SUR LE BAPTEME

LIVRE 1

Chapitre 1

1. Notre Seigneur Jésus Christ, le Fils seul-engendré du Dieu vivant, après sa résurrection d’entre les morts obtint de Dieu son Père l'accomplissement de la promesse qu'il lui avait faite par la bouche du prophète David : «Toi, tu es mon Fils, moi aujourd'hui je t’ai engendré; demande-moi et je te donnerai les nations pour ton héritage et tu possèderas les extrémités de la terre.» Prenant avec lui ses disciples, il leur révèle d'abord le pouvoir qui lui a été donné par son Père : «Tout pouvoir, leur dit-il, m'a été donné au ciel et sur la terre.» Puis il les envoie en mission avec ces paroles : «Allez, faites disciples toutes les nations, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du saint Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit.»
Le Seigneur a donc d'abord donné cet ordre : «Faites disciples toutes les nations.» Puis, il a ajouté : «Baptisez-les», etc. Or vous, sans dire mot du premier point, vous nous avez demandé l'explication du second. Considérant alors, quant à nous, que ne pas répondre immédiatement serait enfreindre le précepte de l’apôtre qui a dit : «Vous serez prêts à répondre à toute demande d'explication», nous vous avons transmis la doctrine du baptême selon l'évangile du Seigneur, qui a plus de gloire que celui du bienheureux Jean, en mentionnant quelques-unes parmi les nombreuses paroles qui ont été dites à ce sujet dans les Ecritures inspirées. Toutefois nous croyons nécessaire de revenir à l'ordre des commandements tel qu'il nous a été transmis par le Seigneur. Ainsi, en ce qui vous concerne, vous apprendrez d'abord la signification de l'expression «faites disciples»; puis vous recevrez, comme la suite logique, la doctrine concernant le glorieux baptême et vous ferez alors bonne route vers la perfection, apprenant à garder tous les commandements que le Seigneur a donnés à ses disciples, selon ce qui est écrit.
Ici donc nous avons entendu le Seigneur nous dire : «Faites disciples.» Nous avons maintenant besoin de rappeler ce qui a été dit ailleurs au sujet d'un tel précepte afin qu'en redressant d'abord nos pensées pour qu’elles plaisent à Dieu, en observant ensuite l'ordre convenable et nécessaire nous ne tombions pas à côté du sens et que nous nous conformions au but qui est de plaire à Dieu. C'est en effet une habitude chez le Seigneur : ce qu'il a prescrit quelque part sous forme aphoristique, il l'enseigne clairement grâce aux paroles dites en d'autres
endroits. Ainsi, pour le précepte : «Faites-vous des trésors dans le ciel», il en indique avec clarté le «comment» quand il dit dans un autre passage : «Vendez vos biens et donnez-les en aumônes. Faites-vous des bourses qui ne vieillissent pas, un trésor qui ne vous manque jamais dans les cieux.» Et pour beaucoup d'autres préceptes, il en va de même.
2. Eh bien donc, il est disciple, nous l'apprenons du Seigneur lui-même, tout homme qui s’approche du Seigneur pour le suivre, c'est-à-dire pour écouter ses paroles, croire en lui et lui obéir comme à un souverain, à un roi, à un médecin, à un maître de vérité dans l'espérance de la vie éternelle a et qui, de plus, demeure ferme dans ces dispositions. Il est écrit en effet que «Jésus disait aux Juifs qui avaient foi en lui : Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples; vous connaîtrez la vérité et la vérité vous fera libres» – libres évidemment en ce qui concerne l'âme. Celle-ci échappe à la tyrannie du diable en se préservant de la tyrannie des péchés, puisque «celui qui commet le péché est, selon la parole (de Jésus), esclave du péché»; elle échappe aussi à la condamnation à mort selon l’enseignement de l'apôtre Paul qui nous a dit : «Celui qui n’avait pas connu le péché, Dieu l'a fait péché pour nous afin que nous devenions justice de Dieu en lui.» Et il a ajouté : «De même que par la désobéissance d'un seul homme, la multitude a été constituée pécheresse, de même par l'obéissance d'un seul, elle sera constituée juste.»
Celui qui a foi dans le Seigneur et qui se présente avec les dispositions requises pour devenir disciple doit, comme nous l’apprenons, se détacher d'abord de tout péché, puis également de tout objet le détournant de l'obéissance que, pour bien des raisons, il doit au Seigneur, et le détournant, alors même qu'il juge ces raisons tout à fait raisonnables. Il est impossible en effet, si on commet le péché ou si on s'embarrasse dans les tracas de la vie, ou simplement si on s'inquiète des choses nécessaires pour vivre, d’entrer au service du Seigneur et à plus forte raison de devenir son disciple. Au jeune homme, le Seigneur n'a pas commencé par dire : «Viens, suis-moi»; il lui a enjoint au préalable de vendre ses biens et d'en faire don aux pauvres. Et cet ordre même, il ne l'a pas donné avant que le jeune homme ne lui ait déclaré : «Tous ces commandements, je les ai observés», car l’homme qui n'a pas encore reçu le pardon de ses fautes et n'en a pas encore été purifié dans le sang de notre Seigneur Jésus Christ, mais sert le diable et se laisse vaincre par le péché qui habite en lui est incapable d’entrer au service du Seigneur qui a prononcé cette sentence infaillible : «Celui qui commet le péché est esclave du péché. Or l'esclave du péché ne demeure pas dans la maison.» Et Paul qui parle dans le Christ en témoigne aussi, lui qui a écrit : «L'esclave du péché est libre par rapport à la justice.» Le Seigneur affirme encore : «Nul ne peut servir deux maîtres», etc., et il a montré par l'enseignement qu'il a donné en aphorismes et en bien des formes diverses, que si l'on n'écarte pas les soucis relatifs aux nécessités de la vie, on ne peut ni servir Dieu ni à plus forte raison être disciple.
Cet enseignement conduisit l'Apôtre à déclarer, considérant la question plus largement : «Quelle association est possible entre la justice et l’iniquité ? Quelle communion entre la lumière et les ténèbres ? Quel accord entre le Christ et Béliar ? Quelle part a le croyant avec l’incrédule ? Quelle conformité entre les idoles et le temple de Dieu ?», et une autre fois sous forme aphoristique : «Les désirs de la chair vont à l’encontre de l'esprit, ceux de l’esprit à l'encontre de la chair. Entre eux il y a opposition, si bien que vous ne faites pas ce que vous voulez.» Rappelons aussi cet enseignement plus propre encore à nous faire rentrer en nous-mêmes : «Je sais, a-t-il dit, que la loi est spirituelle tandis que moi je suis un être de chair vendu, asservi au péché, car ce que j'accomplis, je ne le comprends pas; le bien que je veux je ne le pratique pas, et le mal que je déteste, je le fais. Or, si je fais ce que je ne veux pas, je reconnais que la Loi est bonne. Mais alors, ce n'est plus moi qui accomplis l'action, c'est le péché qui habite en moi.»
Et ayant considéré une fois encore et plus longuement cet objet même de réflexion, à savoir qu'il est impossible quand on se laisse vaincre par le péché de servir le Seigneur, il nous montre clairement celui qui nous rachète d'une telle tyrannie. «Malheureux homme que je suis, dit-il, qui me délivrera de ce corps de mort ? Je rends grâces à Dieu par Jésus Christ notre Seigneur ?» Et peu après il ajoute : «Il n'y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus, qui ne marchent pas selon la chair.»
3. Et avec les paroles qu'il a dites dans un autre passage, il présente clairement la grande grâce de l'amour de Dieu se manifestant aux hommes par l'incarnation de notre Seigneur Jésus Christ. Voici ses paroles : «De même que par la désobéissance d'un seul homme la multitude a été constituée pécheresse, de même par l'obéissance d'un seul, elle sera constituée juste.» Dans un autre passage encore, considérant sous un jour plus admirable l'amour que Dieu manifeste aux hommes dans le Christ, il affirme : «Celui qui n’avait pas connu le péché, il l'a fait péché pour nous afin que nous devenions justice de Dieu en lui.»
D'après les paroles que nous avons rappelées et celles qui leur sont semblables, il faut donc absolument, si du moins nous n'avons pas reçu en vain la grâce de Dieu, nous délivrer d'abord de la tyrannie du diable, car le diable conduit celui qui se laisse vaincre par le péché au mal qu'il ne veut pas; ensuite, après avoir renoncé à tous les biens présents et à soi-même, après s'être détaché de la passion de vivre, il faut se faire disciple du Seigneur. Ainsi lui-même l'a dit : «Si quelqu'un vient à moi, qu'il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu'il me suive», c'est-à-dire qu’il devienne mon disciple. Et il nous transmet le même enseignement d'une façon plus ample, plus démonstrative et plus catégorique dans l'évangile selon Luc. Nous en reparlerons un peu plus loin.
