avez pas plutôt été dans les pleurs ?» (1 Co 5,2). Il faut verser des torrents de larmes sur celui qui commet le péché, plutôt que d'applaudir à son crime. Mais voyez ici quel coupable renversement : loin de condamner le pécheur, on lui prodigue les louanges. L'orgueil dont il est plein vient ajouter à ce que ces louanges ont d'injuste et de criminel; il perd le souvenir de la crainte de Dieu, et ne tarde pas à s'oublier lui-même. Considérez quelles sont ses pensées : «Je ne serai point ébranlé, de génération en génération je vivrai sans aucun mal.» Quoi de plus déraisonnable, en effet, qu'un homme dont l'existence est si fragile, qui est comme enlacé dans des intérêts d'un jour, et soumis à mille changements, puisse concevoir de telles pensées ? Quel en est le principe ? Le défaut d'intelligence. En effet, lorsque l'insensé a eu en partage une longue suite de prospérités, qu'il a triomphé de ses ennemis, et qu'il est pour tous un objet d'admiration et de louanges, il devient le plus misérable des hommes. Comme il ne peut croire à un changement de fortune, il jouit de son bonheur sans modération, et s'il vient à tomber dans l'adversité, comme il n'y est point préparé et qu'il n'y a jamais songé, il est en proie au trouble le plus violent. Ce n'est point ainsi que Job se conduisait. Au sein de la prospérité, il pensait tous les jours au malheur qui pouvait l'atteindre, et il disait : «Ce qui faisait le sujet de ma crainte est arrivé et les maux que j'appréhendais sont tombés sur moi. N'ai-je pas conservé la paix, le silence et la tranquillité ? Et cependant la Colère de Dieu est tombée sur moi.» (Jb 3,25-26). C'est pour cela qu'un autre auteur inspiré disait : «Souvenez-vous de la pauvreté pendant l'abondance, et des besoins de l'indigence au jour des richesses.» (Ec 18,25). Mais cet impie, une fois arrivé à ce degré de corruption, ne pense plus à la fragilité des choses humaines; enivré de son bonheur, il le considère comme inébranlable, ce qui est le dernier excès de la folie de la corruption, et un principe certain de ruine. Gardez-vous donc de croire au bonheur de ceux qui ont les richesses en partage, qui triomphent de leurs ennemis et à qui l'on prodigue pour cela les louanges. Ce sont là autant de lieux escarpés et dangereux qui précipitent les hommes imprudents dans l'abîme de l'impiété.
«Sa bouche est pleine de malédiction, d'amertume et de tromperie, sa langue cache la travail et la douleur» (Ibid. 7); suivant une autre version : «Ce qui est nuisible. Il est assis en embuscade avec les riches pour immoler en secret l'innocence» (Ibid. 8); une autre version porte : «Il tend des embûches à l'entrée des maisons. Ses yeux épient sans cesse le pauvre. Il tend ses pièges en secret comme un lion dans son antre» (Ibid.); suivant une autre version : «Comme un lion dans son enceinte.» - «Il se tient en embuscade pour enlever le pauvre, afin, dis-je, d'enlever le pauvre lorsqu'il l'attire» (Ibid., 10); suivant une autre version : «En l'attirant.» Lorsqu'il l'aura pris dans son piège, il le jettera par terre; une autre version porte : «Dans ses filets.» «Il se baissera et tombera sur les pauvres, lorsqu'il se sera rendu maître d'eux;» suivant une autre version : «Lorsqu'il sera brisé, il sera abaissé, après qu'il se sera jeté sur le faible avec ses forts.» Vous voyez comme il est devenu semblable à une bête féroce. Car c'est sous les traits d'un animal furieux que le prophète nous le dépeint en parlant de ses ruses, de ses embûches, de ses plans insidieux. Que peut-on imaginer de plus misérable, de plus pauvre, qu'un homme qui a besoin de l'avoir de l'indigent ? Oserons-nous, je vous le demande, dire qu'il est riche ? Mais alors, donnons aussi ce nom au voleur et à celui qui brise les portes pour s'emparer du bien d'autrui. À Dieu ne plaise, me direz-vous. Qu'importe, en effet, qu'il ne renverse pas les tribunaux des juges, qu'il ne vienne point attaquer pendant la nuit, si d'ailleurs il éteint la lumière de celui qui devait le juger; s'il fond sur ses victimes, non pendant leur sommeil, mais en plein jour et aux yeux de tous ? Il n'en est que plus impudent; les lois en effet, punissent plus sévèrement ceux qui commettent leurs vols en plein jour. Vous voyez donc ici la pauvreté jointe à la cruauté; la pauvreté qui lui fait désirer ce que l'indigent possède, la cruauté qui le rend insensible aux malheurs du pauvre et lui fait opprimer celui à qui il devait compassion et assistance. Cependant l'impunité ne lui sera pas toujours assurée; lorsqu'il sera parvenu à cette domination absolue, qu'il se regardera comme supérieur à tout et à l'abri de tout revers, c'est alors que Dieu le frappera pour faire éclater la puissance avec laquelle il peut triompher de lui, la patience des pauvres, la difficulté de le ramener à des sentiments plus justes, et toute l'étendue de la Honte divine. Dieu