CHAPITRE 1
Du double combat contre l'esprit d'impureté.
Notre deuxième combat, selon la tradition des pères, est contre l'esprit d'impureté. C'est de tous le plus long, le plus persistant; et à bien peu il est donné devoir la complète victoire. Guerre cruelle, qui commence à sévir contre le genre humain avec le premier instant de l'adolescence, et qui ne s'éteint qu'après que tous les autres vices ont été surmontés.
Lattaque est double, le vice a comme deux têtes, qui se dressent en même temps pour le combat. La résistance doit donc faire face aussi des deux parts. Le mal est dans le corps et dans l'âme à la fois, et la violence de l'assaut résulte du confluent des deux forces. C'est pourquoi, à moins que le corps et l'âme ne luttent de concert, on ne peut non plus la vaincre, Le jeûne corporel ne suffit pas à conquérir ou à conserver la pureté de la chasteté parfaite, si la contrition de l'âme ne précède, avec la prière persévérante contre l'esprit d'impureté et la méditation continuelle des Écritures; si l'on ne joint encore à celle-ci la
science spirituelle, ainsi que le travail des mains, qui réprime la fuyante mobilité du cur et le rappelle à lui-même; si, avant tout, l'on n'établit sur des fondements solides la vertu d'humilité, sans laquelle il nest point de triomphe sur quelque vice que ce soit.
CHAPITRE 2
Du moyen principal de corriger l'esprit d'impureté.
La correction de ce vice découle principalement de la perfection du cur. Aussi bien, est-ce de notre cur qu'en provient le virus, comme la Voix du Seigneur nous le marque : «C'est du cur, dit-il, que procèdent les pensées mauvaises, les adultères, les impudicités, les vols, les faux témoignages,» (Mt 15,19) et le reste. L'uvre de purification devra donc porter premièrement où nous savons que gît la source de la vie et de la mort, selon cette parole de Salomon : «Garde ton cur en toute circonspection, car de lui jaillissent les sources de la vie.» (Pro 4,23) La chair, en effet, est sujette à son libre vouloir et à son empire.
Il faut donc embrasser avec un zèle extrême l'austérité des jeûnes, de crainte que la chair, fortifiée par l'abondance de la nourriture, ne s'oppose aux préceptes salutaires de l'âme, et, dans son insolence, ne jette bas son conducteur, l'esprit, Mais, d'autre part, si nous faisons tout consister dans la mortification du corps, sans que l'âme jeûne pareillement des autres vices et s'occupe à la méditation divine et aux choses spirituelles, il est absolument impossible que nous gravissions le faîte sublime de l'intégrité véritable, dès là que ce qui est principal en nous fera la guerre à la pureté de notre corps. Ainsi, il importe de purifier tout d'abord, selon la sentence du Seigneur, «le dedans de la coupe et du plat, afin que le dehors aussi soit pur». (Mt 23,26).
CHAPITRE 3
De quel puissant effet est la solitude jointe à l'abstinence, pour triompher du vice de l'impureté.
Les autres vices s'éliminent au commerce des hommes et parmi le quotidien exercice; les chutes mêmes en quelque sorte leur deviennent un remède. Ainsi, la colère, la tristesse, l'impatience se guérissent par la méditation, une sollicitude vigilante, le concours des frères et les provocations continuelles. Plus souvent les mouvements s'en manifestent, plus souvent aussi elles se voient prises en flagrant délit, et plus vite elles viennent à guérison.
Au contraire, la présente maladie réclame, avec l'affliction du corps et la contrition du cur, la solitude et l'éloignement, pour que tombe la fièvre mauvaise et que vienne la santé parfaite. Il est de certains malades, à qui il est bon que leurs yeux mêmes ne rencontrent point les mets qui leur seraient nuisibles, de peur que la seule vue ne leur en donne un désir fatal. Pareillement, la tranquillité et la solitude offrent-elles de grands avantages, pour bannir ce vice en particulier. L'esprit malade n'étant plus troublé de diverses images, sa contemplation se fera plus pure; et par là-même, le foyer pestilentiel de la concupiscence sera plus aisément détruit jusque dans ses racines profondes.
