SAINT BASILE LE GRAND

LES PETITES RÈGLES

TABLE DES PETITES RÈGLES

 

1 - S'il est permis ou expédient de faire et de dire librement ce que l'on croit bien, sans tenir compte des Écritures inspirées.

2 - Quel engagement doivent exiger les uns des autres ceux qui veulent vivre ensemble selon Dieu.

3 - Comment ramener le pécheur et, s'il refuse de se convertir, comment se comporter.

4 - Si même pour des fautes légères, on harcèle les frères en disant, qu'il faut faire pénitence, ne manque-t-on pas soi-même de miséricorde et ne pèche-t-on pas contre la charité ?

5 - Comment il faut faire pénitence pour chaque péché.

6 - Comment est celui qui consent de bouche à faire pénitence, mais ne se corrige pas de sa faute.

7 - Quel jugement porter contre ceux qui prennent la défense des pécheurs.

8 - Comment doit être accueilli celui qui se repent sincèrement.

9 - Comment traiter le pécheur impénitent.

10 - Lorsqu'une âme s'est enlisée dans de nombreux péchés, avec quelle crainte et quelles larmes doit-elle s'arracher à ses fautes, avec quelle espérance, par contre, et quel sentiment doit-elle se tourner vers Dieu ?

11 - Comment s'obtient la haine du péché.

12 - Comment l'âme aura-t-elle la conviction que Dieu lui a pardonné ses péchés ?

13 - Celui qui a péché après son baptême doit-il désespérer de son salut, dès que ses fautes se sont trouvées nombreuses ? ou bien, y a-t-il une limite dans le péché jusqu'à laquelle on doit espérer dans la bonté de Dieu moyennant pénitence ?

14 - A quels fruits on doit reconnaître la vraie pénitence.

15 - Que signifie : "Aussi souvent que mon frère péchera contre moi, je lui pardonnerai" (Mt 18,21) ?

16 - Pourquoi la componction envahit parfois l'âme sans que celle-ci l'ai cherchée, tandis que, parfois, elle est tellement insensible que, malgré ses efforts, elle ne parvient pas à s'attrister.

17 - Quelqu'un pense à manger, puis se reprend lui-même; est-il condamnable pour la pensée qu'il a eue ?

18 - Faut-il confier une charge, dans la fraternité, à un frère qui a péché, mais s'est ensuite beaucoup appliqué au bien ? Si oui, quelle charge lui donner ?

19 - Si quelqu'un vient à être soupçonné sans que sa faute soit cependant évidente, doit-on l'épier pour découvrir ce que l'on soupçonne ?

20 - Lorsqu'on s'est adonné au péché dans le passé, doit-on fuir la compagnie des hérétiques et s'éloigner des pécheurs ?

21 - D'où viennent les rêveries et les pensées vaines. Comment y remédier.

22 - D'où viennent les rêves inconvenants de la nuit.

23 - Comment on se rend coupable de tenir de vains discours.

24 - Ce qu'est une insulte.

25 - Ce qu'est une médisance.

26 - Quel châtiment mérite celui qui médit d'un frère ou supporte qu'on médise de lui en sa présence.

27 - Et celui qui médit du supérieur, comment le traiter.

28 - De celui qui répond avec insolence et impertinence.

29 - Comment éviter la colère.

30 - Comment réprimer les mouvements des passions mauvaises.

31 - N'est-il absolument pas permis de rire ?

32 - D'où vient le besoin intempestif et exagéré de dormir, et comment y obvier.

33 - Comment se trahit le respect humain.

34 - Comment éviter le vice du respect humain.

35 - Comment se manifeste l'orgueilleux et comment on le guérit.

36 - Faut-il rechercher la considération ?

37 - Lorsqu'on est lent à obéir, comment peut-on réveiller son zèle ?

38 - Si un frère résiste d'abord à un ordre donné, mais en suite va spontanément l'exécuter.

39 - Si quelqu'un murmure en obéissant.

40 - Si un frère en attriste un autre, comment doit-il se corriger ?

41 - S'il refuse de se corriger.

42 - Si l'offensé n'accepte pas de se réconcilier quand l'offenseur s'est excusé ?

43 - Comment considérer le frère qui réveille pour la prière.

44 - Que mérite celui qui s'attriste ou même s'irrite d'avoir été réveillé pour la prière ?

45 - De celui qui néglige de s'instruire des volontés divines, afin de n'être pas aussi durement puni que s'il les connaissait et ne les accomplissait pas.

46 - Celui qui consent à ce qu'un autre commette le péché, est-il responsable du péché ?

47 - Faut-il garder le silence à l'égard des pécheurs ?

48 - Par quels traits définir la cupidité.

49 - Qu'est-ce qu'agir avec frivolité ?

50 - Quelqu'un rejette bien ce qu'il y a de trop précieux pour se vêtir, mais exige, même en s'habillant modestement, qu'un manteau ou des chaussures soient à son goût. Pèche-t-il ? Quel est son vice ?

51 - Qu'est-ce que "Racca" (Mt 5,22) ?

52 - Qui a de la vanité ? et qui du respect humain ?

53 - Ce qu'est la "souillure charnelle" et la "souillure spirituelle". Comment se conserver pur. Ce qu'est la sanctification, et comment l'obtenir.

54 - Ce qu'est l'égoïsme et comment l'égoïste se reconnaît lui-même.

55 - Quelle est la différence entre l'aigreur, la fureur, la colère et l'exaspération.

56 - Qu'est-ce qu'être orgueilleux, prétentieux, arrogant, et qu'est-ce qu'être aveuglé, gonflé par l'orgueil ?

57 - Si quelqu'un montre un défaut incorrigible et s'offense des reproches fréquents qu'on lui fait, vaut-il mieux qu'il s'en aille ?

58 - Celui qui ment expressément sera-t-il seul jugé, ou bien celui qui profère par erreur une affirmation complètement fausse le sera-t-il également ?

59 - Quelqu'un pense seulement à faire quelque chose, mais n'agit pas : sera-t-il, lui aussi, jugé menteur ?

60 - De celui qui prend témérairement la décision de faire une chose qui déplaît à Dieu.

61 - Si quelqu'un ne peut travailler et ne veut pas non plus étudier les psaumes.

62 - Comment est-on condamné comme ayant enfoui son talent ?

63 - Comment mérite-t-on d'être condamné comme ces ouvriers qui murmurèrent contre les derniers venus ?

64 - Ce que c'est que scandaliser et comment on s'en garde.

65 - Comment on retient la vérité dans l'injustice.

66 - Ce qu'est l'émulation et ce qu'est la rivalité.

67 - Ce qu'est la souillure et ce qu'est la licence morale.

68 - Ce qu'est le propre de l'emportement; le propre de l'indignation raisonnable.

69 - De celui qui ne mange pas moins que les autres et n'est pas physiquement affaibli, mais se plaint toutefois de ne pouvoir travailler.

70 - Comment il faut traiter celui qui use mal de ses vêtements ou de ses chaussures.

71 - Certains désirent des aliments à leur goût plutôt qu'abondants; d'autres veulent la quantité qui rassasie plutôt que la finesse; comment faut-il donc agir envers les uns et les autres ?

72 - De celui qui, dans la fraternité, se comporte mal en mangeant et en buvant précipitamment.

73 - De celui qui réprimande un frère coupable, non pour le convertir, mais pour se venger personnellement.

74 - De ceux qui sortent de la fraternité et choisissent la vie solitaire.

75 - S'il faut attribuer à Satan la responsabilité de n'importe quelle faute commise en pensée, en parole ou en acte.

76 - S'il convient parfois de mentir pour un motif d'utilité.

77 - Ce qu'est la ruse; la méchanceté.

78 - Qui sont les inventeurs de maux.

79 - Si quelqu'un s'accuse fréquemment de traiter durement un frère, comment se corrigera-t-il ?

80 - D'où vient que notre esprit se trouve parfois comme vide de bonnes pensées et de sujets de méditation agréables à Dieu.

81 - S'il faut réprimander de la même façon ceux qui craignent Dieu et ceux qui sont indifférents.

82 - Quand une femme âgée commet la même faute qu'une jeune, faut-il lui imposer la même peine ?

83 - Comment il faut traiter, pour une faute qu'il commet, celui qui se conduit ordinairement bien.

84 - De celui qui est de nature turbulente et agitée.

85 - S'il convient qu'un frère possède quelque chose en propre.

86 - Si quelqu'un dit : je n'accepte rien de la fraternité et je ne lui donne rien, mais je me suffis à moi-même, quelle attitude il faut prendre envers lui.

87 - Si chacun peut, selon la Règle, rendre quand il veut son vieux vêtement.

88 - Ce qu'on appelle souci de la vie.

89 - Puisqu'il est écrit : "L'homme donnera ses richesses pour gagner son âme" (Pro 13,8), que ferons-nous donc, nous qui n'avons pas eu cette possibilité ?

90 - S'il est permis d'avoir pour la nuit un vêtement spécial de poils ou autre.

91 - Un frère, qui n'a rien en propre, se voit sollicité de donner ce qu'il porte. Que doit-il faire, surtout si celui qui demande est nu ?

92 - Le Seigneur ayant ordonné de vendre ce que l'on possède, dans quel esprit devons-nous le faire.

93 - Lorsqu'on s'est une fois pour toutes dépouillé et qu'on fait profession de ne rien avoir en propre, dans quel esprit doit-on user des choses nécessaires à la vie, comme le vêtement et la nourriture ?

94 - De celui qui vient à la fraternité sans avoir payé ses impôts.

95 - S'il convient que les nouveaux venus se mettent immédiatement à l'étude des Écritures.

96 - S'il faut permettre à qui veut d'apprendre les lettres et de s'adonner à la lecture.

97 - Si quelqu'un dit : "Je voudrais passer utilement quelque temps près de vous", faut-il le recevoir ?

98 - Quelle préoccupation doit avoir le supérieur lorsqu'il commande ou distribue ses ordres.

99 - Dans quel esprit faut-il réprimander ?

100 - Comment nous nous comporterons envers les mendiants du dehors.

101 - De l'économe et des mendiants.

102 - De celui qui sort de la fraternité, pour quelque motif que ce soit.

103 - Comme il arrive parfois, même à un ancien, de faillir en quelque chose, faut-il le réprimander ?

104 - Comment il faut distribuer les charges aux frères.

105 - S'il faut que ceux qui entrent dans la fraternité apprennent aussitôt un métier.

106 - Quels genres de châtiments il faut employer dans la fraternité.

107 - De celui qui déclare désirer vivre dans la fraternité.

108 - S'il convient qu'un supérieur ait avec une soeur un entretient spirituel en l'absence de la supérieure.

109 - S'il convient que le supérieur s'entretienne souvent avec la supérieure.

110 - S'il convient que l'ancienne soit présente lorsqu'une soeur se confesse à l'ancien.

111 - Si l'ancienne s'indigne avec raison lorsque l'ancien donne un ordre aux soeurs à son insu.

112 - Lorsque quelqu'un se présente pour embrasser la vie selon Dieu, est-il convenable que le supérieur le reçoive sans prendre l'avis des frères ?

113 - Celui qui a charge d'âme peut-il encore observer le "Si vous ne vous convertissez et ne devenez semblables aux enfants" (Mt 18,3) ?

114 - S'il faut obéir à n'importe qui et en n'importe quoi.

115 - Comment s'obéir les uns aux autres.

116 - Jusqu'où il faut obéir.

117 - Lorsque quelqu'un n'est pas satisfait des ordres donnés au jour le jour suivant la Règle établie et cherche à apprendre un métier, de quel mal est-il atteint, et faut-il le supporter ?

118 - Quelle récompense reçoit celui qui, tout en étant empressé au commandement, accomplit cependant non pas ce qui lui est ordonné, mais ce qu'il veut lui-même.

119 - S'il est permis à chacun de refuser le travail qu'on lui donne et d'en rechercher un autre.

120 - Convient-il de s'absenter sans prévenir le supérieur ?

121 - Peut-on se soustraire aux travaux les plus pénibles ?

122 - Faut-il admettre qu'un frère privé de la bénédiction dise : "Si je ne reçoit pas la bénédiction je ne mangerait pas" ?

123 - Faut-il supporter de quelqu'un qu'il s'attriste si on ne lui permet pas de faire ce qu'il ne peut faire convenablement ?

124 - Si l'on rencontre, par hasard, des hérétiques ou des païens, convient-il de manger avec eux, ou même de les saluer ?

125 - Lorsque celui qui est chargé d'un travail, fait, sans rien dire, autre chose ou plus que ce qui lui a été commandé, faut-il accepter son travail ?

126 - Comment ne pas céder à l'attrait du plaisir dans les aliments.

127 - Certains prétendent qu'il est impossible à l'homme de ne pas se mettre en colère.

128 - S'il faut permettre qu'on se mortifie au dessus de ses forces, au point de ne plus pouvoir observer la Règle établie.

129 - De celui qui jeûne beaucoup mais ne supporte pas la nourriture au repas.

130 - Comment jeûner quand le jeûne est obligatoire.

131 - Un frère ne mange pas de ce que prennent les autres, et demande une autre nourriture. Fait-il bien ?

132 - Quelqu'un dit : "Ceci me fait du tort" et s'attriste de ce qu'on ne lui donne pas autre chose. Qu'est-il ?

133 - S'il murmure même, à cause de la nourriture ?

134 - Si encore il se fâche et refuse de prendre le nécessaire ?

135 - Quelqu'un, fatigué, peut-il demander lui-même un supplément à l'ordinaire ?

136 - Est-il obligatoire de se trouver tous ensemble à l'heure du repas ? et si un frère en est absent et vient quand il est terminé, que faut-il faire ?

137 - Est-il bon de prendre la résolution de s'abstenir, à l'occasion, pendant un certain temps, de nourriture ou de boisson ?

138 - Convient-il que, dans une fraternité, l'un jeûne plus que l'autre ?

139 - Les jeûnes prolongés nous affaiblissent pour le travail. Que faut-il donc préférer : ne pouvoir travailler à cause du jeûne, ou négliger celui-ci pour le travail ?

140 - Si, loin de s'abstenir d'aliments nuisibles, quelqu'un en prend avec excès et tombe malade, faut-il le soigner ?

141 - S'il convient de rencontrer des étrangers dans les ateliers.

142 - S'il convient que des frères qui exercent un métier acceptent un travail à l'insu de leur supérieur.

143 - Comment ceux qui travaillent doivent prendre soin des outils qui leur sont confiés.

144 - Si un frère perd un outil par négligence ou en use mal par dédain.

145 - S'il s'en sert ou s'en empare de sa propre autorité.

146 - S'il le refuse au supérieur qui en a besoin et le lui demande.

147 - Si un frère occupé au cellier, à la cuisine, ou ailleurs, ne se hâte pas pour prendre sa part régulière à la psalmodie et à la prière, n'est-ce pas au détriment de son âme ?

148 - Quel degré d'autorité celui qui a la charge du cellier possède dans l'administration.

149 - Ce qu'il faut penser de l'économe s'il fait acception des personnes ou aime à contester.

150 - Et si, par négligence, il ne donne pas à un frère ce dont il a besoin ?

151 - Si celui qui remplit un service peut élever très fort la voix en parlant ?

152 - De celui qui se fatigue trop dans son service.

153 - Comment la soeur préposée aux laines doit en prendre soin.

154 - Lorsque des frères peu nombreux ont à s'occuper de soeurs très nombreuses et qu'ils sont obligés de s'éloigner les uns des autres pour aller à leur tâche, est-ce bien sans danger pour eux ?

155 - Comment traiter les hôtes mal disposés.

156 - Celui qui a la charge du cellier, ou une autre de ce genre, doit-il la garder toujours, ou faut-il parfois le changer ?

157 - Dans quelle disposition il faut servir Dieu.

158 - Dans quels sentiments il faut accepter une punition.

159 - Comment est celui qui se montre chagrin à l'égard de celui qui punit.

160 - Dans quel esprit nous devons servir nos frères.

161 - Avec quelle humilité on doit recevoir les services d'un frère.

162 - Quelle charité nous devons avoir les uns pour les autres.

163 - Comment parvenir à la charité envers le prochain.

164 - Ce qu'est : "Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés" (Lc 6,37)

165 - Comment reconnaître si c'est par un pieux zèle ou par colère que l'on s'émeut contre un frère coupable.

166 - Avec quels sentiments il faut écouter quiconque nous presse d'accomplir notre devoir.

167 - Dans quelles dispositions doit être l'âme que Dieu daigne prendre à son service.

168 - Dans quel esprit recevoir tout vêtement ou chaussures.

169 - Comment devra se comporter un frère chargé d'instruire un plus âgé.

170 - S'il faut avoir la même considération pour celui qui se conduit mieux et pour celui qui se conduit moins bien.

171 - De celui qui se voit avec peine préférer un plus méritant.

172 - Avec quelle crainte ou quelle confiance ou dans quels sentiments nous devons communier au corps et au sang du Christ.

173 - Convient-il de bavarder à l'heure où, dans la maison, a lieu la psalmodie ?

174 - Comment exécuter les commandements du Seigneur avec ferveur et empressement.

175 - Comment il apparaît qu'on aime un frère selon l'ordre du Seigneur, et, quand il n'en est pas ainsi, comment on s'en rend compte.

176 - Qui sont les ennemis que nous sommes tenus d'aimer.

177 - Comment les forts doivent prendre sur eux les faiblesses des autres.

178 - Ce que c'est que porter la charge les uns des autres. (Gal 6,2)

179 - Comment peut-on, sans la charité, avoir une foi suffisante pour transporter les montagnes, ou donner ses biens aux pauvres, ou livrer son corps aux flammes ?

180 - Avec quels sentiments et quelle attention nous devons écouter la lecture qui est faite pendant le repas.

181 - De deux fraternités voisines, l'une est pauvre et l'autre peu disposée à partager. Quels sentiments doit avoir la première à l'égard de celle qui ne donne pas.

182 - A quels fruits reconnaître si l'on reprend par compassion un coupable.

183 - Lorsque des membres de la fraternité entrent en contestation, est-il sans danger de garder avec soi, par charité, de tels compagnons de vie ?

184 - Quand il s'agit d'exhorter et de convaincre, comment ne pas seulement veiller à bien parler, mais aussi conserver les dispositions requises envers Dieu et envers ceux à qui on parle.

185 - Lorsqu'on se réjouit d'avoir touché ses auditeurs, comment reconnaître si c'est par un bon sentiment ou par retour sur soi-même.

186 - Pour quels amis nous devons donner notre vie.

187 - Chacun doit-il recevoir quelque chose de ses proches ?

188 - Comment nous devons considérer les anciens compagnons ou les parents qui viennent à nous.

189 - Et s'ils nous invitent à nous rendre chez eux ?

190 - Faut-il avoir pitié de ses parents selon la chair et désirer leur salut ?

191 - Qui est l'homme doux.

192 - Ce qu'est la tristesse selon le monde, et ce qu'est la tristesse selon Dieu.

193 - Qu'est-ce que se réjouir dans le Seigneur ?

194 - Comment pleurerons-nous de façon à mériter la béatitude ? (Mt 5 :5)

195 - Comment faire tout pour la gloire de Dieu.

196 - Comment manger et boire pour la gloire de Dieu.

197 - Comment la main droite agit de façon que la main gauche l'ignore.

198 - Qu'est-ce que l'humilité ? et comment y parvenir ?

199 - Comment avoir le courage de mettre même sa vie en danger pour l'observation de la loi du Seigneur.

200 - Comment les anciens dans le service de Dieu peuvent aider les nouveaux venus.

201 - Comment être sans distraction dans la prière.

202 - L'attention partout et en tout temps est-elle possible ?

203 - Les bonnes actions accomplies selon la loi du Seigneur, les trouve-t-on en aussi grand nombre chez tous, ou plus abondantes chez les uns, moins abondantes chez les autres ?

204 - Comment se rendre digne de posséder l'Esprit-Saint.

205 - Qui sont les pauvres en esprit. (Mt 5,3)

206 - Jusqu'où s'étend le commandement du Seigneur : "Ne vous demandez pas avec inquiétude : que boirons-nous, ou que mangerons-nous, ou de quoi nous vêtirons nous ?" (Mt 6,31)et comment l'observer.

207 - Pour quelle raison travailler.

208 - Est-il à propos de garder toujours le silence ?

209 - Comment craindre les jugements de Dieu.

210 - Quel est ce vêtement décent dont parle l'Apôtre.

211 - Quelle est la mesure de l'amour de Dieu ?

212 - Comment s'obtient l'amour de Dieu.

213 - Quelles sont les preuves de l'amour de Dieu.

214 - Quelle différence il y a entre "être secourable" et "être bon".

215 - Qui est le pacifique déclaré bienheureux par le Seigneur. (Mt 5,9)

216 - En quoi il faut se convertir et devenir comme des enfants. (Mt 18,3)

217 - Comment nous recevrons le Royaume de Dieu comme un enfant.

218 - Quelle intelligence nous devons demander à Dieu.

219 - Lorsque nous sommes redevables à quelqu'un d'un bienfait, comment rendre à Dieu, d'une part, l'action de grâce pure et parfaite qui lui revient et s'acquitter dignement, d'autre part, envers le bienfaiteur.

220 - Doit-on permettre à qui le désire, de s'adresser aux soeurs ?

221 - Le Seigneur nous enseigne à prier pour ne pas tomber en tentation (Lc 22,40), mais devons-nous aussi prier pour ne pas tomber sous l'épreuve de la souffrance physique ?

222 - Qui est l'adversaire de chacun, et comment nous accorder avec lui (Mt 5,25).

223 - Lorsqu'on veut jeûner pour un motif agréable à Dieu, que faire si l'on est vu malgré soi par les hommes ?

224 - Arrive-t-il encore maintenant que les uns travaillent dès la première heure et d'autres à partir de la onzième seulement ? Qui sont ces derniers ? (Mt 20,1 et suivants)

225 - Comment mériter que se réalise la parole du Seigneur : "quand deux ou trois seront réunis en mon nom, je serai au milieu d'eux" (Mt 18,20).

226 - L'Apôtre ayant dit : "Lorsqu'on nous maudit nous bénissons; lorsqu'on nous calomnie nous répondons par des consolations" (1 Cor 4,12), comment doit bénir celui qui est maudit et consoler celui qui est calomnié ?

227 - S'il faut révéler ses pensées à d'autres, ou, dans la conviction qu'elles plaisent à Dieu, les garder pour soi ?

228 - S'il faut, en toute circonstance, se plier à la mentalité de ceux qui se scandalisent, ou s'il faut parfois ne pas condescendre, même si certains se scandalisent ?

229 - Les fautes dont on est coupable, doit-on, sans pudeur, les révéler à tous, ou à quelques-uns seulement ? Comment doivent-ils être ?

230 - Qu'est-ce qu'un culte ? Qu'est-ce que le culte raisonnable ? (Rom 12 :1)

231 - Si un frère, ou peut-être même un prêtre, agit mal à mon égard et me montre de l'aversion, m'est-il encore possible de le traiter suivant le commandement du Seigneur ?

232 - Agit-il selon le Seigneur celui qui, pour pratiquer la patience et la résignation, accepte une injustice sans rien dire à personne et pense s'en remettre au jugement de Dieu ?

233 - Lorsque, même si on observe tous les autres commandements, on en omet un seul, manque-t-on pour cela son salut ?

234 - Comment annonce-t-on la mort du Seigneur ?

235 - S'il convient de beaucoup interroger les Écritures.

236 - Comment ceux qui ont mérité d'étudier les quatre Évangiles doivent profiter de cette grâce.

237 - Quelle âme se dirige selon la volonté de Dieu.

238 - S'il est possible de se livrer sans cesse à la psalmodie, la lecture, les conversations sérieuses au sujet des paroles divines sans qu'il y ait absolument aucun intervalle qui s'impose pour les nécessités les plus viles du corps.

239 - Quel est le bon trésor et quel est le mauvais.

240 - Pourquoi il est dit que large est la porte et spacieux le chemin qui conduit à la perdition. (Mt 7,13)

241 - Comment la porte est étroite, et resserré le chemin qui conduit à la vie, et comment on s'y engage. (Mt 7,14)

242 - Ce que signifie : "Vous aimant fraternellement, avec tendresse" (Rom 12,10)

243 - Ce que veut dire l'Apôtre par ces mots : "Mettez-vous en colère, mais ne péchez point; que le soleil ne se couche pas sur votre irritation" (Eph 4,26), alors qu'il est dit ailleurs : "Éloignez de vous toute amertume, emportement ou colère" (Eph 4,31).

244 - Qu'est-ce que "laisser agir la colère" (Rom 12,19) ?

245 - Qui est prudent comme le serpent et simple comme la colombe.

246 - Ce que signifie : "La charité ne fait rien d'inconvenant" (1 Cor 13,5).

247 - Qu'est-ce que se glorifier dans le Seigneur (2 Cor.10,17) et qu'est-ce que se glorifier d'une manière défendue ?

248 - Si le Seigneur donne la sagesse et de sa Face viennent connaissance et prudence, et si le saint Esprit donne à l'un la sagesse et à l'autre la science, pourquoi le Seigneur fait-il à ses Apôtres ce reproche : "Êtes-vous aussi, jusqu'à présent, sans intelligence ? (Mt 15,16), et l'Apôtre accuse-t-il certains d'incompréhension ?

249 - Ce qu'est la piété, la justice.

250 - Comment on donne ce qui est saint aux chiens et on jette des perles devant les porcs; et comment se réalise ce que dit l'Écriture : "De crainte qu'ils ne les foulent aux pieds, puis se tournent contre vous et vous déchirent" (Mt 7,6).

251 - Pourquoi le Seigneur tantôt défend de porter un sac ou une bourse, et tantôt dit : "Maintenant, que celui qui a un sac le prenne, de même une bourse, et que celui qui n'a pas d'épée vende son manteau pour en acheter une" (Lc 22,36)

252 - Quel est ce pain quotidien que le Seigneur nous apprend à demander chaque jour dans la prière.

253 - Qu'est-ce que le talent, et comment le multiplions-nous ?

254 - quelle est cette banque à laquelle tu devais, dit le Seigneur, porter l'argent.

255 - Où reçut-il ordre d'aller, celui qui s'entendit dire : "Pends ton bien et va-t-en" (Mt 20,14) ?

256 - Quelle récompense reçoivent ceux-ci, tout comme les derniers.

257 - Qui sont "la balle de blé brûlée par le feu inextinguible" (Mt 3,12).

258 - Qui est celui que l'Apôtre condamne en disant : "affectant l'humilité et la religion" et la suite (Col 2,18).

259 - Qui est fervent d'esprit (Rom 12,11).

260 - L'Apôtre a dit, tantôt : "Ne soyez pas inconsidérés" (Eph 5,17) et tantôt : "Ne suivez pas votre propre sagesse" (Rom 12,16); mais est-il possible de n'être pas inconsidéré si on ne suit pas la sagesse qu'on a en soi ?

261 - Pourquoi même des saints n'ont pas obtenu du Seigneur ce qu'ils demandaient.

262 - Quelle différence il y a entre pauvreté et indigence et comment David a pu dire en toute vérité : "Je suis pauvre et indigent" (Ps 39,18).

263 - Ce que veut dire le Seigneur, lorsqu'après avoir donné des exemples, il ajoute : "Ainsi, celui qui parmi vous, ne renonce pas à tout ce qu'il a, ne peut être mon disciple" (Lc 14,33).

264 - Ce qu'est la simplicité.

265 - Est-ce aux prêtres seuls qu'il est dit : "Si tu portes ton offrande à l'autel"... et la suite (Mt 5,23).

266 - Ce qu'est le sel que le Seigneur nous ordonne d'avoir (Mc 9,50).

267 - Si l'un doit être puni de beaucoup de coups et l'autre de peu (Lc 12,47), comment certains disent-ils qu'il n'y a pas de fin au châtiment pour ceux qui sont punis ?

268 - Dans quel sens on appelle certains : enfants de l'incrédulité et enfants de la colère (Eph 2,3).

269 - Comment il est écrit : "Faisant les volontés de la chair et celles de nos pensées" (Eph 2,3), les volontés de la chair sont-elles différentes de celles des pensées ? et quelles sont celles-ci ?

270 - Ce que veut dire : "Dans le dénuement, mais non dans le désespoir" (1 Cor 4,8).

271 - Peut-on trouver dans l'aumône la purification de tous ses péchés ?

272 - Le Seigneur ayant donné ce précepte : "Ne vous préoccupez pas du lendemain (Mt 6,34), comment en comprendrons-nous bien le sens ?

273 - Par quelle conduite on blasphème contre l'Esprit saint (Mc 3,29).

274 - Comment on devient insensé pour ce siècle.

275 - Satan peut-il empêcher l'accomplissement d'une bonne résolution ?

276 - Que signifient ces paroles de l'Apôtre : "Afin que vous puissiez discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est, ce qui plaît, ce qui est parfait" (Rom 12,2) ?

277 - Qu'est-ce que le "cellier" dans lequel le Seigneur donne à celui qui prie, l'ordre d'entrer ?

278 - Comment l'esprit de quelqu'un peut prier et son intelligence rester sans fruit (1 Cor 14,14).

279 - Que signifie : "psalmodiez intelligemment" (Ps 46,8) ?

280 - Qui a le coeur pur (Mt 5,8) ?

281 - Doit-on forcer celle qui ne veut pas psalmodier ?

282 - Qui sont ceux qui disent : "Nous avons mangé devant vous, et nous avons bu", mais s'entendirent répondre : "Je ne vous connais pas" (Lc 13,26-27).

283 - Celui qui fait la volonté d'un autre, lui est-il associé ?

284 - Lorsqu'une fraternité tombe dans le besoin par suite d'une circonstance fâcheuse ou d'une maladie, ne se conçoit-il pas quelle soit aidée par d'autres ? Et s'il le faut, de qui acceptera-t-elle ce secours ?

285 - Lorsqu'une fraternité traite une affaire avec une autre, doit-elle être attentive à la compensation la plus juste ?

286 - Lorsqu'un membre de la fraternité tombe malade, doit-on le conduire à l'hôpital ?

287 - Quels ont les dignes fruits de la pénitence.

288 - Si quelqu'un veut confesser ses péchés, doit-il le faire à tous et à n'importe qui ? ou à qui ?

289 - Que doit faire celui qui, après s'être converti, retombe dans les mêmes fautes ?

290 - Comment on abonde toujours dans l'oeuvre du Seigneur.

291 - Qu'est-ce que la roseau froissé, ou la mèche fumante ? Comment ne brise-t-on pas l'un et n'éteint-on pas l'autre (Mt 12,20) ?

292 - Faut-il, dans une fraternité, un précepteur pour l'éducation des enfants qui viennent du monde ?

293 - Comment il faut se comporter avec ceux qui évitent les plus grands péchés, mais commettent les petits avec indifférence.

294 - Par suite de quoi on se laisse distraire de la pensée constante de Dieu ?

295 - A quels signes on se reconnaît distrait.

296 - Comment une âme obtient l'assurance qu'elle est purifiée de ses péchés.

297 - Comment il faut se détourner du péché.

298 - L'Écriture permet-elle à chacun de faire le bien comme il lui plaît ?

299 - Comment une âme obtient l'assurance quelle est exempte de vanité.

300 - Puisqu'il s'agit d'une chose invisible, comment s'opère la conversion ?

301 - Et si quelqu'un dit : ma conscience ne me reproche rien ?

302 - Doit-on prendre sur les biens de la communauté pour donner aux pauvres du dehors ?

303 - Faut-il, dans une fraternité, obéir à la voix de tous ?

304 - Faut-il accepter les présents offerts par des proches en faveur des membres de la fraternité.

305 - Faut-il recevoir quelque chose de l'extérieur soit à titre d'amitié, soit sous prétexte de parenté ?

306 - Comment se préserver de la dispersion de l'esprit.

307 - Convient-il que l'on dirige à tour de rôle la psalmodie ou la prière ?

308 - Doit-on, dans une fraternité, rendre don pour don ? et celui que l'on rend doit-il être équivalent à celui que l'on reçoit ?

309 - S'il arrive un accident intime et naturel à quelqu'un, doit-il oser s'approcher de la sainte communion ?

310 - Peut-on célébrer l'offrande eucharistique dans une maison ordinaire ?

311 - Peut-on visiter ceux qui le demandent ?

312 - Lorsque des laïcs viennent nous visiter, doit-on les inviter à la prière ?

313 - Faut-il continuer son travail lorsque nous viennent des visiteurs ?

 

 

 

 

 

LES PETITES RÈGLES

 

 

 

Qu. 1  : Est-il permis ou expédient de faire et de dire librement ce que l'on croit bien sans tenir compte des saintes Écritures ?

 

R. : Notre Seigneur Jésus Christ a déclaré au sujet du saint Esprit : "Il ne dira rien qui vienne de Lui, mais Il répétera ce qu'il aura entendu" (Jn 16,13), et à son propre sujet : "Le Fils ne peut rien faire de lui-même" (Jn 5,19). Il ajoute ailleurs : "Je n'ai point parlé de mon propre chef, mais mon Père en m'envoyant m'a prescrit lui-même ce que je devais dire et ce dont je devais parler, et je sais que son commandement est vie éternelle; Quand je parle, je parle donc comme mon Père me l'a ordonné" (Jn 12,49-50).

Qui, par suite, serait assez fou pour oser de lui-même ne fut-ce que concevoir une pensée ? Car l'homme a besoin d'être conduit avec bonté par l'Esprit-Saint pour se diriger sur le chemin de la vérité, qu'il s'agisse de pensées, de paroles ou d'actes. Il est un aveugle plongé dans l'obscurité s'il ne possède le soleil de justice, Notre Seigneur Jésus Christ, pour l'éclairer par ses commandements comme par des rayons lumineux : "Le précepte du Seigneur, est-il dit, éclaire et illumine nos yeux" (Ps 18,9).

Cependant, parmi les actions ou les paroles qui s'offrent à nous, les unes sont mentionnées dans les saintes Écritures, comme objet d'un ordre du Seigneur, les autres passées sous silence.

Pour ce qui s'y trouve, il n'est absolument permis à personne de le faire si c'est défendu, ni de s'en abstenir si c'est commandé, car le Seigneur l'a voulu une fois pour toutes et il a dit : "Tu observeras le commandement que je t'ai donné; tu n'y ajouteras rien et tu n'en retrancheras rien" (Deut 4,2). Celui qui aurait une telle audace, un jugement redoutable l'attend et un feu violent le dévorera" (Heb 10,27).

Pour ce qui ne s'y trouve pas expressément déterminé, l'Apôtre Paul nous donne une règle en disant : "Tout m'est permis, mais tout ne convient pas; tout m'est permis, mais tout n'édifie pas. Personne ne doit donc rechercher ce qui lui plaît, mais ce qui est expédient aux autres" (1 Cor 10,22-24).

Ainsi, il est de toute façon nécessaire de nous soumettre soit à Dieu suivant son commandement, soit aux autres à cause de son commandement. Il est écrit en effet : "...soumis les uns aux autres dans la crainte du Christ" (Eph 5,21); et le Seigneur a dit : "Celui qui veut être grand parmi vous doit être le dernier et le serviteur de tous" (Mc 9,34). Cela signifie évidemment : renoncer à ses volontés propres et imiter le Christ : "Je suis descendu du ciel, a-t-il dit, non pour faire ma volonté mais la volonté de mon Père qui m'a envoyé" (Jn 6,38).

 

 

 

Qu. 2  : Quel engagement doivent exiger les uns des autres ceux qui veulent vivre ensemble selon Dieu ?

 

R. : L'engagement requis par le Seigneur lui-même de quiconque vient à lui : "Si quelqu'un, dit-il, veut venir à moi, qu'il se renonce et prenne sa croix et me suive" (Mt 16,24). Le sens de chacun de ces termes, nous l'avons donné dans la question qui s'y rapporte.

 

 

Qu. 3  : Comment ramener le pécheur et, s'il refuse de se convertir, comment se comporter ?

 

R. : Comme l'a ordonné le Seigneur en disant : "Si ton frère commet une faute, va et, seul à seul, reproche-la lui; s'il t'écoute tu auras gagné ton frère; s'il ne t'écoute pas, prends encore avec toi une ou deux personnes afin que toute parole soit confirmée par l'autorité de deux ou trois témoins. S'il ne les écoute pas encore, dis-le à l'assemblée, et s'il n'écoute pas encore celle-ci, qu'il soit pour toi comme païen et publicain" (Mt 18,15-17).

Peut-être qu'en pareil cas "la censure infligée au coupable par la communauté suffira" (2 Cor 2,6) car saint Paul a dit : "Reprends, supplie, menace sans cesser de patienter et d'instruire" (1 Tim 4,2), et ensuite : "Si quelqu'un n'obéit pas à ce que nous prescrivons dans notre lettre, tenez-en compte et n'ayez plus commerce avec lui, afin qu'il rentre en lui-même" (2 Thess 3,14).

 

 

 

Qu. 4 : Si, pour des fautes mêmes les plus légères, on harcèle des frères en leur disant : "Il faut faire pénitence" ne manque-t-on pas soi-même de miséricorde et ne pèche-t-on pas contre la charité ?

 

R. : Pas un iota, pas un point ne tombera de la loi, a déclaré le Seigneur, avant que tout ne soit accompli (Mt 5,18) et, il l'a assuré, les hommes rendront compte, au jour du jugement, de toute parole oiseuse qu'ils auront prononcée (Mt 12,36). Il ne faut donc rien regarder comme n'ayant pas d'importance, car "celui qui méprise quelque chose en sera méprisé" (Pro 13,13).

Du reste quelle faute osera-t-on appeler légère, si l'Apôtre a dit qu'en violant la loi vous offensez Dieu ? (Rom 2,23)

Et si l'aiguillon de la mort est le péché, non tel ou tel péché, mais, évidemment, tout péché sans distinction, c'est en se taisant que l'on est cruel et non pas en faisant des reproches, comme on le serait en enfermant le venin d'une morsure dans la plaie plutôt qu'en l'en retirant. C'est ainsi également qu'on manquerait à la charité, car il est écrit : "Celui qui ménage le bâton hait son fils, et celui qui aime châtie au contraire avec soin" (Pro 13,24).