Nous sommes rachetés d'une telle condamnation infligée à nos péchés nous tous qui croyons, Dieu nous ayant donné sa grâce par l'intermédiaire de son Fils seul-engendré, notre Seigneur Jésus Christ qui a dit : «Ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance versé pour la multitude en rémission des péchés.» De cette parole, l'Apôtre rend témoignage, écrivant tantôt : «Aimez-vous les uns les autres à l'exemple du Christ qui nous a aimés et s'est livré comme offrande et victime à Dieu», tantôt : «Le Christ nous a rachetés, de la malédiction de la Loi», et beaucoup de phrases de ce genre.
Au moment donc où le pardon de ses fautes lui est accordé, l'homme reçoit de celui qui nous a rachetés, Jésus Christ notre Seigneur, la libération du péché, afin qu'il puisse s'approcher de la Parole. Et à ce moment-là, on n'est pas encore digne de suivre le Seigneur qui, je le répète, n'a pas dit au jeune homme : «Viens suis-moi» avant de lui dire : «Vends tes biens et donne-les aux pauvres.» Et même cela, il ne l'a pas commandé avant que son interlocuteur n'ait reconnu, en déclarant avoir accompli tout ce que le Seigneur venait de dire, qu'il était pur de toute transgression. Ainsi, il faut en cela aussi observer l'ordre.
Ce n'est pas seulement le mépris des biens et des nécessités de la vie qui nous est enseigné. Nous apprenons aussi à élever nos sentiments au-dessus des usages de la société considérés selon la loi et selon la nature comme de justes obligations. Notre Seigneur Jésus Christ en effet nous a dit : «Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n'est pas digne de moi.» Il a parlé de la même façon aussi pour tous les autres parents les plus proches, et bien davantage, évidemment pour les relations plus éloignées et pour les gens étrangers à la foi. Il ajoute à cela : «Celui qui ne prend pas sa croix et ne marche pas derrière moi n'est pas digne de moi.» Cet effort précisément a été mené à bien par l'Apôtre qui écrit pour notre instruction : «Moi, je suis crucifié au monde et le monde est crucifié pour moi. Ce n'est plus moi, qui vis; c'est le Christ qui vit en moi.»
4. Mais revenons au Seigneur qui a parlé à chacun en face. A l'un qui avait dit : «Permets-moi d’abord d'aller enterrer mon père», il a répondu : «Laisse les morts enterrer leurs morts; pour toi, va-t-en annoncer le royaume de Dieu.» Et à cette parole de l'autre : «Permets-moi d'abord d'aller mettre ordre aux affaires de ma maison», il a donné cette réplique plus frappante, accompagnée d'une plus lourde menace : «Quiconque met la main à la charrue et se retourne en arrière est impropre au royaume de Dieu.» On voit par là que l'obligation humaine, lorsqu'elle fait tant soit peu différer la ferme obéissance due au Seigneur, est incompatible, même si elle semble raisonnable, avec le désir de devenir son disciple et mérite une menace plus redoutable. D'une manière plus générale le Seigneur formule cette loi : «Si quelqu'un vient à moi, qu’il renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive.»
Si d'autre part, nous nous remettons en mémoire la réponse que fit le Seigneur à celui qui avait dit : «Heureux l'homme qui prend son repas dans le royaume de Dieu», c'est une sentence plus effrayante, marquée de colère et de sévérité, qui est portée à notre connaissance; elle détache les gens dont nous avons parlé de tout espoir de bien. Voici cette réponse : «Un homme prépara un grand festin auquel il invita beaucoup de monde. Et il envoya ses serviteurs à l’heure du festin pour dire aux invités : Venez, tout est prêt maintenant. Et ils commencèrent tous, unanimement, à chercher des excuses. J'ai acheté un champ, dit le premier, et il faut que je sorte pour aller le voir. Je t’en prie, tiens-moi pour excusé. Un second dit : J'ai acheté cinq couples de boeufs et je vais de ce pas les essayer. Je t'en prie, tiens-moi pour excusé. Je viens de me marier, dit un troisième, et pour cette raison je ne puis y aller. Revenu auprès de son maître le serviteur lui rapporta ces propos. Alors, le maître de maison se mit en colère et il dit à son serviteur : Va-t-en vite par les places et les rues de la ville et amène ici les pauvres, les estropiés, les aveugles et les boiteux ! Maître, dit le serviteur, tes ordres sont exécutés et il y a encore de la place ! Alors le maître dit à son serviteur : Va-t-en par les chemins et le long des clôtures et fais entrer les gens de force afin que ma maison se remplisse, car, je vous le dis, aucun de mes premiers invités ne goûtera de mon festin.»
Lui-même encore, le Fils seul-engendré du Dieu vivant, qui fut envoyé par le Père non pour juger le monde mais pour sauver le monde, restant fidèle à lui-même et accomplissant la volonté du Dieu de bonté son Père, ajoute à cette déclaration sévère l'enseignement qui nous rend dignes de devenir ses disciples. «Si quelqu’un, affirme-t-il, vient à moi sans haïr son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses soeurs et jusqu'à sa propre vie, il ne peut être mon disciple» – haine qui met en nous l'idée non de tramer des embûches mais d'exceller dans la piété en nous empêchant d'écouter les voix qui en détournent. Et il affirme encore : «Celui qui ne porte pas sa croix et ne marche pas à ma suite ne peut être mon disciple», condition qui se trouve ratifiée, selon nous, au moyen du baptême dans l’eau, puisque nous y professons que nous sommes crucifiés avec le Christ, morts avec lui, ensevelis avec lui, etc., selon ce qui est écrit.
5. Tendant la main à notre faiblesse, il a voulu aussi, par des exemples, affermir nos coeurs dans la pleine assurance de la vérité et nous rendre plus prompts à l'obéissance. «Qui de vous, déclare-t-il, s'il veut bâtir une tour ne s'assied tout d'abord pour calculer la dépense et voir s'il a de quoi aller jusqu'au bout ? Il veut éviter, s'il pose les fondations sans être capable d’achever, que tous les gens en le regardant ne commencent à se moquer de lui et ne disent : Voilà un homme qui a commencé à bâtir et qui n'a pas été capable d'achever.
Ou bien quel roi, se préparant à partir en guerre contre un autre roi, ne s'assied d'abord pour délibérer s'il est capable avec dix mille hommes d'aller à la rencontre de celui qui vient contre lui avec vingt mille ? Or, s'il ne l'est pas, il envoie une ambassade, tandis que l'autre est encore loin pour demander les conditions de paix. Ainsi donc, quiconque parmi vous ne renonce pas à tous ses biens ne peut être mon disciple. C'est une bonne chose que le sel; mais si le sel devient insipide, avec quoi lui donnera-t-on de la saveur ? Il n'est bon ni pour la terre, ni pour le fumier : on le jette dehors. Celui qui a des oreilles pour entendre, qu'il entende.»
Si nous avons foi en ces paroles, nous nous libérons d'abord de la tyrannie du diable dans la mesure où nous évitons toute action désirée par lui – et nous y parvenons avec la grâce de Dieu octroyée par l’intermédiaire de Jésus Christ notre Seigneur, si du moins nous n'avons pas reçu en vain une telle grâce –; ensuite nous renonçons non seulement au monde et à ses désirs, mais encore aux justes obligations sociales et même à notre propre vie quand l'un de ces soins nous détourne de l'obéissance ferme et rapide que nous devons à Dieu; et ainsi, nous sommes jugés dignes de devenir disciples du Seigneur.