a différé de le punir, parce qu'il voulait l'amener au repentir par sa Patience et sa Longanimité; mais le pécheur n'en a tiré aucun profit, et il ne reste à Dieu que de l'instruire par son Supplice. Ceux qu'il a voulu opprimer n'en ont souffert aucun dommage, et ses injustices n'ont fait que rendre leur vertu plus éclatante. D'un autre côté, Dieu voulait donner un grand exemple de sa Patience, en supportant avec longanimité cet abus de puissance, et en même temps faire éclater sa Force et sa Sagesse. Ainsi, c'est lorsque le pécheur est arrivé au plus haut degré de sa puissance, qu'Il lui fait sentir sa domination, et comme il persévère dans son iniquité, la Justice divine le punit du dernier supplice. Grave et importante leçon pour ceux dont la vie s'écoule tout entière dans la prospérité.
11. Lors donc que vous avez triomphé de vos ennemis, et que tout réussit à votre gré, n'en prenez point occasion de vivre avec confiance dans l'iniquité, mais que plutôt cet état prospère excite en vous de vives craintes. En effet, l'inclination pour le vice se fortifie, toute justification vous devient impossible, et vous perdez toute espérance de pardon, si vous persévérez dans le mal. «Car il a dit dans son coeur : Dieu a oublié, Il a détourné son Visage pour ne rien voir à jamais.» (Ibid. 11). Voyez dans quel abîme de perdition il se précipite, et quelles pensées naissent dans son coeur. Un reste de pudeur lui détend de les formuler, mais il s'en nourrit dans son âme où il livre des combats à la vérité, et couvre de ténèbres les vérités plus éclatantes que le soleil, par suite de l'aveuglement de son esprit. «Lève-Toi, Seigneur mon Dieu, que ta Main soit exaltée; n'oublie pas les pauvres.» (Ibid. 12). Une autre version porte : «Élevez votre main.» Pour quelle raison l'impie a-t-il irrité Dieu ? «C'est qu'il a dit en son coeur : Dieu ne cherchera point mes crimes.» (Ibid. 13). «Mais Tu le vois, Seigneur, Tu observes ses crimes et sa violence pour le livrer à ton Bras;» suivant une autre version : «Tu as vu, Tu examineras ses crimes et sa fureur pour le livrer à ton Bras» (Ibid. 14); suivant une autre : «Pour les livrer entre tes Mains.» Tel est le langage que tiennent l'impie, l'avare, le ravisseur du bien d'autrui, en se confiant dans leur impunité; mais le prophète détruit leurs prétentions insensées, en nous donnant des idées plus justes, de la Patience de Dieu. Le pécheur ose dire : «Dieu a détourné son Visage pour ne rien voir à jamais.» Le prophète combat cette assertion : «Tu les vois, Seigneur et Tu observe leurs crimes pour les livrer entre tes Mains.» Le prophète parle ici le langage des hommes, et il veut dire : Tu attends, Tu les supporte, jusqu'à ce qu'ils soient victimes de l'excès même de leur injustice. Tu aurais pu les châtier et les perdre tout aussitôt, mais ta Patience est comme un Océan sans bornes; Tu les vois et Tu ne les punisse pas, parce que Tu attends qu'ils fassent pénitence. S'ils persévèrent dans leurs crimes, Tu les livras au supplice, parce qu'ils ont rendu inutiles les efforts de ta Patience. Or, apprenez par les paroles qui suivent, combien grande est la Sollicitude de Dieu pour ceux qui sont persécutés injustement. «C'est à Toi que le soin du pauvre a été laissé, Tu as été le Protecteur de l'orphelin»; une autre version traduit : «Tu es devenu»; une autre : «Tu seras» c'est-à-dire c'est là ton Oeuvre de choix et de prédilection. Dieu n'a pas manqué au devoir qu'Il s'est imposé. C'est à l'architecte qu'il appartient de diriger la construction de l'édifice, au pilote de gouverner le navire, au soleil d'éclairer l'univers, de même il T'est réservé, ô mon Dieu, de prendre la défense des orphelins, de tendre aux pauvres une main secourable, personne ne peut en prendre un plus grand soin que Toi. C'est ce que signifient ces paroles : «Le pauvre T'a été abandonné.» C'est-à-dire, il n'y a que Toi qui sois le Protecteur des orphelins. «Brise le bras de l'impie et du pécheur, on cherchera les traces de son iniquité, et on ne les trouvera plus.» (Ibid., 15). Le roi-prophète ne veut pas la ruine du pécheur, mais la destruction de ses forces, de sa puissance et de ce foyer d'iniquités qui le dévore. Il demande ensuite à Dieu de vouloir bien rendre compte de sa conduite, et il fait ressortir toute l'étendue de l'injustice du méchant en disant : «S'il est coupable de ces forfaits, sa perte est assurée, il disparaîtra sans retour, il sera renversé, détruit jusque dans sa racine, après l'examen que Dieu fera de ses crimes. Que personne donc ne s'afflige outre mesure d'être orphelin ou pauvre, car le Secours de Dieu sera proportionné à l'étendue de ces maux. Que personne aussi ne vienne à s'enorgueillir et à s'enfler de sa puissance. Car c'est un terrain glissant et bordé de précipices, et qui peut facilement entraîner dans l'abîme ceux qui ne sont point sur leurs gardes.