 

 

Qu. 5  : Comment doit-on se repentir de chaque faute et quels dignes fruits de pénitence doit-on produire ?

 

R. : Il faut entrer dans les dispositions de Celui qui a dit : "J'ai détesté l'iniquité et je l'ai prise en horreur" (Ps 118,163) et faire ce qui est indiqué dans le sixième psaume et en beaucoup d'autres; faire aussi ce que l'Apôtre rapporte des chrétiens affligés par la faute de l'un d'entre eux : "Voyez, dit-il, combien cette affliction selon Dieu a produit en vous de zèle, d'empressement à vous défendre, d'indignation, de crainte, de désir, d'ardeur à venger le crime, d'émulation ! Vous avez bien montré que vous êtes restés purs dans cette affaire" (2 Cor 7,11). Enfin, comme Zachée, il faut multiplier les actes de la vertu opposée.

 

 

Qu. 6  : Que dire du pécheur qui consent de bouche à faire pénitence, mais ne se corrige pas de sa faute ?

 

R. : Je lui applique alors cette sentence de l'Écriture : "Si ton ennemi t'appelle à grands cris ne te confies pas à lui, car son coeur est sept fois perverti" (Pro 26,25) et cette autre : "Comme le chien retourne à son vomissement et devient odieux, ainsi l'homme qui par sa propre malice retourne à son péché" (Pro 26,11).

 

 

Qu. 7  : Quel jugement porter contre ceux qui prennent la défense des coupables ?

 

R. : Un jugement plus sévère, me semble-t-il, que pour celui dont il est dit : "Il vaudrait mieux pour lui se voir attacher une meule de moulin au cou et être précipité dans la mer que de scandaliser un de ces petits" (Luc 17,2).

En effet, au lieu d'un avertissement salutaire, le pécheur reçoit dans cette défense un encouragement au crime et entraîne d'autres dans les mêmes errements.

Celui qui commet une telle faute doit donc montrer de véritables signes de pénitence, autrement il faudrait lui appliquer cette parole du Seigneur : "Si ton oeil doit te porter au mal arrache-le et jette-le loin de toi, car il est préférable pour toi de perdre un de tes membres que de brûler avec le corps tout entier dans la géhenne" (Mt 5,29).

 

 

Qu. 8  : Comment doit être accueilli celui qui se repent sincèrement ?

 

R. : Comme le maître l'a enseigné par ces mots : "Il rassemble ses amis et ses voisins et leur dit : "Réjouissez-vous avec moi, parce que j'ai retrouvé ma brebis perdue" (Lc 15,6)

 

 

Qu. 9 : Comment se conduire envers le pécheur impénitent ?

 

R. : Comme le Seigneur l'a prescrit en disant : "S'il n'écoute pas non plus l'assemblée qu'il soit pour vous comme un païen et un publicain" (Mt 18,17), et comme l'Apôtre le veut quand il écrit : "Évitez tout frère qui se conduirait d'une manière déréglée et non conforme à l'enseignement reçu de nous" (2 Thess 3,6).

 

 

Qu. 10  : Lorsqu'une âme s'est enlisée dans le péché, avec quelle crainte, quelles larmes, doit-elle s'arracher à ses fautes, avec quelle espérance, par contre, et quel sentiment se tourner vers Dieu ?

 

R. : Elle doit avant tout haïr son passé détestable et en prendre en horreur et dégoût jusqu'au souvenir, car il est écrit : "J'ai détesté le péché et je l'ai eu en abomination, tandis que j'ai aimé votre loi" (Ps 118,163).

Puis, afin de s'exciter à la crainte, elle doit songer à la menace du jugement et de la peine éternelle et reconnaître, dans l'occasion de pleurer, celle de faire pénitence, comme le dit David dans le sixième psaume, convaincu que c'est le Seigneur qui la purifiera de ses fautes par l'application de son sang, dans la grandeur de sa compassion et l'abondance de sa miséricorde, puisqu'il a dit : "Si vos péchés étaient comme l'écarlate, je les rendrais blancs comme neige, et s'ils étaient comme cochenille, je les blanchirais comme la laine" (Is 1,18).

Alors, ayant reçu la possibilité et la puissance de plaire à Dieu, elle peut dire : "Le soir régneront les pleurs, mais le matin la joie. Vous avez converti ma tristesse en félicité, vous avez déchiré mon sac et m'avez entouré d'allégresse, en sorte que dans la gloire je célèbre vos louanges" (Ps 29,6,12-13). Elle s'avance en adressant à Dieu ce chant : "Je vous exalterai, Seigneur, parce que vous m'avez accueillie et que vous n'avez pas laissé mes ennemis se réjouir de ma perte" (Ps 29,2).

 

 

Qu. 11 : Comment s'obtient la haine du péché ?

 

R. : Une conséquence désagréable et fâcheuse engendre toujours la haine pour la cause qui la produit. Si quelqu'un se pénètre donc du nombre et de l'importance des maux qui dérivent du péché, il en éprouvera spontanément une haine intime semblable à celle du psalmiste, qui dit : "J'ai détesté l'iniquité, et je l'ai prise en horreur" (Ps 118,163).

 

 

Qu.12 : Comment l'âme aura-t-elle la conviction que Dieu lui a pardonné ses fautes ?

 

R. : Lorsqu'elle se verra dans les sentiments de celui qui a dit : "J'ai détesté l'iniquité, et je l'ai prise en horreur" (Ps 118,163), car Dieu nous a, quant à lui, déjà pardonné d'avance lorsqu'il a envoyé son Fils unique pour nous délivrer de nos péchés.

Du reste, David a chanté la pitié et le jugement de Dieu, lui rendant ce témoignage qu'"Il est miséricordieux et juste" (Ps 100,1); il faut donc que s'accomplisse pour nous la parole des prophètes et des apôtres au sujet de la pénitence, en sorte qu'apparaisse vraiment la justice des jugements de Dieu et que se réalise sa miséricorde dans le pardon des péchés.

 

 

Qu. 13 : Celui qui pèche après son baptême doit-il désespérer de son salut dès que ses fautes sont nombreuses ? ou bien y a-t-il une limite dans le péché, jusqu'à laquelle on doit espérer dans la bonté de Dieu moyennant pénitence ?

 

R. : S'il y avait un terme à la multitude des miséricordes de Dieu et une mesure à l'étendue de sa pitié, il faudrait désespérer en comparant le nombre et l'étendue de nos fautes. Mais on peut bien, semble-t-il, mesurer et compter celles-ci, tandis qu'on ne peut déterminer ni limite à la pitié de Dieu ni borne à ses miséricordes. Il n'y a donc pas lieu de désespérer, mais plutôt de reconnaître la miséricorde et de détester le péché, dont le pardon, dit l'Écriture, se trouve dans le Sang du Christ.

Qu'il ne faille pas désespérer, cela nous est répété constamment et de mille manières. Cela ressort surtout de la parabole de notre Seigneur Jésus Christ au sujet de l'enfant prodigue. Celui-ci avait demandé son bien à son père et l'avait ensuite dépensé dans le péché, mais nous savons par les paroles du Seigneur, quelle joie intense provoqua son repentir (Lc 15,13 sq.).

Dieu l'a dit aussi par la bouche d'Isaïe : "Si vos péchés étaient comme l'écarlate je les rendrais blancs comme neige et s'ils étaient comme la cochenille, je les blanchirais comme la laine" (Is 1,18). Toutefois nous devons savoir que cela est vrai seulement lorsque, suivant l'Ancien et le Nouveau Testament, le repentir se manifeste réellement par la haine du péché et produit de dignes fruits, comme il est dit dans l'interrogation qui traite ce sujet (Voir Qu.5).

 

 

Qu. 14 : A quels fruits peut-on reconnaître la vraie pénitence ?

 

R. : La manière de faire pénitence, les dispositions de ceux qui se convertissent du péché et le zèle qui produit de dignes fruits de pénitence, tout cela est dit dans son lieu (Voir Qu.5).

 

 

Qu. 15 : Que signifie : "Aussi souvent que mon frère péchera contre moi, je lui pardonnerai" (Mt 18,21) et quels péchés est-il en mon pouvoir de pardonner ?

 

R. : Il n'est pas permis d'absoudre librement, mais seulement lorsque le pénitent obéit et se conforme à celui qui a le soin de son âme, car il est écrit à ce sujet : "Si deux d'entre vous sont d'accord pour demander quoi que ce soit, mon Père qui est dans les cieux le leur accordera" (Mt 18,19).

Quels péchés pardonner ? Il n'y a pas à le demander, le Nouveau Testament n'a pas établi de distinction à ce sujet mais il a promis le pardon de tout péché à qui fait convenablement pénitence, et le Seigneur surtout, en personne, a parlé de "quoi que ce soit".

 

 

Qu. 16 : Pourquoi la componction envahit-elle parfois l'âme presque spontanément comme une peine et sans que celle-ci l'ait cherchée, tandis que, parfois, elle est tellement insensible, que malgré ses efforts elle ne parvient pas à s'attrister ?

 

R. : Une telle componction est un don de Dieu : ou bien elle stimule la volonté, car l'âme ayant goûté la douceur d'une telle tristesse s'empresse de la nourrir; ou bien elle montre que l'âme, si elle avait un peu plus de zèle, pourrait être toujours dans cet état, rendant inexcusables ceux qui l'écartent par leur négligence.

Quant à essayer de l'atteindre sans y parvenir, cela prouve aussi notre négligence en d'autres temps, car sans application ni exercice constant et répété, il est impossible d'atteindre immédiatement ce que l'on cherche. En même temps, c'est un signe que notre âme est dominée par d'autres passions et, à cause d'elles, n'est plus libre de se tourner vers ce qu'elle désire, selon la parole de l'Apôtre constatant : "Pour moi je suis charnel et vendu au péché, car je ne fais pas ce que je veux et je fais ce que je ne veux pas" (Rom 7,14-15), et cette autre : "Ce n'est plus moi qui agis mais la péché qui habite en moi" (Rom 7,17).

Dieu permet aussi pour notre bien qu'il en soit ainsi. A travers ce qu'elle éprouve malgré elle, Il veut que l'âme aperçoive ce qui la domine, et, après avoir découvert en quoi elle est asservie contre son gré au péché, elle s'arrache aux filets du démon et trouve toute prête la miséricorde avec laquelle Il accueille ceux qui se convertissent sincèrement.

 

Qu. 17 : Quelqu'un pense à manger, puis se reprend lui-même, est-il condamnable pour la pensée qu'il a eue ?

 

R. : Si, en dehors de l'heure, on pense à la faim sans l'éprouver physiquement, on met en évidence l'égarement de l'âme en trahissant son attachement aux choses présentes et son indolence vis-à-vis de celles qui plaisent à Dieu.

Cependant, même ainsi, la miséricorde de Dieu est toute prête. En effet, si on se reprend soi-même, on est libéré de sa faute par la vertu du repentir, pourvu qu'on se garde de tomber dans la suite, en se souvenant des paroles du Seigneur : "Voilà, tu es guéri, ne pèche plus, de peur qu'il ne t'arrive pire" (Jn 5,14).

Par contre, si, la nature s'imposant, et la faim devenant impérieuse, ce sont les sens qui excitent la mémoire, tandis que l'esprit domine par son zèle à s'occuper de choses élevées, on mérite, non pas d'être condamné pour le souvenir provoqué, mais d'être loué pour la victoire obtenue.

 

Qu. 18 : Faut-il confier une charge, dans la communauté, à un frère qui a péché, mais s'est ensuite beaucoup appliqué au bien ? Si oui, quelle charge lui donner ?

 

R. : L'Apôtre a dit : "Ne donnons occasion de scandale ni aux Juifs, ni aux Gentils, ni à l'Église de Dieu, comme je m'efforce moi-même de plaire à tous en toute chose, en cherchant non ce qui m'est avantageux, mais ce qui est utile à beaucoup d'autres pour leur salut" (1 Cor 10,32-33).

Souvenons-nous de ces paroles et soyons très attentifs à ne mettre aucun obstacle à l'Évangile du Christ, à ne point scandaliser les faibles et à ne mal édifier personne.

Ici aussi, par conséquent, on doit bien considérer et examiner ce qui est utile à l'édification de la foi et au progrès dans la vertu.

 

Qu. 19 : Si quelqu'un vient à être soupçonné sans que sa faute soit cependant évidente, doit-on l'épier pour découvrir ce que l'on soupçonne ?

 

R. : Les soupçons méchants, lâchement et délibérément conçus, l'Apôtre les condamne (1 Tim 6,4). Toutefois celui qui est chargé de veiller sur la communauté doit observer tous les frères en esprit de charité chrétienne, et dans le désir de guérir celui qui est soupçonné, en sorte que soit réalisée cette parole : "Afin que nous rendions tout homme parfait dans le Christ" (Col 1,28).

 

 

Qu. 20 : Lorsqu'on s'est adonné manifestement au péché dans le passé, doit-on fuir la compagnie des hérétiques et s'éloigner des pécheurs ?

 

R. : L'Apôtre a dit : "Écartez-vous de ceux d'entre vos frères qui se conduisent d'une manière déréglée, et non selon la tradition qu'ils ont reçue de nous" (2 Thess 3,6). Aussi, pour n'importe qui, toute relation par la pensée, la parole ou l'action avec n'importe quoi de défendu est-elle généralement dangereuse et nuisible.

Ceux qui ont vécu dans le péché doivent encore être plus vigilants sur ce point, car l'habitude acquise rend ordinairement plus enclin au mal. Du reste, comme il faut traiter les malades avec plus de prudence de façon à écarter d'eux, souvent, même ce qui est bon pour des gens bien portants, ainsi faut-il pour les malades spirituels, beaucoup plus d'attentions et de précautions. Le tord que peut faire, en effet, la compagnie des pécheurs, l'Apôtre le déclare en disant à ce propos : "Un peu de levain fait fermenter toute la masse" (1 Cor 5,6).

Or, s'il en est ainsi pour ceux dont la conduite est coupable, que dire de ceux dont la pensée sur Dieu est fausse, et à qui l'erreur ne permet pas d'être sains sous les autres aspects, car à cause d'elle ils sont une fois pour toute livrés aux passions honteuses. De cela nous trouvons la preuve dans de nombreux passages de l'Écriture et spécialement dans ces paroles de l'Épître aux Romains au sujet de quelques hérétiques : "...Ils n'ont pas voulu reconnaître Dieu et Dieu les a livrés à leurs sens dépravés, en sorte qu'ils ont commis des actions indignes. Remplis de toutes espèces d'injustices, de méchanceté, de fornication, d'avarice, de malignité, ils ont été envieux, meurtriers, querelleurs, trompeurs, pleins de perversités, semeurs de faux rapports, calomniateurs et contempteurs de Dieu, arrogants, superbes, altiers, inventeurs de procédés coupables, désobéissants à leurs parents, sans prudence, sans fidélité, sans affection, sans foi, sans miséricorde. Après avoir connu la justice de Dieu, ils n'ont pas compris cependant que ceux qui font tout cela sont dignes de mort, et non seulement ils le font, mais encore ils approuvent ceux qui le font" (Rom 1,28-32).

 

Qu. 21 : D'où viennent les rêveries et les pensées vaines ? Comment y remédier ?

 

R. : La rêverie naît de la paresse de l'esprit qui néglige de s'occuper utilement; or, l'esprit cède à l'inaction et à l'inattention lorsqu'on manque de foi en la présence de Dieu, scrutateur des reins et des coeurs. Si l'on vivait, en effet, dans cette conviction, on réaliserait pleinement cette parole : "Je voyais toujours le Seigneur devant moi, car il se tient à ma droite pour que je ne sois pas ébranlé" (Ps 15,8).

En se conformant à cette règle et à d'autres semblables, on n'aura jamais ni l'audace ni le temps de se livrer à des pensées inutiles, même si elles sont bonnes, et encore moins à celles qui sont défendues et déplaisent à Dieu.

 

Qu. 22 : D'où viennent les rêves inconvenants de la nuit ?

 

R. : Ils proviennent des mouvements désordonnés qui naissent en l'âme durant le jour, mais l'âme toute occupée des jugements divins en est innocente, et si elle médite continuellement des pensées vertueuses et agréables à Dieu, elle aura malgré tout de ces rêves.

 

Qu. 23 : Quand se rend-on coupable de parler inutilement ?

 

R. : En somme, est inutile toute parole qui ne se rapporte pas à un sujet traité dans le Seigneur.

Le danger d'une telle parole est d'autant plus grand que même si elle est bonne, si elle n'est pas orientée à la consolidation de la foi, sa valeur intrinsèque ne la rend pas inoffensive pour celui qui la prononce, mais par suite de cette circonstance qu'elle n'édifie pas, celui-ci contriste l'Esprit saint de Dieu.

L'Apôtre l'a enseigné clairement lorsqu'il a dit : "Nul mauvais discours ne doit sortir de votre bouche, n'en prononcez que de bons, propres à l'édification de la foi, et bienfaisants pour ceux qui écoutent" (Eph 4,29), ajoutant : "Ne contristez pas l'Esprit saint de Dieu dont vous avez été marqués comme d'un sceau" (Eph 4,30).

Est-il nécessaire de dire la grandeur du mal qu'il y a à contrister l'Esprit de Dieu ?

 

Qu. 24 : Qu'est-ce qu'une insulte ?

 

R. : Toute parole dite avec l'intention de nuire à l'honneur de quelqu'un est une insulte, même si celle parole ne semble pas injurieuse en soi. Cela ressort de l'Évangile qui rapporte que "les juifs l'insultèrent et lui dirent : Toi aussi tu es son disciple" (Jn 9,28).

 

Qu. 25 : Qu'est-ce que la médisance ?

 

R. : Il y a deux circonstances, me semble-t-il, dans lesquelles on peut dire du mal de quelqu'un : lorsqu'il faut conférer avec d'autres, qualifiés pour cela, sur le moyen de corriger le coupable; ensuite, lorsqu'il faut prévenir certains qui pourraient parfois, par ignorance, fréquenter un compagnon mauvais qu'ils croiraient bon, car l'Apôtre a défendu de se mêler à des gens de cette espèce, de peur d'y trouver des pièges pour l'âme (2 Thess 3,14).

Telle fut la leçon d'agir de l'Apôtre lui-même, nous le voyons d'après sa lettre à Timothée : "Alexandre, le fondeur, écrit-il, nous a fait beaucoup de tort, évite-le, parce qu'il a fortement combattu" (2 Tim 4,14-15).

En dehors des nécessités de ce genre, quiconque parle mal d'un autre pour l'accuser ou le dénigrer, est un médisant, même s'il dit la vérité.

 

Qu. 26 : Quel châtiment mérite celui qui médit de son frère ou supporte qu'on médise en sa présence ?

 

R. : Tous deux méritent l'excommunication : "car j'ai poursuivi celui qui se fait en secret le détracteur de son prochain" (Ps 100,5) et il est dit ailleurs : "N'écoute pas volontiers le détracteur, de peur d'encourir la mort" (Pro 20,13).

 

Qu. 27 : Et celui qui médit du supérieur, comment le traiter ?

 

R. : Ici la condamnation ressort de la colère que Dieu manifesta envers Marie coupable d'avoir médit de Moïse. Il ne voulut pas laisser sa faute impunie, malgré la prière de Moïse lui-même (Nom 12,10).

 

Qu. 28 : Quelqu'un a répondu à un autre insolemment et en termes impertinents; on le lui fait remarquer, et il dit n'avoir rien de méchant dans le coeur. Faut-il le croire ?

 

R. : Les maladies de l'âme, comme celles du corps, ne sont pas toutes apparentes, même pour celui qui en est atteint.

Pour le corps, en effet, ceux qui s'y entendent, savent distinguer les signes de maladies secrètes dont les patients eux-mêmes ne s'aperçoivent pas. Il en est ainsi pour l'âme : même si le pécheur ne se rend pas compte de sa propre maladie il faut cependant en croire le Seigneur; or celui-ci l'avertit, lui et ceux qui sont avec lui, que le méchant tire le mal du trésor mauvais de son coeur.

Le méchant, il est vrai, peut souvent feindre en parlant ou en agissant correctement, mais il est impossible aux bons de se déguiser en méchants, car "nous avons soin, dit l'Apôtre, de faire le bien non seulement devant Dieu, mais aussi devant les hommes" (Rom 12,17).

 

Qu. 29 : Comment éviter la colère ?

 

R. : En croyant toujours que Dieu voit tout, et que le Seigneur présent partout nous regarde. Quel sujet obéissant osera jamais, en effet, faire en la présence de son maître ce qu'il sait ne pas lui plaire ?

Ensuite en croyant les autres supérieurs à soi et en se tenant ainsi toujours prêt à leur obéir, sans chercher à être obéi par eux. Car si on veut soumettre les autres à son propre intérêt, il faut savoir que l'Évangile enseigne que chacun doit au contraire servir les autres, et si on prétend venger l'insoumission au commandement du Seigneur, point n'est besoin de la colère, mais de la miséricorde et de la compassion : "Qui est faible, est-il dit, sans que je le sois aussi ?" (2 Cor 12,29)

 

Qu. 30 : Comment réprimer les mouvements de la passion mauvaise ?

 

R. : Par un amour ardent des commandements de Dieu, tel que paraît l'avoir possédé celui qui a dit : "Les décisions de Dieu sont vérité et, en plus, elles sont justes; elles sont plus désirables que l'or et la pierre très précieuse, plus douces que le miel et qu'un rayon de miel" (Ps 18,10-11).

Toujours, en effet, tous les saints l'ont prouvé, le désir de biens meilleurs que l'on a la possibilité et la puissance d'atteindre, fait mépriser et rejeter les biens inférieurs : à combien plus forte raison ce qui est méprisable et honteux.

 

Qu. 31 : N'est-il absolument pas permis de rire ?

 

R. : Le Seigneur a condamné ceux qui rient en cette vie (Lc 6,25). Il est donc évident qu'il n'y a jamais pour le chrétien de circonstance où il puisse rire, surtout au milieu de tant d'autres qui offense Dieu en transgressant sa loi (Rom 2,23) et sont livrés à la mort dans le péché, ce pourquoi il faudrait bien plutôt craindre et gémir sur eux.

 

Qu. 32 : D'où vient le besoin intempestif et exagéré de dormir, et comment y obvier ?

 

R. : Un tel sommeil provient de la paresse de l'âme à s'occuper des choses de Dieu, et de notre indifférence pour les jugements divins. Nous y remédions en pensant vraiment et sérieusement à la majesté divine, et en cherchant l'accomplissement des volontés de Dieu : "Je n'accorderai pas le sommeil à mes yeux, ni l'assoupissement à mes paupières, ni le repos à mes tempes, que je n'aie d'abord trouvé un lieu pour le Seigneur et un temple pour le Dieu de Jacob" (Ps 131,4-5).

 

Qu. 33 : Comment se trahit celui qui veut plaire aux hommes ?

 

R. : Par l'empressement envers ceux dont il reçoit des louanges et la mauvaise volonté à l'égard de ceux par qui il est critiqué. Si on veut, en effet, plaire à Dieu, on sera partout et toujours le même, suivant ces paroles : "...Par les armes de la justice à droite et à gauche, dans l'honneur et le déshonneur, dans la bonne et la mauvaise réputation, considérés comme imposteurs et cependant sincères" (2 Cor 6,7-8).

 

Qu. 34 : Comment éviter le vice du respect humain qui fait prendre en considération les louanges des hommes ?

 

R. : Par le sentiment de la présence de Dieu, le désir persévérant de lui plaire, et un désir fervent des béatitudes promises par le Seigneur, car aucun serviteur ne songera à plaire à son compagnon en présence du maître, au mépris de celui-ci et au risque d'être condamné par lui.

 

Qu. 35 : Comment se manifeste l'orgueilleux et par quel moyen le guérit-on ?

 

R. : L'orgueilleux se manifeste par la recherche de la prééminence; il se guérit par la foi en celui qui a dit : "Le Seigneur résiste aux superbes et donne sa grâce aux humbles" (Jac 4,6).

Il faut pourtant bien savoir ceci : de quelque manière que l'on craigne la sentence encourue par l'orgueil, on ne peut cependant se libérer de cette passion qu'en s'abstenant de tout exercice de supériorité, comme on ne désapprend une langue ou un art qu'en cessant tout à fait non seulement de pratiquer ou de parler soi-même, mais aussi d'entendre parler et de voir pratiquer d'autres. C'est là du reste ce qu'il faut faire pour n'importe quel vice.

 

 

Qu. 36 : Faut-il rechercher la considération ?

 

R. : Nous avons appris qu'il faut rendre honneur à qui l'honneur est dû (Rom 13,7), mais le Seigneur nous défend de le rechercher : "Comment pouvez-vous croire, dit-il, vous qui rechercher la gloire, que vous vous donnez les uns aux autres, et ne cherchez point la gloire qui vient à Dieu seul ?" (Jn 5,44)

Désirer l'estime des hommes est donc l'indice d'un manque de foi et d'un manque de piété, car l'Apôtre a dit : "Si je plaisais encore aux hommes, je ne serais pas serviteur du Christ" (Gal 1,10).

Si on encourt un tel jugement en acceptant seulement la gloire humaine, on méritera une horrible condamnation en la recherchant quand elle n'est pas offerte.

 

Qu. 37 : Lorsqu'on est lent à exécuter un ordre, comment peut-on recouvrer son zèle ?

 

R. : En pensant sérieusement à la présence de Dieu qui voit tout, à la menace proférée contre les négligents, à l'espoir d'une grande récompense promise par le Seigneur dans ces paroles de l'Apôtre disant que chacun sera rémunéré selon son travail (1 Cor 3,8), et enfin à tout ce qui a été écrit de semblable pour exciter, en chacun, le zèle et la patience dans le but de glorifier Dieu.

 

Qu. 38 : Si un frère résiste d'abord à un ordre donné, mais ensuite va spontanément l'exécuter ?

 

R. : Par sa résistance il est rebelle, et porte les autres à l'imiter, il se jugera donc sous le coup de cette condamnation : "Le méchant provoque les rébellions, mais le Seigneur lui enverra un ange impitoyable" (Pro 17,11).

Il doit pourtant bien se convaincre qu'il résiste ou obéit non pas à un homme, mais au Seigneur, car celui-ci a dit : "Qui vous écoute m'écoute, et qui vous méprise me méprise" (Lc 10,16).

S'il se repent, il s'excusera d'abord avec contrition et, si on le lui permet encore, il accomplira son travail.

 

Qu. 39 : Si quelqu'un murmure en obéissant ?

 

R. : L'Apôtre ayant dit : "Faites tout sans murmure ni discussion" (Phil.2,14), on tient à l'écart de la communauté celui qui murmure et on retire de l'usage commun le produit de son travail. Il est clair qu'un tel frère souffre de manque de foi et d'incertitude dans l'espérance.

 

Qu. 40 : Si un frère en attriste un autre, comment faut-il qu'il se corrige ?

 

R. : S'il l'a contristé dans le sens dont parle l'Apôtre : "Vous avez été attristés selon Dieu, ainsi la peine que je vous ai causée ne vous a nullement été désavantageuse" (2 Cor 7,9), ce n'est pas à celui qui a causé cette peine à s'amender, mais à celui qui l'éprouve à montrer qu'elles sont précisément les propriétés de la tristesse selon Dieu.

Mais s'il l'a contristé pour des choses indifférentes, qu'il se souvienne des paroles de l'Apôtre : "Si tu attristes ton frère pour une question de nourriture, tu ne te conduis pas selon la charité" (Rom 14,15). Reconnaissant ainsi sa faute, qu'il obéisse à l'avertissement du Seigneur : "Si tu portes ton offrande à l'autel et, là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande devant l'autel et va, d'abord, te réconcilier avec ton frère, puis viens et présente ton offrande" (Mt 5,23,24).

 

Qu. 41 : Si le coupable ne consent pas à s'excuser pour la peine qu'il a causée ?

 

R. : Il convient de lui appliquer le traitement prescrit par le Seigneur à l'égard du pécheur impénitent : "S'il n'écoute pas l'assemblée, qu'il soit pour vous comme un païen et un publicain" (Mt 18,17).

 

Qu. 42 : Si l'offensé n'accepte pas les excuses et ne veut pas se réconcilier ?

 

R. : Il est évident que le Seigneur l'a jugé dans sa parabole du serviteur qui ne voulut pas patienter malgré les prières de son compagnon. Les autres serviteurs rapportèrent le fait au maître et celui-ci, irrité, lui retira sa bienveillance et le livra à la torture jusqu'à ce qu'il eut payé sa dette (Mt 18,31,34).

 

Qu. 43 : Comment faut-il obéir au frère qui réveille pour la prière ?

 

R. : Le sommeil réduit l'âme à n'avoir plus conscience d'elle-même; celui qui le comprend et se rend compte de l'avantage assuré à la veille, et de l'honneur extrême d'approcher Dieu pour la prière, celui-là obéira au frère chargé de le réveiller pour prier ou pour remplir toute autre prescription, comme à un bienfaiteur dont il recevrait beaucoup et même au-delà de tout désir.

 

Qu. 44 : Que mérite le frère qui s'attriste et s'irrite même d'avoir été réveillé ?

 

R. : Il mérite d'être séparer des autres, sans nourriture, jusqu'à ce qu'il puisse peut-être se repentir à la pensée des si grands et si nombreux avantages dont il se prive inconsciemment et, ainsi se convertisse, heureux d'une telle faveur, avec celui qui a dit : "Je me suis souvenu du Seigneur et me suis réjoui" (Ps 76,4).

S'il persiste au contraire dans son inconscience, qu'il soit retranché comme un membre gâté et corrompu, car il est écrit : " Il vaut mieux qu'un de tes membres périsse, afin que tout le corps ne soit jeté dans la géhenne" (Mt 5,30).

 

Qu. 45 : Est-on excusable lorsque, pour négliger de s'instruire des volontés divines, on fait état de ces paroles du Seigneur : "Le serviteur qui aura connu la volonté de son maître et ne l'accomplira,, ni ne se mettra en mesure de l'accomplir, sera roué de coups, mais celui qui, sans l'avoir connue se conduira de façon à être frappé ne le sera cependant que légèrement" (Lc 12,47-48) ?

 

R. : Il est clair que c'est là de l'ignorance feinte et qu'on ne peut échapper ainsi à la condamnation réservée au péché : "Si je n'étais pas venu, dit le Seigneur, et si je n'avais pas parlé, ils ne seraient pas coupables, mais ils n'ont désormais plus d'excuse à leur péché" (Jn 15,22), car les saintes Écritures ont proclamé partout la volonté de Dieu. On sera par la suite, dans ce cas, non pas jugé légèrement avec les ignorants, mais condamné plus durement avec ceux dont il est écrit : "...semblables à l'aspic qui se rend sourd et se bouche les oreilles, qui n'écoute pas la voix de l'enchanteur et reste insensible aux charmes savants du magicien" (Ps 57,5-6).

Toutefois, celui qui est chargé d'annoncer la parole de Dieu sera puni comme homicide s'il néglige de le faire. (Ez 33,8)

 

Qu. 46 : Celui qui supporte qu'autrui commette le péché, est-il responsable du péché ?

 

R. : L'arrêt est ici contenu dans les paroles du Seigneur à Pilate : "Celui qui m'a livré à toi est plus coupable que toi" (Jn 19,11). Il est clair par-là que Pilate, en supportant ceux qui avaient livré le Seigneur, est coupable aussi, bien que dans une moindre mesure.

C'est ce que démontre Adam, écoutant Eve, et Eve écoutant le démon : ni l'un ni l'autre ne furent reconnus innocents et absous. La colère de Dieu à leur égard le prouve précisément, car Adam ayant dit pour se défendre : "La femme que vous m'avez donnée m'a apporté et j'ai mangé" (Gen 3,12), le Seigneur répondit : "Parce que tu as écouté la voix de ta femme et que tu as mangé du fruit du seul arbre dont je t'avais défendu de manger, la terre sera maudite dans tes oeuvres... et la suite" (Gen.3,17).

 

Qu. 47 : Faut-il garder le silence vis-à-vis des pécheurs ?

 

R. : Non, c'est ce qui ressort clairement des préceptes du Seigneur qui a dit dans l'Ancien Testament : "Tu corrigeras ton frère et tu ne pécheras pas à cause de lui" (Lév 19,17); et dans l'Évangile : "Si ton frère pèche contre toi, va, reprends-le entre lui et toi et, s'il t'écoute, tu auras sauvé ton frère; s'il ne t'écoute pas, prends avec toi un ou deux autres, afin que ta parole ait plus de valeur confirmée par deux ou trois témoins. S'il ne t'écoute pas, dis-le à l'assemblée et s'il n'écoute pas non plus l'assemblée, qu'il soit pour toi comme un païen et un publicain" (Mt 18,15-17).

La condamnation portée contre ce silence coupable est terrible; qu'on en juge par cette sentence générale énoncée par le Seigneur : "Celui qui n'obéit pas au Fils ne verra pas la vie, la colère du Seigneur pèse sur lui" (Jn 3,36), ou encore par les faits rapportés dans l'Ancien et le Nouveau Testament. En effet, lorsque Achar déroba le lingot d'or et le manteau, la colère de Dieu s'appesantit sur le peuple tout entier, bien qu'il ignorât et la faute et son auteur, persistant jusqu'à ce qu'on eut découvert celui-ci et qu'on lui eut fait subir avec tous ses biens cette épouvantable destruction (Jos 7,21-26).

Héli, lui, n'avait pas gardé le silence devant ses enfants, véritables fils de pestilence; il les avait même souvent repris et leur avait dit : "Non, mes enfants, ce que j'entends dire de vous n'est pas bien" (1 Sam 2,24); il leur avait souvent montré qu'ils avaient tort de commettre le mal et n'échapperaient pas au châtiment; cependant, parce qu'il ne les corrigea pas complètement et ne montra pas à leur égard toute l'énergie nécessaire, il excita tellement la colère de Dieu, que tout le peuple périt avec ses fils, que l'arche fut prise, et que lui-même finit en outre misérablement.

Si une telle colère s'allume contre ceux qui ignorent la faute et contre ceux mêmes qui l'ont réprouvée et ont protesté contre elle, que dire de ceux qui la connaissent et se taisent. Si leur conduite ne rappelle pas ce que l'Apôtre disait aux Corinthiens : "Pourquoi n'avez-vous pas été plus attristés, de façon à exclure d'entre vous celui qui a commis cette faute ?" (1 Cor 5,2) et ce que lui-même atteste d'eux ensuite : "Voilà combien le fait d'avoir été attristés selon Dieu a suscité en vous de zèle, d'ardeur à vous justifier, d'indignation, de crainte, de désir, d'émulation, d'énergie à venger le crime. Vous avez montré par toute votre conduite que vous étiez purs en cette affaire" (2 Cor 7,11), ils risquent tous de subir avec le coupable la même mort ou une mort plus terrible encore, d'autant qu'on est plus coupable de mépriser le Seigneur que d'enfreindre la loi de Moïse (Héb 10,29), et que l'on a osé commettre à nouveau une faute déjà commise et déjà condamnée, car : "S'il a été tiré sept fois vengeance de Caïn, il a été tiré soixante-dix fois sept fois vengeance de Lamech" (Gen 4,24) pour le même crime.

 

Qu. 48 : Par quels traits définir la cupidité ?

 

R. : C'est lorsqu'on transgresse la limite normale, c'est-à-dire, selon l'Ancien Testament, lorsqu'on pense plus à soi qu'au prochain, puisqu'il est écrit : "Tu aimeras ton prochain comme toi-même" (Lév 19,18); et, selon l'Évangile, lorsqu'on s'empresse de se pourvoir pour au-delà du jour présent, tel celui qui s'est entendu dire : "Fou, cette nuit même ton âme te sera redemandée, et ce que tu as préparé, à quoi servira-t-il ?" (Lc 12,20), et on ajoute d'une manière très générale : "Il en est ainsi de qui amasse pour lui et n'est pas riche selon Dieu" (Lc 12,21).

 

Qu. 49 : Qu'est-ce qu'être frivole ?

 

R. : Tout ce que l'on prend sur soi, non par nécessité, mais pour l'ornement, porte la marque de la frivolité.

 

Qu. 50 : Quelqu'un rejette bien ce qu'il y a de trop précieux pour se vêtir mais il exige, même en s'habillant modestement, qu'un manteau ou des chaussures soient à son goût. Pèche-t-il ou cède-t-il à un vice ?

 

R. : Celui qui veut se vêtir à son goût pour plaire aux hommes est évidemment atteint du mal du désir de plaire, il s'éloigne de Dieu et cède au vice de la frivolité même dans la pauvreté.

 

Qu. 51 : Qu'est-ce que Racca ?

 

R. : C'est dans la langue du pays, une injure très modérée qu'on lance aux familiers les plus intimes. (Mt 5,22)

 

Qu. 52 : L'Apôtre ayant dit : "Ne cherchons pas la vaine gloire" (Gal 5,26) et, ailleurs, " Ne soyons pas serviteurs à l'oeil comme si nous voulions plaire aux hommes" (Eph 6,6), qu'est-ce que la vanité et le respect humain ?

 

R. : Je pense que le vaniteux est celui qui, dans ses actes et dans ses paroles recherche de la part de ceux qui le regardent ou l'écoutent, la simple gloire mondaine; et au sujet du respect humain celui qui, cédant à l'influence d'autrui, commet pour lui plaire une action même indigne.

 

Qu. 53 : Qu'est-ce que la souillure corporelle et la souillure spirituelle ? Comment nous en garder purs ? Qu'est-ce que la sanctification ? Comment l'obtenir ?

 

R. : La souillure corporelle se contracte en se mêlant à ceux qui font le mal; la souillure spirituelle en restant indifférent devant ceux qui le méditent ou l'accomplissent. On l'évite en se résignant à ce que dit l'Apôtre : " Ne mangez même pas avec un tel" (1 Cor 5,11) et d'autres choses semblables; en souffrant ce que dit David : "J'ai été pris d'horreur à cause des pécheurs qui abandonnent votre loi" (Ps 118,53), et encore en éprouvant le chagrin des Corinthiens lorsqu'ils furent repris pour avoir supporté le pécheur sans discernement et se montrèrent cependant purs en cette affaires (2 Cor 7,11).