Nous recevons alors l'instruction tant de Moïse et des prophètes que des évangélistes et des apôtres. Cette instruction porte sur l'oeuvre que Dieu fit au commencement, en créant, par la médiation de son Fils seul-engendré notre Seigneur et notre Dieu Jésus Christ, toutes les choses visibles et invisibles; sur ce que les Ecritures divinement inspirées rapportent concernant la bonté et la sévérité d'un Dieu à la longue patience, afin de démontrer sa justice et de nous instruire; sur les prophéties concernant l'incarnation de notre Seigneur Jésus Christ et la rencontre entre réalités opposées qui s'opéra alors, concernant sa glorieuse résurrection des morts, son ascension et sa très glorieuse épiphanie à la fin des temps. L'instruction porte aussi sur les doctrines de la piété, parfaite, agréable à Dieu selon l'Evangile, se manifestant dans l'amour du Christ Jésus notre Seigneur, faisant espérer la vie éternelle et le royaume céleste. Elle porte également sur les décrets de la juste rétribution : à ceux qui font les choses défendues ou qui refusent de faire celles qui sont approuvées, châtiment éternel; à ceux qui se conduisent d'une façon digne de l'évangile du Christ, avec une foi vigoureuse opérant par l'amour de Dieu, espérance de la vie éternelle et du royaume céleste, dans le Christ Jésus, notre Seigneur. Chapitre II

Puisque notre Seigneur Jésus Christ nous a donné le commandement de nous aimer les uns les autres comme lui-même nous a aimés et qu'il nous apprend par l'intermédiaire de l'apôtre Paul à nous supporter les uns les autres dans l’amour, j’ai accueilli avec empressement l'ordre de votre piété dans le Christ relatif au très glorieux baptême selon l’évangile de notre Seigneur Jésus Christ; non que je sois capable d'en parler dignement, mais j'apporte ma contribution comme la veuve qui jeta ses deux piécettes. Et dans cette tâche, j'ai besoin de la prière de ceux qui aiment le Seigneur afin que par la grâce du Dieu de bonté et de son Christ, l'Esprit saint et bon nous rappelle et nous enseigne ce qu'il a appris du Seigneur, qu’il dirige notre âme sur un chemin de paix et la saine parole vers l'édification de la foi. Ainsi pourra s’accomplir en nous et en vous ce proverbe : «Donne l’occasion au sage et il sera plus sage.»
Toutefois on doit savoir qu'il faut d'abord se faire disciple avant d'être admis au baptême très admirable. Tel est en effet le commandement que Jésus Christ lui-même, notre Seigneur et notre Dieu, le Fils seul-engendré du Dieu vivant a donné à ses disciples. Nous avons donc été forcés de vous transmettre séparément les paroles mêmes dites par le Seigneur en personne au sujet de ceux qui veulent devenir disciples du Christ; du moins, sur un grand nombre en avons-nous mentionné quelques-unes.
Or, puisque la naissance d'en haut implique la promesse de voir le royaume de Dieu, tandis que la naissance de l'eau et de l'esprit implique celle d’entrer dans ce royaume, il me paraît nécessaire de vous présenter quelques-unes des nombreuses paroles qui concernent le royaume des cieux, afin qu'en aucune façon nous n'en soyons exclus. C'est que «dans la vie, l'à peu de chose près n'est pas peu de chose» comme l’a dit un de nos sages, et l'expérience même le prouve à la plupart des gens. Mais on peut s'en assurer davantage et plus sûrement d'après l'examen attentif auquel étaient soumis les prêtres ainsi que les animaux apportés en offrande. Si on trouvait en eux un petit sujet de blâme, une mutilation affectant non pas un membre entier mais une partie de celui-ci, un lobe d'oreille, comme on l’a écrit, ni l'homme n'était admis au sacerdoce, ni l'animal n'était accepté pour le sacrifice. «Ces choses-là, a dit l'Apôtre, arrivaient à nos pères en figures et elles ont été écrites pour notre instruction à nous qui touchons à la fin des temps.» Le Seigneur a clairement montré qu'il était supérieur à elles en disant : «Il y a ici plus grand que le temple» et, allant plus loin, il nous a montré la nécessité de nous occuper plus attentivement de notre âme, en nous disant : «A qui on a confié beaucoup, on réclamera davantage.»
Parlons donc du royaume des cieux. Notre Seigneur a qui appartient Jésus Christ, ayant gravi la montagne, commençait son enseignement par les béatitudes. La première béatitude qu'il proclama fut celle qui comporte la promesse du royaume des cieux. «Bienheureux, dit-il, les pauvres en esprit parce que le royaume des cieux est à eux.» Et dans la huitième il affirme : «Bienheureux ceux qui sont persécutés pour la justice, parce que le royaume des cieux est à eux.» Une autre fois, prophétisant au moyen de la parabole du berger la bénédiction qui sera donnée au temps de la rétribution il déclare : «Venez les bénis de mon Père, recevez en héritage le royaume qui vous a été préparé depuis la fondation du monde, car j'ai eu faim et vous m’avez donné à manger», etc. Dans l'évangile selon Luc, le temps et le lieu étant différents comme l'indique le texte, il expose de nouveau les béatitudes. «Bienheureux, dit-il, vous qui êtes pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à vous.» Et encore : «Soyez sans crainte, petit troupeau, car il a plu à votre Père céleste de vous donner le royaume. Vendez vos biens et donnez-les en aumônes. Faites-vous des bourses qui ne vieillissent pas, un trésor qui ne vous manque jamais dans les cieux.» C'est donc en se conduisant de cette manière ou de manière semblable qu'on se rend digne du royaume des cieux.
Mais les conditions qu'il faut remplir nécessairement pour entrer dans ce royaume, le Seigneur nous les montre dans l'évangile selon Matthieu. Il déclare en effet : «Si votre justice ne dépasse pas celle des scribes et des pharisiens, non certes, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux.» Et encore : «Si vous ne vous convertissez pas et ne devenez pas comme les petits enfants, non certes, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux.» Et encore : «Quiconque n'accueille pas le royaume de Dieu comme un petit enfant n'y entrera certes pas.» D'autre part dans l’évangile selon Jean, il dit à Nicodème : «Si quelqu'un ne naît pas d'en haut, il ne peut voir le royaume de Dieu.» Et il ajoute : «Si quelqu'un ne naît pas de l'eau et de l'Esprit, non certes, il n'entrera pas dans le royaume de Dieu.»
Quand des conditions font ainsi l'objet d’une sentence unique, il est évident qu'à en négliger une, on encourt un risque aussi grand qu’à les négliger toutes. Si en effet le Seigneur déclare : «Un seul Iota, un seul trait de lettre ne passera point de la Loi que tout ne soit accompli», combien plus cette déclaration est-elle applicable à l'Évangile, puisque lui-même, le Seigneur, nous dit : «Le ciel et la terre passeront; mes paroles, elles, ne passeront point !» De là vient que l’apôtre Jacques osa exprimer cette opinion : «Celui qui accomplit toute la Loi, mais commet un écart sur un seul point est coupable comme l'ayant toute violée.» Il s’est exprimé de la sorte, instruit par cette menace que le Seigneur avait adressée à Pierre après l'avoir proclamé bienheureux et l'avoir honoré de témoignages et de promesses dépassant l'humain : «Si je ne te lave pas, tu n'as pas de part avec moi.»
De son côté, l'apôtre Paul, qui complète ce qui manque aux épreuves du Christ pour son corps qui est l'Eglise, dit avec solennité, parlant dans le Christ, pour quelles raisons principalement on n'est pas jugé digne du royaume des cieux et on encourt la condamnation à mort. Tantôt, il déclare sous forme d'aphorisme : «Ceux qui font de telles actions méritent la mort» – quant à savoir pourquoi il n'a pas dit : «ceux qui font ces actions» mais «ceux qui font de telles actions», chacun a des yeux pour le voir –, tantôt : «Ceux qui font de telles actions n'hériteront pas du royaume des cieux.» Une autre fois, il dit de façon plus générale : «Les hommes injustes n'hériteront point du royaume de Dieu», et en d'autres endroits il s'exprime de façon semblable.
Quant à notre Seigneur Jésus Christ, il a fait connaître ainsi sa pensée, dans l'évangile selon Luc : «Quiconque met la main à la charrue et se retourne en arrière est impropre au royaume de Dieu.» Or il faut nécessairement faire ici une observation. Ce n'est pas à des fautes, ni à des actions nombreuses, mais à une seule que s'applique son infaillible et si redoutable jugement, et cela, même si, étant de celles qui sont permises, cette action n'entraîne qu'un simple retard et encore léger à l'obéissance sans excuse, très rapide et inébranlable due nécessairement au Maître pour beaucoup de raisons.
Ainsi, toutes ces paroles et celles qui leur sont semblables nous enseignent qu'il faut remplir entièrement et selon les règles toutes les conditions auxquelles est liée la promesse du royaume des cieux, et dom le non-respect fait refuser la grâce de ce royaume, et qu’il faut prendre soin d'éviter tout ce qui empêche d’en hériter. Alors on peut espérer être jugé digne de la promesse. Car le combat qu'on livre en vue de plaire à Dieu ne doit pas seulement être exempt de toute malice; il doit être aussi sans défaut et sans reproche par rapport à toute parole de Dieu. L'apôtre Paul, en effet, après avoir considéré le grand et indescriptible amour que Dieu et son Christ nous ont manifesté pour nous justifier et nous sauver, a déclaré ensuite : «Ne donnons en rien aucun motif de scandale, de peur que notre ministère ne soit décrié et affirmons-nous en tout comme des ministres de Dieu.»