CHAPITRE 4
De la différence qui existe entre la continence et la chasteté, et si on les trouve toujours unies.
Que l'on n'aille point penser pour autant, qu'à mon sens il ne se trouvera point de continents parmi ceux qui vivent en communauté. Je confesse, au contraire, que rien n'est moins impossible. Mais, autre chose est d'être continent; autre chose, d'être chaste, et de passer tout entier, pour ainsi dire, dans l'amour de l'intégrité et de l'incorruption. On n'attribue par excellence cette vertu qu'à ceux qui demeurent vierges de corps et d'âme. Tels nous apparaissent l'un et l'autre Jean dans le Nouveau Testament, et dans lAncien, Élie, Jérémie, Daniel. Et l'on ne sera pas téméraire de mettre dans leur nombre ceux qui, après avoir éprouvé la corruption, sont parvenus par bien des labeurs et de longs efforts au même état de pureté, intacts de corps et d'esprit, et n'éprouvant les aiguillons de la chair que par le mouvement innocent de la nature, plutôt que par le fait de la convoitise mauvaise. C'est cet état que je prétends difficile à atteindre parmi la foule des hommes. Faut-il dire impossible ? Que chacun, au lieu de s'en attendre à mon sentiment, examine sa. propre conscience.
Au reste, je ne doute pas qu'il n'y ait nombre de continents, qui sachent éteindre et réprimer par la crainte de la géhenne et le désir du royaume des cieux les attaques de la chair, qu'elles se produisent à de rares intervalles on qu'elles soient quotidiennes. Cependant, voici la sentence des anciens à leur sujet : sans succomber aux poussées du vice, ils ne sauraient demeurer à l'abri de tout mal ni de toute blessure. Dès qu'il y a lutte, si répétés que puissent être les victoires et les triomphes, il est fatal que l'on soit touché soi-même quelque jour.
CHAPITRE 5
L'effort humain ne suffit pas à triompher des attaques de l'impureté.
Si nous avons à cur de combattre le combat spirituel selon les règles de concert avec l'Apôtre, hâtons-nous de surmonter l'immonde esprit de toute l'ardeur de notre âme. Toutefois, ne mettons pas notre confiance en notre propre force, car l'effort humain demeure ici impuissant; mais appuyons-nous sur le secours du Seigneur. L'âme sera fatalement en butte aux attaques du vice, tant qu'elle n'aura pas reconnu qu'elle fait une guerre au-dessus de ses forces, et qu'elle ne saurait obtenir la victoire par son propre labeur ni par son zèle, à moins d'être soutenue du secours et de la protection divine.
CHAPITRE 6
Que le don de la chasteté comporte une grâce de Dieu toute spéciale.
Assurément, pour tout progrès dans la vertu, tout triomphe sur le vice, au Seigneur appartient la grâce et la victoire. Mais il y a ici un particulier bienfait de Dieu, un don spécial : le sentiment des pères s'accorde avec l'expérience, pour rendre cette vérité manifeste à ceux qui ont mérité de posséder la pureté. Car c'est en quelque manière sortir de la chair, tout en demeurant dans un corps. Être revêtu d'une chair fragile, et ne point sentir les aiguillons de la chair : n'y a-t-il pas là quelque chose qui est au-dessus de la nature ?
C'est pourquoi il est impossible à l'homme de voler, pour ainsi dire, de ses propres ailes jusqu'à une récompense si sublime et si céleste; mais la grâce du Seigneur doit le tirer de la boue terrestre, par le don de la chasteté. Il n'est point de vertu qui égale si proprement les hommes charnels aux esprits angéliques et imite si parfaitement leur vie, que la grâce et le mérite de la chasteté. Encore habitants de la terre, ils ont par elle «leur cité dans les cieux»,( Phil 3,20) comme parle l'Apôtre, et la promesse adressée aux saints pour la vie future, quand sera déposée la corruption de la chair, ils la possèdent déjà ici-bas dans une chair fragile.
CHAPITRE 7
Exemple tiré des luttes de ce monde, d'après une parole de l'Apôtre.
Écoutez ce que dit l'Apôtre : «Celui qui lutte dans les jeux s'abstient de tout.» (1 Cor 9,25). De quel tout parle-t-il ? Cherchons, afin que la comparaison des luttes humaines nous serve d'instruction pour le combat spirituel.