La sanctification est l'appartenance intégrale et indéfectible au Dieu saint à travers le zèle et le souci de lui plaire, car ce qui est mutilé ne peut être mis parmi les saints dons et ce qui a été offert une fois à Dieu ne peut plus servir communément aux hommes, ce serait impie et intolérable.

 

Qu. 54 : Qu'est-ce que l'égoïsme et comment l'égoïste se reconnaît-il lui-même ?

 

R. : Beaucoup de vérités sont énoncées sous forme peu commune, telle celle-ci : "Celui qui aime son âme la perdra et celui qui hait son âme en ce monde la garde pour la vie éternelle" (Jn 12,25).

L'égoïste est donc apparemment, celui qui s'aime.

Il se reconnaît lui-même lorsqu'il agit par intérêt fut-ce en accomplissant un commandement; car pour ce qui est de mettre sa tranquillité au-dessus de l'intérêt matériel et spirituel d'un frère, même les autres peuvent y reconnaître le mal de l'égoïsme qui aboutit à la perdition.

 

Qu. 55 : Quelle différence y a-t-il entre l'aigreur, la fureur, la colère et l'exaspération ?

 

R. : La fureur et la colère diffèrent peut-être comme la disposition et l'impulsion, celui qui est en colère se trouvant seulement dans un état, comme le montre le psalmiste par ces mots : "Éprouvez la colère, mais ne péchez point" (Ps 4,5), tandis que "la fureur, est-il dit, ressemble au serpent" (Ps 57,5) et encore : "Hérode combattait avec fureur les Syriens et les Sidoniens" (Ac 12,20).

Le mouvement extrême de la fureur s'appelle exaspération; pour l'aigreur, elle se présente comme une très funeste installation du mal.

 

Qu. 56 : Le Seigneur a déclaré : "Celui qui s'élève sera humilié" (Lc 18,44), et l'Apôtre a prescrit de "se garder de l'orgueil" (Rom 11,20), il parle ailleurs de ceux qui sont prétentieux, arrogants, aveuglés par l'orgueil (2 Tim 3,2), et dit encore : "La charité ne se gonfle pas" (1 Cor 13,4).

Qu'est-ce donc qu'être orgueilleux, prétentieux, arrogant, aveuglé, gonflé ?

 

R. : L'orgueilleux est celui qui s'élève, se glorifie de ses bonnes oeuvres, s'exalte lui-même comme ce pharisien (Lc 18,11) et ne s'abaisse pas jusqu'aux humbles. C'est également, selon le reproche fait aux Corinthiens, la définition de celui qui se gonfle (1 Cor 5,2).

Le prétentieux ne se conforme pas à ce qui est établi et ne consent ni à penser ni à agir selon la règle qui lui est imposée (Phil 3,16); il s'oriente à son gré sur des voies de justice et de sainteté qu'il invente.

L'arrogant fait étalage de ce qu'il a et s'efforce de paraître plus qu'il n'est en réalité, et celui qui est aveuglé par l'orgueil lui ressemble ou peu s'en faut, car l'Apôtre a dit : "Il est aveuglé, ne connaît rien" (1 Tim 6,4).

 

Qu. 57 : Si quelqu'un montre un défaut incorrigible et s'offense des reproches fréquents qu'on lui fait, vaut-il mieux pour lui le congédier ?

 

R. : La réponse a déjà été donnée : il faut s'appliquer avec patience à convertir le pécheur comme le Seigneur nous l'a montré. Toutefois si les reproches ou les blâmes de ses confrères ne suffisent pas, ainsi qu'il en advint pour ce Corinthien que l'on sait, il faut le regarder comme un païen, car il n'est sûr pour personne de retenir celui que le Seigneur a condamné. Aussi bien le Seigneur a dit qu'il vaut mieux entrer dans le Royaume des Cieux privé d'une main, d'un pied ou d'une jambe, plutôt que d'épargner un de ses membres et d'être ensuite précipité tout entier dans la géhenne, où sont les pleurs et les grincements de dents (Mt 5,29-30), et l'Apôtre assure qu'un peu de levain fait fermenter toute la pâte (Gal. 5,9).

 

Qu. 58 : Celui qui ment expressément sera-t-il seul jugé, ou bien celui qui profère par erreur une affirmation complètement fausse le sera-t-il également ?

 

R. : La parole du Seigneur s'applique manifestement aussi à quiconque pèche par inadvertance, car il dit : "Celui qui mérite un châtiment sans le savoir sera puni légèrement" (Lc 12,48). Du reste un repentir convenable donne le ferme espoir du pardon.

 

Qu. 59 : Quelqu'un pense seulement à faire quelque chose, mais n'agit point : sera-t-il, lui aussi, jugé comme menteur ?

 

R. : Si l'action qu'il a eu l'intention de faire été commandée, il sera jugé non seulement pour s'être démenti, mais aussi pour avoir désobéi, car Dieu sonde les reins et les coeurs (Ps 7,10).

 

Qu. 60 : Si, présomptueusement, quelqu'un décide de faire une chose qui déplaît à Dieu, ne doit-il pas se désister de son mauvais dessein, plutôt que de continuer dans la faute par crainte de se démentir ?

 

R. : L'Apôtre a dit : "Nous ne pouvons concevoir quelque chose de nous-mêmes et comme par nous-mêmes" (2 Cor 3,5); le Seigneur lui-même avoue : "Je ne puis rien faire de moi-même" (Jn 5,19), et "Ce que je vous dis, je ne vous le dis pas de moi-même" (Jn 14,10) et encore : "Je ne suis pas venu pour faire ma volonté, mais la volonté de mon Père qui m'a envoyé" (Jn 6,38).

Ce présomptueux doit donc venir à résipiscence, tout d'abord parce qu'il ose décider quoi que ce soit de lui-même alors qu'il ne faut même pas faire le bien par volonté propre, ensuite et à plus forte raison parce qu'il n'a pas craint de prendre l'initiative d'une chose qui déplaît à Dieu.

La conduite de Pierre montre clairement qu'il faut revenir sur une décision présomptueuse qui déplaît à Dieu. Il avait, en effet, cru pouvoir dire : "Vous ne me laverez jamais les pieds", mais lorsqu'il entendit le Seigneur affirmer : "Si je ne te lave pas tu ne seras pas avec moi", il se rétracta immédiatement et dit : "Seigneur, non seulement les pieds, mais encore les mains et la tête" (Jn 13,8-9).

 

 

 

Qu. 61 : Lorsqu'un frère, ne pouvant travailler, ne veut pas non plus se mettre à l'étude des psaumes, que faut-il faire de lui ?

 

R. : A cause de cette parole du Seigneur au sujet du figuier stérile : "Coupez-le, pourquoi occupe-t-il la terre ?" (Lc 13,17), il faut tout faire pour le persuader, mais s'il ne supporte pas, il faut le traiter comme il est dit pour le pécheur obstiné : Quiconque, en effet, ne produit pas de bon fruit sera condamné avec le démon et avec ses anges.

 

Qu. 62 : Comment est-on condamné comme ayant enfoui son talent ?

 

R. : Si on détient n'importe quelle grâce de Dieu uniquement pour soi sans la faire servir aux autres, on sera condamné pour avoir caché son talent.

 

Qu. 63 : Comment mérite-t-on d'être condamné comme ces ouvriers qui murmurèrent contre les derniers venus ?

 

R. : Chacun sera condamné selon son péché et les murmurateurs selon leur murmure; or, souvent, les uns murmurent pour un motif, les autres pour un autre : les uns parce qu'il leur manque de quoi se rassasier, tels les gourmands et ceux qui se font un Dieu de leur ventre, les autres parce qu'ils reçoivent autant que les derniers venus, et ceux-ci font preuve d'envie, compagne de l'homicide; enfin d'autres murmurent pour d'autres motifs.

 

Qu. 64 : "Il vaudrait mieux, a dit Notre Seigneur, être précipité à la mer une meule de moulin au cou, que de scandaliser un de ces petits" (Mt 18,6); mais qu'est-ce que scandaliser, et comment l'éviter si l'on veut échapper à un jugement si terrible ?

 

R. : Donner le scandale c'est, par des actes ou des paroles, enfreindre la loi et induire un autre à l'enfreindre aussi, comme fit le serpent pour Eve et Eve pour Adam.

C'est aussi empêcher un autre d'accomplir la Volonté de Dieu, comme le voulait Pierre lorsqu'il dit au Seigneur : "A Dieu ne plaise, Seigneur, cela ne vous arrivera pas" (Mt 16,22), et il s'entendit répondre : "Arrière Satan, tu m'es un scandale, car tu n'as pas l'intelligence des choses de Dieu; tu n'as que des pensées humaines" (Mt 16,23).

C'est enfin donner à un esprit faible l'exemple du mal, suivant ces paroles de l'Apôtre : "Si quelqu'un te voit, toi qui es instruit, te mettre à la table des idoles, sa conscience étant faible, ne sera-t-il pas porté à manger de la viande des idoles ?" (1 Cor 8,10) C'est pourquoi, ajoute-t-il, "Si un aliment est une occasion de chute pour mon frère, je m'abstiendrai éternellement de viande pour ne pas scandaliser mon frère" (1 Cor 8,13).

Le scandale surgit pour plusieurs causes : ou il provient de celui qui scandalise, ou il naît de celui qui est scandalisé, et cela encore de plusieurs manières. Il est provoqué tantôt par la méchanceté, tantôt par l'ignorance chez l'un ou chez l'autre. Il arrive qu'une parole vraie ou une action correcte fasse apparaître le mal en celui qui s'en scandalise, car tel croit au scandale alors qu'il se trouve en présence de l'exécution d'un commandement de Dieu ou du libre usage d'une faculté légitime.

Lorsque les hommes trouvent une pierre d'achoppement et de scandale dans des actes ou des paroles conformes aux commandements de Dieu, comme il arriva à quelques uns en présence des actes et des paroles du Seigneur, souvenons-nous de la réponse que leur donna le Seigneur lui-même. Quand les Apôtres vinrent lui dire : "Savez-vous que les pharisiens se scandalisent de vos paroles", il leur répliqua : "Toute plante que n'a pas plantée mon Père qui est dans les cieux sera arrachée. Laissez-les. Ce sont des aveugles qui conduisent d'autres aveugles. Or si un aveugle conduit un autre aveugle ils tomberont tous deux dans la fosse" (Mt 15,12-14). Voilà ce qu'on trouverait en bien d'autres endroits encore des Évangiles et des Épîtres.

Cependant, lorsque le scandale naît d'un acte qu'il dépend de nous de poser, il faut se souvenir des paroles du Seigneur à Pierre : "Les enfants ne sont pas sujet au tribut, mais pour ne pas scandaliser, va à la mer, jette l'hameçon et tire à toi le premier poisson qui viendra; en lui ouvrant la bouche tu y trouveras un statère; prends-le et donne-le pour moi et pour toi" (Mt 17,25-26). Il faut aussi se rappeler ce que l'Apôtre écrit aux Corinthiens : "Je m'abstiendrai éternellement de viande pour ne pas scandaliser un frère" (1 Cor 8,13) et : "il est bon de ne pas manger de viande, de ne pas boire de vin et de ne rien faire qui soit pour ton frère une occasion de scandale, de chute ou de faiblesse" (Rom 14,21).

Quelle crainte nous devons avoir de mépriser un frère en persistant dans une action même permise, au risque de le scandaliser ! Le Seigneur le montre bien par ses avertissements, car il défend absolument de donner n'importe quel scandale et dit : "Gardez-vous de mépriser un de ces petits, car, je vous l'affirme, leurs anges voient toujours la face de mon Père qui est dans les cieux" (Mt 18,10).

L'Apôtre apporte le même témoignage : "Décidez plutôt de ne jamais donner à un frère occasion de chute ou de scandale" (Rom 14,13) et d'une façon plus développée il défend ailleurs ce qui est inopportun : "Car, dit-il, si quelqu'un te voit, toi qui es instruit, à la table des idoles, sa conscience étant plus faible, ne sera-t-il pas porté à manger de la viande consacrée aux idoles ? Et ainsi tu perds le faible par ta science, alors qu'il est un frère pour lequel le Christ est mort" (1 Cor 8,10-11). - "En péchant ainsi contre vos frères, ajoute-t-il, et en blessant leur conscience faible vous péchez contre le Christ. C'est pourquoi, si un aliment scandalise mon frère, je me priverai éternellement de viande afin de ne pas être pour lui une occasion de péché" (1 Cor 8,12-13). Dans un autre passage, après avoir dit : "Sommes-nous, Barnabé et moi, les seuls à n'avoir pas le droit de travailler ?" (1 Cor 9,6), il poursuit : "Nous n'avons pourtant pas usé de ce droit, mais nous supportons tout afin de ne pas faire obstacle à l'Évangile du Christ" (1 Cor 9,6).

Puisqu'il est si terrible de scandaliser un frère en faisant ce qui est permis, que dire de ceux qui scandalisent par des paroles ou des actions défendues ? Que dire surtout lorsqu'il s'agit d'un personnage en vue par sa science ou par sa situation dans la hiérarchie ecclésiastique ? Pour peu qu'il dédaigne la parole des saints livres, se permette ce qui est défendu, omette ce qui est prescrit ou simplement se taise sur quelque chose de semblable, celui qui doit être pour autrui comme la règle et l'exemple court, rien que pour cela, le risque d'être jugé de façon à rendre compte du sang du pécheur (Ez 3,18).

 

Qu. 65 : Comment peut-on retenir la vérité dans l'injustice ?

 

R. : En utilisant selon sa volonté propre les dons de Dieu. C'est ce que saint Paul a repoussé en disant : "Nous n'altérons pas la parole de Dieu comme la plupart le font" (2 Cor 2,17) et encore : "Nous ne nous somme jamais laissés aller à la flatterie dans nos discours, comme vous le savez, ni, Dieu en est témoin, à la cupidité. Nous n'avons non plus jamais cherché à obtenir ni de vous, ni d'autres, la gloire humaine" (1 Thes 2,5-6).

 

Qu. 66 : Qu'est-ce que l'émulation et qu'est-ce que la rivalité ?

 

R. : L'émulation est le désir de ne pas paraître inférieur à un autre, désir qui stimule le zèle.

La rivalité est cet esprit de vanité et d'ostentation qui provoque et excite à faire ce que fait un autre. Tantôt l'Apôtre parle de la rivalité et y joint l'amour de la vaine gloire : "Ne faites rien, dit-il, par esprit de rivalité ou de vanité" (Phil 2,3); tantôt il met en avant la vaine gloire et proscrit avec elle, mais sous un autre nom, la rivalité : "Ne soyons ni avides de gloire, ni provocateurs les uns des autres" (Gal 5,26).

 

Qu. 67 : Qu'est-ce que la souillure ? Qu'est-ce que la licence morale ?

 

R. : La souillure est définie par la loi lorsqu'elle emploie ce terme pour désigner des accidents naturels involontaires.

La licence me semble indiquée par Salomon, lorsqu'il parle de celui qui se livre au plaisir et fuit la souffrance, en sorte qu'elle serait le fait d'une âme qui n'engage pas ou ne supporte pas le dur combat, comme aussi l'intempérance de l'âme est son manque d'empire sur les plaisirs qui la troublent.

 

Qu. 68 : Quel est le propre de l'emportement ? le propre de l'indignation raisonnable ? et comment, bien souvent, commençons-nous par nous indigner, mais tombons-nous ensuite dans l'emportement ?

 

R. : L'emportement est proprement un mouvement de l'âme qui pousse à faire du mal à celui qui l'a provoqué.

L'indignation raisonnable, elle, a pour but la correction du coupable et naît du déplaisir ressenti en présence du péché. Rien d'étrange, cependant, à ce que l'âme, commençant dans le bien, tombe ensuite dans le mal, car on en peut trouver bien des exemples. C'est pourquoi il faut se rappeler les divines Écritures où il est dit : "Ils ont placer des embûches le long de ma route" (Ps 139,6), et : "Si même quelqu'un a combattu, il ne sera couronné que s'il a combattu dans les règles" (2 Tim 2,5). Partout, donc, il faut éviter le manque de mesure, l'inopportunité et le désordre car ce sont des causes pour lesquelles n'importe quoi, fut-il estimé bon, peut devenir mauvais.

 

 

 

 

Qu. 69 : Un frère ne mange pas moins que les autres, son corps n'est point affaibli et personne ne lui connaît de maladie; cependant il se plaint de ne pouvoir travailler. Comment faut-il le presser ?

 

R. : Tout prétexte à la paresse est prétexte à péché, car il faut faire preuve de zèle jusqu'à la mort autant que de patience, et c'est unie à la méchanceté que la paresse condamne le paresseux, d'après les paroles mêmes du Seigneur : "Serviteur méchant et paresseux" (Mt 25,26).

 

Qu. 70  : Comment traiter celui qui use mal de ses vêtements ou de ses chaussures ? S'il est réprimandé, il accuse en effet celui qui le reprend, d'être grondeur et chicanier. Que faut-il faire, cependant, si, après deux ou trois admonestations régulières, il persiste dans sa négligence ?

 

R. : L'Apôtre défend d'user mal de quoi que ce soit en disant : "Comme usant de ce monde sans en abuser" (1 Cor 7,3); or la règle dans l'usage d'une chose est ce qu'exige la nécessité inflexible, et dépasser cette mesure est un indice de cupidité, d'inclination au plaisir ou d'amour de la vaine gloire. Pour celui qui persiste dans le péché, il subira le jugement de l'impénitent.

 

Qu. 71 : Certains désirent des aliments à leur goût plutôt qu'abondants, d'autres veulent la quantité qui rassasie plutôt que la finesse.

Comment agir à l'égard des uns et des autres ?

 

R. : Ils sont atteints, ceux-là du mal de la sensualité, ceux-ci du mal de l'avidité; or, en quelque matière que ce soit, ni le sensuel ni l'avide n'échapperont au jugement. Il faut avec compassion s'efforcer de les guérir et s'ils ne s'amendent pas ils seront évidemment condamnés avec les impénitents.

 

Qu. 72 : Si, pendant le repas, quelqu'un se comporte d'une manière inconvenante en mangeant et en buvant précipitamment, faut-il le réprimander ?

 

R. : Ce frère ne tient pas compte de l'avertissement que donne l'Apôtre en disant : "Que vous mangiez, que vous buviez ou que vous fassiez n'importe quoi, faites tout pour la gloire de Dieu" (1 Cor 10,31) et encore : "Faites tout avec dignité et ordre" (1 Cor 14,40). Il faut aussi qu'il se corrige, à moins que cette précipitation ne provienne de l'obligation de travailler ou de se hâter; mais même alors, il faut soigneusement éviter le scandale.

 

Qu. 73 : Quelqu'un réprimande un coupable, non pour le convertir, mais par esprit de vengeance personnelle; comment le corriger s'il persiste dans son défaut malgré des avertissements répétés ?

 

R. : On le considérera comme un égoïste et un esprit dominateur; on lui montrera la manière de se corriger selon les règles de la piété, mais s'il persévère dans le mal, il est évident qu'il sera condamné comme les impénitents.

 

Qu. 74 : Nous voudrions savoir par l'Écriture, s'il faut bannir ceux qui sortent de la fraternité pour vivre seuls ou suivre avec quelques autres une observance particulière ?

 

R. : Le Seigneur l'a dit souvent : "Le Fils ne fait rien de lui-même" (Jn 5,19) et : "Je suis descendu des cieux, non pour faire ma volonté, mais celle de mon Père qui m'a envoyé" (Jn 6,38) et l'Apôtre affirme : "la chair a des désirs contraires à l'esprit et l'esprit des désirs contraires à la chair; leur opposition est telle que nous faisons ce que nous ne voulons pas" (Gal 5,17).

Nous avons du reste parler plus explicitement sur ce point dans les Grandes Réponses.

 

Qu. 75 : Est-il conséquent d'attribuer à Satan la responsabilité de n'importe quelle faute commise en pensée, en parole ou en action ?

 

R. : Je suis bien persuadé que Satan ne peut, par lui-même, être la cause d'une faute. Cependant il utilise tantôt les différents mouvements de la nature, tantôt des sentiments interdits et cherche par ces moyens à attirer dans le domaine des passions ceux qui ne sont pas sur leurs gardes.

Il se sert des excitations naturelles comme il essaya de le faire pour Notre Seigneur, lorsqu'il remarqua qu'il avait faim, en disant : "Si tu es le Fils de Dieu, dis que ces pierres deviennent des pains" (Mt 4,3). Il se sert des sentiments défendus comme il le fit pour Juda : lorsqu'il vit que celui-ci souffrait du mal de la cupidité, il utilisa ce vice et le fit tomber dans le crime de trahison par l'appât de trente pièces d'argent.

Cependant le Seigneur enseigne clairement que le mal naît aussi de nous-mêmes : "C'est du coeur, dit-il, que proviennent les mauvaises pensées" (Mt 15,19). Cela arrive à ceux qui négligent de cultiver les bons germes déposés dans la nature, selon la sentence des Proverbes : "Comme un champ, l'homme insensé, et comme un vignoble l'homme déraisonnable. Laissez-le et il tombe en friche, produit des herbes folles et devient désert" (Pro 24,30-31). Lorsque par suite d'une telle négligence, l'âme reste inculte et à l'abandon, la conséquence nécessaire est qu'elle produise des ronces et des épines, expérimentant la vérité de ces paroles : "J'ai attendu qu'elle donne du raisin, et elle a porté des épines" (Is 5,4), alors qu'il avait été dit d'elle : "J'ai planté ma vigne Sorec" c'est-à-dire "choisie" (Is 5,2).

On trouverait un autre témoignage de ce genre dans Jérémie : ainsi dit-il, au nom de Dieu : "J'ai planté une vigne de bonne souche et capable de produire de bons fruits : comment, vigne étrangère, as-tu pris ce goût amer" (Jér 2,22).

 

Qu.76 : Y a-t-il parfois, évidemment pour un motif d'utilité, nécessité de mentir ?

 

R. : La déclaration du Seigneur ne le permet pas, puisqu'Il dit une fois pour toutes : "Le mensonge vient du démon" (Jn 8,44) et qu'Il n' a pas établi de distinction dans le mensonge.

L'Apôtre affirme la même chose, ayant écrit : "Si même quelqu'un combat, il ne sera couronné qu'après avoir combattu selon les règles" (2 Tim 2,5).

 

Qu. 77 : Qu'est-ce que la ruse ? et la méchanceté ?

 

R. : La méchanceté est, à mon avis, la malice fondamentale et cachée du caractère. La ruse, elle, est une habileté excessive à feindre le bien et à le présenter à quelqu'un comme un appât grâce auquel on parvient à ses fins.

 

Qu. 78 : Qui sont les inventeurs de maux ?

 

R. : Ce sont ceux qui, outre les maux habituels à la plupart, et biens connus, en inventent ou en imaginent d'autres.

 

Qu. 79 : Si quelqu'un s'en prend constamment à lui-même parce qu'il traite durement un frère, comment se corrigera-t-il ?

 

R. : Pour autant que je puisse faire des conjectures, cela provient ou d'un esprit qui se croit supérieur, ou de la peine qu'il éprouve à la vue des défaillances de ceux qui devraient bien agir, car lorsqu'on attend du bien, on est beaucoup plus sensible au mal qui survient à sa place.

Il faut s'appliquer avec le plus grand soin à élaguer le vice de l'orgueil dans la première alternative, et, dans la seconde, à montrer de la miséricorde dans l'avertissement et l'exhortation, avant de s'irriter. Mais si cette méthode apparaît inefficace par suite du vice d'un défaut sous-jacent, alors il ne reste qu'à employer opportunément et raisonnablement, pour le bien et la conversion du coupable, la véhémence de l'indignation unie à la compassion.

 

Qu. 80 : D'où vient que notre esprit se trouve parfois comme vide de bonnes pensées et de sujet de méditation agréables à Dieu ? Comment faire pour que cela n'arrive pas ?

 

R. : Les paroles de David : "Mon âme s'est endormie dans la négligence" (Ps 118,28) montrent que cela provient de la torpeur et de l'insensibilité de l'âme; car si cette dernière est attentive et vigilante, ce ne sont pas les bonnes pensées et les sujets de méditation qu'elle sent lui manquer, mais c'est sa propre impuissance à les épuiser qu'elle se rend compte. En effet, si l'oeil du corps ne parvient pas à voir tout ce que renferment ne fut-ce que quelques-unes des oeuvres de Dieu, n'a pas assez d'un seul regard jeté sur elles, et voyant toujours la même chose, ne cesse pourtant jamais de regarder, à combien plus forte raison l'oeil de l'âme, même s'il est attentif et vigilant, n'est-il jamais rassasié de contempler les merveilles et les jugements de Dieu; car : "Tes jugements, dit le psalmiste, sont un abîme profond" (Ps 35,7) et ailleurs : "J'ai admiré votre sagesse, elle s'est affermie et je suis impuissant devant elle" (Ps 138,6).

Évidemment, si l'âme manque de bonnes pensées elle est aussi privée de lumière, mais ce n'est pas parce que fait défaut ce qui éclaire, c'est parce que ce qui doit être éclairé est dans la torpeur.

 

Qu. 81  : Faut-il, pour une faute semblable, reprendre de la même façon ceux qui craignent Dieu et ceux qui sont indifférents ?

 

R. : Si nous considérons les dispositions du pécheur et le caractère de la faute, nous saurons immédiatement comment faire la réprimande, car si la faute de l'indifférent paraît la même que celle du timoré, grande est cependant la différence qui existe entre elles.

Celui qui craint Dieu, précisément parce qu'il est pieux, combat et lutte pour plaire à Dieu et c'est par suite des circonstances, presque malgré lui, qu'il glisse et tombe.

L'indifférent, ne tenant compte ni de Dieu ni de lui-même et, comme son nom l'indique, ne mettant aucune différence entre le péché et la vertu, est radicalement atteint d'un mal profond : ou bien il méprise Dieu, ou bien il nie son existence. Telles sont, en effet, selon l'Écriture, les deux causes du péché : "L'impie, dit-elle, ne pense qu'à pécher dans son coeur, la crainte de Dieu n'est pas devant ses yeux" (Ps 35,1) et : "L'insensé a dit dans son coeur : il n'y a pas de Dieu ! Ils sont corrompus et commettent d'abominables actions" (Ps 13,1). Par conséquent, ou le coupable méprise Dieu et pèche à cause de ce mépris, ou il nie pratiquement son existence dans ses moeurs corrompues, même s'il la reconnaît de bouche, "car, dit saint Paul, ils avouent connaître Dieu, mais ils le nient dans leurs oeuvres" (Tit 1,16).

S'il en est ainsi, je crois qu'il ne faut pas non plus reprendre les uns et les autres de la même façon. Celui qui craint Dieu n'a besoin, dirai-je, que d'un médication locale et il ne faut le réprimander que pour ce en quoi il a failli.

Pour l'indifférent, en même temps qu'il a détruit tout ce qu'il avait de bon dans son âme, il y a introduit les maux les plus généralisés soit par mépris, comme je viens de le dire, soit par incroyance. Il faut donc pleurer sur lui, l'avertir, lui faire des reproches jusqu'à ce qu'il puisse être convaincu ou de ce que Dieu est un juste juge et qu'alors il le craigne, ou simplement de ce qu'Il existe et alors qu'il en conçoive de la terreur.

Il est une chose qu'il faut savoir également : c'est que les fautes arrivent à ceux qui craignent Dieu par disposition divine et dans leur intérêt, car Dieu permet parfois une défaillance pour remédier à l'orgueil qui s'est glissé dans l'âme, comme Pierre l'a dit et comme il lui est, de fait, arrivé.

 

Qu. 82 : Étant donné l'avertissement : "Traitez les femmes âgées comme des mères" (1 Tim 5,2), s'il arrive à l'une d'elles de tomber dans la même faute qu'une jeune, faut-il la soumettre à la même peine ?

 

R. : L'Apôtre demande d'honorer les femmes âgées comme des mères, les estimant incapables de mériter une peine; mais s'il arrive à l'une d'elles de commettre la même faute qu'une plus jeune, il faut avant tout tenir compte des défauts qui sont, dirai-je, naturels à chaque âge, ensuite on pourra déterminer dans quelle mesure on devra se montrer rigoureux.

Ainsi la lenteur est-elle presque naturelle à la vieillesse, elle ne l'est pas à la jeunesse, tandis que celle-ci est, plutôt que la vieillesse, portée à la dissipation, à l'agitation, à la témérité et à d'autres défauts semblables qui trouvent un adjuvant dans l'ardeur physique. La même faute de nonchalance sera, par exemple digne d'une réprimande bien plus sévère chez une jeune que l'âge n'excuse pas; la même faute de dissipation, d'agitation, de témérité rendra au contraire une personne âgée digne d'être plus vivement reprise parce que son âge lui donne plutôt une propension à la douceur et au calme.

En outre, il faut examiner le genre de faute pour chaque cas en particulier afin de pouvoir y adapter le genre de médication par une peine appropriée.

 

Qu. 83 : Si quelqu'un se conduit ordinairement bien, comment passer sur une seule faute qu'il lui arrive de commettre ?

 

R. : Comme le Seigneur fit pour Pierre.

 

 

Qu. 84 : Un frère de tempérament turbulent et agité répond, lorsqu'on le réprimande, que Dieu a fait les uns bons, les autres méchants. Dit-il vrai ?

 

R. : Cette opinion a depuis longtemps été condamnée comme hérétique, car elle est blasphématoire et impie et dispose en outre l'âme au péché. Celui qui parle de la sorte doit être corrigé ou écarté (1 Cor 5,2), de peur "qu'un peu de ferment ne gâte toute la masse" (Gal 5,9).

 

Qu. 85 : Convient-il dans la fraternité de posséder quelque chose en propre ?

 

R. : C'est contraire à ce qu'il est dit dans les Actes au sujet des fidèles : "Personne n'appelait sien ce qu'il possédait" (Ac.4,32). Celui qui prétend donc avoir quelque chose en propre s'exclut lui-même de l'Église de Dieu et de la charité du Seigneur, lui qui, dans ses paroles et dans ses actes apprend à donner sa vie pour ses amis, et non pas seulement les biens extérieurs.

 

 

Qu. 86 : Quelle attitude prendre envers un frère qui dit : je ne veux rien recevoir de la fraternité et ne rien lui donner, mais je me suffis à moi-même ?

 

R. : S'il n'observe pas l'enseignement du Seigneur : "Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés" (Jn 13,34), nous nous en tiendrons, nous, à ce que dit l'Apôtre : "Éloignez d'entre vous le méchant" (1 Cor 5,2) de peur qu'il n'arrive "qu'un peu de ferment corrompe toute la masse" (Gal 5,9).

 

Qu. 87 : Peut-on, pour obéir au commandement, donner quand on veut son vieux manteau ou ses vieilles chaussures ?

 

R. : Donner et recevoir, même selon le commandement, n'appartient pas à chacun, mais à celui qui, ayant fait ses preuves, est préposé à l'administration. C'est donc lui qui, en temps utile, donnera ou recevra du neuf ou du vieux selon les besoins de chacun.

 

Qu. 88 : Qu'appelle-t-on souci de la vie ?

 

R. : Toute préoccupation qui n'a pas pour objet la piété, même si elle ne semble porter sur rien de défendu, est souci de la vie.

 

Qu. 89 : Il est écrit : "L'homme donnera ses richesses pour prix de son âme" (Pro 13,8). Or, pour nous, ce n'a pas été possible. Que ferons-nous donc ?

 

R. : Si nous n'avons pu le faire malgré notre bonne volonté, souvenons-nous de la réponse du Seigneur à Pierre. Celui-ci, agité de la même crainte, avait dit : "Voilà que nous avons tout quitté pour vous suivre, quelle sera donc notre récompense ?" et le Seigneur de répondre : "Celui qui aura quitté maison, frères, soeurs, père, mère, femme, enfant et champs à cause de moi et de l'Évangile, recevra le centuple et possédera la vie éternelle" (Mt 19,27-29).

Si, toutefois, c'est par négligence que nous ne l'avons pas fait, mettons-y maintenant tout notre zèle et si nous n'en avons plus l'occasion ni la possibilité, alors consolons-nous par ces parole de l'Apôtre : "Ce ne sont pas vos biens que je cherche, mais vous-mêmes" (2 Cor 12,14).

 

Qu. 90 : Est-il permis d'avoir un vêtement spécial, le cilice ou un autre, pour la nuit ?

 

R. : Le cilice a son emploi déterminé, car on ne le porte pas pour l'utilité du corps mais pour se mortifier et s'humilier intérieurement. Toutefois, comme il est défendu d'avoir deux vêtements, libre à chacun de juger s'il peut en étendre l'usage pour d'autres raisons.

 

Qu. 91 : Un frère, qui n'a rien en propre, se voit pourtant sollicité par quelqu'un de lui donner son vêtement. Que doit-il faire, surtout si l'autre est nu ?

 

R. : Que le solliciteur soit nu, méchant, pauvre ou cupide, il a été dit une fois pour toutes que nul n'a le pouvoir de donner et de recevoir si ce n'est celui qui est préposé à l'administration après avoir fait ses preuves. Observons donc ce précepte : "Que chacun demeure dans sa vocation" (1 Cor 7,24).

 

Qu. 92 : Le Seigneur ayant dit de vendre ce que l'on possède, dans quel esprit faut-il le faire ? Doit-on regarder les richesses comme nuisibles par leur nature même ou parce qu'elles sont un embarras pour l'âme ?

 

R. : Disons tout d'abord que si l'un de ces biens était mauvais en lui-même il ne serait pas une créature de Dieu, "puisque toute créature de Dieu est bonne et ne peut être méprisée" (1 Tim 4,4); ensuite, que le Seigneur ne recommande pas de rejeter et de fuir les richesses comme des maux, mais de les distribuer. Si quelqu'un est condamné ce n'est pas parce qu'il en a possédé, mais parce qu'à propos d'elles il a éprouvé de mauvais sentiments, ou parce qu'il n'en a pas fait un bon usage.

En étant vis-à-vis d'elles raisonnables et sans passion et en les distribuant selon le commandement qui en a été fait, nous y trouvons plus qu'un précieux avantage : tantôt elles nous servent à obtenir le pardon de nos péchés, d'où il est écrit : "Toutefois, faites l'aumône selon vos moyens et tout sera pur pour vous" (Lc 11,41); tantôt nous héritons par elles du royaume céleste et nous nous procurons un trésor indéfectible : "Ne craignez rien, petit troupeau, car il a plu à votre Père de vous donner son royaume. Vendez ce que vous possédez et faites l'aumône. Faites-vous des bourses qui ne vieillissent point, amassez dans le ciel un trésor qui ne périsse pas" (Lc 12,32-33).

 

Qu. 93 : Celui qui s'est dépouillé une fois pour toutes et fait profession de ne rien avoir en propre, quelle attitude doit-il prendre vis-à-vis des choses nécessaires à la vie, comme le vêtement et la nourriture ?

 

R. : Il doit se souvenir qu'il est écrit : "C'est Dieu qui donne la nourriture à toute chair" (Ps 135,25). Cependant il doit aussi avoir soin d'être digne de cette nourriture en ouvrier de Dieu; encore n'est-ce pas à lui de se la procurer, mais à celui qui a reçu la charge de la distribuer dans la mesure et aux moments opportuns, ainsi qu'il est écrit : "On donnait à chacun selon ses besoins" (Ac 4,35).

 

Qu. 94 : Quelqu'un en entrant dans la fraternité, laisse des impôts non payés, et ses proches subissent des réclamations et des vexations; n'est-ce pas pour lui, et pour ceux qui l'ont reçu, une cause d'hésitation et d'ennui ?

 

R. : A ceux qui lui demandaient : "Est-il permis, oui ou non, de payer le tribut à César, le Seigneur dit : "Montrez-moi un denier. De qui porte-t-il l'effigie et l'inscription ? ils dirent : "De César" - Rendez-donc à César, répondit-il, ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu" (Lc 20,22-24). Il est donc évident par-là que tous ceux chez qui on trouve l'effigie de César font voir qu'ils sont soumis aux ordonnances de César. Par conséquent, si quelqu'un se présente dans la fraternité en emportant avec lui ce qui est à César, qu'il paie l'impôt; mais s'il a quitté les siens en leur abandonnant tout, ni lui, ni ceux qui l'ont reçu n'auront à hésiter.

 

Qu. 95 : Convient-il que les nouveaux venus se mettent immédiatement à l'étude de l'Écriture ?

 

R. : Ce que nous avons déjà dit doit résoudre directement la question. Si l'on veut atteindre la piété avec certitude et non se laisser conduire par des traditions humaines, il convient et il est nécessaire de s'instruire dans l'Écriture inspirée par Dieu.

 

Qu. 96 : Faut-il permettre à qui veut de s'adonner à l'étude et de se livrer à la lecture ?

 

R. : L'Apôtre ayant dit : "De sorte que vous ne faites pas ce que vous voulez" (Gal 5,17), il est mauvais de laisser quelqu'un faire ce qu'il a décidé par sa volonté propre. Il faut au contraire accepter tout ce qui est décidé par les supérieurs, même contre notre volonté. Celui qui fait ce qu'il veut, mérite le reproche d'incrédulité, car le Seigneur a dit : "Soyez prêts parce que le Fils de l'homme viendra à l'heure que vous ne pensez pas" (Lc 12,40), et lui, il paraît bien se proposer encore des temps de vie.

 

Qu. 97 : Si quelqu'un dit : "Je voudrais, pour mon bien, passer quelque temps près de vous", faut-il le recevoir ?

 

R. : Le Seigneur a dit : "Je ne repousserai pas celui qui vient à moi" (Jn 6,37), et l'Apôtre : "A cause des faux frères intrus qui se sont glissés permis nous pour épier la liberté dont nous jouissons dans le Christ Jésus, et nous réduire en servitude, mais à qui nous n'avons pas voulu céder, ne fut-ce qu'un instant, pour nous garder libre dans l'Évangile" (Gal 2,4-5).