De même en effet que le pauvre en esprit, s'il ne naît pas de l'eau et de l'Esprit ne peut, à cause de la sentence, entrer dans le royaume des cieux, de même encore, si sa justice ne dépasse pas celle des scribes et des pharisiens, ou s'il ne remplit pas quelque autre des conditions susdites, il est, à cause de la semence, pareille dans tous les cas, jugé indigne du royaume. Il est écrit, en effet, que le Christ voulait «faire paraître devant lui son Église toute glorieuse, n'ayant ni tache ni, ride ni rien de tel, mais sainte et irréprochable», et l’Ecriture renferme beaucoup de paroles de ce genre; plus attentivement on les lit, plus fortement on se persuade qu’il faut remplir toutes les conditions pour être jugé digne du royaume des cieux.
Mais que celui qui abonde en justice ou qui est né d'en haut ait réalisé à la perfection toutes les bonnes actions à la fois, celles sur lesquelles reposent les béatitudes ainsi que toutes les autres, et qu'il soit reconnu comme l'auteur de ces actions et des actions du même genre, mon discours sur la nouvelle naissance le montrera bientôt avec la grâce de Dieu.
Puisque votre piété, comme nous l'avons dit précédemment, nous a demandé et nous a donné l'ordre de vous et sur celui de Jean expliquer le très admirable baptême selon l'Évangile, je pense qu'il est logique après ce que nous venons de dire sur le royaume des cieux, d'étudier aussi de façon rapide la différence entre le baptême selon Moïse et le baptême de Jean. Alors, avec la grâce de Dieu, on devient digne de comprendre la merveille du baptême de notre Seigneur Jésus Christ qui les dépasse l'un et l'autre, dans l’incomparable supériorité de sa gloire. Plus grand en effet que le temple, s'est déclaré le Fils seul-engendré du Dieu vivant, et il a ajouté : «Il y a ici plus grand que Salomon», et «Il y a ici plus grand que Jonas.» Et l'Apôtre, après avoir décrit la gloire qui enveloppa Moïse tandis qu’il accomplissait le ministère de la Loi, gloire qui le rendit inabordable aux Juifs, ajoute cette protestation solennelle : «Non, ce qui a été glorifié en ce premier ministère n'est pas gloire à côté de la gloire suréminente.» Jean-Baptiste, le plus grand parmi les enfants des femmes, apporte aussi son témoignage en disant, tantôt : «Il faut que celui-là croisse et que moi je diminue», tantôt : «Moi je vous baptise dans l’eau pour la conversion, mais lui vous baptisera dans l’Esprit saint et dans le feu», et plus d'une parole de ce genre. Or, autant l’Esprit saint diffère de l’eau, autant évidemment celui qui baptise dans l’Esprit saint surpasse celui qui baptise dans l'eau, et cette remarque vaut pour le baptême lui-même, de sorte que Jean, pour en revenir à lui, cet homme d'une telle grandeur, d'un tel caractère, sur qui le Seigneur a donné un tel , témoignage, avait pu dire précédemment sans honte : «Je ne suis pas digne de délier la courroie de sa chaussure.» Tout montre donc la supériorité du baptême selon l'évangile du Christ. Et quoiqu'il nous soit impossible de l'estimer à sa juste valeur, il est cependant pieux et utile que, selon nos possibilités, c’est-à-dire dans la mesure où Dieu nous en rendra capables, nous en parlions d'après les Ecritures elles-mêmes. Eh bien donc, le baptême qui nous a été transmis par Moïse reconnaissait d'abord une différence entre les fautes, car toutes ne comportaient pas la grâce du pardon. Ensuite, il exigeait des sacrifices différents. ll était rigoureux sur l'observation des rites. Il excluait jusqu'au temps favorable celui qui était en état d’impureté et de souillure, il imposait l'observation constante de jours et d'heures. Et alors ceux qui recevaient le baptême le recevaient comme le sceau de leur purification.
Le baptême de Jean était à bien des égards supérieur. Il ne faisait en effet aucune distinction entre les fautes, il n'exigeait pas une diversité de sacrifices, il ne regardait pas rigoureusement au respect des rites, il ne comportait pas une observation constante de jours ou d'heures et sans que rien, en aucune façon, ne vienne retarder la grâce de Dieu et de son Christ, la personne ne s'était pas plus tôt présentée confessant ses péchés, si nombreux et si graves qu'ils fussent, qu'elle était baptisée dans le fleuve du Jourdain et recevait aussitôt le pardon de ses fautes.
Mais le baptême du Seigneur a plus de valeur que toute chose humaine. Il s'élève en gloire au-dessus de tout ce que l'homme peut désirer et souhaiter. Sous le rapport de la grâce et de la puissance, il a une supériorité qui dépasse celle du soleil sur les étoiles. Qu'on se rappelle plutôt les paroles des saints : elles présentent avec plus de force cette prééminence incomparable. Eh bien ! ce n'est pas une raison pour nous taire, mais prenant pour guides les mots mêmes de notre Seigneur Jésus Christ et nous laissant guider par eux comme au travers d'un miroir et en énigme, nous devons parler, non pour rapetisser cette gloire, par nos explications données avec notre corps chétif et notre parole méprisée, mais pour faire admirer sur ce point aussi la grandeur de la longanimité et de la philanthropte du Dieu de bonté, qui supporte nos balbutiements quand nous disons les magnificences de son amour et de sa grâce dans le Christ Jésus.
Notre Seigneur Jésus Christ a donc dit : «Si quelqu'un ne naît pas d'en haut, il ne peut voir le royaume de Dieu a», et il a ajouté : «Si quelqu'un ne naît pas de l'eau et de l'Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu.» D'autre part, après sa résurrection d’entre les morts, comme s'accomplissait pour lui cette prophétie faite par David de la part de Dieu le Père : «Toi, tu es mon Fils, moi, aujourd'hui je t'ai engendré; demande-moi et je te donnerai les nations pour ton héritage et tu possèderas les extrémités de la terre,» – promesse devenue réalité, visible à tous les yeux –; alors donc, s'adressant à ses disciples et contrecarrant en quelque sorte son premier commandement qui interdisait de prendre le chemin des païens, il leur donne l’ordre suivant : «Allez, faites disciples tous les peuples, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du saint Esprit.»
Je pense qu'il faut avec le secours de la foi comprendre la valeur de chacune de ces paroles et s'en pénétrer, puis la dire, dans la mesure où, en réponse aux prières de tous, il nous sera donné d'ouvrir la bouche et de parler. Il est écrit en effet : «Si vous ne croyez pas, il n'y a pas de danger non plus que vous compreniez», et aussi : «J'ai cru et voilà pourquoi j'ai parlé.» Mais, en ce qui concerne les mots et expressions ainsi que les faits de l'usage courant, qu'ils soient de Dieu et de son Christ, des saints prophètes et évangélistes, des apôtres, l'Ecriture divinement inspirée les utilise, à mon avis, non pas tout bonnement, ni au hasard, comme ils viennent, mais d'une façon sanctionnée par l’Esprit saint, en vue de la piété; au surplus, elle les utilise non dans la totalité de leur sens, mais avec une partie seulement, et dans la mesure où chacun, contribuant à la saine doctrine proposée, conduit l'âme à de pieuses dogmes de la piété. Il est donc nécessaire que nous-mêmes nous examinions avec une attention vigilante chaque passage que nous citons et que nous en déterminions le sens en fonction de notre vocation céleste. Et ce devoir, nous le remplirons si, répondant aux prières communes, le Christ Jésus, Fils seul-engendré du Dieu vivant, nous en donne la force, afin que se réalise en nous aussi la parole de l'Apôtre : «Je peux tout dans le Christ qui me fortifie.»
Venons-en donc à «naître d’en haut». Selon moi cette expression indique le redressement de la naissance précédente qui a eu lieu dans la souillure des fautes. Job, en effet, l'a dit : «Aucun homme n'est indemne de souillure, pas même si sa vie se réduisait à un seul jour.» Et David se lamentait en disant : «Dans l’iniquité j’ai été conçu et dans les péchés ma mère m'a enfanté.» L'Apôtre de son côté affirme solennellement : «Tous les hommes ont péché et sont privés de la gloire de Dieu, mais ils sont justifiés par un don gracieux de sa bienveillance, en vertu de la rédemption accomplie dans le Christ Jésus, que Dieu a établi d'avance comme victime propitiatoire expiant les péchés dans son sang, moyennant la foi.» C'est encore par lui que le pardon des fautes est accordé à ceux qui croient, puisque le Seigneur lui-même a dit : «Ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance versé pour la multitude en rémission des péchés e.» Et cette autre parole de l'Apôtre en témoigne aussi : «Selon le bon plaisir de sa volonté, Dieu, pour que nous exaltions sa gloire, nous a gratifiés de sa grâce dans le bien-aimé; en qui nous avons la rédemption par son sang, le pardon des transgressions selon la richesse de la grâce qu'il a répandue abondamment sur nous.»