«Le Seigneur régnera éternellement et dans les siècles des siècles.» (Ibid. 16). David répond ici à ceux qui s'inquiètent en voyant que le châtiment des méchants se trouve différé. Que craignez-vous, leur dit-il, et que redoutez-vous ? Est-ce que Dieu est un juge passager et mortel ? Est-ce que son règne doit un jour finir ? Donc, bien que le châtiment du pécheur soit différé, il n'en est pas moins certain. Celui qui lui demandera compte de ses crimes, demeure et règne éternellement. «Nations, vous disparaîtrez de son empire.» «Le Seigneur a exaucé le désir des pauvres, ton Oreille a entendu la préparation de leur coeur;» suivant une autre version : «Ton Oreille a entendu la résolution de leur coeur.» (Ibid. 17). «Pour juger en faveur de l'orphelin et de celui qui est opprimé, afin que l'homme n'entreprenne plus de s'élever sur la terre»; une autre version porte : «Afin que Tu juges l'orphelin et l'opprimé.» Vous voyez comme le roi-prophète étend sa sollicitude jusque sur les méchants. C'est qu'en effet ils sont soumis aux plus rudes épreuves; celui qu'ils oppriment injustement n'est atteint que dans les biens qui lui sont ravis, mais pour eux, ils sont exposés aux plus grands dangers. Qu'importe qu'ils ne comprennent pas toute l'étendue de leurs infortunes; c'est l'effet de leur extrême sensibilité, et ils n'en sont que plus dignes de compassion, car c'est un signe de leur grande ignorance. C'est ainsi que les enfants ne tiennent aucun compte des accidents les plus terribles; on les voit souvent approcher les mains du feu, tandis que la vue d'un simple masque les saisit de crainte et d'épouvante. De même les avares redoutent la pauvreté qui loin d'être effrayante, est bien plutôt le gage et le fondement de la sécurité, et la plupart attachent le plus grand prix aux richesses injustement acquises, et aux biens dont ils dépouillent les autres, ce qui est mille fois plus à craindre que le feu. La cupidité est toujours un mal; c'est pour la détruire jusque dans sa racine que le roi-prophète a recours à l'exhortation, aux menaces, à la crainte, et qu'il demande à Dieu de déployer sa Puissance contre un tel excès d'insensibilité. Il ajoute : «Nations, vous disparaîtrez de son empire;» c'est-à-dire qu'il les menace d'une ruine entière, et qu'il demande à Dieu de se constituer l'appui et le vengeur de ceux qui ont été victimes de leurs injustices, afin que les uns soient délivrés de l'oppression, et que les autres reviennent à des sentiments plus modérés. Ne convoitez donc point les grandes richesses, car elles sont pour les âmes imprudentes la source d'une multitude de maux, de l'orgueil, de la tiédeur, de l'envie, de la vaine gloire et de bien d'autres plus pernicieux encore. Voulez-vous être affranchis de tous ces maux ? Extirpez-en la racine; une fois détruite, tous les mauvais germes seront détruits avez elle. Or, ces enseignements nous sont donnés non seulement pour frapper nos oreilles, mais pour nous rendre meilleurs et capables d'une vertu éminente en notre Seigneur Jésus Christ, à qui appartient la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Amen.