Il faut donc accueillir celui qui fait cette demande, d'autant plus que nous ne savons pas quelle peut en être la conséquence; or il arrivera souvent, en effet, qu'après avoir été édifié pendant un certain temps, il soit définitivement séduit par notre genre de vie, ce qui s'est réalisé plusieurs fois. D'autre part, nous pourrons ainsi montrer la perfection de notre observance à quelqu'un qui, peut-être, nous soupçonne injustement. Cette observance il faut donc que nous la maintenions plus rigoureusement encore devant lui pour que la vérité lui apparaisse et qu'il ne soupçonne plus de relâchement. Ainsi nous serons agréables à Dieu et l'hôte trouvera profit ou sera confondu.

 

Qu. 98 : Quelle pensée doit animer le supérieur lorsqu'il commande et distribue ses ordres ?

 

R. : Vis-à-vis de Dieu, il est comme le ministre du Christ (1 Cor 4,1) et le dispensateur des mystères divins, il doit donc craindre de dire et de commander ce qui est contraire à la volonté de Dieu manifestée dans l'Écriture, et d'être jugé faux témoin de Dieu et sacrilège s'il introduit des doctrines nouvelles dans l'enseignement du Seigneur, ou néglige quoi que ce soit de ce qui plaît à Dieu. A l'égard des frères, il est "comme une nourrice qui réchauffe ses enfants" (1 Thes 2,7); il doit donc avoir à coeur de donner à chacun ce qu'il lui faut pour plaire à Dieu, et à la communauté ce qui convient à tous : non seulement l'Évangile du Christ, mais aussi sa propre vie, suivant le commandement de notre Seigneur Jésus Christ : "Je vous donne le commandement nouveau de vous aimer mutuellement comme je vous ai aimé" (Jn 13,34). "Personne ne montre plus d'amour qu'en donnant sa vie pour ses amis." (Jn 15,13)

 

Qu. 99 : Dans quel esprit faut-il faire des réprimandes ?

 

R. : Il faut avoir envers Dieu ces dispositions qui animaient David lorsqu'il disait : "J'ai vu les insensés et je me suis consumé parce qu'ils n'observent pas vos commandements" (Ps 118,158).

Vis-à-vis de ceux que l'on réprimande il faut être dans les dispositions du père médecin qui soigne son propre fils avec douceur et compassion, surtout s'il faut faire souffrir et si les soins sont douloureux.

 

Qu. 100 : Comment nous comporterons-nous envers les mendiants qui viennent du dehors ? Chacun doit-il à son gré donner du pain ou autre chose, ou bien faut-il qu'un seul soit préposé à cet office ?

 

R. : Le Seigneur a dit qu'il ne convient pas de prendre le pain des enfants pour le donner aux chiens, mais il a approuvé ces paroles : "Car les chiens mangent les miettes qui tombent de la table des maîtres" (Mt 15-27). Celui qui a charge de donner, donnera donc avec discrétion, et celui qui le fait sans son assentiment doit être réprimandé comme destructeur du bon ordre, jusqu'à ce qu'il apprenne à se tenir à sa place; car l'Apôtre a dit : "frères, que chacun reste au rang où il a été appelé" (1 Cor 7,24).

 

Qu. 101 : Est-ce que celui qui a en main l'administration des biens voués au Seigneur doit nécessairement obéir à cette parole : "Donne à quiconque demande et ne repousse pas celui qui veut t'emprunter" (Lc 6,30 et Mt 5,42) ?

 

R. : Ces paroles : "Donne à quiconque demande et ne te détourne pas de celui qui veut t'emprunter", comme le montrent celles qui les suivent, ont été dites pour nous éprouver. Ce commandement a été donné pour les méchants, il n'est pas obligatoire d'une façon absolue, mais selon les circonstances.

Le commandement essentiel du Seigneur est celui-ci : "Vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres" (Lc 18,22) et  : "Vendez ce que vous possédez pour faire l'aumône" (Lc 12,33). Toutefois selon ces paroles du Seigneur : "Je n'ai été envoyé que pour les brebis d'Israël" (Mt 15,24) et : "Il ne convient pas de prendre le pain des enfants pour le donner aux chiens" (Mt 15,40), il n'est pas sans danger de distribuer aux uns ce qui est destiné aux autres. Pourquoi, dès lors, ne pas juger par soi-même de ce qu'il est juste de faire ?

 

Qu. 102 : Lorsque quelqu'un, pour n'importe quel motif, veut quitter la communauté, faut-il, oui ou non, tâcher de le retenir ? et, s'il le faut, c'est à quelles conditions ?

 

R. : Le Seigneur a dit : "Je ne repousserai pas celui qui vient à moi " (Jn 6,37), et : "Ce ne sont pas les biens portants mais les malades, qui ont besoin du médecin" (Mt 9,12), et plus loin : "Qui de vous, s'il a cent brebis et vient à en perdre une seule, n'abandonne les quatre-vingt-dix-neuf autres pour aller à la recherche de l'égarée jusqu'à ce qu'il la trouve ?" (Mt 18,12)

Il faut donc employer tous les moyens pour guérir le malade et rétablir, dirai-je, le membre désarticulé. Mais s'il persiste dans sa mauvaise disposition, quelle qu'elle soit, il faut le congédier comme un étranger, car il est écrit : "Toute plante que n'aura pas plantée mon Père céleste sera arrachée. Laissez-les, ce sont des aveugles" (Mt 15,13-14).

 

Qu. 103 : Nous avons déjà appris qu'il faut obéir aux anciens jusqu'à la mort; mais comme il arrive parfois même à un vieillard de faillir, faut-il le reprendre, et qui doit le faire, et comment ? Nous voudrions le savoir. Et s'il n'accepte pas la réprimande ? que doit-on faire ?

 

R. : Nous avons clairement exposé le sujet dans les Grandes Réponses. (Voir G.R.27)

 

Qu. 104 : Comment les charges doivent-elles être confiées aux frères ? Est-ce le supérieur seul qui doit juger ou les frères doivent-ils intervenir par leurs suffrages ? La même question se pose pour les soeurs.

 

R. : Si chacun, comme il l'a appris, doit confier aux autres ses soucis, à combien plus forte raison faut-il, en une telle occasion, consulter ceux qui sont à même de donner un conseil; car il importe, pour l'administration selon Dieu de ce qui est à Dieu, qu'elle soit confiée à ceux qui ont donné des preuves de leur aptitude et peuvent gérer leur charge d'une manière agréable à Dieu.

Du reste le supérieur doit en général et en toute circonstance, se rappeler l'avertissement de l'Écriture : "Faites tout en demandant conseil" (Ec 32,24).

 

Qu. 105  : Faut-il qu'on apprenne un métier dès son entrée dans la communauté des frères ?

 

R. : Les supérieurs en jugeront.

 

Qu. 106 : Quels châtiments faut-il employer dans la fraternité pour corriger les coupables ?

 

R. : Aux supérieurs de juger quand et comment châtier en tenant compte de l'âge et de la santé, des dispositions de l'âme et du genre de faute.

 

Qu. 107 : Si quelqu'un dit avoir le désir de vivre avec les frères mais est empêché de se donner une fois pour toutes à ce genre de vie parce qu'il a des parents à soigner ou des impôts à payer, faut-il lui concéder l'accès dans la fraternité ?

 

R. : Il n'est pas sans danger de couper court à un bon désir, cependant il n'est pas prudent non plus de donner à celui qui est entré, la faculté de s'occuper de choses extérieures et étrangères au service de Dieu. Si on se donne, en entrant, aux intérêts de la communauté sans y introduire des soucis extérieurs on offre plus de garanties.

 

Qu. 108 : Convient-il au supérieur d'avoir des entretiens spirituels avec une Soeur, en dehors de la présence de la supérieur ?

 

R. : Cette conduite ne tient pas compte de l'avertissement : "Que tout se fasse avec décence et ordre" (1 Cor 14,40).

 

Qu. 109 : Convient-il au supérieur d'avoir des entretiens fréquents avec la supérieure, surtout si quelques frères s'en offusque ?

 

R. : L'Apôtre dit : "Pourquoi ma liberté est-elle jugée par la conscience d'autrui ?" (1 Cor 10,29); cependant, comme il l'affirme : "Nous n'avons point usé de ce pouvoir pour ne pas faire obstacle à l'Évangile du Christ" (1 Cor 9,12), il convient de l'imiter et de rendre ces entretiens aussi rares et courts que possible.

 

Qu. 110 : L'ancienne doit-elle être présente lorsqu'une Soeur se confesse à l'ancien ?

 

R. : Il est convenable et prudent que la confession ait lieu en présence de l'ancienne, le confesseur étant un ancien capable de proposer avec sagesse la façon de faire pénitence et de se corriger.

 

Qu. 111 : Lorsque l'ancien donne un ordre aux Soeurs à l'insu de l'ancienne, celle-ci a-t-elle le droit de s'indigner ?

 

R. : Et grandement !

 

Qu. 112 : Si quelqu'un se présente pour embrasser la vie selon Dieu, le supérieur peut-il le recevoir sans prendre l'avis des frères, ou doit-il aussi les avertir au préalable ?

 

R. : Le Seigneur enseigne qu'il faut réunir amis et voisins lorsqu'un pécheur se convertit. Il est donc encore bien plus nécessaire de faire connaître aux frères le nouveau venu, afin qu'ensemble ils se réjouissent et prient.

 

Qu. 113 : Vu qu'il doit déjà se montrer sous bien des aspects différents, celui qui a charge d'âmes peut-il encore observer les paroles du Seigneur : "Si vous ne vous convertissez et ne devenez semblables à des enfants" (Mt 18,3) ?

 

R. : Le très sage Salomon a dit qu'il y a un temps pour toutes choses (Ec 3,1), il faut donc savoir qu'humilité, autorité, reproches, exhortations, ménagements, franchise, bonté, dureté, tout en un mot a son heure. Tantôt il y aura lieu de montrer de l'humilité en se faisant petit comme des enfants, surtout lorsqu'il s'agit d'honneurs et de devoirs à se rendre mutuellement ou de services et de soins à donner au corps, ainsi que le Seigneur nous l'enseigne ? Tantôt c'est du pouvoir qu'il faudra user, de ce pouvoir donné par le Seigneur pour édifier et non pour détruire (2 Cor 13,10), surtout lorsqu'il sera nécessaire d'user de franchise. Dans l'exhortation, par contre, il faudra employer la douceur et, à l'heure de la sévérité, faire preuve de zèle, et ainsi de suite selon les autres circonstances.

 

Qu. 114 : Le Seigneur a dit : "Si quelqu'un t'oblige à faire un mille, fais-en deux avec lui" (Mt 5,41), et l'Apôtre enseigne aux fidèles à se soumettre les uns aux autres dans la crainte du Christ (Eph 5,21), faut-il donc obéir à n'importe qui en n'importe quoi ?

 

R. : La personne de celui qui donne un ordre, ne doit pas être un obstacle à l'obéissance de celui qui le reçoit, car Moïse ne méprisa point les bons conseils de Jéthro. (Ex 18,19).

Pour les commandements donnés eux-mêmes, il faut distinguer sérieusement. Les uns, en effet, s'opposant à la loi de Dieu, la corrompent ou la dénaturent par l'introduction d'un élément défendu, d'autres se confondent avec elle et d'autres, sans lui être clairement conforme, se joignent à elle et sont, pourrait-on dire, un adjuvant pour elle. Il faut donc se souvenir des paroles de l'Apôtre : "Ne méprisez pas les prophéties. Éprouvez tout et retenez ce qui est bon; abstenez-vous de toute apparence du mal" (1 Thess 5,20-22) et "Nous renversons les raisonnements et tout ce qui s'élève contre la connaissance de Dieu, nous assujettissons toute pensée à l'obéissance du Christ" (2 Cor 10,4-5). En conséquence, si on nous donne un ordre qui coïncide ou concorde avec la loi de Dieu, nous devons mettre tout notre zèle et tous nos soins à l'accomplir comme étant la volonté divine. Ainsi réaliserons-nous ces paroles : "Soumis les uns les autres dans la charité du Christ" (Eph 4,2). Par contre si on nous commande ce qui est contraire à la loi de Dieu, la viole ou la dénature, c'est le moment de dire qu''"il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes" (Ac 5,29), nous souvenant des paroles du Seigneur : "Elles ne suivront pas un étranger, mais le fuiront, parce qu'elles ne connaissent pas la voix des étrangers" (Jn 10,5) et de cet avertissement de l'Apôtre, qui s'en prend même aux anges en vue de notre sécurité : "Même si moi, dit-il, ou un ange du ciel vous annonçait un évangile différent de celui que je vous ai prêché, qu'il soit anathème" (Gal 1,8). Cela nous apprend que, fut-il de très haute naissance ou extraordinairement illustre, nous devons, si nous aimons le Seigneur, fuir et même détester celui qui défend d'accomplir la loi de Dieu ou commande ce qu'elle défend.

 

Qu. 115 : Comment il faut s'obéir les uns aux autres.

 

R. : Comme des serviteurs à leurs maîtres. Ainsi le veut le Seigneur : "Celui, dit-il, qui veut être grand parmi vous, doit être le dernier et le serviteur de tous" (Mc 10,44), et il ajoute ces mots plus émouvants encore : "Comme le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir" (Mc 10,45).

L'Apôtre, de son côté, écrit : "Servez-vous mutuellement dans la charité de l'Esprit saint" (Gal 5,13).

 

Qu. 116 : Jusqu'où il faut obéir pour observer la règle de plaire à Dieu.

 

R. : L'Apôtre nous l'apprend en citant en exemple l'obéissance du Christ "qui obéit jusqu'à la mort et à la mort de la croix" (Phil 2,8), et en ajoutant : "Ayez, vous aussi, les sentiments du Christ Jésus" (Phil 2,5).

 

Qu. 117 : Celui qui n'est pas pleinement satisfait d'ordres donnés au jour le jour, selon la règle établie, et cherche à apprendre un métier, de quel mal est-il atteint ? faut-il l'écouter ?

 

R. : Ce frère est présomptueux et rempli de lui-même, et il manque de foi, puisqu'il ne redoute pas le jugement du Seigneur qui a dit : "Soyez prêts, le Fils de l'homme viendra à l'heure que vous ne connaissez pas" (Lc 12,40).

Si quelqu'un attend le Seigneur de jour en jour et d'heure en heure, il craint de passer sa journée dans l'oisiveté et ne se préoccupe de rien d'autre.

S'il vient toutefois à recevoir l'ordre d'apprendre un métier, qu'il considère dans l'obéissance l'avantage d'être agréable à Dieu et qu'il ne risque pas d'être condamné en y apportant du retard.

 

 

Qu. 118 : Celui qui est empressé au commandement et accomplit cependant, non ce qui lui est ordonné, mais ce qu'il veut lui-même, quel salaire mérite-t-il ?

 

R. : Celui de la complaisance en soi. Mais comme l'Apôtre dit : "Que chacun plaise à son prochain dans le bien et l'édifie" (Rom 15,2), puis ajoute, plus pressant dans son exhortation : "Car le Christ ne s'est pas recherché" (Rom 15,3), il importe donc à celui qui se recherche de la sorte de connaître le danger qu'il court; par là du reste il se montre également désobéissant.

 

Qu. 119 : Est-il permis à chacun de refuser le travail qu'on lui impose et d'en chercher un autre ?

 

R. : La mesure de l'obéissance étant, comme il a été dit, d'obéir jusqu'à la mort, celui qui refuse le travail imposé pour en obtenir un autre, enfreint d'abord l'obéissance et montre clairement qu'il ne s'est pas renoncé lui-même. Il est ensuite, pour lui-même et pour les autres, la cause de bien d'autres maux : il ouvre, en effet, pour plusieurs la porte à la contradiction et s'y habitue lui-même; par suite de l'incapacité de chacun à trouver ce qui lui convient, il lui arrivera souvent de choisir mal; enfin il fera naître chez les frères le mauvais soupçon qu'il a une préférence pour le travail qu'il recherche, ou à l'égard de ceux avec lesquels le travail est à faire.

C'est ainsi qu'en général, ne pas obéir est la racine de maux nombreux et graves.

Si, cependant, on a une raison de récuser un travail, qu'on s'en ouvre aux supérieurs en leur laissant le soin de juger.

 

Qu. 120 : Convient-il de s'absenter sans avertir le supérieur ?

 

R. : Le Seigneur disant : "Je ne suis pas venu de moi-même, mais mon Père m'a envoyé" (Jn 7,28), à combien plus forte raison faut-il que personne n'agisse de sa propre autorité. Celui qui se donne toute liberté montre qu'il est atteint du vice de l'orgueil, et encourt la condamnation du Seigneur : "Ce qui est élevé parmi les hommes est en abomination devant Dieu" (Lc 16,15). En un mot, c'est se rendre coupable que de s'en remettre à soi-même.

 

Qu. 121 : Peut-on se refuser aux travaux trop pénibles ?

 

R. : Celui qui aime véritablement Dieu et espère fermement la récompense promise par le Seigneur n'est jamais satisfait de ce qu'il a pu réaliser, mais, toujours, il tend à faire davantage et aspire à mieux.

Si même le travail paraît dépasser ses forces, il ne se résigne pas comme s'il avait donné sa mesure, mais il ne cesse de redoubler d'efforts comme s'il n'avait pas assez fait. Il entend, en effet, le Seigneur lui dire : "Lorsque vous aurez fait tout ce qui vous a été commandé, dites alors : nous sommes des serviteurs inutiles, nous avons fait seulement ce que nous devions faire" (Lc 17,10). Il entend aussi l'Apôtre pour qui le monde était crucifié comme il l'était au monde (Gal 6,14) et qui n'a pas craint de dire : "Pour moi, je ne crois pas avoir obtenu le prix, mais je ne fait qu'une chose : oubliant ce qui est derrière moi et me portant tout entier vers ce qui est en avant, je cours droit au but, pour remporter la récompense à laquelle, d'en Haut, Dieu m'a appelé en Jésus Christ" (Phil 3,12-14). Ce même Apôtre, bien qu'il eut pu, comme ouvrier de l'Évangile, vivre de l'Évangile (1 Cor 9,14), écrit : "Travaillant jour et nuit dans la peine et la fatigue, non que nous ne puissions vivre à votre charge, mais pour vous donner en nous un exemple à imiter" (2 Thes 3,8-9). Après cela, qui donc peut encore manquer à ce point d'intelligence et de foi pour ce contenter de ce qu'il a fait et rejeter un travail parce que pénible et fatigant ?

 

Qu. 122 : Faut-il admettre qu'un frère, privé de l'eulogie, en punition d'une faute, dise : "Si je n'ai pas l'eulogie, je ne mange pas" ?

 

R. : Il appartient à celui qui a puni de juger si le coupable mérite aussi d'être privé de nourriture. Cependant, si quelqu'un, jugé seulement indigne de l'eulogie, refuse aussi la nourriture qu'il peut prendre, il doit être condamné comme désobéissant et entêté; il apprendra en même temps à se connaître lui-même et comprendra qu'en agissant de la sorte, loin de se guérir, il ajoute une faute à une autre.

 

Qu. 123 : Faut-il admettre qu'un frère s'attriste si on ne lui permet pas de faire ce qu'il ne peut faire convenablement ?

 

R. : Il a été souvent répété que, généralement, faire ce que l'on veut ou ce que l'on se permet n'est pas très raisonnable, et que ne pas se soumettre au jugement d'autrui fait courir les risques de la désobéissance et de l'opiniâtreté.

 

Qu. 124 : Si l'on rencontre par hasard des hérétiques ou des païens, convient-il de manger avec eux ou même de les saluer ?

 

R. : Pour ce qui est du salut, du salut ordinaire, bien entendu, le Seigneur ne l'a pas défendu à l'égard de personne, car il a dit : "Si vous saluez vos amis, que faites-vous de spécial ? Les païens n'en font-ils pas autant ?" (Mt 5,47)

Mais pour ce qui est de manger, l'Apôtre nous dit avec qui il faut éviter de le faire : "Je vous écrivais dans ma lettre de ne pas vous mêler aux fornicateurs, mais non de n'avoir absolument aucune relation avec les impurs de ce monde, avec des avares, des gens avides ou des idolâtres, car alors il vous faudrait quitter le monde. J'ai seulement voulu dire de ne pas fréquenter celui qui porterait le nom de frère et cependant serait fornicateur, avare, idolâtre, méchant, ivrogne, médisant ou cupide, et de ne pas même manger avec lui" (1 Cor 5,9-11).

 

Qu. 125 : Lorsqu'un frère, chargé d'un travail, fait sans rien dire autre chose ou plus que ce qui lui a été commandé, faut-il accepter son travail ?

 

R. : La volonté propre déplaît généralement à Dieu, et elle n'est ni séante, ni utile à ceux qui ont à coeur de conserver les liens de la paix.

Si le frère persévère dans sa témérité il convient de lui retirer son travail car il n'observe pas l'avertissement que donne l'Apôtre : "Que chacun reste dans sa vocation" (1 Cor 7,24), ajoutant ces paroles plus significatives encore : "N'ayez pas de pensées plus élevées qu'il ne convient, n'en nourrissez au contraire que de sages, selon la mesure de foi que Dieu a répartie à chacun" (Rom 12,3)

 

Qu. 126 : Comment ne pas céder à l'attrait du plaisir dans les aliments ?

 

R. : En décidant de garder toujours pour guide et maître, dans l'usage des aliments que l'on prend, leur côté utile, qu'ils soient agréables ou non.

 

Qu. 127 : Certains prétendent qu'il est impossible à l'homme de ne pas se mettre en colère.

 

R. : Cette affirmation ne tient pas, à supposer même qu'un simple soldat, par exemple, puisse se livrer à la colère devant le roi. Si la présence d'un homme par nature semblable à nous, mais revêtu d'une haute dignité, tient la passion en respect, à combien plus forte raison en est-il ainsi lorsqu'on est convaincu que Dieu voit ce qui se passe en nous ? Dieu qui scrute reins et coeurs voit, en effet, bien plus les mouvements de l'âme, que l'homme ne voit ce qu'il a sous les yeux.

 

Qu. 128 : Faut-il permettre de se priver au-dessus de ses forces, au point de ne plus pouvoir observer la règle établie ?

 

R. : La question ne me paraît pas bien posée.

La vrai tempérance, en effet, ne consiste pas à s'abstenir d'aliments inertes, par eux-mêmes indifférents, et à traiter ainsi le corps avec une rigueur que l'Apôtre condamne (Col 2,23), mais à renoncer parfaitement à ses volontés propres.

Ce que l'on risque en préférant sa volonté à la loi de Dieu, l'Apôtre l'indique fort bien par ces mots : "Cédant aux volontés de la chair et des pensées nous étions par nature fils de colère" (Eph 2,3).

 

Qu. 129 : Quelqu'un jeûne beaucoup, mais lorsqu'il mange il ne peut prendre les mêmes aliments que ses frères. Que doit-il préférer : jeûner comme ses frères et manger avec eux, ou bien jeûner avec excès et avoir ensuite besoin d'exceptions aux repas commun ?

 

R. : L'opportunité du jeûne ne dépend pas de la volonté de chacun mais de l'importance qu'il a dans le service de Dieu; les Actes nous le disent (Ac 13,2-3) et le roi David nous l'apprend (Ps 34,13). Celui qui jeûnerait dans cet esprit mérite d'en avoir vraiment la force, car : "Fidèle est celui qui l'a promis" (Héb 10,23).

 

Qu. 130 : Comment faut-il jeûner lorsque le jeûne est requis pour un motif religieux ? Comme par force ou volontiers ?

 

R. : Le Seigneur ayant dit  : "Bienheureux ceux qui ont faim et soif de justice" (Mt 5,6), il est dangereux de ne mettre ni zèle ni empressement dans l'accomplissement de ce qui est du service de Dieu.

Qui jeûne sans le faire volontiers n'est donc pas en sûreté; d'autre part il est nécessaire de jeûner lorsqu'un tel motif intervient, car l'Apôtre, en énumérant, pour nous instruire, ses bonnes oeuvres, dit : "Jeûnant souvent" (2 Cor 11,27).

 

Qu. 131 : Celui qui ne mange pas ce que prennent les autres et demande une nourriture spéciale, fait-il bien ?

 

R. : En général c'est contre la règle de demander de la nourriture, car le Seigneur a dit : "Ne vous préoccupez pas de ce que vous mangerez ni de ce que vous boirez, et ne vous inquiétez pas", puis il ajoute, pour frapper davantage : "Car c'est ce que font les païens" (Lc 12,29-30).

Au mandataire en charge de réaliser cette parole : "On donnait à chacun selon ses besoin" (Ac 4,35).

 

Qu. 132 : Si quelqu'un dit : "Ceci me fait du tort" et s'attriste dès qu'on ne lui donne pas autre chose, qu'est-il ?

 

R. : Il est clair qu'il n'est ni pénétré de cette espérance dont vivait Lazare, ni persuadé de la charité de celui à qui a été confié le soin de tous et de lui-même.

En général il ne faut pas que chacun se mêle de juger ce qui est bon ou mauvais, mais c'est au supérieur d'apprécier ce qui est utile pour chacun en tenant compte principalement du profit spirituel, et en accordant au corps ce dont il a besoin, selon la volonté de Dieu.

 

Qu. 133 : Et s'il murmure à cause de la nourriture ?

 

R. : Il subira la peine de ceux qui murmurèrent dans le désert (Nom.11,1), car l'Apôtre a dit : "Ne murmurez pas, comme certains qui furent mis à mort par l'Exterminateur" (1 Cor 10,10).

 

Qu. 134 : Si quelqu'un se met en colère et refuse de prendre ce qu'on lui donne pour son usage ?

 

R. : Qui se conduit ainsi mérite de ne rien recevoir, même s'il le demande, jusqu'à ce que le supérieur ait estimé qu'il est guéri de sa passion, ou plutôt de ses passions.

 

Qu. 135 : Un frère qui fait un travail pénible doit-il demander lui-même un supplément de nourriture ?

 

R. : S'il a accepté cette fatigue en vue de la récompense divine, il ne doit pas chercher dès maintenant un soulagement à sa souffrance, mais se préparer à recevoir du Seigneur son salaire, dans la conviction que le Dieu d'amour voudra bien le consoler pour sa peine de la même façon qu'il lui accordera le prix de son travail.

 

Qu.136 : Est-il obligatoire de se trouver tous ensemble à l'heure du repas ? Et si un frère en est absent et vient lorsqu'il est terminé, que faut-il faire ?

 

R. : Si un frère n'est pas au repas parce qu'il est empêché par la distance ou par son travail, il observe le précepte de l'Apôtre : "Restez où vous avez été appelés" (1 Cor 7,24) et le préposé à la discipline, informé, donnera son assentiment. Mais s'il peut être avec les autres et ne se presse pas, il se reconnaîtra coupable de négligence et restera à jeun jusqu'à l'heure du repas du jour suivant.

 

Qu. 137 : Est-il bon de prendre, pour un certain temps, la résolution de s'abstenir, à l'occasion, de quelque chose dans le manger et le boire ?

 

R. : Puisque le Seigneur a dit : "Pour faire, non ma volonté, mais celle de celui qui m'a envoyé" (Jn 6,38), toute décision de la volonté propre est pleine de dangers.

C'est convaincu de cette vérité que David a dit : "J'ai juré et résolu d'observer les jugements de votre justice" (Ps 118,106), et non mes propres vouloirs.

 

Qu. 138 : Faut-il laisser un membre de la communauté prendre sur lui de jeûner et de veiller plus que les autres ?

 

R. : Le Seigneur ayant dit : "Je ne suis pas venu du ciel pour faire ma volonté mais pour accomplir celle de mon Père qui m'a envoyé" (Jn 6,38), toute action qui dérive de la volonté propre appartient bien à son auteur, mais n'a aucune valeur devant Dieu et il est à craindre que l'on s'entende dire par Dieu, pour qui l'on croit agir : "Elle se tournera vers toi et tu seras son maître" (Gen 3,16).

D'ailleurs, se comparer aux autres pour faire plus qu'eux, même dans le bien, est une émulation vicieuse dont le principe est la vanité, et l'Apôtre l'a proscrit en disant : "Nous n'avons pas l'audace de nous égaler ou de nous comparer à certains de ceux qui se recommandent eux-mêmes" (2 Cor 10,12). Renonçant donc à nos volontés propres et cessant de vouloir paraître faire plus qu'autrui, obéissons aux objurgations de l'Apôtre : "Que vous mangiez, que vous buviez ou quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu" (1 Cor 10,31). Rivaliser, chercher la vaine gloire, satisfaire ses propres goûts, tout cela est absolument étranger à celui qui combat régulièrement le bon combat; aussi l'Apôtre dit-il, tantôt : "Ne devenons pas avides de vaine gloire" (Gal 5,26), tantôt : "Si quelqu'un aime les contentions, ni nous, ni l'Église de Dieu n'avons cette habitude" (1 Cor 11,16), ou encore "Nous ne devons pas faire ce qui nous plaît", ajoutant pour nous toucher davantage : "car le Christ n'a pas cherché ce qui lui plaisait" (Rom 15,1-3). Si un frère croit avoir besoin de plus de jeûnes, plus de veilles ou plus de n'importe quoi, il exposera aux supérieurs les raisons pour lesquelles il considère cette nécessité fondée; il s'en tiendra ensuite à ce que ceux-ci auront décidé, car il vaudra souvent mieux y pouvoir d'une toute autre manière.

 

Qu. 139 : Les jeûnes affaiblissent prologés pour le travail. Que faut-il donc préférer : le jeûne sans pouvoir travaillern ou le travail en négigeant le jeûne ?

 

R. - Jeûne-t-on ou ne jeûne-t-on pas, il importe que ce soit pour un motif propre à la piété. Si la Volonté de Dieu est que l'on jeûne, accomplissons-la en jeûnant; si elle exige que l'on fortifie le corps par les aliments, mangeons, non comme des gloutons, mais en ouvriers de Dieu, car il faut observer ce que dit l'Apôtre : " Que vous mangiez, que vous buviez ou quoi que vous fassiez, faites-le tout pour la Gloire de Dieu." (1 Cor 10,31)

 

Qu. 140 : Si 'loin de s'abstenir d'aliments nuisibles, un frère en prend avec excès et tombe ensuite malade, faut-il le soigner ?

R. - L'intermerénce manifeste les tendances mauvaises qui sont en nous, elle est un vice dont il faut particulièrement s'appliquer à se guérir. Pour montrer combien elle est un grand mal, le Dieu d'amour la permet souvent même à l'égard d'aliments nuisibles pour le corps, afin que l'âme, constatant en lui ses tristes effets, soit amenée à comprendre le tort qu'elle se fait à elle-même et à se prescrire la tempérance en tout.

Il est sans doute utile et raisonnable de soigner immédiatement le corps lorsqu'il souffre pour avoir absorbé des choses nuisibles, mais il ne faut pas le faire sans discernement, ni sans s'être demandé si en donnant des attentions au corps on ne néglige pas l'âme.

Si on constate donc que tout en recevant les soins corporels, un frère prend des habitudes plus sages et veille à guérir son âme de ses défauts, on devra les lui donner; mais si on s'aperçoit qu'il se laisse soigner sans s'occuper de son âme, il est préférable de l'abandonner aux suites douloureuses de son intempérance. Peut-être qu'avec le temps, il pourrait prendre conscience de son état et du châtiment éternel, et se préoccuper alors de la santé de son âme, "car le Seigneur nous juge et nous châtie pour que nous ne soyons pas condamnés avec ce monde" (1 Cor 11,32).

 

 

Qu. 141  : Convient-il de rencontrer dans les ateliers des étranger ou même des frères qui devraient être occupés ailleurs ?

 

R. : En dehors du frère chargé de la surveillance des travailleurs ou de la distribution du travail, celui qui sera rencontré dans les ateliers, étant un élément de trouble pour la discipline, recevra l'interdiction de paraître même légitimement en communauté. Consigné dans l'endroit que l'on aura jugé convenir pour son châtiment, il s'y livrera, sans en sortir, à un travail plus pénible que d'ordinaire et cela jusqu'à ce qu'il ait appris à observer cette parole de l'Apôtre : "Restez où vous avez été appelés" (1 Cor 7,24).

 

 

Qu. 142  : Ceux qui exercent un métier peuvent-ils accepter un travail à l'insu du frère chargé de s'occuper d'eux ?

 

R. : Celui qui le donne et celui qui l'accepte, chacun encourt le jugement porté contre le voleur ou son complice.

 

 

Qu. 143  : Comment ceux qui travaillent doivent-ils prendre soin des outils mis à leur disposition ?

 

R. : Premièrement comme d'objets voués et consacrés à Dieu; ensuite, comme d'instruments sans lesquels ils ne pourraient montrer le zèle infatigable auquel ils sont tenus.

 

 

Qu. 144  : Si un frère perd un outil par négligence, ou en mésuse par dédain ?

 

R. : Celui qui en mésuse doit être regardé comme un sacrilège, et celui qui le perd comme responsable d'un sacrilège, car tous les outils sont dédiés au Seigneur et consacrés à Dieu.

 

 

Qu. 145  : Et si de sa propre autorité il le prête à quelqu'un ou le reçoit ?

 

R. : Il sera regardé comme téméraire et présomptueux, car faire cela appartient en propre à celui qui est chargé du gouvernement et de l'administration.

 

 

Qu. 146  : Et si un frère refuse un outil au supérieur qui en a besoin et le lui demande ?

 

R. : Comment celui qui s'est mis lui-même avec tous ses membres au service des autres dans la charité du Christ pourrait-il refuser un outil au supérieur, qui en a aussi la responsabilité ?

 

 

Qu. 147  : Si un frère occupé au cellier, à la cuisine ou ailleurs ne se hâte pas pour prendre sa part régulière à la psalmodie et à la prière, n'est-ce pas au détriment de son âme ?

 

R. : Comme un membre dans le corps, chacun, en faisant son travail, observe la règle qui le concerne. En négligeant sa tâche, il se fait du tort à lui-même, et il court les plus grands risques lorsqu'il ne tient pas compte des intérêts communs. Il observera donc consciencieusement cette recommandation : "Chantant et louant le Seigneur dans vos coeurs" (Eph 5 :19) et s'il ne peut, en se hâtant, rejoindre les autres, il ne doit pas se troubler, car il réalise ces paroles : "Restez où vous avez été appelés" (1 Cor 7 :24).

Il faut bien prendre garde, cependant, que pouvant terminer à temps sont travail, pour le bon exemple, on ne se fasse pas un prétexte de son occupation, pour le scandale des autres, et on ne mérite la condamnation encourue par les négligents.

 

 

Qu. 148  : Quelle limite a, dans l'administration, le pouvoir de celui qui a la charge du cellier ?

 

R. : Vis-à-vis du Supérieur qui, après l'avoir éprouvé, lui a confié cette charge, il se souviendra des paroles du Seigneur : "Je ne puis rien faire de moi-même" (Jn 5,30), et à l'égard des frères il agira selon les besoins de chacun, car il est écrit : "On donnait à chacun selon ses besoins" (Ac 4,35). Cette parole vaut pour tous ceux qui ont reçu des charges semblables.

 

 

Qu. 149  : Que penser de l'économe s'il fait acception des personnes ou aime à contester ?

 

R. : D'après l'Apôtre qui tantôt exhorte à ne rien faire par inclination (1 Tim.5 :21), et tantôt déclare : "Si quelqu'un aime les contestations, nous n'avons pas cette habitude, ni nous, ni les Églises de Dieu" (1 Cor 11 :16), il faut le tenir pour étranger à l'Église de Dieu jusqu'à ce qu'il se corrige.

On doit, toutefois, examiner soigneusement les aptitudes de chacun avant de lui confier une charge, de peur que ceux qui la donnent à qui elle ne convient pas, ne se voient condamner pour avoir été de mauvais administrateurs des âmes et des volontés de Dieu, et que ceux qui la reçoivent ne semblent y trouver une excuse à leurs fautes.

 

 

Qu. 150  : Et si par négligence il ne donne pas à un frère ce dont il a besoin ?

 

R. : On peut manifestement lui appliquer ces paroles du Seigneur : "Éloignez-vous de moi, maudits, au feu éternel qui a été préparé pour le démon et pour ses anges, car j'ai eu faim et vous ne m'avez pas donné à manger, j'ai eu soif et vous ne m'avez pas donné à boire..." (Mt 25,41-42), et celles-ci : "Maudit celui qui accomplit avec négligence l'oeuvre du Seigneur" (Jér 48,10).

 

 

 

Qu. 151  : Peut-on, en remplissant son service, élever très fort la voix en parlant ?

 

R. : Il faut parler de manière à se faire entendre. Si la voix est trop basse elle est aussi trop faible et, par la suite, se rapproche du chuchotement, ce qu'il faut blâmer; si elle s'élève plus qu'il n'est nécessaire quand l'auditeur est à même de saisir une parole calme, elle devient clameur condamnée par l'Apôtre (Eph 4,31).

Cependant l'indolence de l'auditeur peut nous forcer à crier et comme à le réveiller de sa torpeur; c'est, en effet, ce que l'évangéliste raconte de Jésus : "Il s'écria, dit-il, d'une voix forte : celui qui croit en moi ne croit pas en moi, mais en celui qui m'a envoyé" (Jn 12 ,44).

 

 

Qu. 152  : Si un frère, lorsque vient son tour de service à la cuisine, s'y fatigue au-delà de ses forces, au point de ne plus pouvoir accomplir son travail ordinaire pendant plusieurs jours, convient-il de lui imposer ce service ?

 

R. : Nous l'avons dit : celui qui est chargé de distribuer le travail doit donner ses ordres en tenant compte des aptitudes et des forces de ceux qui ont à s'en acquitter, de peur qu'on ne dise de lui : "Il écrase sous le couvert de la loi" (Ps 93 :20).

Cependant celui qui reçoit l'ordre ne doit pas se révolter, car l'obéissance va jusqu'à la mort.

 

 

Qu. 153  : Comment la soeur préposée aux laines doit se comporter et comment elle doit traiter celles qui les travaillent.

 

R. : Elle doit considérer les laines comme un dépôt confié à ses soins et assigner à chaque Soeur sa part de travail sans esprit de contention ni acception de personnes.