Ceux qui prétendent lutter selon les règles dans les joutes terrestres, n'ont pas la faculté d'user de tous les aliments dont la passion peut leur suggérer le désir; mais seulement des mets que les règlements professionnels ont déterminés. Encore n'est-ce point assez de s'abstenir des aliments interdits, de l'ivresse et. de tout ce qui sent l'orgie : ils doivent éviter l'inaction, l'oisiveté, la paresse, et développer leur force au milieu des exercices quotidiens et par une étude ininterrompue. D'ailleurs, étrangers à toute sollicitude, tristesse, affaire séculière, aux affections comme aux charges de la famille, ils ne connaissent que la pratique de leur carrière et ils s'embarrassent d'aucun souci terrestre. C'est du seul président des jeux qu'ils attendent le pain quotidien, la gloire de la couronne, et la récompense proportionnée à l'honneur de la victoire. Avec cela, une continence absolue, de crainte qu'en perdant de leur vigueur, ils ne deviennent impropres au combat.
CHAPITRE 8
Comparaison de la pureté des athlètes.
Si nous avons compris la discipline des jeux de ce monde, par l'exemple de laquelle l'Apôtre nous a voulu instruire, marquant de quelle attention, de quel soin diligent, de quelle vigilance elle est faite, quelle conduite nous conviendra-t-il de tenir, en quelle pureté faudra-t-il garder notre corps et notre âme, nous qui devons manger chaque jour la chair sacrée de l'Agneau ? Les commandements de la Loi ancienne elle-même ne permettent pas à l'impur de toucher au sacrifice. Il est prescrit, en effet, dans le Lévitique : «Quiconque sera pur, pourra manger de la chair du sacrifice. Mais celui qui, se trouvant en état d'impureté, aura mangé de la chair du sacrifice salutaire appartenant au Seigneur, périra devant le Seigneur.» (Lev 7,19-20).
Quelle est donc la grandeur du don de l'intégrité, puisque, sans lui, ceux-là mêmes qui vécurent sous l'Ancien Testament, ne pouvaient prendre part aux sacrifices figuratifs, et ceux qui convoitent les couronnes corruptibles d'ici-bas, ne peuvent être couronnés !
CHAPITRE 9
En quelle pureté de cur nous devons nous garder sous les yeux du Seigneur.
Il nous faut donc avant tout purifier les retraites profondes de notre cur en toute vigilance. Le prix que les autres désirent obtenir par la pureté du corps, nous devons, nous, le mériter aussi dans le sanctuaire de la conscience. C'est là que réside le Seigneur, arbitre et président des jeux, perpétuel témoin de notre course et de nos combats. Ne laissons pas se développer en nous, par des pensées imprudentes, le mal que nous redoutons de commettre au grand jour; ne nous souillons point de la complaisance secrète des choses que nous rougirions de faire à la vue des hommes. De telles fautes peuvent bien échapper au regard humain; mais elles ne trompent pas celui des anges saints ni du Dieu tout-puissant, auquel nul secret ne se dérobé.
CHAPITRE 10
L'indice de la parfaite et entière pureté.
L'indice évident, la preuve achevée de la pureté intérieure, c'est que nulle image du péché ne s'offre à notre esprit, tandis que nous reposons dans l'abandon du sommeil, que du moins elle n'excite aucun mouvement de concupiscence. Il est vrai, ces mouvements ne comptent pas pour des fautes véritables, ils sont néanmoins l'indice d'une âme encore imparfaite, d'où le vice n'a pas été entièrement aboli.
CHAPITRE 11
Quelle est l'origine des fantômes de la nuit.
Le repos de la nuit fait l'épreuve de nos pensées, et de la négligence que nous avons mise à les garder, parmi les distractions du jour. Si nous avons quelque chose à regretter, la faute n'en est pas au sommeil, mais à la négligence du temps qui a précédé. C'est un vice intérieurement caché qui s'est manifesté. Il ne doit pas sa naissance à l'heure de la nuit; mais il avait son siège dans les libres les plus intimes de l'âme. Le sommeil n'a fait que le produire; il a manifesté la fièvre impure que nous avions contractée tout le jour, en nourrissant notre esprit de pensées pernicieuses. Telles les maladies corporelles. Leur origine ne date pas de l'instant où elles se déclarent, mais elles sont dues à la négligence du temps qui a précédé : une nourriture malsaine, prise imprudemment, a engendré des humeurs nuisibles et capables de causer la mort.