De même qu'une statue brisée réduite en morceaux, ayant perdu la forme glorieuse du roi, reprend forme entre les mains du sage artisan et habile ouvrier qui revendique la gloire de son propre ouvrage, et qu’elle est restaurée dans sa gloire première, de même nous aussi, après avoir subi à cause de notre désobéissance au commandement ce qui est marqué dans l’Ecriture : «L'homme qui était objet d'honneur n'a pas compris; il a été comparé aux animaux sans raison et leur est devenu semblable» –, il fallait que nous soyons rappelés à notre première gloire, celle de l'image de Dieu, car, dit l'Ecriture, c'est à l'image et à la ressemblance de Dieu, que Dieu a fait l'homme.
Comment ce retour à l'image peut-il s’effectuer ? L'apôtre Paul nous l'a enseigné : «Grâces soient rendues à Dieu, a-t-il dit, vous qui étiez esclaves du péché, vous avez accepté du fond du coeur l'empreinte de l'enseignement à laquelle vous avez été confiés.» Ainsi, comme la cire confiée à l'empreinte de la gravure prend exactement la forme incluse dans cette gravure, de même, nous aussi, en nous confiant à l'empreinte de l'enseignement évangélique nous y serons conformés dans notre être intérieur et nous accomplirons ce qui a été dit par le même apôtre sous forme impérative. Il déclare en effet : «Dépouillez-vous du vieil homme avec ses pratiques et revêtez l'homme nouveau, celui qui se renouvelle pour connaître à l'image de son Créateur», et il formule beaucoup de préceptes de cette sorte.
Que signifie «naître de l’eau ?» Paul qui parle dans le Christ nous l'enseigne en nous disant sur le mode doctrinal : «Ignorez-vous, frères, que nous tous qui avons été baptisés dans le Christ Jésus, c'est dans sa mort que nous avons été baptisés ? Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême dans la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous marchions de même nous aussi dans une vie nouvelle, car si nous sommes enracinés avec lui en lui ressemblant dans la mort, nous le serons aussi en lui ressemblant dans la résurrection. Comprenons-le, notre vieil homme a été crucifié avec lui, afin d'annihiler notre corps de péché, pour que nous ne soyons plus asservis au péché, car celui qui est mort est quitte du péché. Mais si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui : nous savons que le Christ une fois ressuscité des morts ne meurt plus, que la mort n’a plus de pouvoir sur lui; sa mort, en effet, fut une mort au péché une fois pour toutes, mais sa vie, c'est une vie pour Dieu. De même, vous aussi, considérez que vous êtes morts au péché, mais vivants pour Dieu dans le Christ Jésus.» Toutes ces paroles font voir par ressemblance ce que signifie précisément la naissance d'en haut.
Mais, il était impossible de «naître d’en haut» sans la grâce prévenante de Dieu, comme lui-même, l'Apôtre, le montre par ses premières déclarations et par les chapitres qu'il ajoute sur le baptême. Il a commencé en effet par dire : «Dieu prouve son amour à notre égard par le fait que le Christ, alors que nous étions encore pécheurs, est mort pour nous. A plus forte raison donc, maintenant que nous avons été justifiés dans son sang, serons-nous préservés par lui de la colère. Ennemis, nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils; à plus forte raison, une fois réconciliés, serons-nous sauvés par sa vie.» Et il exprime plusieurs pensées de cette sorte : celles-ci présentent clairement et magnifiquement la grandeur ineffable de la philanthropie divine, qui nous accorde le pardon des fautes ainsi que le pouvoir et la force des actions droites accomplies pour la gloire de Dieu et de son Christ dans l'espoir de la vie éternelle, par l’intermédiaire de Jésus Christ notre Seigneur – médiation à propos de laquelle il affirme : «De même que la transgression d'un seul a entraîné sur tous les hommes une condamnation, de même l'oeuvre de justice d'un seul procure à tous une justification qui donne la vie.» Et après avoir exposé la suite sur le mode doctrinal, c’est alors qu'il déclare : «Ignorez-vous, frères, que nous tous qui avons été baptisés dans le Christ Jésus, c’est dans sa mort que nous avons été baptisés ?»
Pourquoi ces paroles ? Afin que prévenus par la grâce, nous apportions la contribution que nous devons, c'est-à-dire nos actes exécutés dans un esprit de foi et par amour, et qu'ainsi Dieu se complaise à porter jusqu'à la perfection son amour pour nous dans le Christ. Il faut donc un grand combat –et soutenu selon les règles – pour ne pas recevoir en vain une telle, une si grande grâce, l'amour de Dieu dans le Christ. Le même apôtre dit en effet : «Celui qui n'avait pas connu le péché, Dieu l'a fait péché pour nous afin que nous devenions justice de Dieu en lui. Et puisque nous coopérons à son oeuvre, nous vous exhortons aussi à ne pas recevoir en vain la grâce de Dieu.» D'autre part, le Seigneur a déclaré fermement qu'«à celui auquel on aura confié beaucoup on réclamera davantage.»
Cette contribution, on l'apporte et de façon irréprochable si on observe exactement les paroles sur le baptême que l'Apôtre ajouta à ses premières déclarations ainsi que ses déclarations conjointes sur le même sujet et si nous accueillons avec foi, en vertu de la même grâce de Dieu donnée par Jésus Christ notre Seigneur dans l’Esprit saint, les paroles qu'il a jointes à celles-là. Ainsi, après avoir cru, nous pourrons comprendre avec la grâce de Dieu, et ce que nous aurons été jugés dignes de comprendre, nous pourrons l'accomplir dans l’amour du Christ, qui a dit : «Puisque vous savez ces choses, heureux êtes-vous si vous les faites.» «Bien avisés sont, en effet, tous ceux qui les font», atteste le prophète. Lui-même, le Fils seul-engendré du Dieu vivant, avait énoncé un jugement redoutable et infaillible en disant : «Celui qui a connu la volonté de son maître, et ne s'est pas conformé à cette volonté recevra un grand nombre de coups», et il n'a même pas laissé impuni celui qui a mal agi par ignorance.
Et afin que les paroles et les faits plus connus soient, comme je l'ai dit précédemment, les guides qui nous conduisent à comprendre le dogme salutaire avec pleine assurance de la vérité dans le cas précis du baptême, faisons bien attention à ce qu'ils indiquent et accueillons toute pensée s'accordant avec la piété qui est notre but. «Nous avons été plongés dans le baptême», déclare l'Apôtre. Pour que cette parole nous instruise de la manière qui a été dite, servons-nous d'une comparaison. La lame, quand on la plonge dans la teinture, change de couleur … Mais plutôt, puisque Jean-Baptiste a prophétisé au sujet du Seigneur : «Lui vous plongera dans le baptême d’Esprit saint et de feu», prenons ce prophète pour guide; qu'il nous illumine de là lumière de la connaissance, afin que la grande lumière nous devienne intelligible, et exprimons-nous de la manière suivante. Voici un morceau de fer. Si on le plonge dans un feu qui se ranime sous l'action du vent, il est plus facile de distinguer les défauts qu'il peut avoir en lui et il s’en laisse plus aisément purifier; ce n'est pas seulement sa couleur qui change, il passe aussi de la dureté et de la résistance à un état plus tendre, il devient plus propre également aux opérations manuelles de l'artisan et il se laisse façonner de manière remarquable au gré de son propriétaire; de noir qu'il était il devient plus brillant, et non seulement lui-même rougeoie et lance des éclairs, mais de plus il illumine et échauffe les objets qui l’environnent. De même, c'est une conséquence nécessaire, lorsqu'on a été plongé dans le baptême de feu, c’est-à-dire dans la parole enseignante qui accuse la malice des fautes et révèle la grâce des actions justes, qu'on éprouve raine et horreur pour l'injustice, selon les mots de l'Ecriture, et qu'on en vienne a désirer passionnément être purifié dans la vertu du sang de notre Seigneur Jésus Christ grâce à la foi. Lui-même en effet a dit : «Ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance versé pour la multitude en rémission des péchés,» et l'Apôtre l'atteste : «C'est en lui que nous avons la rédemption par son sang, le pardon de nos transgressions.» Et il ne s'agit pas seulement d’être purifié de toute espèce de dérèglement et de péché, mais encore de toute souillure de la chair et de l’esprit.