 

 

Qu. 154  : Lorsque des frères peu nombreux ont à prêter leur ministère à des Soeurs très nombreuses et sont obligés de s'éloigner pour aller chacun à sa tâche, est-ce bien sans danger pour eux ?

 

R. : S'il montre n'avoir d'autre souci que d'obéir à l'ordre du Seigneur et se conduit selon Dieu, tout frère qui rempli sa tâche personnelle plaît à Dieu; l'unité se vérifie par l'union des âmes, la communauté d'idéal et la réalisation de la parole de saint Paul : "Même corporellement absent, je suis cependant avec vous en esprit" (Col 2,5).

 

Qu. 155  : Nous qui pourvoyons aux nécessités des étrangers reçus à l'hôtellerie, nous avons appris à les servir comme les frères du Seigneur, mais si celui que nous soignons ne l'est pas, comment agirons-nous à son égard ?

 

R. : Le Seigneur ayant dit : "Celui qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est mon frère et ma soeur et ma mère" (Mt 12,50) , quiconque n'est pas dans ces dispositions et commet le péché encourt évidemment ce jugement : "Le pécheur est esclave du péché" (Jn 8,34). Le supérieur devra donc lui porter ses avertissements et ses exhortations.

S'il persévère malgré cela dans le même état, il mérite assurément la condamnation du Seigneur qui ajoute : "...et l'esclave ne doit pas rester dans la maison" (Jn 8,35), et celle de l'Apôtre : "Éloignez le méchant du milieu de vous" (1 Cor 5,13). Ainsi seront tranquilles ceux qui le servaient et en sécurité ceux qui se trouvaient avec lui.

 

Qu. 156  : Celui qui a la charge du cellier ou toute autre de ce genre, doit-il la garder toujours ou faut-il parfois le changer ?

 

R. : S'il s'en acquitte avec sens de l'ordre et fidélité à la règle, il est inutile de changer, ce serait plutôt déplaisant et difficile. Il est nécessaire, par contre, de lui adjoindre un aide qu'il puisse former peu à peu dans sa charge, de crainte que, la nécessité venue de lui donner un successeur, nous ne soyons embarrassés pour en trouver un, et que nous soyons alors obligés d'établir un incapable dans cette fonction; son impéritie causerait fatalement la ruine de l'observance et détruirait la bonne discipline.

 

 

Qu. 157  : Dans quelle disposition d'âme faut-il servir Dieu, et qu'est-ce, en général, que cette disposition ?

 

R. : A mon sens, la disposition parfaite consiste à être animé d'un désir de plaire à Dieu ardent, insatiable, inébranlable et immuable. Elle s'obtient par la contemplation intelligente et soutenue de la grandeur des gloires de Dieu et par la pensée reconnaissante et le souvenir continuel des bienfaits reçus de Lui. Ainsi l'âme obéit au commandement : "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toutes tes forces, de tout ton esprit" (Mc 12 :30), et réalise ces paroles : "Comme le cerf assoiffé de l'eau des fontaines, ainsi mon âme aspire vers toi, mon Dieu" (Ps 41 :1).

Telles sont les dispositions requises dans le service de Dieu, selon les paroles de l'Apôtre : "Qui nous séparera de la charité du Christ ? la tribulation ? l'angoisse ? la persécution ? la nudité ? les périls ? le glaive ?" et la suite (Rom 8 :35).

 

 

 

Qu. 158  : Avec quels sentiments faut-il accepter une punition ?

 

R. : Avec les sentiments d'un enfant malade dont la vie est en jeu, soigné par un père médecin.

Même si la médication est amère et douloureuse, il se confie à l'affection et à la sagesse de celui qui le punit et n'envisage que sa guérison.

 

 

 

Qu. 159  : Comment est celui qui se montre chagrin à l'égard de celui qui le punit ?

 

R. : Il ne comprend ni le danger auquel il s'expose par le péché, spécialement vis-à-vis de Dieu, ni ce qu'il a à gagner en faisant pénitence; il ne croit pas en la vérité de ces paroles : "Qui aime bien châtie bien" (Pro 13 :24); il se prive de l'avantage dont parle le psalmiste : "Dans sa miséricorde le juste me corrigera et me reprendra" (Ps 140 :5); enfin, il nuit à ses confrères en les détournant de leurs efforts.

 

 

 

Qu. 160  : Dans quel esprit devons-nous servir nos frères ?

 

R. : En considérant ce service comme rendu au Seigneur lui-même qui a dit : "Tout ce que vous avez fait au moindre de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait" (Mt 25 :40).

Si tels sont bien également ceux que nous servons, ce sera alors chose facile; aussi les supérieurs veilleront-ils avec le plus grand soin à ce que l'amour du corps ne les fasse pas esclaves de la gourmandise et de la sensualité mais que l'amour de Dieu et du Christ les fasse plutôt, comme le juste Job, glorifier Dieu et mépriser le démon dans la patience parfaite.

 

 

 

Qu. 161  : Avec quels sentiments d'humilité doit-on recevoir les bons offices d'un frère ?

 

R. : Avec les sentiments d'un esclave servi par son maître et ceux que montre l'apôtre Pierre servi par le Seigneur, exemple où l'on voit le danger que l'on court à refuser de se laisser servir.

 

 

 

Qu. 162  : Quelle charité devons-nous avoir les uns pour les autres ?

 

R. : Celle que le Christ a montrée et enseignée en disant : "Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Personne ne peut aimer plus qu'en donnant sa vie pour ses amis" (Jn 15 :12-13).

S'il faut aller jusqu'au don total de sa vie, à combien plus forte raison devons-nous montrer de l'empressement dans le don partiel, non pour satisfaire à des obligations humaines mais être utiles à chacun dans le but de plaire à Dieu.

 

 

 

Qu. 163  : Comment quelqu'un pourra-t-il parvenir à la charité envers le prochain ?

 

R. : Il craindra tout d'abord le châtiment qui menace les violateurs du commandement du Seigneur, car il a dit lui-même : "Celui qui n'obéit pas au Fils n'aura pas la vie, mais la colère de Dieu s'appesantira sur lui" (Jn 3 :36). Il désirera ensuite la vie éternelle, "car son commandement est vie éternelle" (Jn 12 :50). "Le premier et le plus grand de tous est : "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de tout ton esprit et de toutes tes forces"; le second est semblable au premier : "Tu aimeras le prochain comme toi-même" (Mt 22 :37-39).

Il cherchera en outre à ressembler au Seigneur, qui a dit : "Je vous donne un commandement nouveau qui est de vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés" (Jn 13 :34). Enfin il fera le raisonnement suivant : Si notre frère nous a fait du bien, nous lui devons humainement de l'aimer, ce que font même les gentils, comme le Seigneur l'affirme dans l'Évangile : "Si vous aimez ceux qui vous aiment, quel gré vous en saura-t-on ? car les pécheurs aiment aussi ceux qui les aiment" (Lc 6 :32). Si notre frère nous a fait du mal, nous devons l'aimer non seulement parce que cela nous est commandé, mais aussi parce qu'il nous procure les plus grands avantages, si, du moins, nous avons foi dans les paroles du Seigneur : "Bienheureux, serez-vous lorsque les hommes vous haïront, vous persécuteront, diront faussement contre vous toute espèce de mal à cause de moi. Réjouissez-vous alors et soyez dans l'allégresse, parce que grande sera votre récompense dans les cieux" (Mt 5 :11-12).

 

 

 

Qu. 164  : Qu'est-ce que : "Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés" ? (Lc 6 :37)

 

R. : Le Seigneur, tantôt a dit : "Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés"; et tantôt a ordonné de juger selon la justice (Jn 7 :24).Il est donc évident qu'il ne nous interdit pas tout jugement et qu'il nous enseigne à faire une discrimination.

L'Apôtre nous indique clairement quand on doit juger et quand on ne le doit pas. Parlant des actions laissées libres à chacun et que ne prescrit pas l'Écriture, il dit : "Pourquoi donc juger ton frère ?" (Rom 14 :10) et : "Nous ne porterons plus aucun jugement les uns sur les autres" (Rom 14 :13). Mais en ce qui déplaît à Dieu il trouve mal de ne pas juger, et lui-même donne son jugement en disant : "Pour moi, absent de corps, mais présent en esprit, j'ai déjà jugé comme si j'étais là, celui qui a commis cette faute : Au nom de Notre Seigneur Jésus Christ, que cet homme soit livré à Satan pour la mort de la chair, afin que son âme soit sauvée au jour du Seigneur Jésus" (1 Cor 5 :3-5).

Par conséquent, dans tout ce qui est libre ou, ce qui arrive souvent, n'est pas clairement défendu, il ne faut pas juger son frère, car l'Apôtre a dit en parlant de ce qui nous échappe : "Ne jugez donc rien avant le temps de la venue du Seigneur, lequel mettra en lumière les secrets enfouis dans les ténèbres et manifestera les desseins des coeurs" (1 Cor 4 :5). Il est cependant absolument nécessaire de prendre la défense des jugements de Dieu, pour ne pas subir avec le coupable la colère de Dieu si on se tait; à moins qu'en agissant comme celui qu'on reprend, on ne perdre le droit de juger son frère, selon cette parole du Seigneur : "Enlève d'abord la poutre de ton oeil et tu verras ensuite à enlever la paille de l'oeil de ton frère" (Mt 7 :5).

 

 

 

Qu. 165  : Lorsqu'on s'émeut contre un frère coupable, comment reconnaître si l'on obéit à un pieux zèle ou à la colère ?

 

R. : Quand on éprouve à l'égard de n'importe quelle faute ce qui est écrit : "Ton zèle m'a consumé parce que mes ennemis ont oublié tes enseignements" (Ps 118 :139), alors il est évident qu'il s'agit du zèle de Dieu.

Ici encore, cependant, si l'on veut édifier, il faut se conduire avec beaucoup de prudence, car, dès que cette disposition n'existe pas dans l'âme au préalable, et n'est pas à l'origine de l'émotion, celle-ci manque de mesure et le but de piété n'est pas sauf.

 

 

 

Qu. 166  : Avec quels sentiments faut-il écouter quiconque nous presse d'accomplir notre devoir ?

 

R. : Avec l'ardeur d'un enfant qui a faim et entend sa nourrice l'appeler à recevoir sa nourriture, ou de tout homme qui prétend vivre et écoute celui qui lui en donnera le moyen, et même d'autant plus que la vie éternelle est supérieure à la vie présente, car : "Mon commandement est vie éternelle", dit le Seigneur (Jn 12 :50). Exécuter le commandement c'est manger son pain, suivant cette autre parole du Seigneur : "Ma nourriture est de faire la volonté de mon Père qui m'a envoyé" (Jn 4 :34).

 

 

 

Qu. 167  : Dans quelles dispositions doit être l'âme qui a été jugée digne d'être employée au service de Dieu ?

 

R. : Dans celles de celui qui disait : "Qui suis-je, Seigneur mon Maître ? et de quelle race, pour que vous m'ayez aimé ?" (2 Sam.7 :18) Elle doit donc faire ce qui est écrit : "Rendant grâces au Père qui nous a donné de pouvoir participer à l'héritage des saints dans la lumière, qui nous a arrachés à la puissance des ténèbres, et nous a transférés dans le royaume de son Fils bien-aimé" (Col.1 :12-13).

 

 

 

Qu. 168  : Dans quel esprit recevoir tout vêtement ou chaussures ?

 

R. : Si l'objet reçu est plus petit ou plus grand qu'il ne convient pour la taille, il faudra exposer ses besoins avec la modération nécessaire. Si on le trouve trop vil ou pas assez neuf on se souviendra de la parole du Seigneur : "Mérite sa nourriture, non pas n'importe qui, mais celui-là seul qui travaille" (Mt 10 :10). On examinera alors si l'on a travaillé d'une façon digne des ordres et des promesses du Seigneur et, par suite, loin de désirer autre chose on craindra plutôt pour ce que l'on a reçu, dans la pensée qu'on ne mérite pas tant.

En effet, ce qui a été dit à propos de la nourriture doit être considéré comme la règle pour tout ce qui regarde les nécessités du corps.

 

 

 

Qu. 169  : Comment devra se comporter un frère chargé d'instruire un plus âgé ?

 

R. : Comme accomplissant une charge reçue de son Maître, dans la crainte d'encourir la condamnation de celui qui a dit : "Maudit soit celui qui exécute avec négligence l'oeuvre du Seigneur" (Jér.48 :10), et en se gardant de tomber, par orgueil, sous la loi du démon (1 Tim3 :6).

 

 

 

Qu. 170  : Faut-il avoir la même considération pour celui qui se conduit mieux et pour celui qui se conduit moins bien ?

 

R. : Le Seigneur a donné la règle en parlant du pardon des péchés : "Beaucoup de fautes lui ont été remises parce qu'elle a beaucoup aimé; celui à qui il est moins pardonné aime moins" (Lc 7 :47), et, précisément à propos des anciens, l'Apôtre a établi "qu'on aura double respect pour les Anciens qui gouvernent bien, surtout s'ils se livrent à la prédication et à l'enseignement" (1 Tim.5 :17).

Voilà, je crois, comment il faut agir dans tous les cas de ce genre.

 

 

 

Qu. 171  : Que penserons-nous d'un frère moins considéré qui se voit avec peine préférer un plus avancé dans la crainte de Dieu ?

 

R. : Évidemment, ce frère est taxé de méchanceté par la parabole de l'Évangile, dans laquelle le Seigneur s'adresse à ceux qui s'attristent de voir d'autres recevoir autant qu'eux, et leur dit : "Votre oeil est-il méchant parce que je suis bon ?" (Mt 20 :15)

Manifeste est d'ailleurs la condamnation que le Seigneur prononce contre eux par la bouche du prophète : " Le méchant est méprisé devant lui, tandis qu'il honore ceux qui craignent le Seigneur" (Ps 14 :4).

 

 

 

Qu. 172  : Avec quelle crainte ou quelle confiance, ou dans quels sentiments devons-nous communier au corps et au sang du Christ ?

 

R. : La crainte, l'Apôtre nous l'enseigne en disant : "Celui qui mange et boit indignement, mange et boit sa propre condamnation" (1 Cor 11 :29). La confiance nous est inspirée par ces paroles du Seigneur : "Ceci est mon corps qui a été livré pour vous; faites ceci en mémoire de moi" (Lc 22 :19); de même par ces paroles de Jean qui, après avoir proclamé la gloire du Verbe, expose ainsi la façon dont il s'est incarné : "Le Verbe s'est fait chair, et il a habité parmi nous, et nous avons contemplé sa gloire, gloire qu'il possède comme Fils unique du Père, plein de grâce et de vérité" (Jn 1 :14). Enfin l'Apôtre écrit : "Bien qu'il fût Dieu lui-même, il ne s'est pas attaché comme à un butin à son égalité avec Dieu, mais il s'est anéanti en prenant la condition d'esclave, devenu semblable aux hommes et reconnu extérieurement comme un homme, il s'humilia lui-même en se faisant obéissant jusqu'à la mort et même la mort de la croix" (Phil.2 :6-8).

Lorsque, s'appuyant sur de telles et si nombreuses paroles, l'âme aura compris l'immensité de gloire et admiré l'excès d'humilité et de soumission dans Celui qui, étant ce qu'il était, obéit au Père jusqu'à mourir pour notre Rédemption, je pense qu'elle entrera dans des sentiments d'amour : amour pour Dieu le Père "qui n'a pas épargné son propre Fils, mais l'a livré pour nous" (Rom 8 :32); amour pour le Fils unique du Père, qui a été obéissant jusqu'à la mort pour notre Rédemption et notre salut. Elle pourra dès lors entendre les paroles de l'Apôtre, qui établit comme une norme de santé morale d'avoir bien conscience d'éprouver de tels sentiments, lorsqu'il dit : "La charité du Christ nous presse, estimant que, puisqu'un seul est mort pour tous, tous sont morts. Et il est mort pour tous afin que tous ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais vivent pour lui qui est mort et ressuscité pour eux" (2 Cor.5 :14-15). Voilà les dispositions et les sentiments que doit avoir celui qui communie au corps et au sang du Christ.

 

 

 

Qu. 173  : Convient-il de parler à l'heure où, dans la maison, a lieu la psalmodie ?

 

R. : Cela ne convient pas, à moins qu'on ait la charge d'établir et de maintenir l'ordre et la bonne organisation des différents travaux, et que la nécessité le demande.

Encore ne doit-on pas parler inconsidérément, mais tenir compte du lieu, de la discipline, de la réserve qui s'impose et de l'exemple donné. Pour tous les autres le silence est de rigueur.

En effet, si, dans l'assemblée des fidèles, dès qu'un membre reçoit une révélation (1 Cor 14 :30), le silence est prescrit même au premier de ceux qui ont mission d'instruire les autres, à combien plus forte raison doit-on généralement l'observer pendant la psalmodie.

Qu. 174  : Comment exécuter les commandements du Seigneur avec ferveur et empressement ?

 

R. : L'expérience qu'on a d'une chose agréable et utile, et le fait même de l'attendre, engendre naturellement dans l'âme ardeur et empressement.

C'est le péché qui produit dans l'âme langueur et paresse à l'égard des commandements divins, tout comme la maladie engendre l'inappétence et le dégoût des aliments; si, donc, on rejette et on hait le mal en se purifiant du péché (Ps 118 :163), et si, d'autre part on est persuadé que les commandements de Dieu sont vie éternelle et que ses promesses se réaliseront pour ceux qui les observent, on est dans les dispositions de celui qui a dit : "Les décrets de Dieu sont vrais, justifiés en eux-mêmes, plus désirables que l'or et la pierre précieuse, plus doux que le miel et le rayon de miel; aussi bien votre serviteur les observe et pour cette observance il obtiendra une grande récompense" (Ps 18 :10-12).

 

 

 

Qu. 175  : Comment apparaît-il qu'on aime un frère selon l'ordre du Seigneur et, quand il n'en est pas ainsi, comment se trahit-on ?

 

R. : La charité a deux propriétés remarquables : elle s'attriste et s'inquiète du mal qui atteint le prochain; elle se réjouit avec lui et lutte pour son intérêt.

Bienheureux donc celui qui éprouve de la compassion pour le pécheur à cause du grand danger où il se trouve, et se complaît dans le juste, dont la récompense est, suivant l'Écriture, sans proportion.

L'Apôtre le déclare également lorsqu'il dit : "Quand un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui" en raison, certes, de la charité qui les unit dans le Christ; et : "Si un membre est honoré, parce qu'il cherche à plaire à Dieu, évidemment, tous se réjouissent" (1 Cor 12 :26).

Quiconque n'est pas dans ces dispositions n'aime certainement pas son frère.

 

 

 

Qu. 176  : Qui sont les ennemis que nous sommes tenus d'aimer ? et comment aimerons-nous nos ennemis ? en leur faisant du bien seulement ? ou en étant aussi intérieurement bien disposés à leur égard ? Cela encore est-il possible ?

 

R. : Le propre d'un ennemi est de nuire et de dresser des embûches, aussi appellera-t-on ennemi quiconque fait du mal à autrui, et spécialement le pécheur. Le pécheur, en effet, nuit tant qu'il peut et tend des pièges à celui avec qui il vit comme à celui qu'il rencontre. Or l'homme étant composé d'une âme et d'un corps, nous aimerons l'âme de ces malheureux si nous les reprenons, les avertissons et faisons tout pour les amener à se convertir; nous aimerons leur corps en subvenant à leurs besoins dans les nécessités de la vie. Que la charité, cependant, soit une disposition intérieure, c'est évident pour tous. La possibilité nous en est démontrée par le Seigneur, qui a manifesté l'amour du Père et le sien en se révélant obéissant jusqu'à mourir, non, dit l'Apôtre, pour ses amis, mais pour des ennemis. "Voici, écrit-il, comment Dieu nous a prouvé son amour : c'est alors que nous étions pécheurs que le Christ est mort pour nous" (Rom 5 :8-9). Il nous exhorte donc à faire de même : "Soyez les imitateurs de Dieu comme des enfants bien-aimés, et marchez selon la charité, à l'exemple du Christ qui nous a aimés et s'est offert pour nous, en oblation et en hostie" (Eph 5 :1-2).

Certes celui qui est juste et bon n'aurait pas exigé cela s'il n'en avait donné la possibilité. Il a même montré que c'est là une chose forcément naturelle : les animaux, en effet, aiment instinctivement leurs bienfaiteurs, or l'ami nous fait-il autant de bien que les ennemis ? Ceux-ci nous introduisent dans cette béatitude dont parle le Seigneur : "Bienheureux serez-vous lorsqu'ils vous poursuivront et vous haïront et diront mensongèrement contre vous toute espèce de mal à cause de moi. Réjouissez-vous alors et soyez dans la joie, car votre récompense sera grande dans le ciel" (Mt 5 :11-12).

 

 

 

Qu. 177  : Comment les plus forts doivent-ils prendre sur eux les faiblesses des autres ? (Rom 15 :1)

 

R. : Si l'expression "prendre sur soi" signifie enlever et guérir, comme le dit l'Évangile du Christ : "Qui assuma nos faiblesses et porta nos misères" (Is.53 :4), non pas en les admettant en lui, mais en guérissant ceux qui souffraient, - elle exprime également à la fois le caractère et la valeur de la pénitence, moyen par lequel la sollicitude des forts pourvoit à la guérison des faibles.

 

 

 

Qu. 178  : Que signifie la parole : "Prenez sur vous le fardeau les uns des autres" ? (Gal.6 :2) et quelle loi accomplir ainsi ?

 

R. : Cela revient à ce que nous venons de dire. Le péché est une lourde charge qui entraîne l'âme au fond de l'enfer. Nous nous l'enlevons mutuellement et autour de nous en amenant les pécheurs à se convertir. Dire "prendre sur soi" pour "enlever" est du reste une habitude des gens du pays, comme je l'ai souvent entendu. La loi que nous accomplissons est celle du Christ qui a dit : "Je ne suis pas venu inviter les justes mais les pécheurs à se convertir" (Lc 5 :32), et nous a donné ce commandement : "Si un frère commet une faute, va et reprends-le. S'il t'écoute tu auras gagné ton frère" (Mt 18 :15).

 

 

 

Qu. 179  : Comment peut-on, sans la charité, avoir une foi suffisante pour transporter les montagnes ou donner tous ses biens aux pauvres, ou livrer son corps aux flammes ?

 

R. : Il ne nous sera pas difficile de le comprendre si nous nous rappelons les paroles du Seigneur : "Ils font cela pour plaire aux hommes" (Mt 6 :5), et sa réponse à ceux qui lui dirent : "Seigneur, Seigneur, n'avons-nous pas prophétisé en votre nom ? N'avons-nous pas fait des prodiges en votre nom ?" (Mt 7 :22) - "En vérité, dit-il, je ne sais d'où vous êtes" (Lc 13 :27); non pas qu'ils eussent menti, mais parce qu'ils avaient usé des dons de Dieu suivant leur volonté propre, ce qui est incompatible avec la charité.

Il n'y a certes rien d'étrange à ce qu'un indigne reçoive un don de Dieu; car Dieu, dans le temps de la patience et de la bonté (Rom 2 :4), fait luire son soleil sur les bons et sur les méchants (Mt 5 :45); mais le plus souvent cette grâce est donnée pour le bien de celui qui la reçoit et qui, peut-être, confus de la bonté de Dieu à son égard, se convertira au désir de lui plaire, - ou pour le bien des autres, suivant la parole de l'Apôtre : "Certains prêchent le Christ par sentiment d'envie ou de contradiction, d'autres aussi par bonne volonté" (Phil.1 :15) - et il ajoute, peu après : "Mais qu'importe, hypocritement ou sincèrement, le Christ est annoncé de toute façon et c'est de cela que je me réjouis" (Phil.1 :18).

 

Qu. 180  : Avec quels sentiments et quelle attention faut-il écouter la lecture qui nous est faite pendant le repas ?

 

R. : Avec plus de plaisir que nous n'en avons en mangeant et en buvant, de sorte que notre esprit montre qu'il n'est point distrait par les voluptés du corps mais se délecte plutôt des paroles du Seigneur, tout comme celui qui a dit : "Elles sont plus douce que le miel et le rayon de miel" (Ps 18 :11).

 

 

 

Qu. 181  : De deux fraternités voisines, l'une est pauvre et l'autre peu disposée à partager; quels sentiments doivent animer la première à l'égard de celle qui ne donne pas ?

 

R. : Comment ceux qui ont appris à donner même leur vie les uns pour les autres dans l'amour du Christ, peuvent-ils être parcimonieux des biens du corps ? Comme s'ils oubliaient celui qui a dit : "J'ai eu faim et vous m'avez donné à manger" (Mt 25 :42). Si cela arrivait, ceux sont dans l'indigence doivent prendre patience, persuadés que, comme Lazare, ils seront consolés dans le siècle futur.

 

 

 

Qu. 182  : A quels fruits reconnaître si l'on reprend par compassion un frère coupable ?

 

R. : Le premier signe caractéristique de la compassion est celui dont parle l'Apôtre en disant : "Lorsqu'un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui" (1 Cor 12 :26), et "Qui tombe sans que je ressente un feu en moi-même ?" (2 Cor.11 :29)

Ensuite il faut qu'on s'apitoie également sur toute faute et que l'on éprouve de la peine et de la tristesse pour tous les pécheurs, ceux qui nous offensent et ceux qui offensent les autres.

Enfin, en reprenant le coupable on ne doit pas le faire autrement que selon l'exemple donné par le Seigneur.

 

 

 

Qu. 183  : Lorsque des membres de la fraternité entrent en contestation, est-il sans danger de garder avec soi, par charité, de tels compagnons de vie ?

 

R. : Le Seigneur a dit : "Accordez, Père, qu'ils soient un en nous comme toi et moi nous sommes un" (Jn 17 :21); l'Apôtre a écrit : "unanimes et d'un même sentiment" (Phil.2 :2), et les Actes racontent que "les fidèles n'avaient qu'une seule âme et un même coeur" (Act.4 :32).

Certes, les frères en discorde sont étrangers à ces dispositions; quant à la charité bien ordonnée, elle observe ce principe : "Celui qui aime prend soin de corriger" (Pro 13 :24); mal ordonnée, quelle qu'elle soit, elle est mauvaise, selon la parole du Seigneur : "Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi, n'est pas digne de moi" (Mt 10 :37).

 

 

 

 

Qu. 184  : Quand il s'agit d'exhorter et de faire des reproches, comment ne pas seulement veiller à bien parler, mais aussi conserver les dispositions requises envers Dieu et envers ceux à qui l'on parle ?

 

R. : En se rappelant ces mots de l'Apôtre : "Qu'on nous regarde comme les serviteurs du Christ et les dispensateurs des mystères de Dieu" (1 Cor 4 :1).

On parlera, en effet, alors, non comme de sa propre initiative et pour exposer une doctrine personnelle, mais en ministre de Dieu qui prend soin des âmes rachetées par le sang du Christ, avec crainte et tremblement devant Dieu, car il est dit : "Nous parlons non pour plaire aux hommes, mais pour plaire à Dieu qui sonde les coeurs" (1 Thess.2 :4).

A l'égard des auditeurs on sera rempli de bienveillance et de compassion, en s'appliquant ces paroles : "Telle une nourrice qui entoure de soins ses enfants, ainsi dans notre affection pour vous, nous aurions voulu vous apporter non seulement l'Évangile de Dieu, mais encore notre vie elle-même" (1 Thess.2 :7-8).

 

 

 

Qu. 185  : Lorsqu'on se réjouit d'avoir touché ses auditeurs, comment reconnaître si c'est par un bon sentiment ou par retour sur soi-même ?

 

R. : Si l'on se réjouit uniquement des louanges reçues, il est clair que c'est de la complaisance en soi.

Si, au moment même, on est heureux d'apprendre par ces approbations que les auditeurs ont compris le discours et donnent ainsi l'espoir qu'ils y conformeront leur conduite et si, dans la suite, après que l'on s'est informé du résultat, on reconnaît avec joie que la bonne conduite a suivi les louanges ou, avec tristesse, qu'aucun profit n'a été retiré, alors on peut remercier Dieu : c'est dans la charité envers Dieu et envers ses frères qu'on a pu émouvoir; ce n'est pas sa propre gloire que l'on a recherché, mais la gloire de Dieu et l'édification du prochain.

 

 

 

Qu. 186  : Puisqu'on nous a enseigné qu'il faut aimer au point de donner sa vie pour ses amis, nous voudrions savoir pour quels amis nous devons être disposés à cela ?

 

R. : Il est raisonnable de distinguer les dispositions intérieurs et la pratique de cette vertu.

Autres sont souvent, en effet, les bonnes actions à poser en faveur des pécheurs, autres les marques de sollicitude à donner aux justes. Intérieurement, cependant, il faut être disposé à mourir aussi bien pour les pécheurs que pour les justes, sans distinction, car "Dieu, dit l'Apôtre, nous a montré son amour dans le fait que nous étions pécheurs lorsque le Christ est mort pour nous" (Rom 5 :8-9), et il dit aux saints : "Comme une nourrice pleine de sollicitude pour ses enfants, je vous ai aimés au point de désirer vous donner non seulement l'Évangile, mais ma vie même, tant vous m'êtes devenus chers" (1 Thess.2 :7-8).

 

 

 

Qu. 187  : Chacun peut-il recevoir quelque chose de sa famille ?

 

R. : Les parents de celui qui se consacre au Seigneur doivent, certes, lui livrer tous les biens qui lui appartiennent sans rien en soustraire, s'ils ne veulent pas encourir la peine du sacrilège. Cependant, les employer sous les yeux ce ceux à qui il a semblé bon de les apporter, leur fournirait souvent à eux-mêmes l'occasion de s'enorgueillir, et serait pour les pauvres qui ont embrassé la même vie un motif de chagrin. Il arriverait alors ce que l'Apôtre reproche aux Corinthiens : "Vous humiliez ceux qui n'ont rien" (1 Cor 11 :22).

C'est pourquoi, si celui à qui la direction des Églises locales a été confiée est digne de confiance et capable de bien administrer, on s'en référera à lui, à l'imitation des fidèles dont les Actes disent qu''"ils apportaient leur avoir aux pieds des Apôtres" (Act.4 :35). Si, en effet, il n'appartient pas à tous de gérer ces biens mais à ceux-là seuls qui ont été désignés pour cela, après y avoir été reconnus aptes, c'est lui qui emploiera ce don, comme lui-même le reconnaîtra juste.

 

 

 

Qu. 188  : Comment considérerons-nous les compagnons de jadis et les parents qui viendraient à nous ?

 

R. : Comme le Seigneur l'a montré et enseigné lorsqu'on vint lui dire : "Votre mère et vos frères sont dehors et veulent vous voir" (Lc 8 :20), - "Qui est ma Mère et qui sont mes frères ?" répondit-il sévèrement. "Celui qui fait la volonté de mon Père céleste, voilà qui est ma mère, mon frère, ma soeur" (Mt 12 :48-50).

 

 

 

Qu. 189  : Et s'ils nous invitent à nous rendre chez eux, devons-nous accéder à leur désir ?

 

R. : Si c'est pour le bien spirituel, qu'on envoie celui que l'on sait pouvoir édifier, mais s'il s'agit d'une simple politesse humaine, qu'on écoute la réponse du Seigneur à celui qui disait : "Permettez-moi d'aller mettre de l'ordre à mes affaires chez moi". - "Quiconque, dit-il, met la main à la charrue et regarde derrière lui, n'est pas digne du royaume des cieux" (Lc 9 :61-62). Si la faute de celui qui voulait prendre congé des siens une fois pour toutes est si grande, que dire du cas dont nous parlons ?

 

 

 

Qu. 190  : Faut-il avoir pitié de ses parents selon la chair et désirer leur salut ?

 

R. : Celui qui, selon l'expression du Seigneur, est né de l'esprit (Jn 3 :8), et a reçu le pouvoir de devenir enfant de Dieu (Jn 1 :12), rougit de la parenté charnelle. Il considère comme ses proches ceux qui le sont dans la foi, à l'exemple du Seigneur qui a dit : "Ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique" (Lc 8 :21). Il a certes pitié de tous ceux qui sont éloignés de Dieu, mais de ses parents selon la chair comme de tous les autres. Si quelqu'un souffre davantage pour eux, et croit trouver une excuse à sa douleur dans ces paroles de l'Apôtre : "J'aurai voulu être anathème, loin du Christ, pour mes frères, mes parents selon la chair" (Rom 9 :3), qu'il apprenne, par le contexte, que l'Apôtre ne veut pas marquer son respect pour la famille selon la chair, mais pour Israël et les privilèges reçus de Dieu, et non parce que les Israélites étaient ses frères, mais parce que ses frères étaient Israélites et que Dieu avait daigné leur accorder tant d'extraordinaires privilèges. A eux appartiennent l'adoption et la gloire, et la foi et le culte, et les alliances et les promesses; chez eux se trouvent les Pères, d'eux est issu le Christ selon la chair (Rom 9 :4-5). Voilà pourquoi il attache tant de prix à leur salut, non qu'il considère la parenté charnelle mais l'Incarnation, en leur faveur, du Christ qui a dit : "J'ai été envoyé seulement pour les brebis de la maison d'Israël qui ont péri" (Mt 15 :53).

 

 

 

 

Qu. 191  : Qui est l'homme doux ?

 

R. : Celui qui reste immuable dans sa décision prise pour plaire à Dieu.

 

 

 

Qu. 192  : Qu'est-ce que la tristesse selon Dieu et la tristesse selon le monde ?

 

R. : La tristesse selon Dieu, est de celui qui s'afflige de la transgression d'un commandement de Dieu, suivant ces paroles de l'Écriture : "L'affliction m'a saisi à la vue des pécheurs qui abandonnent votre loi" (Ps 118 :53).

La tristesse selon le monde, est de qui s'attriste pour un motif humain et digne du monde.

 

 

 

Qu. 193  : Qu'est-ce que se réjouir dans le Seigneur ? et en quoi faut-il se réjouir ?

 

R. : Être heureux de ce qui est conforme à la loi de Dieu et tourne à sa gloire : voilà se réjouir dans le Seigneur.

Lorsque nous accomplissons les commandements ou souffrons pour son nom, nous devons donc être dans l'allégresse et nous féliciter mutuellement.

 

 

 

Qu. 194  : Quand pleurerons-nous de façon à mériter la béatitude ? (Mt 5 :5)

 

R. : Cette question est contenue dans la question sur la tristesse selon Dieu. Ce sera lorsque nous pleurerons sur les péchés commis, soit à cause de l'offense faite à Dieu, parce qu'en transgressant la loi de Dieu on le méprise, soit à cause du danger couru par les pécheurs, car "l'âme qui a péché, est-il dit, mourra" (Ez.18 :4), à l'imitation de celui qui a dit : "Je pleurerai sur beaucoup de ceux qui auront péché" (2 Cor.12 :21).

 

 

 

Qu. 195  : Comment faire tout pour la gloire de Dieu ?

 

R. : En faisant tout pour Dieu, selon le commandement de Dieu, et sans convoiter en rien les louanges des hommes, mais en se rappelant partout ce que le Seigneur a dit : "Que votre lumière brille devant les hommes afin qu'ils voient les bonnes oeuvres que vous faites et rendent gloire à votre Père qui est dans les cieux" (Mt 5 :16).

 

 

 

 

 

Qu. 196  : Comment manger et boire pour la gloire de Dieu ?

 

R. : On pensera à son bienfaiteur et l'on sera intérieurement dans ce sentiment, manifesté par l'attitude du corps, que l'on mange en présence de Dieu et non comme un être sans soucis. Quant au but de la réfection, on mangera non pour le plaisir, en esclave de son ventre, mais en ouvrier de Dieu, pour se fortifier en vue de l'accomplissement des commandements du Christ.

 

 

 

Qu. 197  : Comment la main droite agit-elle de façon que la main gauche l'ignore ?

 

R. : Lorsque, fermement établie dans le désir de plaire à Dieu, et luttant pour ne pas s'écarter de son devoir, l'âme combat selon les règles; alors elle ne pense même pas à un autre membre qu'à celui qui lui sert dans le présent, comme un artisan dans son travail ne regarde que l'outil qu'il emploie.

 

 

 

Qu. 198  : Qu'est-ce que l'humilité et comment y parvenir ?

 

R. : L'humilité consiste, suivant le commandement de l'Apôtre (Phil.2 :3), à regarder les autres comme étant au dessus de soi. Pour y parvenir on se souviendra d'abord de la parole du Seigneur : "Apprenez de moi parce que je suis doux et humble de coeur" (Mt 11 :29), ce qu'il a montré et enseigné en bien des occasions et de bien des manières, et on aura confiance en cette promesse : "Quiconque s'humilie sera élevé" (Lc 14 :11).

Ensuite, avec persévérance et constance, en toute occasion d'agir, on se demandera quels sont les comportements de l'humilité et on s'y exercera, car c'est en se donnant de la peine, que l'on parviendra ainsi, par une constante application, comme dans les arts, à la pratique parfaite de l'humilité. C'est aussi de la même manière que l'on arrivera à toute vertu commandée par Notre Seigneur Jésus Christ.

 

 

 

Qu. 199  : Comment avoir le courage de s'exposer même aux dangers pour observer la loi du Seigneur ?

 

R. : On se souviendra d'abord que le Seigneur lui-même a été, pour nous, obéissant à son Père jusqu'à la mort (Phil.2 :8). Ensuite on se représentera la valeur de la loi divine qui, selon l'Écriture, est vie éternelle (Jn 12 :50). Enfin, on aura confiance dans cette parole du Seigneur : "Celui qui voudra sauver sa vie la perdra et celui qui perdra sa vie pour moi et pour l'Évangile, la sauvera" (Mc 8 :35).

 

 

 

Qu. 200  : Comment les anciens dans le service de Dieu peuvent-ils aider les nouveaux venus ?