CHAPITRE 12
La pureté de corps ne s'obtient pas sans la pureté du cur.
L'Auteur et Créateur du genre humain, Dieu, qui connaît mieux que personne l'ouvrage de ses Mains et les moyens de l'amender, a bien appliqué le remède, où Il savait être la cause principale de la maladie : «Quiconque, dit-Il, regarde une femme avec convoitise, a déjà commis l'adultère dans son cur.» (Mt 5,28).
Il condamne les yeux impudents; et toutefois, ce ne sont pas tant les yeux quIl accuse, que le sentiment intérieur qui abuse de leur office, pour le plaisir de voir. De fait, c'est cur malade et blessé du trait de la passion, qui regarde avec convoitise. Le Créateur, dans sa Sagesse, lui a concédé le bienfait de la vue; lui, le fait servir par sa faute à des uvres de mal, et le regard lui devient une occasion de manifester le vice de la concupiscence caché dans son fond. Voilà pourquoi c'est à lui qu'est adressé le commandement salutaire, par la faute de qui la redoutable maladie se déclare à l'occasion du regard. Il n'est pas dit : «Garde tes yeux avec circonspection.». Pourtant, ce sont eux qu'il eût fallu garder, si c'était d'eux que procédât la convoitise. Mais ils ne font que prêter simplement leurs services à l'âme. Aussi est-il dit : «Garde ton cur en toute circonspection.» (Pro 4,23) À lui est prescrit le remède, parce que c'est lui qui partout peut abuser du ministère des yeux.
CHAPITRE 13
Où doit commencer notre vigilance dans l'uvre de la purification.
Le démon est habile; il sait, de façon subtile, nous suggérer la pensée du sexe. Et d'abord, il nous représente le souvenir de notre mère, de nos surs, ou de nos parentes, ou des femmes de sainte vie. C'est dès ce moment que doit se montrer notre vigilance. Rejetons en hâte ces pensées des retraites de notre cur. Si nous nous y arrêtions, le tentateur, peut-être, en prendrait occasion, et subtilement nous ferait glisser, puis nous précipiterait dans le souvenir des personnes qui lui permettront de jeter à pleines mains les idées du mal.
Nous devons avoir constamment à la mémoire le précepte : «Garde ton cur en toute circonspection.» Selon le commandement principal de Dieu, observons avec sollicitude la tête pernicieuse du serpent, c'est-à-dire le principe des pensées mauvaises, à la faveur desquelles le diable essaye de ramper dans notre âme; ne laissons point, par notre négligence, pénétrer dans notre cur le reste de son corps, c'est-à-dire le consentement au plaisir coupable : car, une fois entré, il tient notre âme captive, et sa morsure empoisonnée lui donnera la mort.
Il nous faut aussi exterminer «les pécheurs de notre terre», c'est-à-dire les pensées charnelles, dès qu'elles se produisent au jour, «au matin de leur naissance»; (Ps 100,8) «briser les enfants de Babylone contre la pierre,»(Ps 136,9) tandis qu'ils sont encore petits, car, si nous ne les tuons dans leur premier âge, ils grandiront grâce à cette connivence, et, devenus plus vigoureux, ils s'insurgeront contre nous pour notre perte, ou du moins nous ne les vaincrons pas sans bien des gémissements et des peines. «Lorsque le fort», c'est-à-dire notre esprit, «garde en armes sa maison», faisant un rempart de la crainte de Dieu aux profondeurs secrètes de son cur, «tout son bien», c'est-a-dire le prix de ses travaux et les vertus conquises à longueur de temps, «est en paix». «Mais, si un plus fort survient qui le vainque,» c'est-à-dire le diable, par le consentement aux pensées mauvaises, «celui-ci emportera ses armes, dans lesquelles il mettait sa confiance,» c'est-à-dire le souvenir des Écritures et la crainte de Dieu, et «distribuera ses dépouilles», (Luc 11,21-22) dispersant aux mains des vices opposés les mérites de ses vertus.