Et alors, quand on a été plongé par le baptême dans la mort du Seigneur, on doit nécessairement se disposer à la mort avec lui, c'est-à-dire mourir au péché, à soi-même et au monde afin que, ayant d'une part reçu l'empreinte de la vie selon l'incarnation dans son coeur, dans sa parole et dans ses actes, s'étant d'autre part conformé à l'enseignement de notre Seigneur Jésus Christ comme la cire à la gravure, on accomplisse ce qui est écrit : «Grâces soient rendues à Dieu : vous qui étiez esclaves du péché, vous avez accepté du fond du coeur l'empreinte de l'enseignement à laquelle vous avez été confiés», et qu'ainsi on soit jugé digne d’observer la parole que l'Apôtre ajouta conjointement : «Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême dans la mort.» Pourquoi ? «Afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous marchions de même nous aussi dans une vie nouvelle.»
C'est en effet une nécessité : celui qui est mort, on l'ensevelit et celui qui a été enseveli dans la ressemblance de la mort, ressuscite par la grâce de Dieu dans le Christ; il n'aura plus à cause de ses péchés son visage d’homme intérieur semblable au côté brûlé d'une marmite mais puisque le feu a révélé ses fautes et qu'il en a reçu le pardon grâce au sang du Christ, désormais tout au long de sa vie nouvelle, il fera resplendir ses oeuvres de justice dans le Christ plus que toute pierre très précieuse.
Renonçons donc à la dureté de la désobéissance. Manifestons obéissance et soumission dans les commandements qui nous sont donnés et faisons briller la ferveur de l'esprit. Préservons-nous de la puissance des ténèbres qui entraîne à la mort – «car le salaire du péché c'est la mort –, pour que se réalise en nous aussi la parole de l’Apôtre : «La mort a été engloutie dans la victoire. Où est-il, ô mort, ton aiguillon ? Où est-elle, ô Hadès, ta victoire ?» Obéissant au Seigneur, soleil de la justice d, recevons de lui la lumière; qu’il nous honore des dons d'intelligence et de force, de manière à être justifiés en lui. Et qu'il ne nous suffise pas de briller nous-mêmes plus que la neige – car il est étranger au mensonge, Dieu qui nous a fait cette promesse : «Si vos péchés sont comme l'écarlate, je les rendrai blancs comme la neige.» Illuminons encore les gens qui nous approchent, soit que nous écoutions cette parole du Seigneur : «Vous êtes la lumière du monde», soit que nous écoutions et accomplissions cette autre parole : «Que votre lumière brille devant les hommes afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres et rendent gloire à votre Père qui est dans les cieux.» Alors, sans aucun doute, l'Apôtre aussi nous rendra ce témoignage : «Au milieu des hommes vous brillez comme des astres dans l'univers, leur présentant la parole de vie et me préparant un sujet de fierté pour le jour du Christ.»
Et comment notre vie nouvelle n'apparaît-elle pas dans une lumière supérieure, non seulement quand on la compare à la vie des païens et des gens qui sont dans le monde, mais quand on pousse la comparaison plus loin jusqu'à ceux qui se veulent justes selon la Loi ? Car, loin de chercher à augmenter nos biens ou à obtenir plus, comme on le fait précisément dans le monde, nous ne revendiquons même pas ce qui est à nous et qui nous est personnel; nous mettons notre gloire à aider ceux qui sont dans le besoin et dépassons la Loi. Ce n'est pas seulement à nos proches en effet que nous faisons le bien : nous étendons encore notre obligeance jusqu'à nos ennemis et aux méchants ! nous conformant à ce commandement de notre Seigneur Jésus Christ : «Montrez-vous miséricordieux comme votre Père céleste est miséricordieux.»
Comment ne marchons-nous pas dans une vie nouvelle et ne dépassons-nous pas les scribes et les pharisiens dans l'accomplissement de la justice, alors que nous acceptons ces paroles du Seigneur : «Il a été dit aux anciens : oeil pour oeil et dent pour dent. Mais moi je vous dis de ne pas résister au méchant. Au contraire ! qu'un individu te frappe sur la joue droite, tourne aussi vers lui l'autre joue. A celui qui veut te faire un procès et te prendre ta tunique, tu abandonneras aussi ton manteau; et si quelqu'un te réquisitionne pour une course d'un mille, fais-en deux avec lui ?» Non seulement, en effet, nous ne tirons pas vengeance des torts que nous avons déjà subis, comme les scribes et les pharisiens prescrivent de le faire avec la permission de la loi de Moïse, mais encore nous montrons une plus grande patience en nous armant d'un ardent courage pour supporter des torts semblables ou même pires. C'est ainsi que nous accomplissons à la fois les deux choses : la mort puisque nous ne laissons pas la colère nous soulever contre celui qui nous a porté le premier coup, la vie nouvelle dans le Seigneur puisque nous présentons aussi l'autre joue. Comment n'est-il pas mort à la Loi même, celui qui ne revendique pas ce qu'on lui enlève, et ne vit-il pas dans le Christ s’il abandonne aussi son manteau ? Et c'est toute la justice selon la Loi, que nous apprenons de la même façon à observer en la dépassant.
Que nous devions non seulement être crucifiés au monde mais encore mourir à la Loi, c'est encore l'Apôtre qui par son enseignement peut nous instruire sur ce point. Il nous dit, en effet, tantôt : «Moi je suis crucifié au monde et le monde est crucifié pour moi; ce n’est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi», tantôt : «Par la Loi, je suis mort à la Loi afin de vivre pour Dieu. J'ai été crucifié avec le Christ; ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi», tantôt encore, après s'être abondamment glorifié de ses plus hauts titres de renommée selon la Loi, il affirme : «Eh bien ! tout cela, je vais jusqu'à le regarder comme un dommage, quand il s'agit de gagner le Christ et d’être trouvé en lui non pas avec ma justice propre, celle qui vient de la Loi, mais avec la justice qui s'obtient par la foi en Jésus Christ, celle qui vient de Dieu et s’appuie sur la foi. Mon but est de le connaître lui et la puissance de sa résurrection et de communier à ses souffrances en me conformant à lui dans la mort, avec l’espoir d'arriver, de quelque manière, à ressusciter d'entre les morts.» Et peu après, voulant nous apprendre à penser comme lui, il affirme plus catégoriquement : «Nous tous, les parfaits, ayons des pensées de cette sorte.»
Ailleurs encore il déclare avec plus de véhémence, en homme qui expose une doctrine contraignante : «Ainsi, vous, par le corps du Christ, vous avez été mis à mort à la Loi, pour appartenir à un autre, à celui qui est ressuscité des morts afin que nous portions des fruits pour Dieu. Car, lorsque nous étions dans la chair, les passions pécheresses qui se servent de la Loi agissaient en nos membres de manière à leur faire porter des fruits pour la mort. Mais maintenant que nous avons été libérés de la Loi, étant morts à ce qui nous tenait captifs, nous pouvons servir dans la nouveauté de l'esprit et non plus dans la vétusté de la lettre.» – «Car la lettre», c’est-à-dire la Loi, «tue, mais l'esprit», c'est-à-dire la parole du Seigneur, «fait vivre». Le Seigneur lui-même le dit : «La chair ne sert de rien, c'est l'esprit qui fait vivre. Mes paroles sont esprit et elles sont vie.» L'apôtre choisi en témoigne aussi : «A qui irons-nous ? dit-il, tu as les paroles de la vie éternelle; et nous, nous avons cru et nous avons reconnu que toi tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant.»
Si, bien convaincus de la vérité de ces paroles, nous mettons plus de soin et d'ardeur à les observer, nous pouvons échapper d'une part à cette redoutable sentence, accompagnée de menace, écrite prophétiquement par Moïse : «Le Seigneur votre Dieu fera lever pour vous un prophète comme moi; vous l'écouterez en tout ce qu'il vous dira; et il arrivera ceci : toute personne qui refusera d'écouter ce prophète-là sera exterminée du milieu du peuple.» Nous échapperons, d'autre part, à cette sentence plus redoutable, énoncée en termes catégoriques par Jean-Baptiste, le plus grand parmi les enfants des femmes : «Qui croit au Fils a la vie éternelle; qui désobéit au Fils ne verra pas la vie; la colère de Dieu demeurera sur lui.»