 

R. : Lorsqu'ils sont valides, en montrant l'activité de leur zèle et en donnant l'exemple de toute observance.

Lorsqu'ils sont impotents , en vivant dans un état d'âme tel que, sur leur visage et dans leur maintien, il apparaisse qu'ils sont persuadés d'être sous les regards de Dieu et dans la présence du Seigneur, et en manifestant dans leur conduite ces caractères que l'Apôtre énumère de la charité : "La charité est patiente, est bienveillante, n'est pas jalouse, n'agit pas à contretemps, ne s'enfle pas, n'est pas dédaigneuse, ne cherche point ses propres intérêts, ne s'irrite pas, ne soupçonne pas le mal, ne prend pas plaisir à l'injustice mais se réjouit de la vérité. Elle supporte tout, croit tout, espère tout, souffre tout. La charité n'aura jamais de fin" (1 Cor 13 :4-8). Tout cela, on peut le réaliser même dans un corps débile.

 

 

 

Qu. 201  : Comment être sans distractions dans la prière ?

 

R. : En croyant bien avoir Dieu devant soi.

Si, lorsqu'on est en présence d'un prince ou d'un supérieur et qu'on lui parle, on ne détourne pas les yeux de lui, à combien plus forte raison, en priant Dieu ne détournera-t-on pas l'esprit de Celui qui sonde les reins et les coeurs, afin de réaliser cette parole de l'Écriture : "Élevant les mains pures, sans colère ni contestation" (1 Tim.2 :8).

 

 

 

Qu. 202  : L'absence de distractions partout et en tout temps est-elle possible ? et comment l'obtenir ?

 

R. : Qu'elle soit possible, c'est ce que montre celui qui a dit : "Mes regards sont tournés vers le Seigneur" (Ps 24 :15) et "Je voyais toujours le Seigneur devant moi parce qu'il se tient à ma droite pour que je ne sois pas ébranlé" (Ps 15 :8).

Comment l'obtenir ? On l'a déjà dit : lorsqu'on ne laisse pas de répit à l'âme, ni dans le souvenir de Dieu, de ses oeuvres et de ses dons, ni dans la reconnaissance et l'action de grâces pour tous ses bienfaits.

 

 

 

Qu. 203  : Les bonnes actions accomplies selon la loi du Seigneur, les trouve-t-on en aussi grand nombre chez tous, ou plus abondantes chez les uns, moins abondantes chez les autres ?

 

R. : Il est clair que la mesure n'est pas la même pour tous, mais que l'un reçoit et rend plus et l'autre moins, c'est le Seigneur qui l'enseigne : "Celui pour qui la graine tombe sur une bonne terre, c'est celui qui entend la parole de Dieu et la comprend, il porte du fruit, et donne, l'un du cent, un autre du soixante et un autre du trente pour un" (Mt 13 :23). On retrouve la même affirmation dans la parabole des mines (Lc 19 :16), ou lorsque "à l'un il donna cinq talents, à l'autre deux et à un autre trois" (Mt 25 :15).

 

 

 

Qu. 204  : Comment se rendre digne de posséder le Saint Esprit ?

 

R. : Notre Seigneur Jésus Christ nous l'a enseigner en disant : "Si vous m'aimez, observez mes commandements, et moi je prierai mon Père de vous envoyer un autre Consolateur qui reste avec vous éternellement : l'Esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir" (Jn 14 :15-17).

Aussi longtemps donc que nous n'observons pas tous les commandements du Seigneur et ne sommes pas tels qu'il puisse donner de nous ce témoignage : "Vous n'êtes pas du monde" (Jn 15 :19), nous ne pouvons nous attendre à être dignes de recevoir le Saint Esprit.

 

 

Qu. 205  : Qui sont les pauvres en esprit ? (Mt 5 :3)

 

R. : Le Seigneur a dit : "Les paroles que je vous adresse sont esprit et vie" (Jn 6 :64), et ailleurs : "Le Saint Esprit vous enseignera toutes choses et vous rappellera tout ce que je vous aurai dit... (Jn 14 :26), car, ajoute-t-il, il ne parlera pas de lui-même, mais vous enseignera ce qu'il aura entendu de moi" (Jn 16 :13). Ceux-là sont donc pauvres en esprit qui ne le sont point pour un motif quelconque, mais à cause de l'enseignement du Christ qui a dit : "Va, vends tout ce que tu as et donnes-le aux pauvres" (Mt 19 :21). Cependant si quelqu'un accepte la pauvreté d'où qu'elle vienne et, comme Lazare, la fait servir à l'accomplissement de la volonté de Dieu, celui-là n'est pas étranger non plus à la béatitude.

 

 

 

Qu. 206  : Le Seigneur ayant dit : "Ne vous demandez pas avec inquiétude : que boirons-nous, ou que mangerons-nous, ou de quoi nous vêtirons-nous ?" (Mt 6 :31) jusqu'ou s'étend ce commandement et comment l'observer ?

 

R. : Ce commandement, comme tous les autres, s'étend jusqu'à la mort, car c'est jusqu'à la mort que le Seigneur a été obéissant (Phil.2 :8). On l'observe par la confiance en Dieu. Le Seigneur, en effet, en proscrivant l'inquiétude, ajoute cette promesse : "Car votre Père sait ce dont vous avez besoin avant que vous le lui demandiez" (Mt 6 :32).

Telle fut la conduite de l'Apôtre qui écrit : "Nous portons en nous l'arrêt de la mort, afin que nous ne mettions pas notre confiance en nous-mêmes, mais en Dieu qui ressuscite les morts" (2 Cor.1 :9).

Chaque jour il préférait mourir, et son âme était prête, mais la volonté de Dieu la conservait en vie, d'où il disait avec confiance : "Comme mourant, et cependant en vie" (2 Cor.6 :9).

Ce qui facilite une telle disposition, c'est un zèle ardent pour les commandements du Seigneur, et un désir insatiable, sous l'impulsion duquel on ne se donne même pas le loisir d'être préoccupé par les nécessités du corps.

 

 

 

Qu. 207  : S'il ne nous est pas permis de nous inquiéter pour les nécessités de la vie et si le Seigneur nous a donné cet autre avertissement : "Ne travaillez pas pour une nourriture périssable" (Jn 6 :27), il est donc vain de travailler ?

 

R. : Le Seigneur lui-même, en chacun de ces deux endroits, explique son commandement. D'une part, après avoir défendu de se mettre en peine pour les besoins de la vie, en disant : "Ne vous demandez pas ce que vous mangerez ou ce que vous boirez, tous les païens en font autant", il ajoute : "Cherchez plutôt le royaume de Dieu et sa justice" (Mt 6 :31-33). Pour montrer alors comment le chercher, il indique les actions dignes de l'obtenir.

D'autre part, après avoir défendu de travailler pour une nourriture périssable, il enseigne à le faire pour une nourriture éternelle (Jn 6 :27), ce qu'il explique en un autre endroit en disant : "Ma nourriture est de faire la volonté de mon Père qui m'a envoyé" (Jn 4 :34). Or si la volonté de Dieu demande de nourrir celui qui a faim, de donner à boire à celui qui a soif et de vêtir celui qui est nu (Mt 25 :35-36), il faut donc imiter l'Apôtre qui a dit : "Je vous ai montré de toutes manières que c'est en peinant de la sorte qu'on soutient les pauvres" (Act.20 :35), et lui obéir, lorsqu'il dit : "Il doit plutôt s'occuper en travaillant de ses mains à un travail honnête afin d'avoir à donner à celui qui est dans le besoin" (Eph 4 :28). Il est donc évident que le Seigneur dans l'Évangile et l'Apôtre enseignent à ne pas s'inquiéter et à ne pas travailler pour soi-même, mais le Seigneur veut que l'on s'inquiète et que l'on travaille avec le plus grand zèle pour le prochain, d'autant plus qu'il regarde comme rendu à lui-même tout service rendu à ceux qui lui sont consacrés, et promet pour cela le royaume des cieux.

 

 

 

Qu. 208  : Est-il à propos de garder toujours le silence ?

 

R. : L'opportunité du silence dépend, nous enseigne l'Écriture inspirée, des circonstances et des personnes.

Des circonstances, comme lorsqu'elle dit : "L'homme prudent se tait lorsque le moment n'est pas propice" (Amos5 :13), ou : "J'ai mis une garde à ma bouche tant que le méchant est devant moi" (Ps 38 :2).

Des personnes, comme lorsque l'Apôtre écrit : "Si l'esprit se manifeste à un des assistants, que le premier se taise" (1 Cor 14 :30), et : "Que vos femmes se taisent pendant les assemblées" (1 Cor 14 :34).

Lorsque certains parlent inconsidérément et sont incapables d'observer la recommandation de l'Apôtre : "Ne laissez sortir de votre bouche aucune parole mauvaise, mais seulement une bonne, capable d'édifier" (Eph 4 :29), alors il est aussi nécessaire à ceux-là de garder un silence parfait, jusqu'à ce qu'ils soient guéris, grâce à lui, de leur intempérante loquacité. Ils apprendront ainsi, par l'abstention, à reconnaître quand, comment et de quoi parler "afin de faire du bien à ceux qui entendent" (Eph 4 :29).

 

 

 

Qu. 209  : Comment pourrons-nous craindre les jugements de Dieu ?

 

R. : L'expectative de tout mal engendre naturellement la crainte. C'est ainsi que nous craignons les bêtes féroces ou les maîtres dont nous savons que nous pourrions avoir à souffrir.

Celui qui est persuadé de la vérité des menaces du Seigneur et s'attend à leur terrible et redoutable effet craint donc les jugements du Seigneur.

 

 

 

Qu. 210  : Quel est ce vêtement décent dont nous parle l'Apôtre ?

 

R. : C'est, en tenant compte du temps, du lieu, de la personne et des nécessités, un vêtement honnêtement adapté à sa destination. La façon de se vêtir n'est pas la même, en effet, pour l'été et pour l'hivers, pour le travail et pour le repos, pour le maître et pour le serviteur, pour le soldat et pour l'homme privé, pour l'homme et pour la femme.

 

 

 

Qu. 211  : Quelle est la mesure de l'amour de Dieu ?

 

R. : Il faut tendre son âme jusqu'au-delà même de ses forces vers l'accomplissement de la volonté de Dieu, dans l'intention et le désir de le glorifier.

 

 

 

Qu. 212  : Comment exciter en nous l'amour de Dieu ?

 

R. : En acceptant ses bienfaits avec un coeur conscient et bien disposé. C'est ce que font les animaux eux-mêmes, car nous voyons les chiens n'aimer que ceux qui leur donnent du pain.

Le prophète Isaïe nous enseigne cela lorsqu'il dit sur un ton de reproche : "J'ai engendré et j'ai élevé des fils, mais eux m'ont méprisé. Le boeuf connaît son possesseur et l'âne la mangeoire de son maître; mais Israël ne m'a pas reçu et mon peuple ne m'a pas compris" (Is.1 :2-3).

Instinctivement le boeuf et l'âne aiment qui les nourrit, pour le bienfait reçu; ainsi nous-mêmes, si nous recevons avec un coeur conscient et bien disposé les bienfaits de Dieu, comment n'aimerons-nous pas un Dieu qui nous en accorde de si grands et de si nombreux, car c'est naturellement, pour ainsi dire, et sans l'avoir appris, qu'une âme saine éprouve de tel sentiment.

Qu. 213  : Quelles sont les preuves de l'amour de Dieu ?

 

R. : Le Seigneur nous l'a enseigné lui-même en disant : "Si vous m'aimez, observez mes commandements" (Jn 14 :15).

 

 

 

Qu. 214  : Quelle différence y a-t-il entre "être secourable" et "être bon" ?

 

R. : David a dit : "Dieu est secourable à tous" (Ps 144 :9), et : "L'homme qui a pitié du pauvre et lui prête, est secourable" (Ps 111 :5).

Par contre il est dit ailleurs : "Seigneur soyez bon pour les bons" (Ps 124 :4), et Jérémie : "Le Seigneur est bon pour ceux qui espèrent en lui" (Lamentations 3 :25).

Il semble donc qu''"être secourable" a un sens plus large et vise tous ceux qui sont dans le besoin quels qu'ils soient, tandis que la bonté est plus restreinte et tient compte de la justice dans ses bienfaits.

 

 

 

Qu. 215  : Qui est le pacifique (Mt 5 :9) déclaré bienheureux par le Seigneur ?

 

R. : Celui qui collabore avec le Seigneur en faisant ce que dit l'Apôtre : "C'est pour le Christ que nous faisons fonction d'ambassadeurs, et Dieu lui-même vous exhorte par nous; c'est au nom du Christ que nous vous le demandons, réconciliez-vous avec Dieu" (2 Cor.5 :20), et encore : "Justifiés dans la foi, nous sommes en paix avec Dieu" (Rom 5 :1). Une paix qui serait autre, en effet, le Seigneur la rejette en disant : "Je vous donne ma paix, je ne vous la donne pas comme le monde la donne" (Jn 14 :27).

 

 

 

Qu. 216  : En quoi faut-il se convertir et devenir comme des enfants ? (Mt 18 :3)

 

R. : Le passage même de l'Évangile où se trouvent ces paroles nous l'apprend en montrant dans quelle pensée elles furent prononcées : il ne faut pas rechercher la supériorité mais reconnaître l'égalité naturelle et aimer cette égalité en présence de ceux qui paraissent nos inférieurs en quelque point; ainsi font les enfants entre eux, du moins lorsqu'ils n'ont pas été corrompus par ceux qui vivent avec eux.

 

 

 

Qu. 217  : Comment recevons-nous le royaume de Dieu comme des enfants ?

 

R. : En devenant vis-à-vis de l'enseignement du Seigneur comme l'enfant que l'on instruit : il ne contredit pas, il ne discute pas avec ses maîtres, mais il reçoit avec confiance et docilité leur enseignement.

 

 

 

Qu. 218  : Quelle intelligence devons-nous demander à Dieu, et comment pourrons-nous la mériter ?

 

R. : Dieu lui-même nous enseigne par le prophète ce qu'est l'intelligence : "Le sage, dit-il, ne se glorifiera point de sa sagesse, le fort de sa force, le riche de sa richesse, mais quiconque se glorifie se glorifiera de ce qu'il connaît et comprend le Seigneur" (Jér.9 :23-24), et par l'Apôtre qui dit aussi : "Ayant l'intelligence de la volonté de Dieu" (Eph 5 :17).

Nous pouvons la mériter si nous faisons comme dit le psaume : "Arrêtez-vous et comprenez que je suis Dieu" (Ps 45 :11), et si nous sommes convaincus de la vérité de toute parole divine : "Car si vous ne croyez pas, est-il dit, vous ne comprendrez pas" (Is.7 :9 (LXX)).

 

 

 

Qu. 219  : Lorsque nous sommes redevables à quelqu'un d'un bienfait, comment pourrons-nous d'une part, rendre à Dieu l'action de grâce pure et parfaite qui lui revient, et, d'autre part, nous acquitter dignement, envers le bienfaiteur, sans dépasser la mesure ni rester en deçà ?

 

R. : Si nous sommes persuadés qu'en Dieu est la cause première et la cause de tout bien, et si nous reconnaissons celui par qui il nous vient comme ministre de la bonté de Dieu.

 

 

 

Qu. 220  : Doit-on permettre à qui le désire de s'adresser aux Soeurs ? Qui peut parler avec les Soeurs ? A quel moment ? De quelle façon ?

 

R. : A ce sujet, nous avons dit déjà dans les Grandes Réponses (voir Grandes Règles 33 et 45) que non seulement un homme ne peut parler à une femme, mais qu'un homme ne peut même pas converser à son gré, tout bonnement et au hasard des rencontres, avec un autre homme. Celui-là seul peut parler qui est reconnu pouvoir le faire utilement pour l'interlocuteur et pour lui-même, et encore, pas avec une femme.

Si l'on se souvient de ce que dit le Seigneur : "Les hommes rendront compte au jour du jugement de toute parole inutile" (Mt 12 :36), on redoutera dans tout ce que l'on fait d'encourir un jugement de ce genre. On obéira plutôt à la recommandation de l'Apôtre : "Que vous mangiez ou que vous buviez ou quoi que vous fassiez faites tout pour la gloire de Dieu" (1 Cor 10 :31) et, suivant cette autre : "Que tout se fasse de manière à édifier" (1 Cor 14 :26), on ne voudra rien faire d'oiseux ou d'inutile.

Pour ce qui est de la personne, du temps et de la manière, on veillera à éviter même le soupçon du mal. On se gardera de tout ce qui peut scandaliser et l'entretien aura pour but l'édification de la foi. Il n'est cependant pas opportun non plus de permettre des entretiens seul à seul : "Deux valent mieux qu'un" (Eccli.4 :9 (LXX)), est-il dit, et en même temps ils sont plus dignes de foi. Par contre : "Malheur à qui est seul parce que s'il tombe, personne ne l'aidera à se relever" (Eccli.4 :10).

 

 

 

Qu. 221  : Le Seigneur nous enseigne à prier pour ne point tomber en tentation, mais devons-nous aussi prier pour ne pas tomber sous l'épreuve de la souffrance physique ? Et si nous la rencontrons, comment la supporter ?

 

R. : Le Seigneur n'a pas déterminé le genre de tentation, Il a dit en général : "Priez afin que vous ne tombiez pas en tentation" (Lc 22 :40).

Pour celui qui s'y trouve déjà, il doit prier le Seigneur de bien vouloir, avec la tentation, lui ménager une heureuse issue en lui donnant la force de la supporter (1 Cor 10 :13), afin que s'accomplisse en nous cette parole : : "Celui qui persévérera jusqu'à la fin sera sauvé" (Mt 24 :13).

 

 

 

Qu. 222  : Qui est l'adversaire (Mt 5 :25) de chacun de nous ? Et comment nous accorderons-nous avec lui ?

 

R. : Le Seigneur spécifie ici soigneusement que l'adversaire est celui qui essaye de nous enlever de ce qui est à nous.

Nous nous accordons avec lui lorsque nous observons cette recommandation du Seigneur : "A celui qui veut t'amener en justice pour avoir ta tunique, donne aussi ton manteau" (Mt 5 :40), et nous satisfaisons de même en toute occasion semblable.

 

 

 

Qu. 223  : Le Seigneur a dit : "Pour toi, quand tu jeûnes, parfume ta tête et lave ton visage, afin qu'il ne paraisse pas aux hommes que tu jeûnes" (Mt 6 :17). Mais si on veut jeûner pour un motif agréable à Dieu comme le font manifestement souvent les saints, et si on est vu malgré soi, que faire ?

 

R. : Ce commandements s'adresse à ceux qui observent avec zèle la loi de Dieu pour être vus des hommes et il tend à les affranchir du vice de la vanité.

Si, au contraire, on observe la loi en vu de la gloire de Dieu, il ne convient naturellement pas que ceux qui aiment Dieu s'en cachent, le Seigneur nous le dit en ces termes : "La ville ne peut être cachée lorsqu'elle est sur une hauteur et on n'allume pas un flambeau pour le mettre sous le boisseau" (Mt 5 :14-15), etc...

 

 

 

 

Qu. 224  : Arrive-t-il encore maintenant que les uns travaillent dès la première heure et d'autres à partir de la onzième seulement ? (Mt 20 :2) Qui sont ces derniers ?

 

R. : Tout le monde sait, sans doute, par les récits de l'Écriture, que beaucoup, au dire de l'Apôtre, apprennent les saintes lettres dès l'enfance (2 Tim.3 :15), tandis que d'autres, à l'exemple de Corneille, font bon emploi de leurs aptitudes naturelles (Act.10 :2), mais parviennent tardivement à une connaissance parfaite, et cela faute de maîtres pour les instruire, car : "Comment croiront-ils, s'ils n'ont pas entendu prêcher ?" (Rom 10 :14)

S'il en est donc, comme Corneille, qui n'ont rien fait de mal, et, désirant la perfection, s'appliquent loyalement à faire le bien qu'ils peuvent dès qu'ils le connaissent, Dieu leur accorde la même grâce qu'à Corneille. Il ne leur fait pas un crime du temps passé dans l'inaction, puisque, comme je l'ai dit, ce n'est pas de leur faute, mais il se contente de la bonne volonté avec laquelle ils montrent leur zèle à l'occasion, et s'efforcent de bien agir jusqu'au bout.

 

 

 

Qu. 225  : Comment méritons-nous que se réalise cette parole du Seigneur : "quand deux ou trois seront réunis en mon nom, je serais au milieu d'eux" ? (Mt 18 :20)

 

R. : Ceux qui sont réunis au nom de quelqu'un doivent savoir dans quel dessein celui-ci les a rassemblés, et s'y conformer, s'ils veulent lui plaire sans encourir le reproche de négligence ou de mauvaise volonté. Ceux qui ont été convoqués dans le but de moissonner se préparent à moissonner et ceux qui ont été appelés pour bâtir se préparent à bâtir.

Ainsi, nous qui avons été appelés par le Seigneur, nous devons nous souvenir des paroles de l'Apôtre : "Moi, mis en prison pour le Seigneur, je vous en supplie, marchez dignement selon votre vocation, en toute humilité et douceur, avec patience et en vous supportant mutuellement dans la charité, soucieux de garder l'unité de l'esprit dans le lien de la paix. Demeurez un seul corps et un seul esprit comme vous avez été appelés dans une même espérance" (Eph 4 :1-4). Le Seigneur nous montre tout cela mieux encore lorsqu'il nous fait à chacun cette promesse : "Celui qui m'aime observera mes commandements et mon Père l'aimera; nous viendrons à lui et nous établirons notre demeure en lui" (Jn 14 :23). Comme cette présence dépend pour celui-ci de l'observation des commandements, ainsi Dieu se trouve au milieu de deux ou trois (Mt 18 :20) lorsqu'ils se sont groupés pour l'accomplissement de sa volonté. Ceux qui ne s'unissent ni dignement selon leur vocation, ni pour faire la volonté de Dieu, même s'ils paraissent s'être rassemblés au nom de Dieu, méritent cependant de s'entendre dire : "Pourquoi m'appelez-vous Seigneur, Seigneur, et ne faites pas ce que je vous dit ?" (Lc 6 :46)

 

 

 

Qu. 226  : L'Apôtre a dit : "Lorsqu'on nous maudit, nous bénissons; lorsqu'on nous calomnie, nous répondons par des consolations" (1 Cor 4 :12). Mais comment doit bénir celui qui est maudit, et consoler celui qui est calomnié ?

 

R. : En somme, je crois que l'Apôtre a voulu nous apprendre ici, par son exemple, à user de patience envers tous et à rendre le bien pour le mal. Ce n'est donc pas seulement envers ceux qui nous maudissent que nous devons agir de la sorte, mais encore envers quiconque nous fait du mal, selon cette parole : "Ne vous laissez pas vaincre par le mal mais tâchez de vaincre le mal par le bien" (Rom 12 :21).

Pour ce qui est de consoler, l'Écriture peut employer ce mot non dans le sens habituel, mais dans le sens d'amener le coeur à la pleine connaissance de la vérité : "Consolez mon peuple" (Is.40 :1 (LXX)) dit le Seigneur, et l'Apôtre dit : "Je désire vous voir pour vous communiquer quelque don capable de vous affermir, c'est-à-dire pour nous consoler mutuellement par la foi qui nous est commune à vous et à moi" (Rom 1 :11-12), et ailleurs : "Celui qui console les humbles m'a consolé par l'arrivée de Tite" (2 Cor.7 :6).

 

 

 

Qu. 227  : Faut-il révéler ses pensées à d'autres ou, dans la conviction qu'elles plaisent à Dieu, les garder pour soi ?

 

R. : Nous nous souvenons de cette déclaration que Dieu fait par la bouche du prophète : "Malheur à vous qui êtes sages en vous-mêmes et prudents à vos propres yeux" (Is.5 :21), et de ces paroles de l'Apôtre : "Je désire vous voir afin de vous communiquer quelque don spirituel capable de vous affermir, c'est-à-dire pour nous consoler mutuellement dans la foi qui nous est commune à vous et à moi" (Rom 1 :11-12).

Aussi nous pensons qu'il nous est nécessaire de nous en référer à ceux qui nous sont moralement unis et ont donné des preuves de leur foi et de leur prudence. De la sorte ce qui en nous est faussé sera redressé, le bien sera affermi, et par là nous éviterons d'être condamnés avec ceux qui sont prudents à leurs propres yeux.

 

 

 

Qu. 228  : Faut-il en toute circonstance se plier à la mentalité de ceux qui se scandalisent, ou bien faut-il parfois ne pas condescendre, même si certains se scandalisent ?

 

R. : Interrogés déjà à ce sujet, nous avons montré clairement la distinction à faire et nous avons donné la réponse la meilleure que nous avons pu. (Voir P.R.64)

 

 

 

Qu. 229  : Les fautes dont on est coupable, doit-on, sans aucune pudeur, les révéler à tous ? ou à quelques-uns seulement ? comment doivent-ils être ?

 

R. : Il faut confesser ses fautes avec autant de discrétion qu'on découvre ses maladies physiques. Comme on ne montre celles-ci ni à tout le monde ni à n'importe qui, mais à ceux-là seulement qui ont appris à les soigner, ainsi ne convient-il de confesser ses péchés qu'à ceux-là qui peuvent guérir, suivant cette parole : "Vous qui êtes forts portez les infirmités des faibles" (Rom 15 :1), c'est-à-dire soulagez-les activement par vos soins.

 

 

 

Qu. 230  : Qu'est-ce qu'un culte, et qu'est-ce que le culte raisonnable ? (Rom 12 :1)

 

R. : Un culte est, me semble-t-il, un dévouement continu, persévérant et attentif au service de celui auquel il est rendu. L'Apôtre nous indique la différence entre le culte raisonnable et celui qui ne l'est pas, en disant : "Vous savez que lorsque vous étiez païens, vous vous laissiez conduire et entraîner vers les idoles muettes" (1 Cor 12 :2), et : "Offrez vos corps comme une hostie vivante, sainte et agréable à Dieu; c'est le culte raisonnable qui lui est dû" (Rom 12 :1).

Celui qui se laisse entraîner partout où on le conduit, rend un culte non raisonnable, puisqu'il ne se laisse pas diriger par la raison et n'agit ni de son propre mouvement ni de sa propre volonté, mais se laisse entraîner au gré de celui qui le mène, n'importe où et contre son propre gré. Celui qui est mû par une raison saine et une volonté droite, et, partout et toujours, recherche et accomplit le bon plaisir de Dieu, celui-là rend un culte parfait et raisonnable, car il est dit : "Ta loi est une lampe pour mes pas et elle éclaire le sentier où je marche" (Ps 118 :105), et encore : "Je prends conseil de tes loi" (Ps 118 :24).

 

 

 

Qu. 231  : Si un frère ou peut-être même un Prêtre agit mal à mon égard et me montre de l'aversion, m'est-il encore possible de le traiter comme le Seigneur veut qu'on traite son ennemi ?

 

R. : En disant comment il faut se comporter envers un ennemi le Seigneur n'a pas fait de distinction ni de haine ni d'ennemi, ou plutôt il a montré que la même faute est plus grave chez ceux qui occupent une situation plus élevée, car il leur a dit : "Pourquoi voyez-vous la paille dans l'oeil du voisin et ne voyez-vous pas la poutre dans le vôtre ?" (Mt 7 :3)

C'est donc envers eux et envers ceux qui passent pour être plus en vue qu'il faut montrer plus de zèle et d'égards. Aussi bien, dans le service que nous devons leur rendre en les exhortant et en les reprenant, mettons toute la discrétion voulue, et, après avoir observé à leur égard tous les autres préceptes du Seigneur, nous nous garderons également sans reproches sur ce point.

 

 

 

Qu. 232  : Agit-il selon le Seigneur celui qui, pour pratiquer la patience et la résignation, accepte une injustice qu'on lui fait, sans rien dire à personne, et pense s'en remettre au jugement de Dieu ?

 

R. : Le Seigneur a dit : "Pardonnez si vous avez quelque chose contre quelqu'un" (Mc 11 :25), et : "Si un frère a péché contre toi, va et reprends-le entre toi et lui seul; s'il t'écoute tu auras gagné ton frère. S'il ne t'écoute pas, prends avec toi encore une ou deux personnes afin que la parole de deux ou trois témoins ait plus de valeur. S'il ne les écoute pas, dis-le à l'Église et s'il n'écoute pas l'Église, qu'il soit pour toi comme un païen et un publicain" (Mt 18 :15-17).

Il faut donc pratiquer la patience et prier en toute sincérité pour quiconque nous a fait du tort, en disant : "Seigneur ne lui imputez pas à péché" (Act.7 :59). Ainsi on n'encourra pas le jugement de Dieu pour être irrité contre son frère.

On doit cependant en outre lui faire remarquer sa faute en la lui montrant, afin que lui aussi échappe à la colère suspendue sur les enfants de désobéissance. Si, pour pratiquer personnellement la patience, on néglige cette correction et on se tait, alors on tombe dans une double faute : on transgresse d'abord soi-même le commandement : "Tu reprendras ton prochain pour ne pas te charger d'un péché à cause de lui" (Lév.19 :17 (LXX)), et on devient par son silence le complice du pécheur; ensuite on laisse périr dans le mal celui qu'on pourrait peut-être sauver par des remontrances, comme le Seigneur le prescrit (Mt 18 :15).

 

 

 

Qu. 233  : Lorsque, même si on observe tous les autres commandements, on en omet un seul, manque-t-on pour cela son salut ?

 

R. : Il y a, dans l'Ancien et le Nouveau Testament, bien de quoi convaincre sur ce point; néanmoins je crois qu'il suffira, pour un croyant, de considérer le jugement porté contre Pierre. Celui-ci, après s'être bien comporté en tant d'occasions diverses, après avoir reçu du Seigneur tant de louanges et de promesses, eut l'air de désobéir en une seule circonstance, et cela non par négligence ou mépris, mais par piété et respect envers le Seigneur; cependant, pour cet unique refus, il s'entendit dire : "Si je ne te lave pas, tu n'auras point de part avec moi" (Jn 13 :8).

 

 

 

Qu. 234  : Comment annonce-t-on la mort du Seigneur ?

 

R. : Comme le Seigneur l'a enseigné par ces mots : "Si quelqu'un vient à moi, qu'il se renonce et prenne sa croix" (Mt 16 :24), et comme l'Apôtre l'a montré en disant : "Le monde est crucifié pour moi et je le suis pour lui" (Gal.6 :14). C'est, du reste, ce que nous avons accepté d'avance dans le baptême : "Baptisés dans le Christ, nous avons été baptisés dans sa mort" (Rom 6 :3) et, pour expliquer "être baptisés dans la mort du Seigneur", il ajoute : "Notre vieil homme est crucifié avec lui pour la destruction de la chair de péché, de façon que nous ne soyons plus esclaves du péché" (Rom 6 :6). En nous purifiant donc de toute attache à la vie nous deviendrons dignes du témoignage de l'Apôtre : "Vous êtes mort, et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu" (Col.3 :3). Nous pourrons dire alors, librement et avec assurance : "Le prince de ce monde vient, et il n'a rien en moi" (Jn 14 :30).

 

 

 

Qu. 235  : Convient-il d'interroger beaucoup les Écritures ?

 

R. : On peut distinguer, d'une façon très générale, ceux qui sont appelés à commander et ceux qui sont tenus à l'obéissance et à la soumission, selon les différentes grâces. Or, à mon avis, celui qui a reçu la charge de commander à d'autres et de s'occuper d'eux, doit être au courant et s'informer de tout afin de pouvoir instruire ses inférieurs des lois divines et enseigner à chacun ce qui le regarde personnellement.

Quant aux autres, chacun doit se souvenir des paroles de l'Apôtre : "N'ayez pas de vues trop élevées, mais soyez raisonnables, chacun suivant les dons que Dieu lui a départis" (Rom 12 :3), s'instruire avec soin de son devoir, et l'accomplir sans chercher plus loin; ainsi deviendra-t-il digne de l'appel du Seigneur : "Venez, bon serviteur, puisque vous avez été fidèle dans de petites choses, je vous établirai sur de grandes" (Mt 25 :21).

 

 

 

Qu. 236  : Comment, ceux qui ont été jugés dignes d'étudier les quatre Évangiles doivent-ils profiter de cette grâce ?

 

R. : Le Seigneur ayant déclaré : "A celui à qui il aura été plus donné il sera demandé davantage" (Lc 12 :48), ils devront montrer plus de crainte et de zèle, suivant le conseil de l'Apôtre : "Nous, ses coopérateurs, nous vous exhortons à ne pas recevoir en vain la grâce de Dieu" (2 Cor.6 :1). Cela se réalise lorsque nous ajoutons foi à cette parole du Seigneur : "Si vous savez ces choses, vous êtes heureux, pourvu que vous les pratiquiez" (Jn 13 :17).

 

 

Qu. 237  : Quelle âme se dirige suivant la volonté de Dieu ?

 

R. : Celle qui accepte cette prémisse du Seigneur : "Si quelqu'un vient à moi, qu'il se renonce, prenne sa croix et me suive" (Mt 16 :24). Aussi longtemps qu'elle n'a pas réussi à se renoncer et à porter sa croix, elle trouvera en elle-même bien des obstacles à sa marche à la suite du Christ.

 

 

 

Qu. 238  : Est-il possible de se livrer sans répit à la psalmodie, la lecture, les conversations sérieuses au sujet des paroles divines, sans qu'il y ait absolument aucun intervalle qui s'impose pour les nécessités les plus viles du corps ?

 

R. : L'Apôtre nous donne la règle à suivre : "Faites tout avec ordre et bienséance" (1 Cor 14 :40). Il faut donc avoir souci de l'ordre et de la bienséance suivant le lieu et le moment.

 

 

 

Qu. 239  : Quel est le bon trésor et quel est le mauvais ?

 

R. : La sagesse qui dirige toute vertu chrétienne vers la gloire de Dieu est le bon trésor; l'astuce de la nature viciée à la recherche de ce qui est défendu par le Seigneur, voilà le mauvais trésor. C'est d'eux que, selon la parole du Seigneur (Mt 12 :35), chacun tire, dans ses actions ou ses paroles, le mal ou le bien.

 

 

 

Qu. 240  : Dans quel sens est-il dit que large est la porte et spacieux le chemin qui conduit à la perdition ? (Mt 7 :13)

 

R. : Le Seigneur, dans sa bonté envers les hommes, emploie pour exposer les dogmes de la vérité, des mots et des termes connus. Comme, sur cette terre, large est l'espace qui s'étend à côté du droit chemin, ainsi, dit-il, celui qui abandonne le chemin conduisant au royaume des cieux, se trouve dans l'immense champ de l'erreur.

Large et spacieux sont, me semble-t-il, des termes synonymes car large, même chez les auteurs profanes signifie étendu : le champ, c'est-à-dire le terrain de l'erreur qui aboutit à la perdition est donc étendu.

 

 

 

Qu.241  : Comment la porte est-elle étroite, et resserré le chemin qui conduit à la vie, et comment s'y engage-t-on ? (Mt 7 :14)

 

R. : Ici encore les mots étroite et resserré ne diffèrent pas de signification, mais resserré renforce le sens d'étroit, la voie étant tellement étroite qu'elle enserre, c'est-à-dire, contient de chaque côté celui qui marche, lui présentant un danger s'il s'écarte à droite ou à gauche. Ainsi celui qui passe sur un pont, s'il dévie d'un côté ou de l'autre, il tombe dans le fleuve qui coule en dessous. D'où David dit : "Ils placent des embûches le long de ma route" (Ps 139 :6).

Celui qui veut entrer dans la vie par la voie étroite et resserrée doit se garder de s'éloigner et de dévier des commandements du Seigneur, et se conformer à la parole de l'Écriture : "Ne t'écarte ni à droite ni à gauche" (Deuter.17 :11).

 

 

 

Qu. 242  : Que signifie : "Vous aimant fraternellement avec tendresse" ? (Rom 12 :10)

 

R. : La tendresse peut exprimer l'intensité de l'affection dans le désir, et dans l'ardent sentiment que se témoignent ceux qui s'aiment. C'est donc pour que la charité fraternelle ne soit pas superficielle mais intérieure et chaude qu'il a été dit : "Vous aimant fraternellement avec tendresse".

 

 

 

Qu. 243  : Que veut dire l'Apôtre par ces mots : "Soyez en colère mais ne péchez point; que le soleil ne se couche pas sur vos irritations" (Eph :4 :26), alors qu'il dit ailleurs : "Bannissez d'entre vous toute aigreur, emportement ou colère" (Eph 4 :31) ?

 

R. : L'Apôtre, me semble-t-il, a pris ici une façon de parler semblable à celle du Seigneur. Celui-ci déclare dans l'Évangile : "Il a été dit aux anciens ceci", ensuite Il ajoute : "et Moi je vous dis ceci" (Mt 5 :21-22). Ainsi l'Apôtre en cet endroit rappelle d'abord le précepte antique donné aux anciens : "Mettez-vous en colère mais ne péchez point" (Ps 4 :5), peu après il donne celui qui nous convient à nous et qui est le sien : "Éloignez de vous toute aigreur, emportement ou colère" (Eph 4 :31).

 

 

 

Qu. 244  : Qu'est-ce que : "Laissez agir la colère" (Rom 12 :19) ?

 

R. : C'est ou bien non seulement ne pas résister au méchant, comme l'enseigne l'Écriture, mais aussi présenter la joue gauche à celui qui vous frappe sur la droite (Mt 5 :39), et la suite, ou bien encore : "lorsqu'on vous persécute dans une ville fuyez dans une autre" (Mt 10 :23).

 

 

 

Qu. 245  : Qui est prudent comme le serpent et simple comme la colombe ? (Mt 10 :16)

 

R. : Est prudent comme le serpent celui qui examine et cherche comment il pourra facilement faire accepter son enseignement par ses auditeurs. Est simple comme la colombe celui qui, non seulement ne pense pas à se défendre contre les persécuteurs, mais encore continue à faire du bien, suivant le commandement de l'Apôtre : "Pour vous, ne vous lassez pas de faire les bien" (2 Thess.3 :13). C'est, en effet, en les envoyant prêcher que le Seigneur donne cet ordre aux apôtres, car c'est alors qu'ils eurent besoin de prudence pour persuader leurs auditeurs et de patience pour subir les persécutions.

Comme le serpent, jadis, sut prendre un air engageant et parler avec art pour écarter de Dieu et faire tomber dans le péché (Gen.3 :1-2), ainsi nous, nous devons saisir adroitement l'attitude, l'endroit et l'occasion, et choisir judicieusement nos paroles (Ps 111 :5) pour écarter du péché et ramener à Dieu. Quant à la patience dans les épreuves, nous la garderons, suivant l'Écriture, jusqu'au bout (Mt 24 :13).