CHAPITRE 14
Que notre dessein n'est pas de chanter les louanges de la chasteté, mais d'exposer ce qu'elle est.
Notre dessein n'étant pas de chanter la gloire de la chasteté, mais d'expliquer sa nature à l'aide des enseignements des pères, le moyen de l'acquérir et de la conserver, ainsi que sa fin, je passerai sous silence tout ce que les saintes Écritures renferment à sa louange, et ne citerai que cette parole du bienheureux Apôtre, dans son épître aux Thessaloniciens. On y voit clairement de combien il la préfère à toutes les autres vertus, par la noblesse des termes dans lesquels il la recommande.
CHAPITRE 15
Que l'Apôtre donne spécialement à la chasteté le nom de sainteté.
«La Volonté de Dieu, dit-il, est que vous soyez saints.» Et, de peur de laisser dans le doute ou dans l'obscurité ce qu'il entend appeler du nom de sainteté, si c'est la justice, ou la charité, ou l'humilité, ou la patience car nous croyons que toutes ces vertus contribuent à faire les saints, il poursuit, en désignant manifestement ce qu'il veut nommer au juste la sainteté : «La volonté de Dieu est que vous soyez saints, que vous vous absteniez de l'impudicité, que chacun de vous sache posséder son corps dans l'honneur et la sainteté, et non point dans les emportements et la passion, comme font les païens, qui ne connaissent pas Dieu.» (1 Thes 4,3-5). Voyez de quels éloges il la couvre, l'appelant l'honneur et la sainteté de notre corps. Donc, à l'opposé, celui qui vit, dans les emportements de la passion, gît dans l'ignominie et l'immondicité, et demeure étranger à toute sainteté.
Un peu plus loin, l'Apôtre s'y reprend une troisième fois, et de nouveau la qualifie de sainteté : «Car Dieu, dit-il, ne nous a pas appelés à l'ignominie, mais à la sainteté. Celui donc qui méprise ces commandements, ce n'est pas un homme qu'il méprise, mais Dieu, qui nous a donné son saint Esprit pour habiter en nous.» (Ibid. 7-8). Il couronne son précepte d'une autorité inviolable, en déclarant : «Celui qui méprise ces commandements,» c'est-à-dire ce que je viens de dire touchant là sainteté, «ce n'est pas un homme qu'il méprise,» c'est-à-dire moi, qui fais ce commandement, «mais Dieu qui parle en moi,» (2 Cor 13,3) et qui a destiné notre cur, pour être la demeure de son saint Esprit.
Simplement et sans luxe de développements, vous voyez de quels éloges et de quelle gloire le bienheureux Apôtre exalte la chasteté. Premièrement, il lui attribue à titre spécial lhonneur de la sainteté; il affirme ensuite que notre corps est délivré par elle de l'immondicité, et troisièmement, que, par elle encore, il persévère dans l'honneur et la sainteté, après avoir rejeté toute ignominie et toute honte. Enfin, et ceci constitue la suprême récompense, la couronne sans égale et la béatitude parfaite, il enseigne que, grâce à elle, le saint Esprit devient l'hôte de nos âmes.
CHAPITRE 16
Autre témoignage de lApôtre sur le même sujet.
Ce petit livre tend à sa fin. Je veux néanmoins, donnant ce que je n'ai point promis, citer encore un témoignage de l'Apôtre, analogue au premier. Il écrit aux Hébreux : «Recherchez la paix avec tous, et la sainteté, sans laquelle personne ne verra Dieu.» (Heb 12,14). Voilà de nouveau qui est évident : sans la sainteté, par où l'Apôtre entend habituellement l'intégrité de lâme avec la pureté du corps, il est absolument impossible de voir Dieu. Aussi bien ajoute-t-il, afin d'expliquer sa pensée . «Qu'il n'y ait parmi vous ni impudique ni profanateur, comme Essai.» (Ibid. 16).
CHAPITRE 17
L'espoir d'une plus sublime récompense doit augmenter notre vigilance.