Mais pour éviter qu'une telle mort et qu'une telle sépulture dans le baptême ne nous placent dans une perspective de corruption et d'anéantissement et ne nous causent de la tristesse, et pour que la vie nouvelle au contraire, projetant au-delà son jet de semences, fortifie notre espoir en la glorieuse résurrection, l'Apôtre ajoute cette parole : «Si nous sommes enracinés avec le Christ en lui ressemblant dans la mort, nous le serons aussi en lui ressemblant dans la résurrection.» Si en effet, étant morts dans une telle ressemblance avec la mort du Christ et ayant été ensevelis avec lui, nous marchons dans la vie nouvelle, ce qui nous attend n'est pas la corruption propre au cadavre; et, quant à la sépulture, nous la reproduisons comme si précisément elle était semailles. Oui, en nous faisant mourir nous-mêmes à l’égard des choses défendues et en manifestant notre foi par des actes d'amour, nous devenons dignes de prononcer les mêmes paroles que l'Apôtre avec la même espérance : «Notre cité est dans les cieux, d'où nous attendons comme Sauveur le Seigneur Jésus qui changera notre corps de misère pour le rendre conforme à son propre corps de gloire, en vertu de la puissance active qui lui permet aussi de ranger toutes choses sous sa domination.» – «Et ainsi, pour toujours nous serons avec le Seigneur.»
Ce bonheur, notre Seigneur Jésus Christ lui-même le demande à son Père par cette prière : «Permets, Père, que là où moi je suis, eux aussi soient avec moi», et il en fait aussi pour nous l'objet d'un ordre et d’une promesse quand il dit : «Celui qui me sert, qu'il me suive, et là où moi je suis, sera aussi mon serviteur.» De son côté, l'apôtre Paul, apportant son témoignage et prophétisant dans le Christ, écrit : «Voici ce que nous vous déclarons sur la parole du Seigneur : Nous, les vivants, qui serons encore de ce monde à la parousie du Seigneur, nous ne devancerons certes pas ceux qui se seront endormis, car le Seigneur en personne, au signal donné, à la voix de l'archange, au son de la trompette divine, descendra du ciel et les morts qui sont dans le Christ se réveilleront tout d'abord; ensuite nous les vivants, qui serons encore de ce monde, nous serons emportés ensemble avec eux sur des nuées pour rencontrer le Seigneur dans les airs. Et ainsi pour toujours nous serons avec le Seigneur.»
Voilà comment pour ceux qui ont dès maintenant observé la parole : «Si nous sommes enracinés avec le Christ en lui ressemblant dans la mort», s’accomplit alors cette promesse : «nous le serons aussi en lui ressemblant dans la résurrection», selon ce qui est affirmé encore dans cet autre passage : «Si nous sommes morts avec lui, avec lui aussi nous vivrons; si nous tenons ferme, nous règnerons aussi avec lui.»
Mais l'Apôtre savait qu'il est plus utile aux auditeurs pour leur sûreté même d'entendre répéter les mêmes choses, et qu'en reprenant les mêmes pensées on fait naître une assurance plus ferme de la vérité – nous l'entendons en effet nous dire : «Vous écrire les mêmes choses, pour moi, je n'hésite pas à le faire, et pour vous, c'est une sécurité.» Et nous l'avons appris aussi de Joseph quand il s'est prononcé sur le songe devant le roi Pharaon. C'est pourquoi, comme s'il prenait pour modèle le récit du songe fait par ce roi, il enseigne la même doctrine du baptême en reproduisant ses premières considérations : «Comprenons-le, dit-il, notre vieil homme a été crucifié avec le Christ afin d'annihiler notre corps de péché, pour que nous ne soyons plus asservis au péché.» Ainsi donc, nous apprenons par ces paroles qu'être baptisé dans le Christ, c'est être baptisé dans sa mort; non seulement le baptisé s'ensevelit avec le Christ, pour s'enraciner avec lui, mais d'abord il se fait crucifier avec lui, chose qui doit aussi nous instruire; car, comme celui que l'on crucifie devient étranger aux vivants, de même aussi, quand on a été crucifié avec le Christ dans la ressemblance de sa mort, on devient entièrement étranger à ceux qui vivent selon le vieil homme. Le Seigneur, en effet, prescrit de prendre garde aux faux prophètes et, de son côté, l'Apôtre nous dit : «Tenez-vous a l'écart de tout frère qui vit dans le désordre et ne se conforme pas à la tradition reçue de nous.» L’individu, en effet, qu'il a appelé le vieil homme fait voir, toutes à la fois, comme ses propres membres, les fautes commises tour à tour avec leur souillure.
Et de même que le crucifié, quand il eut accueilli la sentence de mort, s'est définitivement séparé de ses anciens compagnons de vie, ayant pris de la hauteur par rapport aux êtres qui vont et viennent sur la terre, de même celui qui a été crucifié avec le Christ par le baptême se trouve détaché de toutes les personnes à la fois qui vivent selon ce siècle, ayant élevé ses sentiments à la hauteur de la citoyenneté céleste, de manière à pouvoir dire avec la vérité et l'assurance qui sont dans le Christ : «Pour nous, notre cité se trouve dans les cieux.»
L'Apôtre ajoute encore : «Celui qui est mort est quitte du péché.» Cela veut dire qu'il est détaché, libéré, purifié non seulement de tout péché en acte ou en parole, mais encore de toute imagination passionnée. Et dans un autre texte il avait déclaré : «Ceux qui appartiennent au Christ Jésus ont crucifié la chair avec ses passions et ses convoitises.» Nous la crucifions évidemment, nous qui recevons le baptême d’eau, puisqu'il est image de la croix, de la mort, du tombeau et de la résurrection des morts, ainsi qu'il est écrit. L'Apôtre dit encore : «Faites mourir vos membres terrestres» – et nous le faisons sans aucun doute, si nous observons, même tardivement, le pacte baptismal –; «la fornication, continue-t-il, l'impureté, les passions, les mauvais désirs, la cupidité qui est idolâtrie, ces fautes attirent la colère de Dieu.» Et, allant plus loin, il avait ajouté de manière plus générale : «sur les fils de la désobéissance». Il estime que le plaisir passager qui souille la pensée ne trouble même plus celui qui s'est enraciné avec le Christ en lui rassemblant dans la mort et qui par sa haine et son horreur pour toute malice, voire pour la simple imagination passionnée, montre la pureté de son coeur; un tel homme peut dire avec David : «Coeur pervers ne s'est pas attaché à moi, le mauvais s'éloignait de moi et je ne le connaissais pas», puisque même quand il s'approchait, il ne s’est en aucune façon retourné vers lui.
Ayant pris racine avec le Christ dans la ressemblance de sa mort, nous ressuscitons certainement avec lui – telle est en effet la signification logique de cet enracinement. Pour le temps présent, nous conformons notre être intérieur au Christ, dans les limites de son incarnation, marchant dans la nouveauté de la vie jusqu'à la mort et pleinement assurés de la vérité de ses paroles, afin de nous rendre dignes de dire en vérité : «Ce n'est plus moi, qui vis, c'est le Christ qui vit en moi.» Pour le temps futur, il en sera comme lui-même, l'Apôtre, nous l'a confirmé quand il a dit : «Si nous sommes morts avec lui, avec lui aussi nous vivrons; si nous tenons ferme, nous régnerons aussi avec lui», et, de la même façon, il nous donne pleine assurance en nous disant : «Si nous sommes enracinés avec le Christ en lui ressemblant dans la mort, nous le serons aussi en lui ressemblant dans la résurrection.» Et reprenant la même doctrine pour nous instruire sur un tel baptême de façon qui nous touche et nous contraigne davantage, il ajoute ces mots : «Le Christ, une fois ressuscité des morts ne meurt plus, la mort n'a plus de pouvoir sur lui. Sa mort, en effet, fut une mort au péché une fois pour toutes, mais sa vie est une vie pour Dieu. De même vous aussi considérez que vous êtes morts au péché, mais vivants pour Dieu dans le Christ Jésus.»
Ainsi donc, après nous avoir présenté l’économie de notre Seigneur Jésus Christ lui-même, concernant le pardon de nos fautes, grâce à l'incarnation assumée jusqu'à la mort, l'Apôtre, pour nous toucher et nous contraindre davantage nous donne cette judicieuse instruction : «Soyez morts au péché mais vivants pour Dieu dans le Christ Jésus.» Il veut qu'à l'image du Christ qui, mort à cause de nous et ressuscité des morts pour nous, ne meurt plus, nous aussi, baptisés dans la ressemblance de sa mort, nous mourions au péché et que, remontant de la fontaine baptismale, ressuscités des morts en quelque sorte, nous vivions pour Dieu dans le Christ Jésus et que nous ne mourions plus, c’est-à-dire que nous péchions plus, car «l'âme qui pèche, c’est celle-là qui mourra».