 

 

 

Qu. 246  : Que signifie : "La charité ne fait rien d'inconvenant" ? (1 Cor 13 :5)

 

R. : Cela revient à dire : elle ne cesse pas d'être elle-même. Quant à sa manière d'être, l'Apôtre l'indique dans le même passage lorsqu'il énumère les caractéristiques de la charité.

 

 

 

Qu. 247  : L'Écriture dit : "Ne vous vantez pas et ne tenez pas un langage arrogant" (1 Sam.2 :3), et l'Apôtre avoue : "Ce que je dis avec cette assurance d'avoir à me glorifier, je ne le dis pas selon le Seigneur, mais comme si j'étais en état de folie" (2 Cor.11 :17), et encore : "Je viens me glorifier comme un insensé" (2 Cor.12 :11), tandis qu'ailleurs il permet de se glorifier en disant : "Que celui qui se glorifie se glorifie dans le Seigneur" (2 Cor.10 :17).- Quand donc se glorifie-t-on dans le Seigneur, et quand se glorifie-t-on d'une manière défendue ?

 

R. : Manifestement l'Apôtre est obligé de faire la guerre aux passions, car il ne parle pas ainsi pour se vanter lui-même, mais pour rabattre l'audacieuse arrogance et l'orgueil de certains.

Se glorifier selon le Seigneur c'est attribuer non pas à soi mais à Lui-même ce que l'on fait de bien, et dire : "Je puis tout en Celui qui me fortifie" (Phil.4 :13).

On se glorifie d'une manière défendue, de deux façons : la première répond aux paroles du psalmiste : "Le pécheur se vante de ses convoitises" (Ps 10 :3), et : "Puissant pourquoi te glorifies-tu dans le mal ?" (Ps 51 :3); la seconde, aux paroles du Seigneur : "Ils agissent pour être vus des hommes" (Mt 6 :5), comme si, en cherchant à être loués pour leurs actes, ils se louaient eux-mêmes. On pourrait même appeler sacrilèges ceux qui, ainsi, s'approprient les biens de Dieu et s'emparent de la gloire qui lui revient.

 

 

 

Qu. 248  : Si le Seigneur donne la sagesse et de sa face viennent science et intelligence (Pro 2 :6), et si le Saint Esprit donne à l'un la sagesse, à l'autre la science (1 Cor 12 :8), pourquoi le Seigneur fait-il à ses apôtres ce reproche : "Êtes-vous encore, vous aussi sans intelligence" (Mt 15 :16), et l'Apôtre accuse-t-il certains d'incompréhension ? (Rom 1 :31)

 

R. : Connaissant la bonté de Dieu qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la vérité (1 Tim.2 :4), sachant aussi avec quelle sollicitude et efficacité le Saint Esprit distribue ses dons, on se rendra compte que cette lenteur à comprendre ne provient pas de la parcimonie du bienfaiteur mais du manque de foi chez ceux qui reçoivent les dons. Aussi est-ce avec justice que l'on peut reprocher à celui qui ne comprend pas, de fermer les yeux devant le soleil pour rester dans l'obscurité, et de ne pas regarder vers la lumière qui l'éclairerait.

 

Qu. 249  : Qu'est-ce qui est piété et qu'est-ce qui est justice ?

 

R. : Est piété, me semble-t-il, tout ce que le devoir et les convenances demandent de la part des inférieurs à l'égard des supérieurs, suivant les différents genres d'autorité dont ceux-ci sont revêtus, tandis que rendre à chacun ce qu'il mérite par ses actions est justice.

La piété fait connaître et apprécier les qualités seulement; la justice, elle, tient compte également du mal et agit en conséquence.

 

 

 

Qu. 250  : Comment donne-t-on ce qui est saint aux chiens ou jette-t-on les pierres précieuses devant les porcs, et comment se réalise ce que dit ensuite l'Écriture : "De crainte qu'ils ne les foulent aux pieds et se tournent contre vous et vous déchirent" ? (Mt 7 :6)

 

R. : L'Apôtre nous l'explique clairement en ajoutant aux reproches que lui-même adresse aux juifs : "Toi qui te fais une gloire d'avoir une loi, tu déshonores Dieu en la transgressant" (Rom 2 :23)

Le Seigneur nous met donc ici en garde contre cette transgression par laquelle nous déshonorons ses lois saintes. A cause de cela les païens s'imaginent qu'elles sont méprisables, se dressent avec plus de violence contre nous, et déchirent pour ainsi dire par les injures et les accusations celui qui pêche contre elles.

 

 

 

Qu. 251  : Comment parfois le Seigneur défend-il de porter un sac ou une bourse (Lc 10 :4), et parfois dit-il : "Maintenant que celui qui a un sac le prenne, de même une bourse, et que celui qui n'a pas d'épée vende son manteau pour s'en acheter une" (Lc 22 :36) ?

 

R. : Le Seigneur lui-même l'explique en disant : "Car il faut que s'accomplisse en moi cette parole de l'Écriture (Lc 22 :37) : il a été mis au rang des malfaiteurs" (Is.53 :12), et, aussitôt après que Pierre eut accompli la prophétie concernant le glaive, il lui dit : "Remets l'épée à sa place, car tous ceux qui se serviront de l'épée périront par l'épée" (Mt 26 :52).

Ces paroles : "celui qui a une bourse qu'il la prenne" (Lc 22 :36), ou : "il la prendra" (car ainsi portent la plupart des textes) ne sont donc pas un ordre mais une prophétie annonçant que les apôtres, oubliant les dons et la loi du Seigneur, oseraient prendre même des épées. Nous voyons de fait en de nombreux passages, que l'Écriture emploie souvent la forme impérative pour la forme prophétique, par exemple celui-ci : "Que ses fils deviennent orphelins" (Ps 108 :9), et : "Que le démon se tienne à sa droite" (Ps 108 :6), et d'autres semblables.

 

 

 

Qu. 252  : Quel est ce pain quotidien que l'Écriture nous apprend à demander chaque jour dans la prière ?

 

R. : Lorsqu'on travaille en se souvenant des paroles du Seigneur : "Ne vous inquiétez pas pour votre vie, ni de ce que vous mangerez, ni de ce que vous boirez" (Mt 6 :25), et de celles que l'Apôtre qui ordonne de travailler pour avoir de quoi donner aux indigents (Eph 4 :28), on ne le fait pas pour sa propre utilité mais pour obéir au commandement de Dieu. Alors, puisque "tout travailleur mérite sa nourriture" (Mt 10 :10), ce pain quotidien, c'est-à-dire ce pain nécessaire à notre nature pour subsister, il ne se le procure pas lui-même, mais il le sollicite de Dieu et mange ce qu'il reçoit, quand il a exposé ses nécessités au frère choisi pour faire chaque jour ce que dit l'Écriture : "On distribuait à chacun selon ses besoins" (Act.4 :35).

 

 

 

Qu. 253  : Qu'est-ce que le talent, comment le multiplions-nous ? (Mt 25 :15)

 

R. : Je crois que la parabole s'applique à tout don de Dieu. Ce que Dieu juge bon de lui donner, il faut que chacun le fasse produire abondamment pour le bien et l'utilité d'un grand nombre, car personne n'est exclu de la bonté de Dieu.

 

 

 

Qu. 254  : Quelle est cette banque à laquelle tu devais, dit le Seigneur, porter l'argent ? (Mt 25 :27)

 

R. : Les paraboles n'achèvent pas leur signification dans ce qu'elles paraissent, mais conduisent à l'intelligence d'un principe sous-jacent.

Comme il est dans l'ordre de porter de l'argent aux banquiers en vue d'un intérêt - (il en est, en effet, je l'ai appris à Alexandrie, qui l'acceptent et font cela) - celui qui reçoit une grâce doit, ou partager avec celui qui a besoin, ou faire ce que dit l'Apôtre à propos de la doctrine : "Confie cela à des hommes sûrs, capables d'instruire aussi les autres" (2 Tim.2 :2). Or ce n'est pas seulement pour la doctrine qu'il en est d'ordinaire ainsi, mais pour toute chose, car les uns ont la simple capacité, mais les autres ont reçu l'habileté dans l'utilisation.

 

 

 

Qu. 255  : Où reçut-il l'ordre d'aller, celui qui s'entendit dire : "Prends ton bien et va-t-en" ? (Mt 20 :14)

 

R. : Apparemment, là où devront aller ceux qui se trouveront placés à gauche après avoir été interpellés sur leur manque de bonnes oeuvres. (Mt 25 :41)

Quiconque porte envie à son frère est pire que celui qui ne travaille pas, car l'Écriture a l'habitude de mettre souvent ensemble l'envie et le meurtre. (Rom 1 :29;Gal.5 :21)

 

 

 

Qu. 256  : Quelle récompense reçoivent "ceux-ci, tout comme les derniers" ? (Mt 20 :9 :10)

 

R. : Peut-être de ne pas se voir interpeller sur leurs bonnes oeuvres, comme tous ceux qui ont obéi; car recevoir la couronne appartient à ceux qui ont combattu loyalement le bon combat, qui ont achevé la course, qui ont pratiqué la foi, dans l'amour du Christ Jésus Notre Seigneur.

Mais cette récompense susdite peut être aussi le centuple que le Seigneur a promis en cette vie à ceux qui ont tout abandonné pour suivre son commandement, et c'est ce que voudrait dire : "prends ton bien"; toutefois, puisque, premiers au travail, ils ont été atteints de la maladie de l'envie en s'imaginant recevoir plus que les autres, qui ont reçu la même chose, ce ne serait pas d'hériter aussi de la vie éternelle mais seulement de recevoir, maintenant, le centuple, et, dans l'avenir, d'être condamnés pour leur envie et d'entendre dire : "va-t-en" (Mt 20 :14).

 

 

 

Qu. 257  : Qui sont la balle de blé brûlée par le feu inextinguible ? (Mt 3 :12)

R. : Ceux qui se rendent utiles à ceux qui méritent le royaume du ciel, comme la balle sert au froment, mais ne le font pas dans des dispositions d'amour de Dieu et du prochain, qu'il s'agisse de bienfait d'ordre spirituel ou de services matériels, et ainsi se laissent eux-mêmes imparfaits.

 

 

 

Qu. 258  : Qui est celui que l'Apôtre condamne en disant : "affectant l'humilité et la religion" et la suite ? (Col.2 :18)

 

R. : Le contexte éclaire, je crois, le sens que vous cherchez en ce lieu, car plus loin, l'Apôtre parle de la rigueur envers le corps (Col.2 :23). Tels sont les Manichéens et ceux qui leur ressemblent.

 

 

 

Qu. 259  : Qui est fervent d'esprit ? (Rom 12 :11)

 

R. : Celui qui, avec un zèle ardent, un désir insatiable et un diligent empressement, accomplit le commandement de Dieu dans l'amour de Jésus Christ, selon ce qui est écrit : "Il mettra toute sa volonté dans ses commandements" (Ps 111 :1).

 

 

 

Qu. 260  : L'Apôtre a dit, tantôt : "Ne soyez pas inconsidérés" (Eph 5 :17), et tantôt : "Ne suivez pas votre propre sagesse" (Rom 12 :16); mais est-il possible de n'être pas inconsidéré si l'on ne suit pas la sagesse que l'on a en soi ?

 

R. : Chaque ordre a sa précision : le "ne soyez pas inconsidérés..." est suivi de : "mais faites attention à la volonté de Dieu" et le "ne suivez pas votre propre sagesse" de : "mais craignez le Seigneur et évitez le mal" (Pro 3 :7). Inconsidéré" est donc celui qui n'est pas attentif à la volonté de Dieu; et "se fie à sa propre sagesse" quiconque suit ses raisonnements personnels au lieu de se conformer, dans la foi, aux paroles de Dieu. Par conséquent, si on veut n'être ni inconsidéré ni sage en soi-même, il convient d'écouter la volonté du Seigneur dans la foi en Lui, et, dans la crainte de Dieu, d'imiter l'Apôtre qui dit : "Détruisant les raisonnements humains et toute prétention qui se dresse contre la connaissance de Dieu, et rendant toute pensée captive sous l'obéissance du Christ" (2 Cor.10 :4-5).

 

 

 

Qu. 261  : Le Seigneur a promis : "Tout ce que vous demanderez avec confiance dans la prière, vous l'obtiendrez" (Mt 21 :22), et encore "Si deux d'entre vous s'accordent sur terre il leur sera fait en tout selon leur prière" (Mt 18 :19); comment dès lors, certains, même parmi les saints, n'ont-ils pas obtenu ? Ainsi l'Apôtre qui dit : "Trois fois j'ai prié le Seigneur d'écarter cela de moi" (2 Cor.12 :8), et il n'a pas obtenu ce qu'il demandait; et le prophète Jérémie ? et Moïse lui-même ?

 

R. : Notre Seigneur Jésus Christ a dit dans sa prière : "Père, si c'est possible, que ce calice s'éloigne de moi" et il a ajouté : "Mais que ta volonté se fasse, et non la mienne" (Mt 26 :39).

Il faut donc, tout d'abord, savoir qu'il ne nous est pas permis de demander tout ce que nous désirons, et nous apprenons à ne même pas demander ce qui pourrait nous être utile, car nous ne savons pas demander comme il convient. C'est pourquoi il nous faut prier, avec beaucoup de circonspection, selon la volonté de Dieu.

Si nous ne sommes pas exaucés, nous devons savoir : ou bien qu'il nous faut persévérer et insister, selon la parabole du Seigneur au sujet de la nécessité de prier toujours sans jamais se décourager, et selon qu'il est dit ailleurs : "A cause de son importunité, il se lèvera et lui donnera les choses dont il a besoin" (Lc 11 :8), ou bien, qu'il faut nous corriger et agir avec zèle, suivant ce que dit le Seigneur par la bouche du prophète : "Lorsque vous tendrez les mains vers moi, je détournerai ma face de vous, et lorsque vous multiplierez vos prières, je ne vous écouterai pas, car vos mains sont pleines de sang. Lavez-vous et purifiez-vous" (Is.1 :15-16), et la suite. Telles deviennent et sont, à n'en pas douter, les mains de la plupart, à en croire le jugement de Dieu porté contre ceux qui ont charge de prêcher au peuple de Dieu et se sont tus : "Le sang du pécheur sera réclamé des mains de qui doit veiller sur lui" (Ez.3 :18). Aussi bien est-ce persuadé de cette immuable vérité, que l'Apôtre dit : "Dès maintenant je suis pur de votre sang à tous, car je ne me suis jamais refusé à vous annoncer l'entier dessein de Dieu" (Act.20 :26-27). Si le silence rend déjà coupable du sang des pécheurs, que dire encore de ceux qui scandalisent les autres par leurs actes ou leurs paroles ?

Il arrive aussi que ce soit à cause de son indignité que celui qui prie n'obtient pas : ainsi David, qui souhaitait construire une demeure à Dieu et fut empêché. Il n'avait certes pas cessé de plaire à Dieu, mais il ne fut pas jugé digne de cela.

Pour Jérémie, il semble n'avoir pas été exaucé à cause de l'indignité de ceux pour qui il priait.

Souvent, par négligence, nous avons laissé passer le moment propice à notre prière, et alors on nous trouve priant à contre-temps et en vain.

A propos de : "C'est pourquoi, trois fois j'ai demandé au Seigneur d'écarter cela de moi" (2 Cor.12 :8), il faut bien savoir que ces peines, tant extérieures que corporelles sont, pour des raisons multiples et diverses, voulues ou permises de Dieu en vue d'un bien préférable à leur éloignement. Par conséquent, si quelqu'un pouvait savoir qu'il faut la prière et la demande pour être délivré de son mal, il serait exaucé dès qu'il a prié : tels les deux aveugles de l'Évangile, les dix lépreux et beaucoup d'autres; mais s'il ne découvre pas la raison pour laquelle il est éprouvé (car, bien souvent c'est par la patience qu'est atteint le but de la souffrance), et s'il prie pour être délivré, alors qu'il fallait souffrir jusqu'au bout, il n'est pas exaucé, parce qu'il ne concourt pas au but voulu par Dieu dans sa bonté.

Pour la parole : "Si deux d'entre vous s'entendent" (Mt 18 :19), le contexte lui-même l'explique. Elle est dite, en effet, de celui qui fait des reproches au pécheur et de celui qui les reçoit. Dieu "ne voulant pas la mort du pécheur mais qu'il se convertisse et vive" (Ez.33 :11), si l'admonesté se pénètre de repentir et entre ainsi dans l'intention de celui qui le réprimande, tout, c'est-à-dire la délivrance de tout péché, s'ils le demandent, Dieu qui aime les hommes l'accordera. Si, au contraire, l'admonesté ne cède pas aux reproches il n'aura pas la délivrance, mais le lien, selon ce qui suit : "Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel" (Mt 18 :18), et ainsi s'accomplira cette sentence : "Si le coupable n'écoute pas l'Église, qu'il soit comme un païen et un publicain" (Mt 18 :17).

 

 

 

Qu. 262  : Parmi les choses dont elle fait l'éloge, l'Écriture place la pauvreté et l'indigence, comme dans : "Bienheureux les pauvres" (Mt 5 :3), et dans : "Le Seigneur entendra la prière des indigents" (Ps 9 :17), et encore : "Le pauvre et l'indigent loueront ton nom" (Ps 73 :21). Quelle différence y a-t-il donc entre la pauvreté et l'indigence ? et comment David a-t-il pu dire en toute vérité : "Je suis pauvre et indigent" (Ps 39 :18) ?

 

R. : Me souvenant de la parole de l'Apôtre : "Parce qu'il s'est fait pauvre à cause de nous, bien qu'Il fût riche" (2 Cor.8 :9), je pense que pauvre est celui qui, de la richesse tombe dans le besoin, et indigent celui qui est dans le besoin depuis la naissance, mais qui s'est conduit, en cet état, de façon agréable au Seigneur.

Si David se reconnaît pauvre et indigent c'est, vraisemblablement, qu'il parle en figure du Seigneur, appelé pauvre suivant l'expression : "Il s'est fait pauvre à cause de nous, bien qu'Il fût riche", et il s'est appelé indigent en tant qu'il se comporte selon la chair non pas en enfant de riche, mais en fils d'artisan (Mt 13 :55); peut-être aussi parce que, comme Job (Job.1 :21), il savait, non pas thésauriser ses biens ni s'attacher à la richesse comme si elle fût sienne, mais tout gérer selon la volonté de Dieu.

 

 

 

Qu. 263  : Que veut nous apprendre le Seigneur lorsque, avant de dire : "Ainsi celui d'entre vous qui ne renonce pas à tout ce qu'il a, ne peut devenir mon disciple" (Lc 14 :33), il apporte ces exemples : si quelqu'un veut bâtir une tour ou partir en guerre contre un roi, il doit d'abord faire ses préparatifs pour la construction ou pour la guerre. S'il est incapable, il peut ou ne pas poser les fondements ou demander les conditions de paix ? (Lc 14 :28-32) Alors celui qui veut devenir disciple du Seigneur doit faire ce renoncement ? Et s'il trouve que cela lui sera fort difficile peut-il ne pas même commencer à être disciple du Seigneur ?

 

R. : Le but du Seigneur dans ces exemples est, non pas de donner la liberté d'être ou de ne pas être son disciple, mais de montrer qu'il est impossible de plaire à Dieu, si l'âme est distraite par les choses dans lesquelles elle risque d'être facilement surprise par les ruses du démon. Elle mériterait alors la moquerie et la dérision pour n'avoir pas achevé ce qu'elle avait paru entreprendre avec zèle. C'est ce que le prophète demande de n'avoir pas à souffrir lorsqu'il dit : "Que mes ennemis ne se moquent pas de moi et qu'ils ne s'élèvent pas contre moi si mes pieds vacillent" (Ps 37 :17).

 

 

 

Qu. 264  : L'Apôtre dit : "Afin que vous soyez simples" (Phil.1 :10), et encore : "...mais avec simplicité" (2 Cor.2 :17). Qu'est-ce donc qu'être simple ?

 

R. : Je pense qu'être simple c'est être sans mélange et absolument pur de tout contraire, comme un seul bloc, et tout orienté vers la piété; non seulement cela, mais encore soucieux d'en atteindre la fin en toute occasion et en toute chose, de façon que chacun, à la place qui lui est assignée, tende correctement vers son but sans se laisser détourner même par des buts semblables.

Le premier point apparaît clairement dans la suite du texte lorsqu'à ces paroles "mais avec simplicité" il ajoute "nous parlons comme de la part de Dieu, en présence de Dieu, dans le Christ".

Le second point apparaît dans ces paroles : "N'ayez pas des vues plus hautes qu'il ne convient, mais soyez modérés selon la mesure de foi que Dieu a donné à chacun" (Rom 12 :3), et dans les autres paroles qui les accompagnent.

 

 

 

Qu. 265  : Est-ce aux prêtres seulement ou également à tous qu'il est dit : "Si tu portes ton offrande à l'autel et, là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande devant l'autel, va d'abord te réconcilier avec ton frère; ensuite tu reviendras faire ton offrande" (Mt 5 :23-24) ?

Et comment chacun de nous porte-t-il une offrande à l'autel ?

 

R. : C'est spécialement et premièrement pour les prêtres qu'il serait normal de le comprendre, puisqu'il est écrit : "Vous serez appelés prêtre du Seigneur, vous, les ministre de Dieu" (Is.61 :6), et : "Le sacrifice de louange m'honore" (Ps 49 :23), et encore, "Sacrifice à Dieu est un coeur brisé" (Ps 50 :19). L'Apôtre dit aussi : "Offrir vos corps en hostie vivante, sainte, agréable à Dieu : voilà le culte spirituel que vous devez lui rendre" (Rom 12 :1).

Mais ce sont là toutes choses dont chacune est à la portée de tous, et, pour chacun de nous, il est nécessaire de réaliser ce genre d'offrande.

 

 

 

Qu. 266  : Qu'est le sel que le Seigneur nous prescrit d'avoir en nous par ces mots : "Ayez du sel en vous, conservez la paix entre vous" ? (Mc 9 :50) Et l'Apôtre dit : "Que vos paroles soient toujours aimables, assaisonnées de sel" (Col.4 :6).

 

R. : Là aussi le sens est éclairci par le contexte : dans les paroles du Seigneur nous apprenons qu'il ne faut jamais donner de motif de discorde et de rupture, mais nous garder toujours dans les liens de la paix pour l'unité de l'esprit. (Eph 4 :3)

Quant aux paroles de l'Apôtre, si on se souvient de celui qui dit : "Mangera-t-on du pain sans sel, et y a-t-il encore de la saveur dans des mots vides ?" (Job6 :6), on y apprendra qu'il faut ordonner ses paroles pour l'édification de la foi, "afin de faire du bien à ses auditeurs" (Eph 4 :29), en leur parlant en temps opportun et convenablement, pour les amener à se laisser persuader.

 

 

Qu. 267  : Si quelqu'un doit être beaucoup puni et l'autre peu (Lc 12 :47), comment certains disent-ils qu'il n'y a pas de fin au châtiment ?

 

R. : Ce qui semble ambigu et obscur dans certains passages de l'Écriture inspirée est clairement expliqué dans d'autres passages.

Tantôt, le Seigneur déclare : "Ceux-ci iront au châtiment éternel" (Mt 25 :46), tantôt, il chasse "au feu éternel préparé pour le démon et pour les anges" (Mt 25 :41); ailleurs, il mentionne "la géhenne du feu" et poursuit : "où leur ver ne meurt pas et où le feu ne s'éteint pas" (Mc 9 :45); autrefois, un prophète a dit aussi de certains "que leur ver ne mourra pas, que leur feu ne s'éteindra pas" (Is.66 :24).

Ces expressions et d'autres semblables se trouvent souvent dans l'Écriture inspirée; mais, c'est aussi un effet de la ruse du démon, que beaucoup d'hommes, comme s'ils ignoraient de si terribles et si nombreuses paroles et affirmations du Seigneur, afin d'oser d'avantage, font miroiter à leurs yeux un terme au châtiment. Or, si jamais il y a un terme au châtiment, il y en aura aussi à la vie éternelle, et s'il ne nous est pas permis de concevoir cela de la vie éternelle, quelle valeur a : mettre fin au châtiment éternel ? car l'adjectif éternel est donné à l'un et l'autre également : "ceux-ci, dit-il, s'en iront au châtiment éternel, et les justes à la vie éternelle" (Mt 25 :46).

Si nous reconnaissons ce fait, il faut savoir que l'expression : "il sera beaucoup puni" ou "il sera peu puni" indique non pas des peines limitées, mais des peines différentes.

En effet, si Dieu est un juste juge, donnant non seulement aux bons, mais aussi aux mauvais, à chacun selon ses oeuvres, celui qui mérite le feu inextinguible peut le mériter soit plus doux soit plus ardent; celui qui mérite le ver immortel peut en être plus ou moins torturé selon le cas; un tel mérite une géhenne pleine de châtiments complètement différents, tel autre les ténèbres extérieures, où l'un se trouve seulement dans les larmes, et l'autre aussi parmi les grincements de dents, à cause de ce qui lui est ajouté de peines. Et ces ténèbres extérieures, il semble évident qu'elles sont aussi intérieures. Et le "dans les profondeurs de l'enfer" (Pro 9 :18) des Proverbes, montre bien que certains sont dans l'enfer, sans doute, mais non dans le fond, parce qu'ils ont un châtiment plus léger.

On peut faire la même distinction dans les maladies du corps, car si l'un a la fièvre avec les symptômes d'autres maladies, l'autre a la fièvre seulement, et celui-ci autrement qu'un autre; un autre encore n'a pas de fièvre, mais il est brisé par la douleur d'un membre et, de nouveau, celui-ci plus qu'un autre.

Le Seigneur se sert aussi des mots "beaucoup" et "peu" selon l'usage ordinaire, comme aussi d'autres semblables, car, nous le savons bien, on emploie la même expression à propos de ceux qu'afflige une maladie quelconque : ainsi nous disons avec étonnement de quelqu'un qui a la fièvre seulement, ou qui souffre d'un oeil : combien il a souffert ! ou : quelles douleurs il a supportées !Je le répète donc : être beaucoup ou peu puni ne se réalise et ne s'accomplit pas dans la durée, mais dans la différence des châtiments.

 

 

 

Qu. 268  : Dans quel sens dit-on : "Enfants de l'incrédulité" (Eph 5 :6) et "fils de la colère" (Eph 2 :3) ?

 

R. : Le Seigneur paraît appeler enfants et fils de quelqu'un, bon ou mauvais, ceux qui font sa volonté. "Si vous étiez les enfants d'Abraham, dit-il, vous feriez les oeuvres d'Abraham" (Jn 8 :39), et encore : "Vous avez le démon pour père et vous voulez accomplir ses volontés" (Jn 8 :44).

C'est pourquoi, enfant de l'incrédulité est celui qui fait oeuvre d'incrédulité. Vraisemblablement, comme le diable est appelé non seulement pécheur, mais le péché même, pour le motif je crois, qu'il en est la cause première, ainsi on pourrait l'appeler l'incrédulité elle-même pour le même motif.

Fils de la colère est celui qui s'en est rendu digne. Comme ceux qui sont dignes du Seigneur et accomplissent les oeuvres de la lumière et du jour, l'Apôtre les appelle fils de la lumière et du jour (1 Thess.5 :5), ainsi pouvons-nous comprendre le "nous étions des fils de la colère" (Eph 2 :3).

Il faut en tout cas le savoir, celui qui est enfant de l'incrédulité est lui-même fils de la colère. "Celui qui ne croit pas au Fils ne verra pas la vie, mais la colère de Dieu est sur lui" (Jn 3 :36).

 

 

 

Qu. 269  : Comme il est écrit : "Faisant les volontés de la chair et celles de nos pensées" (Eph 2 :3), les volontés de la chair sont-elles différentes de celles des pensées ? et quelles sont-elles ?

 

R. : Les volontés de la chair, tantôt l'Apôtre les énumère en grande partie et en les nommant lorsqu'il dit : "Évidentes sont les oeuvres de la chair, qui sont la fornication, l'impureté, l'impudicité, la luxure, l'idolâtrie, la magie, les inimitiés, les contestations, les jalousie, les colères, les rixes, les dissensions, les scissions, les envies, les meurtres, les orgies, les débauches et autres choses semblables" (Gal.5 :19-21); et tantôt il dit d'une façon plus générale : "L'intelligence de la chair est ennemie de Dieu, car elle n'est pas soumise à la loi de Dieu, et ne peut l'être" (Rom 8 :7).

Les volontés des pensées seraient les raisonnements qui ne s'appuient pas sur les Écritures, comme ceux au sujet desquels il est dit : "détruisant les raisonnements et toute prétention qui s'élève contre la connaissance de Dieu" (2 Cor.10 :4-5), et toutes les pensées qui ne sont pas soumises à l'obéissance au Christ.

C'est pourquoi il est nécessaire et salutaire de faire partout ce que dit David : "Je prends conseil de vos lois" (Ps 118 :24).

 

 

 

Qu. 270  : Que veut dire : "dans le dénuement et non dans le désespoir" ?

 

R. : C'est pour montrer la plénitude de sa confiance en Dieu en opposition à la manière de penser humaine, que l'Apôtre dispose ainsi, dans ce passage, les affirmations qu'on y trouve. Pour la manière de penser humaine, dit-il, "nous sommes opprimés de toute part" mais, touchant la confiance en Dieu, il ajoute : "nous ne sommes pas dans l'anxiété" (2 Cor.4 :8). Ensuite, pour la manière de penser humaine : "dans le dénuement", dit-il, mais, quant à la confiance en Dieu : "non dans le désespoir". Et ainsi de suite.

Telles sont aussi les paroles qu'il prononce ailleurs : "Comme des moribonds, nous qui sommes bien en vie; comme des indigents, nous qui enrichissons beaucoup d'autres; comme n'ayant rien, nous possédons tout" (2 Cor.6 :9-10).

 

 

 

Qu. 271  : Puisque le Seigneur dit : "Toutefois faites l'aumône suivant vos moyens, et tout sera purifié pour vous" (Lc 11 :41), est-ce que, dans l'aumône, on peut trouver la purification de ses péchés, quels qu'ils soient ?

 

R. : Le contexte l'explique clairement. Le Seigneur dit d'abord : "Vous purifiez le dehors de la coupe et du plat, mais l'intérieur est rempli de rapine et de méchanceté" (Lc 11 :41), et il poursuit ainsi : "Toutefois, faites l'aumône suivant vos moyens et tout sera purifié en vous".

Il est clair que chaque fois que nous commettons des fautes de rapine et de cupidité nous faisons en même temps du mal à autrui. C'est aussi ce que donne à entendre Zachée disant : "Voilà, je donne la moitié de mes biens aux pauvres, et si j'ai fait du tort à quelqu'un, je lui restitue quatre fois plus" (Lc 11 :39). Ainsi toutes les fautes de ce genre, qu'il est possible de réparer et pour lesquelles on peut donner davantage en contrepartie, peuvent être lavées de cette manière; et je dis : "de cette manière", non pas qu'elle soit en elle-même capable de purifier, mais parce qu'elle sollicite particulièrement la miséricorde de Dieu et le sang du Christ, dans lequel nous obtenons aussi la rémission de tous les autres péchés (Lc 19 :8), dès que nous faisons pour chacun de dignes fruits de pénitence (Eph 1 :7).

 

 

 

Qu. 272  : Étant donné le précepte du Seigneur : "Ne vous préoccupez pas du lendemain" (Lc 3 :8), comment en comprendrons-nous bien le sens ? Car nous constatons que nous apportons beaucoup de zèle à nous procurer le nécessaire au point de mettre de côté pour le plus longtemps possible.

 

R. : Celui qui accueille l'enseignement du Seigneur : "Cherchez d'abord le royaume de Dieu et sa justice" et est pleinement convaincu de la vérité de sa promesse : "et tout le reste vous sera donné par surcroît" (Mt 6 :33), affranchit son âme de tous les soucis matériels qui étouffent la doctrine et la rendent inféconde.

Quiconque mène aussi le bon combat pour plaire à Dieu, a confiance dans le Seigneur, qui a dit : "L'ouvrier mérite sa nourriture" (Mt 10 :10), et il ne se tracasse pas outre mesure à ce sujet. Il se préoccupe et se soucie non de lui-même, mais du précepte du Seigneur, comme l'indique et l'enseigne l'Apôtre en disant : "Je vous ai toujours montré que c'est en travaillant ainsi qu'il faut aider les pauvres" (Act.20 :35), car se préoccuper de soi c'est encourir le reproche d'égoïsme, tandis que s'inquiéter et se soucier de l'observance du commandement, c'est mériter l'éloge décerné à l'amour du Christ et du prochain.

 

 

 

Qu. 273  : Par quelle conduite blasphème-t-on contre l'Esprit-Saint ? (Mc 3 :29)

 

R. : Certes, de la même façon que les pharisiens avaient blasphémé lorsque le jugement fut porté contre eux. Ainsi blasphème contre l'Esprit-Saint celui qui attribue à son adversaire (c'est-à-dire : au démon) les opérations et les fruits de l'Esprit-Saint.

C'est ce qui nous arrive à beaucoup lorsque, souvent, nous qualifions témérairement d'épris de vaine gloire un homme actif; que nous accusons à tort d'agitation ce qui part d'un bon zèle, et que nous donnons à d'autres choses de ce genre des appellations fausses, basées sur des soupçons méchants.

 

 

 

Qu. 274  : Comment quelqu'un devient-il insensé pour ce siècle ?

 

R. : Lorsqu'il craint ce jugement de Dieu : "Malheur à ceux qui sont sages à leurs propres yeux, et avisés à leur propre sens" (Is.5 :21), et imite celui qui a dit : "Je suis devenu stupide devant vous" (Ps 72 :22); lorsque rejetant toute prétention à l'intelligence, il n'estime pas parfaits ses propres raisonnements, bien plus, ne commence même pas à raisonner avant d'être accoutumé à la loi du Seigneur dans le but de plaire à Dieu soit en actes, soit en paroles, soit en pensées, suivant la déclaration de l'Apôtre : "Telle est notre conviction en Dieu par le Christ : non pas que nous sommes capables de concevoir quelque chose de nous-mêmes, comme venant de nous, mais que notre capacité vient de Dieu (2 Cor.3 :4-5), lequel découvre la science à l'homme" (Ps 93 :10), ainsi qu'il est écrit.

 

 

 

Qu. 275  : Satan peut-il empêcher l'accomplissement d'une bonne résolution ? Car il est écrit : "Moi, Paul, j'avais une première et une seconde fois formé le projet d'aller chez vous, mais le démon m'en a empêché" . (Thess.2 :18)

 

R. : Parmi les bonnes oeuvres accomplies dans le Seigneur, les unes se réalisent dans la volonté et dans le jugement de l'âme, les autres par le corps qui agit ou supporte. Celles qui résident dans la volonté ou le jugement, Satan ne peut aucunement les empêcher.

Pour celles qui se réalisent par les forces corporelles, souvent c'est Dieu même qui permet un obstacle, pour éprouver et faire connaître celui qu'Il retient. Il fait ainsi apparaître la versatilité dans le bon propos : tels ceux qui furent ensemencés sur la pierre et qui, après avoir reçu la semence avec joie, la difficulté survenant, abandonnèrent aussitôt (Lc 8 :13); ou encore, Il le montre ferme en ses bonnes résolutions dans son zèle pour le bien : tel l'Apôtre lui-même qui, souvent décidé à se rendre chez les Romains (Rom 1 :13), et, de son propre aveu, empêché de le faire, ne laissa cependant pas de le vouloir jusqu'à ce qu'il eut exécuté son projet.

Quant aux bonnes oeuvres qui se réalisent par la patience, Job en donne l'exemple : bien qu'il souffrît tant de maux de la part du démon, qui voulait l'amener à blasphémer contre Dieu et à Lui montrer de l'ingratitude, il ne cessa pas, jusque dans les plus grands malheurs, de tout interpréter avec des sentiments de piété, et de penser sainement de Dieu, car il est écrit de lui : "Dans toutes ces souffrances, Job ne pécha point en paroles et ne dit rien de déraisonnable contre Dieu" (Job1 :22).

 

 

 

Qu. 276  : Que signifient ces paroles de l'Apôtre : "Afin que vous puissiez discerner quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui plaît, ce qui est parfait" (Rom 12 :2) ?

 

R. : Nombreuses sont les choses que Dieu veut : les unes, marques de sa longanimité et de sa bienveillance, sont bonnes et appelées telles, les autres, signes de sa colère à cause de nos péchés, sont appelées maux : "Car je suis, dit-il, celui qui fait la paix et crée les maux" (Is.45 :7). Ces maux, cependant, ne sont pas destinés à nous faire du tort, mais à nous éduquer, et les maux qui nous éduquent, en nous convertissant par la souffrance, tournent au bien.

Ce que Dieu veut dans sa longanimité et sa bienveillance, nous devons le vouloir aussi, et l'imiter : "Soyez, dit-il, miséricordieux comme votre Père est miséricordieux" (Lc 6 :36), et l'Apôtre dit de même : "Soyez des imitateurs de Dieu comme des enfants bien-aimés et progressez dans l'amour comme le Christ qui nous a aimés" (Eph 5 :4-2).

Les choses que Dieu provoque par colère à cause de nos péchés, et que nous appelons maux, comme je l'ai dit, parce qu'elles font souffrir, nous ne pouvons absolument pas les faire nous-mêmes. Lorsque la volonté de Dieu est que des hommes meurent de la famine, souvent, de la peste, de la guerre ou de quelque autre fléau semblable, nous ne pouvons y coopérer, car Dieu se sert pour cela du ministère des méchants, selon ces paroles : "Il a déchaîné sur eux la violence de sa colère, fureur et indignation et accablement, une foule de mauvais anges" (Ps 77 :49).