Mais, plus le prix de la chasteté est sublime et céleste, plus redoutables sont les embûches dont ses adversaires la poursuivent. Nous aurons donc un soin spécial de la continence corporelle assurément, mais aussi de la contrition du cur, dans la prière assidue et les gémissements. Alors, la rosée du saint Esprit, descendant en nos curs, éteindra la fournaise de notre chair, que le roi de Babylone ne cesse d'aviver du souffle mauvais des suggestions charnelles.
CHAPITRE 18
De même que la chasteté ne s'obtient pas sans l'humilité; de même la science sans la chasteté.
Du sentiment des anciens, comme il est impossible d'obtenir la chasteté, si l'on ne jette premièrement dans son cur les fondements de l'humilité, on ne saurait non plus parvenir à la fontaine de la vraie science, tant que les racines du vice impur demeurent dans le fond de l'âme.
D'autre part, s'il est impossible de posséder la science spirituelle sans l'intégrité, l'intégrité peut se rencontrer sans la grâce de la science. C'est que divers sont les dons; et la même grâce du saint Esprit n'est pas accordée a tous, mais celle dont chacun s'est rendu digne et capable par son zèle et ses efforts. Ainsi, tous les saints apôtres ont joui de l'intégrité parfaite; mais le don de science a particulièrement abondé en saint Paul, parce qu'il s'y était préparé par son ardeur intelligente et son application.
CHAPITRE 19
Parole du saint évêque Basile sur le sujet de sa virginité.
On rapporte de saint Basile, évêque de Césarée, cette austère parole : «Je n'ai point de rapports avec le sexe, et pourtant je ne suis pas vierge.» Tant il avait compris que l'incorruption de la chair ne consiste pas tant dans l'abstention de tout commerce illicite, que dans l'intégrité du cur, laquelle garde vraiment et à jamais immaculée la sainteté du corps, par crainte de Dieu et par amour de la chasteté.
CHAPITRE 20
La fin de la véritable intégrité et pureté.
La fin et la preuve achevée de l'intégrité est que le plaisir mauvais ne vienne plus troubler notre sommeil. La nature a ses nécessités inévitables; mais celles-ci doivent être tout innocentes. Encore une vertu consommée en saura-t-elle diminuer la fréquence.
CHAPITRE 21
Le moyen de se conserver dans la pureté parfaite.
Il nous sera possible de nous garder toujours dans cet état,... si nous pensons que Dieu est, jour et nuit, l'infaillible témoin, non seulement de nos actes les plus secrets, mais de toutes nos pensées, et croyons qu'il faudra lui rendre compte de tout ce qui se passe dans notre cur, aussi bien que de nos faits et gestes.
CHAPITRE 22
Jusqu'où peut aller l'intégrité du corps, ou l'indice d'une âme entièrement purifiée.
Qu'un saint empressement nous anime donc, et luttons contre les mouvements de l'âme et les aiguillons de la chair, jusqu'à ce que les nécessités de la nature ne suscitent plus de combats à la chasteté. Tant que l'âme est abusée par les fantômes de la nuit, elle peut reconnaître à ce signe qu'elle n'est point parvenue encore à l'entière perfection de la chasteté.
CHAPITRE 23
Remèdes par où la pureté de cur et de corps peut demeurer parfaite.
Dans cette vue
gardons un jeûne toujours égal et modéré. Qui dépasse la mesure dans l'austérité, la dépassera nécessairement aussi dans les moments de relâche. Avec une telle inégalité, il ne pourra certainement se maintenir dans la tranquillité parfaite, tantôt abattu
par un jeûne immodéré, tantôt appesanti par l'excès de nourriture. Notre pureté suit le vicissitudes de notre régime.
Puis, il faut pratiquer une humilité constante, la patience du cur, et se garder ave soin durant le jour contre la colère et les autres passions. Où réside le venin de la colère pénètre fatalement le feu de la luxure. Sur toutes choses, la plus délicate sollicitude nous est nécessaire durant les nuits. De même que la pureté et la vigilance du jour préparent les nuits chastes, les veilles de la nuit constituent à l'âme une réserve de vigueur et de vigilance pour tout le cours du jour.