Ce qu'il faut donc chercher d'abord c'est le bien que Dieu veut; ensuite, lorsqu'on a reconnu ce bien, déterminer si, étant bien, il est aussi agréable à Dieu. Car parfois ce qui nous apparaît à nous comme étant la volonté de Dieu et bon en soi, ne lui est cependant pas agréable à cause de la personne qui l'exécute ou du moment : par exemple, encenser le Seigneur était à la fois une chose bonne et voulue de Dieu, mais il ne lui plaisait pas que ce fut fait par les partisans de Dathan et d'Abiron (Nombr.16 :1). Ainsi, faire l'aumône est bien et c'est voulu de Dieu, mais la faire pour être loué des hommes n'est plus du tout agréable à Dieu (Mt 6 :2). Ainsi encore, il était bien pour les apôtres et conforme à la volonté de Dieu qu'ils proclamassent sur les toits ce qu'ils avaient entendu à l'oreille (Mt 10 :27), mais parler avant le temps n'était plus agréable à Dieu : "Ne racontez cette vision à personne, dit-il, avant que le Fils de l'homme ne soit ressuscité d'entre les morts" (Mt 17 :9).

En somme toute volonté de Dieu sera bonne et capable de lui plaire lorsqu'à son propos sera réalisé ce que dit l'Apôtre : "Faites tout pour la gloire de Dieu" (1 Cor 10 :31), et : "Que tout se fasse dignement et avec ordre" (1 Cor 14 :40).

Encore, même si quelque chose est bon, voulu de Dieu et capable de lui plaire, ne faut-il pas être absolument sans crainte, mais il faut en plus s'inquiéter et se soucier de l'accomplir parfaitement et sans cesse, compte tenu de la conformité de l'action au commandement et des forces de celui qui l'accomplit : "Tu aimeras, est-il dit, le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta force et de tout ton esprit, et ton prochain comme toi-même" (Lc 10 :27). Le Seigneur, dans l'Évangile de saint Jean a enseigné de même, et pour tout commandement il doit en être ainsi : "Car bienheureux, dit-il, le serviteur que son maître, survenant, trouvera se comportant de cette façon" (Mt 24 :46).

 

 

 

Qu. 277  : qu'est-ce que ce cellier dans lequel le Seigneur donne à celui qui prie, l'ordre d'entrer ?

 

R. : Il semble que, d'habitude, on nomme cellier un bâtiment libre et retiré, dans lequel nous déposons les provisions que nous voulons conserver et où il est possible de se cacher, selon ce que dit le prophète : "Va, mon peuple, entre dans le cellier et cache-toi" (Is.26 :20).

Le sujet traité donne le sens de cet ordre : la parole s'adresse en effet à ceux qui souffrent du mal de vouloir plaire aux hommes. Par conséquent, si l'on est atteint de cette maladie, on fait bien de se retirer, pour prier, dans la solitude, jusqu'à ce qu'on ait pris l'habitude de ne plus faire attention aux louanges des hommes et de ne plus s'occuper que de Dieu, suivant celui qui a dit : "Voilà, comme les yeux des esclaves sur les mains de leurs maîtres, comme les yeux de la servante sur les mains de sa maîtresse, ainsi nos yeux sont fixés sur le Seigneur, notre Dieu" (Ps 122 :2).

Lorsque, par la grâce de Dieu, on est guéri de cette maladie, il n'est plus nécessaire de cacher le bien que l'on fait. C'est ce que le Seigneur nous enseigne en disant : "Une ville bâtie sur la montagne ne peut rester cachée, et on n'allume pas une lampe pour la mettre sous la huche, mais on la met sur le candélabre et elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. Que votre lumière brille ainsi devant les hommes, afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux" (Mt 5 :14-16).

C'est ce qu'il faut comprendre et de l'aumône et du jeûne, à quoi il est fait allusion dans le même passage et, en somme, de tout acte de piété envers Dieu.

 

 

 

Qu. 278  : Comment l'esprit de quelqu'un peut-il prier et son intelligence rester sans fruit ?

 

R. : Cela concerne ceux qui récitent des prières dans une langue inconnue des auditeurs. L'Apôtre dit en effet : "Si je prie en langue, mon esprit est en prière, mais mon intelligence reste stérile" (1 Cor 14 :14).

Lorsque les termes de la prière sont inintelligibles pour les assistants, l'intelligence de celui qui prie ne porte pas de fruits, puisque personne n'en retire d'utilité, mais lorsque les assistants comprennent la prière susceptible de faire du bien à ses auditeurs, alors celui qui prie a pour fruit les progrès de ceux qu'il aide.

Il en est de même pour toute proclamation des paroles de Dieu, car il est écrit : "Si une parole est bonne, qu'elle serve à l'édification de la foi" (Eph 4 :29).

 

 

 

Qu. 279  : Que signifie : "Psalmodiez intelligemment ? (Ps 48 :8)

 

R. : Ce qui est, quand il s'agit des aliments, la faculté de percevoir la qualité de chacun d'eux, est, lorsqu'il s'agit des paroles de la Sainte Écriture, l'intelligence. "Le gosier, est-il dit, goûte la nourriture et l'intelligence apprécie les paroles" (Job12 :11 (LXX)) Ainsi, lorsqu'on a l'esprit disposé de façon à percevoir la valeur des mots comme le gosier la qualité de chaque aliment, on a accompli le commandement : "Psalmodiez intelligemment".

 

 

 

Qu. 280  : Qui a le coeur pur ? (Mt 5 :8)

 

R. : Celui qui ne s'est pas surpris lui-même à violer, à omettre ou à négliger un commandement de Dieu.

 

 

 

Qu. 281  : Faut-il forcer celle qui ne veut pas psalmodier ?

 

R. : Si elle ne va pas volontiers à la psalmodie, si elle n'a pas présente cette disposition de celui qui a dit : "Comme vos paroles sont savoureuses à mon gosier et plus douces que le miel à ma bouche" (Ps 118 :103), et si elle ne regarde pas sa paresse comme un grand dommage pour elle, il faut la corriger ou la renvoyer, de peur qu'un peu de ferment ne corrompe toute la pâte. (Gal.5 :9)

 

 

 

Qu. 282  : Qui sont ceux qui disent : "Nous avons mangé devant vous, et nous avons bu" et s'entendirent répondre : "Je ne vous connais pas" ? (Lc 12 :26-27)

 

R. : Ceux-là, peut-être, que désigne l'Apôtre en parlant de lui-même : "Quand je parlerais les langues des hommes et celles des anges..." et la suite, "et quand j'aurais une science complète, une foi totale, et quand je distribuerais tous mes biens cela ne me sert à rien" (1 Cor 13 :1-3). Il l'avait appris du Seigneur qui avait dit de certains : "Ils agissent pour être vus des hommes, mais je vous le dis, ils ont reçu leur récompense" (Mt 6 :2).

Ce que l'on fait, non par amour de Dieu, mais pour la louange des hommes, quelle qu'en soit la qualité, ne reçoit pas l'éloge dû à la piété, mais encourt le reproche de respect humain, de suffisance, de rivalité, d'envie ou autre défaut identique. Aussi le Seigneur donne-t-il à un acte de ce genre, le nom d'oeuvre d'iniquité, car, à ceux qui disent : "Nous avons mangé devant vous..." et la suite, Il répond : "Éloignez-vous de moi, vous tous, ouvriers d'iniquité" (Lc 13 :26-27). Comment, en effet, ne seraient-ils pas ouvriers d'iniquité", ceux qui ont usé des dons de Dieu pour se procurer à eux-mêmes leurs propres plaisirs ? Tels étaient ceux dont l'Apôtre dit : "Nous ne sommes pas comme beaucoup qui altèrent la parole de Dieu" (2 Cor.2 :17), et encore "de ceux qui voient dans la piété un moyen de profit" (1 Tim.6 :5) et beaucoup d'autres choses semblables. De tout cela l'Apôtre nous affirme qu'il est pur lorsqu'il dit : "Non comme ceux qui veulent plaire aux hommes, mais pour Dieu, qui juge le fond de notre coeur. Car jamais nous ne sommes venus à vous avec des paroles de flatterie, vous le savez, ni sous des apparences de cupidité, Dieu en est témoin, et nous n'avons jamais cherché la louange des hommes, ni de vous, ni d'autres" (1 Thess.2 :4-6).

 

 

 

Qu. 283  : Celui qui fait la volonté d'un autre, lui est-il associé ?

 

R. : Si nous en croyons le Seigneur disant : "Quiconque fait le péché est esclave du péché" (Jn 8 :34), et : "Vous avez le démon pour père et vous voulez accomplir les désirs du démon" (Jn 8 :44), nous savons qu'il n'est pas simplement l'associé de celui dont il fait la volonté, mais que, selon le mot du Seigneur, il l'accepte pour maître et pour père.

L'Apôtre aussi en témoigne clairement : "Ne savez-vous pas qu'en vous soumettant à quelqu'un pour faire sa volonté, vous êtes les esclaves de celui à qui vous obéissez, soit du péché, pour votre mort, soit de l'obéissance, pour votre justice ?" (Rom 6 :16)

 

 

 

Qu. 284  : Lorsqu'une fraternité tombe dans le besoin par suite d'une circonstance fâcheuse ou de la maladie, ne se conçoit-il pas qu'elle soit aidée par d'autres ? Et s'il le faut, de qui acceptera-t-elle ce secours ?

 

R. : Celui qui se souvient des paroles du Seigneur : "Ce que vous avez fait au moindre de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait" (Mt 25 :40), aura à coeur, et cela avec le plus grand zèle et le plus grand empressement, de se rendre digne d'être appelé frère du Seigneur. Si quelqu'un se trouve dans cette nécessité, qu'il n'hésite pas à recevoir, mais en soit reconnaissant.

Cependant, ce qu'il faut recevoir, quand et comment, c'est à celui-là d'en juger, à qui aura été confié le soin de tous, et il se souviendra des paroles de David : "L'huile des méchants ne touchera pas ma tête" (Ps 140 :5), et : "Celui qui marche dans la voie droite, voilà celui qui me servira" (Ps 100 :6).

Qu. 285  : Lorsqu'une fraternité traite une affaire avec une autre, doit-elle être attentive à la compensation la plus juste ?

 

R. : Je ne puis dire si l'Écriture permet qu'entre frères on vende et on achète les uns aux autres, car nous avons appris à mettre en commun ce qui nous est utile, selon qu'il est écrit : "Votre abondance doit suppléer à leur détresse et leur abondance à votre pénurie, de façon à établir l'égalité" (2 Cor.8 :14); mais si jamais telle nécessité survient, il faut que l'acheteur veille à ne pas donner une compensation moindre que celle qu'a donnée le vendeur lui-même. Tous doivent se souvenir de celui qui a dit : "Il ne convient pas de faire tort au juste" (Pro 17 :26).

 

 

 

Qu. 286  : Lorsqu'un membre de la fraternité tombe malade, doit-on le conduire à l'hôpital ?

 

R. : Il faut tenir compte, en vue du bien commun, du lieu et du but poursuivi, pour la gloire de dieu.

 

 

 

Qu. 287  : Quels sont les dignes fruits de la pénitence ?

 

R. : Les oeuvres de justice opposées au péché, fruits que le pénitent doit porter en conformité avec la parole : "Portant des fruits de toutes sortes de bonnes oeuvres" (Col.1 :10).

 

 

 

Qu. 288  : Si quelqu'un veut confesser ses péchés, doit-il le faire à tous ? et à n'importe qui ? ou à qui ?

 

R. : Le dessein de Dieu dans sa miséricorde envers les pécheurs est évident, d'après ce qui est écrit : "Je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive" (Ez.33 :11). Cependant, puisque le repentir doit être proportionné à la faute et qu'il doit y avoir de dignes fruits de pénitence, selon cette parole : "Faites de dignes fruits de pénitence" (Lc 3 :8), et de crainte que, s'il n'y a pas de fruits, ne se réalise cette menace : "Tout arbre qui ne porte pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu" (Lc 3 :9), il est nécessaire d'avouer ses péchés à ceux à qui a été confiée l'administration des mystères de Dieu (1 Cor 4 :1). Ainsi voyons-nous agir les anciens, qui se convertissaient et se confessaient aux saints. L'Évangile rapporte, en effet, qu'ils confessaient leurs fautes à Jean-Baptiste (Mt 3 :6), et les Actes qu'ils le faisaient aux apôtres, par qui tous avaient été baptisés (Act.19 :18).

 

 

 

Qu. 289  : Que doit faire celui qui, après s'être converti, retombe dans le même faute ?

 

R. : Celui qui, après s'être converti une fois, commet de nouveau le même péché, montre qu'il ne s'est pas purgé de la cause première de son péché, d'où, comme d'une racine, renaissent nécessairement les mêmes pousses.

Si quelqu'un, en effet, veut couper les branches d'une plante en laissant la racine, la racine restante n'en produira pas moins à nouveau d'identiques.

Ainsi, comme certaines fautes n'ont pas leur racine en elles-mêmes mais en d'autres fautes, celui qui veut s'en purifier doit absolument arracher la cause première. Par exemple : ni la discorde, ni l'envie n'ont leur cause en elles-mêmes, mais elles poussent sur la racine de la vanité, car celui qui cherche la gloire humaine rivalise avec ceux qui ont une bonne renommée et envie ceux qui en ont une excellente. Par conséquent, celui qui est tombé une fois dans la discorde ou dans l'envie et y retombe de nouveau, doit d'abord reconnaître qu'il souffre profondément de la maladie de la vanité, source première de la discorde et de l'envie. Il faut donc, alors, qu'il guérisse de la vanité par l'exercice de la vertu contraire d'humilité, et l'exercice de l'humilité se fait en se livrant aux occupations les plus viles. Après s'être ainsi pénétré d'humbles dispositions il ne retombera plus dans les susdits rameaux de la vanité.

Il en sera de même pour toute faute semblable.

 

 

 

Qu. 290  : Comment abonde-t-on toujours dans l'oeuvre du Seigneur ? (1 Cor 15 :58)

 

R. : Soit en multipliant, pour l'utilité et le progrès de ceux à qui l'on fait le bien, le charisme que l'on a reçu, soit, par comparaison avec le soin que l'on apporte aux choses humaines, en montrant un plus grand zèle dans l'oeuvre du Seigneur.

 

 

 

Qu. 291  : Qu'est-ce que le roseau froissé, ou la mèche fumante ? Et comment ne brise-t-on pas l'un et n'éteint-on pas l'autre ? (Mt 12 :20)

 

R. : Je pense que le roseau froissé est celui qui observe le commandement du Seigneur, mais dans une mauvaise disposition morale : il ne faut ni le briser, ni le couper, mais plutôt le guérir, comme le Seigneur l'enseigne en disant : "Prenez garde à ne pas faire votre aumône devant les hommes, pour ne pas être vus d'eux" (Mt 6 :1), et l'Apôtre donna ce précepte : "Faites tout sans murmures et sans discussions" (Phil.2 :14), et ailleurs : "Ne faites rien en esprit de rivalité ou de vanité" (Phil.2 :3).

La mèche fumante est celui qui observe la loi, non dans un désir ardent et un zèle parfait, mais en quelque sorte avec trop de nonchalance et de mollesse. Il ne faut pas l'arrêter, mais plutôt l'exciter par le rappel des jugements de Dieu et de ses promesses.

 

 

 

Qu. 292  : Faut-il, dans une fraternité, un précepteur pour l'éducation des enfants ?

 

R. : Comme l'Apôtre a dit : "Vous, pères, ne provoquez pas vos enfants, mais élevez-les dans la discipline et la pensée du Seigneur" (Eph 6 :4), si ceux qui les amènent les conduisent dans ce but et si ceux qui les reçoivent ont pleine assurance qu'ils pourront éduquer dans la discipline et la pensée de Dieu ceux qu'on leur confie, il faut observer ce commandement du Seigneur : "Laissez venir à moi les petits enfants et ne les empêchez pas : le royaume des cieux est à ceux qui leur ressemble" (Mt 19 :14).

Sans cette intention et sans cet espoir, je pense que ce n'est ni agréable à Dieu, ni convenable ni utile pour nous.

 

 

 

Qu. 293  : Comment faut-il se comporter à l'égard de ceux qui évitent les plus grands péchés, mais commettent les petits avec indifférence ?

 

R. : Il faut savoir d'abord qu'on peut remarquer une telle distinction dans l'Ancien Testament. Une unique sentence est portée contre tous les péchés lorsque le Seigneur dit : "Celui qui commet le péché est esclave du péché" (Jn 8 :34), et "La parole que j'ai prononcée est ce qui jugera au dernier jour" (Jn 12 :48); de même, lorsque Jean-Baptiste crie : "Celui qui ne croit pas au Fils ne verra pas la vie, mais la colère de Dieu est sur lui" (Jn 3 :36), or ce manque de foi n'était pas ainsi menacé en tant que telle faute parmi d'autres, mais en tant que désobéissance.

Bref, si nous nous laissons aller à dire grand et petit péché, il ne serait pas incontestablement prouvé que grand est ce qui domine chacun et petit ce que chacun domine. Ainsi pour les athlètes, le vainqueur est plus fort que le vaincu et le vaincu est plus faible que celui qui l'emporte sur lui, quel qu'il soit.

Il faut donc, à l'égard de tout pécheur et quelle que soit sa faute, observer la prescription du Seigneur : "Si ton frère a péché contre toi, va, reprends-le entre toi et lui; s'il t'écoute, tu auras gagné ton frère. S'il ne t'écoute pas, prends avec toi un ou deux autres, afin que tout soit avéré sur la parole de deux ou trois témoins. S'il ne les écoute pas encore, dis-le à l'Église et s'il n'écoute pas l'Église, qu'il soit pour toi comme un païen et un publicain." (Mt 18 :15-17)

Envers tous les coupables de ce genre il faudra observer ce que dit l'Apôtre : "Pourquoi n'avez-vous pas été plus affligés, de façon à écarter de vous celui qui a commis cette faute ?" (1 Cor 5 :2) Assurément, il faut ajouter à la sévérité, la longanimité et la pitié.

 

 

 

Qu. 294  : Par suite de quoi se laisse-t-on distraire de la pensée continuelle de Dieu ?

 

R. : Lorsqu'on perd le souvenir des bienfaits de Dieu et qu'on se trouve ignorer son bienfaiteur.

 

 

Qu. 295  : A quels signes se reconnaît-on distrait ?

 

R. : Lorsqu'on néglige ce qui doit plaire à Dieu, car le prophète dit : "Je voyais constamment le Seigneur devant moi, Il est à ma droite, pour que je ne chancelle pas" (Ps 15,8).

 

Qu. 296  : Comment une âme obtient-elle l'assurance qu'elle est purifiée de ses péchés ?

 

R. : Lorsqu'on trouve en soi-même cette disposition de David : "J'ai haï l'iniquité et l'ai prise en horreur" (Ps 118 :163), ou lorsqu'on a conscience de bien réaliser en soi ce que dit l'Apôtre : "Mortifiez donc votre corps, ici sur la terre : la débauche, l'impureté, les passions, les mauvais désirs, la cupidité, qui est l'idolâtrie : voilà ce qui attire la colère de Dieu", et ensuite, étendant la même condamnation sur tout péché, il poursuit : "sur les enfants de l'incrédulité" (Col 3,5-6), de manière à pouvoir dire : "Le coeur pervers ne s'attachait pas à moi; le méchant s'éloignait de moi, et je ne le connaissais pas" (Ps 100 :3-4).

On reconnaîtra que l'on est dans une telle disposition si l'on sent pour les pécheurs la même effrayante compassion que les saints; car, dit David : "J'ai vu des insensés, et je me suis consumé, parce qu'ils n'observent pas vos lois" (Ps 118,158), et l'Apôtre : "Qui est souffrant sans que je souffre moi-même et qui est scandalisé sans que je brûle ?" (2 Cor 11,29)

Si, en toute vérité du terme, l'âme est supérieure au corps et si, cependant, nous constatons que nous concevons de l'aversion et du dégoût pour toute souillure du corps, et que le coeur éprouve de l'affliction et du chagrin quand on le voit déchiré et maltraité, à combien plus forte raison celui qui aime le Christ et aime ses frères éprouvera-t-il les mêmes sentiments à l'égard des pécheurs, lorsqu'il verra leur âme comme blessée et dévorée par des bêtes féroces ou montrant des abcès purulents : "Mes iniquités, dit David, se sont accumulées jusqu'au dessus de ma tête et tel un lourd fardeau pèsent sur moi. Mes plaies sont putréfiées et corrompues à cause de ma folie, je suis malheureux et accablé, et tous les jours j'ai marché dans la tristesse" (Ps 37,5-7), et l'Apôtre dit : "L'aiguillon de la mort, c'est le péché" (1 Cor 15,56).

Par conséquent, lorsqu'en face de ses propres péchés et de ceux d'autrui on se trouve rempli des mêmes sentiments que ceux dont nous avons parlé dès le début, on peut être convaincu que l'on est pur de tout péché.

 

Qu. 297  : Comment faut-il se détourner du péché ?

 

R. : En s'efforçant d'entrer dans les mêmes dispositions que David : "J'ai révélé mon péché, dit-il, et n'ai pas dissimulé ma faute". J'ai dit : "Je confesserai mon iniquité devant le Seigneur" (Ps 31,5), et en exposant ensuite sa conduite, comme il le fait, dans le psaume sixième et ailleurs, de diverses manières.

De l'Apôtre on peut apprendre, à propos de la faute d'autrui, ce qu'il rapporte des Corinthiens lorsqu'il dit : "La tristesse selon Dieu produit une pénitence salutaire, qu'on ne regrette pas" (2 Cor 7,10) et il énumère les propriétés de la tristesse : "Voyez, en effet, combien cette tristesse selon Dieu a causé en vous d'empressement. Que dis-je ? Quel soin de vous justifier, quelle indignation, quelle crainte, quelle ardeur, quel zèle, quelle sévérité ! De toute façon vous avez montré qu'en cette affaire vous étiez sans reproches" (2 Cor 7 11).

Il ressort de tout cela que non seulement il faut se détourner du péché et éprouver de tels sentiments à l'égard des pécheurs, mais encore qu'il faut s'écarter des pécheurs eux-mêmes, car David le montre lorsqu'il dit : "Retirez-vous loin de moi, vous qui commettez l'iniquité" (Ps 6,9), et l'Apôtre recommande de ne pas même manger avec un tel (1 Cor 5,11).

 

Qu. 298  : L'Écriture permet-elle à chacun de faire le bien comme il lui plaît ?

 

R. : Celui qui se plaît à lui-même plaît à un homme, car lui-même est aussi un homme.

Puisque "maudit soit l'homme qui met sa confiance en l'homme et s'appuie sur la chair de son bras, preuve de confiance en soi, et dont l'âme s'éloigne du Seigneur" (Jér 7,5), ainsi quiconque plaît à un autre, ou agit selon son propre bon plaisir manque à la piété pour tomber dans le respect humain : "Ils agissent, dit le Seigneur, pour être vus des hommes. En vérité, je vous le dis : ils ont déjà leur récompense" (Mt 6,5), et l'Apôtre avoue : "Si je plaisais aux hommes, je ne serais plus le serviteur du Christ" (Gal.1,10). Plus grave encore est la menace que profère l'Écriture inspirée : "Dieu a dispersé les os de ceux qui plaisaient aux hommes" (Ps 52,6).

 

 

Qu. 299  : Comment une âme obtiendra-t-elle l'assurance qu'elle est exempte de la vanité ?

 

R. : Lorsqu'elle écoute le Seigneur qui a dit : "Que votre lumière brille devant les hommes afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux" (Mt 5,16), et l'Apôtre qui déclare : "Que vous mangiez, que vous buviez ou que vous fassiez n'importe quoi, faites-le pour la gloire de Dieu" (1 Cor 10,31). Aussi, celui qui pratique la piété sans prétendre ni à la gloire présente ni à la gloire future, mais se préoccupe avant tout d'aimer Dieu, peut franchement dire, d'accord avec ce qui précède : "Ni les choses présentes, ni les choses futures ne pourrons nous séparer de l'amour de Dieu dans le Christ Jésus notre Seigneur" (Rom 8,38-39), car Notre Seigneur Jésus Christ lui-même a dit : "Pour moi je ne cherche pas ma gloire" (Jn 8,50), et "Celui qui prend la parole de lui-même cherche sa gloire, mais celui qui cherche la gloire de celui qui l'a envoyé, celui-là est dans la vérité" (Jn 7,18).

 

 

Qu. 300  : Dès lors qu'il s'agit d'une chose invisible, comment s'opère la conversion ?

 

R. : La manière dont s'opère la conversion est exposée dans cette question dans laquelle on a demandé : "Comment faut-il se détourner du péché ?" (Voir Qu. 297)

Quant au fait qu'il s'agit d'une chose invisible, nous nous souviendrons de ce que dit le Seigneur : "Rien n'est caché qui ne sera dévoilé" (Mt 10,26), et : "La bouche parle de l'abondance du coeur" (Lc 6,45).

 

 

Qu. 301  : Et si quelqu'un dit : Ma conscience ne me reproche rien ?

 

R. : Cela arrive aussi pour les maladies du corps. Beaucoup de ces maladies sont telles que ceux qui en sont atteints ne s'en rendent pas compte; cependant, plutôt que de s'en tenir à leur insensibilité, ils se confient à l'observation des médecins. Il en est de même des maladies de l'âme, c'est-à-dire des péchés : même si quelqu'un ne se reconnaît pas lui-même coupable, parce qu'il n'a pas conscience de son péché, il doit cependant se fier à celui qui est capable de mieux voir son état. C'est ce que les apôtres nous ont montré lorsque, bien que convaincus de la pureté de leurs sentiments à l'égard du Seigneur, ils entendirent : "L'un de vous me trahira" (Mt 26 :21); ils crurent plutôt aux paroles du Seigneur et, chacun de son côté demanda : "Est-ce moi, Seigneur ?" (Mt 26 :22) Saint Pierre nous l'enseigne encore plus clairement lorsque, dans son ardente humilité, sans doute, il refusa le service que voulait lui rendre son Seigneur, son Dieu et son Maître, mais, certain de la vérité des paroles du Seigneur : "Si je ne te lave pas tu n'auras pas part avec moi", il répondit : "Non seulement les pieds, mais encore les mains et la tête" (Jn 13,8-9).

 

 

Qu. 302  : Doit-on prendre sur les biens de la communauté pour donner aux pauvres du dehors ?

 

R. : Le Seigneur a dit : "Je n'ai été envoyé que pour les brebis perdues d'Israël" (Mt 15,24), et : "Il ne convient pas de prendre le pain des enfants pour le jeter aux chiens" (Mt 15,26). Il n'est donc pas nécessaire de sacrifier pour les indifférents les biens destinés à ceux qui sont consacrés à Dieu.

Cependant, s'il peut arriver ce que dit la femme, alors louée pour sa foi : "Oui, certes, Seigneur, c'est que les petits chiens mangent des miettes qui tombent de la table de leurs maîtres" (Mt 15,27), il appartiendra à l'économe d'en juger avec l'assentiment de ceux qui sont supérieurs avec lui, afin que, selon l'Écriture (Mt 5,45), le soleil, par surabondance, se lève sur les bons et sur les méchants.

 

 

Qu. 303  : Faut-il, dans une fraternité, obéir à la voix de tous ?

 

R. : La réponse à cette question est fort difficile. Tout d'abord, le fait que tous s'avisent de parler semble bien être du désordre, car l'Apôtre dit : "Deux ou trois prophètes parleront et les autres jugeront" (1 Cor 14,29), et à propos de la répartition des charismes, il donne un rang à chacun de ceux qui parlent, en disant : "Selon la mesure de foi que Dieu a départie à chacun" (Rom 12,3-5). Dans sa comparaison avec les membres du corps, il donne clairement sa place à la fonction de celui qui parle et la détermine avec soin en disant : "Si on a le don d'enseigner, qu'on enseigne, le don d'exhorter, qu'on exhorte" (Rom 12,7-8), et ainsi de suite. D'où il ressort que tout n'est pas laissé à tous, mais que chacun doit rester dans sa vocation et exécuter le mieux possible ce que Dieu lui a confié.

Par conséquent, le supérieur de la communauté, mis à la tête de tous après sérieuse épreuve, en prendra sur lui le souci; il veillera avec soin sur les besoins de chacun et prendra des dispositions ou donnera des ordres en vue de l'intérêt commun, selon les forces et les aptitudes de chacun, de façon à plaire à Dieu.

Les inférieurs, eux, garderont leur rang, et, connaissant la juste mesure de l'obéissance, se souviendront de ce que dit le Seigneur : "Mes brebis écoutent ma voix, je les connais et elles me suivent et je leur donnerai la vie éternelle" (Jn 10,27-28). Et, ensuite : "Elles ne suivent pas l'étranger, mais elles le fuient, parce qu'elles ne connaissent pas la voix des étranger" (Jn 10,5).

Quant à l'Apôtre, il dit : "Si quelqu'un enseigne autrement et ne s'en tient pas aux paroles salutaires de Notre Seigneur Jésus Christ, et à la doctrine conforme à la piété, c'est un orgueilleux qui ne sait rien"; et, après avoir énuméré quelles en sont les conséquences, il ajoute : "Éloigne-toi de gens semblables" (1 Tim.6,3-5). Ailleurs, il dit : "Ne méprisez pas les prophètes, contrôlez tout, gardez ce qui est bien et rejetez tout ce qui semble mal" (1 Thess.5 :20-22).

Ainsi, dès qu'un ordre nous a été donné en conformité avec la loi de Dieu, ou en vue de son accomplissement, il faut obéir, même s'il y a menace de mort; mais s'il contredit ou lèse la loi de Dieu, même si c'était un ange du ciel ou un des apôtres qui le donnait, même avec la promesse de la vie éternelle et même avec la menace de mort, il ne faudrait pas l'accepter, car l'Apôtre dit : "Si quelqu'un, fut-ce moi ou un ange du ciel, vous annonçait un autre évangile que le nôtre, qu'il soit anathème" (Gal 1,8).

 

 

Qu. 304  : Faut-il accepter les présents offerts par les proches en faveur des membres de la fraternité ?

 

R. : C'est au supérieur qu'en revient le soin et l'appréciation. Toutefois, je crois, pour ma part, qu'il est plus éloigné du scandale et plus édifiant de refuser de tels dons.

Il advient, en effet, très souvent que, par la suite de l'acceptation, la communauté ait à supporter des reproches; cela donne aussi motif d'orgueil aux parents de ceux qui l'offrent, et il arrive en outre ce que dit l'Apôtre au sujet de ceux qui mangeaient et buvaient de ce qu'ils avaient apporté : "Vous faites rougir ceux qui n'ont rien" (1 Cor 11,22), et beaucoup d'autres choses encore de ce genre.

Étant données donc toutes ces occasions de pécher, il vaut mieux ne pas accepter ces présents, mais il appartiendra au supérieur de juger de qui il faut recevoir et comment il faut employer le don.

 

 

Qu. 305  : Doit-on recevoir quelque chose de l'extérieur soit à titre d'amitié, soit sous prétexte de parenté ?

 

R. : Cette demande a le même sens que la précédente : faut-il accepter des cadeaux offerts par les proches ?

 

 

Qu. 306  : Comment se préserver de la dispersion de l'esprit ?

 

R. : En faisant sienne cette préoccupation de l'élu de Dieu, David : "Je voyais toujours le Seigneur devant moi, car il se tient à ma droite pour que je ne chancelle pas" (Ps 15,8), ou  : "Mes yeux sont toujours tournés vers le Seigneur, parce qu'il arrachera mes pieds du lacet tendu" (Ps 24 ,15), ou encore : "Comme les yeux des esclaves sur les mains de leurs maîtres; comme les yeux de la servante sur les mains de sa maîtresse, ainsi nos yeux sont dirigés vers le Seigneur, notre Dieu" (Ps 122,2).

Pour user d'un faible exemple qui nous excite à mieux faire dans une chose plus importante, que chacun réfléchisse à part lui à sa manière d'agir en présence d'autres, fussent-ils ses égaux. Comme il a soin, alors, de se montrer irréprochable dans son attitude, dans sa marche, dans ses mouvements et dans ses paroles !

Or donc, puisque, pour des hommes nous nous empressons de surveiller nos actes quand nous les accomplissons devant eux, à bien plus forte raison, celui qui est persuadé qu'il est sous le regard de Dieu, lequel, selon les Écritures (Ps 7,10), sonde les reins et les coeurs, sous le regard du Fils unique qui remplit la promesse : "Là ou deux ou trois seront réunis en mon nom, je serai au milieu d'eux" (Mt 18,20), sous le regard de l'Esprit-Saint, qui dirige, distribue ses dons et agit dans les âmes (1 Cor 12,11), et sous le regard de l'ange gardien de chacun, suivant la parole du Seigneur : "Prenez garde à ne pas mépriser l'un de ces petits, car, je vous le dis, leurs anges contemplent toujours la face de mon Père qui est dans les cieux" (Mt 18,10), celui-là, dis-je, multipliera-t-il et accentuera-t-il ses efforts pour réussir à plaire à Dieu et, ainsi, se maintiendra-t-il plus intensément et plus parfaitement recueilli.

On parviendra en outre en s'appliquant à ce que dit le psalmiste : "Je bénirai le Seigneur en tout temps; toujours sa louange sera dans ma bouche" (Ps 33,2), et "jour et nuit il médite sa loi" (Ps 1,2), de sorte que l'esprit, étant occupé sans cesse et sans interruption à la méditation et à la contemplation des commandements et des gloires de Dieu, ne trouvera pas l'occasion d'errer ça et là.

 

 

Qu. 307  : Convient-il que l'on dirige à tour de rôle la psalmodie ou la prière ?

 

R. : Tous ceux qui en sont capables doivent le faire en observant cet ordre régulier, de peur qu'on ne considère cette charge comme sans valeur et sans importance, et, aussi, de crainte que l'uniformité en faveur de l'un ou de l'autre ne fasse penser à l'orgueil chez celui qui dirige et a du mépris à l'égard des autres.

 

 

Qu. 308  : Doit-on, dans une fraternité, rendre don pour don ? et celui que l'on rend doit-il être équivalent à celui que l'on reçoit ?

 

R. : Cette question est tout humaine. Si l'on veut donner une preuve de bienveillance, que l'économe juge s'il y a lieu de recevoir les dons et d'en rendre l'équivalent.

 

 

Qu. 309  : S'il arrive un accident intime et naturel à quelqu'un, doit-il oser s'approcher de la sainte communion ?

 

R. : L'Apôtre a déclaré supérieur à la nature et aux choses communes celui qui est enseveli avec le Christ dans le baptême (Rom 6 :4). Lorsqu'il parle de baptême dans l'eau, après ce que je viens de dire, il poursuit : "Conscient de ce que le vieil homme a été crucifié avec lui afin que le corps asservi au péché soit affranchi et que désormais, nous ne soyons plus esclaves du péché" (Rom 6,6). Ailleurs, il donne cet avertissement : "Mortifiez donc votre corps, ici, sur terre : la débauche, les passions, les mauvais désirs, la cupidité, qui est idolâtrie : toutes choses qui attirent la colère de Dieu sur les incroyants" (Col 3,5-6). Une autre fois encore il propose cette règle : "Ceux qui appartiennent au Christ ont crucifié leur chair avec leurs passions et leurs concupiscences" (Gal 5,24).

Pour moi, je crois que, chez l'homme et chez la femme, cela se réalise par la grâce du Christ, moyennant la foi sincère dans le Seigneur.

Quant au fait de s'approcher dans l'état de souillure des saints mystères, nous savons même par l'Ancien Testament quel terrible jugement cela mérite. Or, s'il y a ici plus que le temple (Mt 12,6), l'Apôtre nous enseigne qu'il y a bien plus à craindre : "Celui qui mange et boit indignement, mange et boit sa propre condamnation" (1 Cor 11,29).

 

 

Qu. 310  : Peut-on célébrer l'offrande eucharistique dans une maison ordinaire ?

 

R. : L'Écriture, comme elle ne permet pas qu'on introduise dans le sanctuaire un vase profane, n'admet pas non plus qu'on célèbre les saints mystères dans une maison ordinaire, car l'Ancien Testament, évidemment par une disposition de Dieu, ne permit jamais que chose semblable eût lieu. Or le Seigneur a dit : "Il y a plus ici que le temple" (Mt 12,6), et l'Apôtre : "N'avez-vous pas des maisons pour manger et boire ? Que vous dirais-je ? Dois-je vous féliciter ? Non, je ne vous féliciterai pas; car ce que je vous ai transmis, je le tiens de Dieu..." et la suite (1 Cor 11,22-23).

Par-là nous apprenons que nous ne pouvons ni prendre, dans l'église, notre repas ordinaire en y mangeant et en y buvant, ni profaner le repas du Seigneur en le prenant dans une maison ordinaire, à moins que, par nécessité, on ne choisisse, à l'heure convenable, un endroit ou une maison bien propre.

 

 

Qu. 311  : Doit-on visiter ceux qui le demande ?

 

R. : Visiter est une chose agréable à Dieu, mais il faut que le visiteur soit capable d'écouter avec intelligence et de répondre avec prudence, conformément à cette parole : "Votre conversation sera toujours aimable et assaisonnée de sel, de manière que vous sachiez comment répondre à chacun" (Col 4,6).

Quant à faire une visite pour un motif de parenté ou d'amitié, c'est là une chose étrangère à notre profession.

 

Qu. 312  : Lorsque les laïcs viennent nous visiter, faut-il les inviter à la prière ?

 

R. : S'ils sont des amis de Dieu, c'est tout indiqué, puisque c'est à eux que l'Apôtre a écrit : "Priez pour moi, afin que, lorsque j'ouvrirai la bouche, les paroles me soient données pour annoncer avec assurance les mystères de Dieu" (Eph 6,9).

 

Qu. 313  : Faut-il continuer son travail lorsque viennent des visiteurs ?

 

R. : Rien de ce qui est obligatoire ne doit être interrompu pour l'accueil éventuel des visiteurs qui surviennent, à moins que, selon le commandement du Seigneur, il ne faille estimer préférable à une oeuvre corporelle, une oeuvre spirituelle particulière, car les apôtres disent dans les Actes : "Il ne convient pas que nous délaissions le ministère de la parole pour servir aux tables" (Act 6,2).