Et de même que la mort n'a plus de pouvoir sur lui de même, que le péché n'ait plus de pouvoir sur nous, c'est-à-dire ne le commettons plus. Et puisque «celui qui commet le péché est esclave du péché,» détachons-nous d'un tel esclavage par tous les moyens, comme l'Apôtre l'a montré quand il a dit : «Ceux qui sont au Christ Jésus ont crucifié la chair avec ses passions et ses convoitises», et vivons pour Dieu dans le Christ Jésus qui nous a libérés, selon ce qui est écrit : «Le Christ nous a libérés de la malédiction de la Loi en devenant pour nous malédiction.» Bien plus, nous avons aussi été libérés du péché, évidemment par la grâce de notre Seigneur Jésus Christ, selon ce qui est écrit : «De même que par la désobéissance d'un seul homme, la multitude a été constituée pécheresse, de même par l’obéissance d'un seul, elle sera constituée juste.» – «Tenez donc ferme, nous dit l'Apôtre, et ne vous remettez pas sous le joug de l’esclavage.»
De même que le Christ «est mort au péché une fois pour toutes, mais que sa vie est une vie pour Dieu», de même nous aussi, dans le baptême d'eau, qui est l'image de sa croix et de sa mort, mourons au péché une fois pour toutes et tenons-nous sur nos gardes pour ne plus revenir au péché. Vivons constamment pour Dieu dans le Christ Jésus qui a dit : «Celui qui me sert qu'il me suive.» Pour cela observons d'abord cet ordre du Seigneur lui-même, qui a dit : «Que votre lumière brille devant les hommes de telle sorte qu'ils voient vos bonnes oeuvres et en rendent gloire à votre Père qui est dans les cieux», puis le précepte de l’Apôtre qui a écrit : «Soit que vous mangiez, soit que vous buviez et quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu.» Or, nous accomplissons chacun de ces commandements si nous avons des pensées dignes de notre vocation céleste, si nous nous conduisons d’une façon digne de l'évangile du Christ et devenons capables de dire en vérité : «L'amour du Christ nous étreint à la pensée que si un seul est mort pour tous alors tous sont morts; et il est mon pour tous afin que les vivants ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mon et ressuscité pour eux.» Et voilà de quelle manière s'accomplit la parole : «Demeurez dans mon amour. Si vous gardez mes commandements vous demeurerez dans mon amour, comme moi-même j’ai gardé les commandements de mon Père et je demeure dans son amour.»
«Ne donnons en quoi que ce soit aucun motif de scandale de peur que notre ministère ne soit décrié; affirmons-nous en tout comme ministres de Dieu», et montrons la sincérité et la vérité de notre promesse baptismale en observant ces paroles d’exhortation adressées par l'Apôtre à ceux qui ont pris racine avec le Christ et sont ressuscités avec lui : «Que le péché cesse donc de régner sur votre corps mortel pour vous faire obéir à ses convoitises. Ne mettez pas vos membres au service du péché comme des instruments d’injustice. Offrez-vous à Dieu, au contraire, tels des vivants revenus de la mort et mettez vos membres au service de Dieu comme des instruments de justice.» Et l’Apôtre dit encore : «Si donc vous êtes ressuscités avec le Christ, cherchez les choses d'en haut, là où le Christ est assis à la droite de Dieu; ayez dans l'âme les choses d’en haut, non celles de la terre.»
Ainsi, par ces quelques paroles rappelées à notre mémoire, l’Apôtre a déterminé clairement selon moi que nous ne pouvons pas payer de retour la grande grâce prévenante de la philanthropie sans mesure de Dieu, grâce qui s'est manifestée dans l'amour du Christ Jésus notre Seigneur, dont l'obéissance jusqu'à la mort a été pour nous, ainsi qu'il est écrit, rédemption des fautes, délivrance de la mort qui régnait sur l’antique transgression, réconciliation avec Dieu, capacité de plaire à Dieu, don de la justice, vie commune avec les saints dans l'éternité, héritage du royaume des cieux, ainsi que d'autres biens en nombre infini qui seront notre récompense; il nous a d'autre part enseigné de manière sage et forte, avec les paroles qu'il a ajoutées conjointement à celles-là, la signification du baptême d'eau qui est une plongée dans la mort de notre Seigneur Jésus Christ. Par là, il nous a appris à nous tenir sur nos gardes de peur de recevoir en vain une grâce d'une telle nature et d'une telle importance. Il a dit en effet, parole que précisément je viens de rapporter : «Que le péché cesse donc de régner sur votre corps mortel pour vous faire obéir à ses convoitises. Ne mettez pas vos membres au service du péché comme des instruments d'injustice. Offrez-vous à Dieu au contraire tels des vivants revenus de la mort et mettez vos membres au service de Dieu comme des instruments de justice», etc.
Par ces mots il nous a détournés tout à fait de tout péché et de a justice selon la Loi. D'autre part, il nous a conduits à la justice selon Dieu en nous disant d'une manière plus forte, qui associe une menace plus effrayante a une bonne et très désirable promesse : «Le salaire du péché, c'est la mort, tandis que le don de Dieu, c'est la vie éternelle dans le Christ Jésus notre Seigneur.» C'est alors que de nouveau il imite le Seigneur et nous enseigne à dépasser la justice selon la Loi. Il ajoute en effet : «Ignorez-vous, frères – je parle à des connaisseurs en fait de loi –, que la loi n’a autorité sur l'homme qu'aussi longtemps qu'il vit ? Ainsi la femme mariée est liée par la loi à son mari tant qu’il vit, mais si son mari meurt, elle se trouve dégagée de la loi qui la liait à son mari. Si donc, du vivant de son, mari, elle se donne à un autre homme, on la qualifiera d'adultère. Mais si son mari meurt, elle est affranchie de cette loi et peut alors sans être adultère se donner à un autre homme. Ainsi mes frères, vous de même, vous avez été mis à mort à l'égard de la Loi par le corps du Christ pour appartenir à un autre, à celui qui est ressuscité des morts, afin que nous portions des fruits pour Dieu. Lorsque nous étions dans la chair, en effet, les passions pécheresses qui se servent de la Loi opéraient dans nos membres et leur faisaient porter des fruits pour la mort. Mais maintenant que nous avons été libérés de la Loi, étant morts à ce qui nous tenait captifs, nous pouvons servir dans la nouveauté de l'esprit et non dans la vétusté de la lettre», etc. Ces paroles nous apprennent à admirer la philanthropie ineffable de Dieu dans le Christ Jésus et à nous purifier avec une crainte plus religieuse de toute souillure de la chair et de l'esprit.
La différence entre l'esprit et la lettre, l’Apôtre l'indique aussi, sous forme de sentence dans un autre passage où il compare la Loi et l'Evangile. Il dit en effet : «La lettre tue, mais l'esprit fait vivre.» Il appelle lettre la Loi, comme il ressort de ce qui précède et de ce qui suit, et esprit l'enseignement du Seigneur, car c'est le Seigneur lui-même qui a dit : «Mes paroles, celles que je vous ai dites, sont esprit et elles sont vie.» Or, si en conservant le souci attentif de la justice légale, certaines personnes ayant pris à leur baptême l’engagement devant Dieu de ne plus vivre pour elles-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour elles, s'attirent une condamnation d'adultère, comme les paroles précédentes l'ont clairement démontré, que pourra-t-on dire des traditions humaines ?
Mais, au sujet de la justice légale, l'Apôtre se prononce avec plus de force. Il dit en effet : «Oui, je vais jusqu'à considérer que tout est dommage au regard de ce bien suprême, la connaissance de Jésus Christ mon Seigneur. Pour lui, j'ai subi tous les dommages, je considère tout comme balayures quand il s'agit de gagner le Christ et de me trouver en lui non pas avec ma justice à moi, celle qui vient de la Loi, mais avec la justice qui s'obtient par la foi en Jésus-Christ, la justice qui vient de Dieu.»
Eh bien donc, en ce qui concerne les traditions humaines, leur condamnation résulte clairement des paroles du Seigneur. Pour des raisonnements propres à la sagesse humaine, c'est en termes plus guerriers que l'Apôtre nous a appris à les renverser quand il a dit : «Les armes de notre combat ne sont pas charnelles, mais elles ont pour la cause de Dieu le pouvoir de renverser les forteresses; nous renversons les raisonnements et toute puissance altière qui s'élève contre la connaissance de Dieu.» Et parlant en général sur la justice telle que chacun la voit, même si elle est pratiquée sérieusement à cause de Dieu, notre Apôtre déclare encore : «Je leur rends témoignage qu'ils ont du zèle pour Dieu, mais c'est un zèle mal éclairé. Méconnaissant la justice de Dieu et cherchant à établir la leur propre, ils ne se sont pas soumis à la justice de Dieu.»
De ces passages et des passages semblables ressort clairement la condamnation de ceux qui veulent faire les habiles avec les jugements de Dieu. Il est écrit en effet : «Malheur à ceux qui sont avisés à leur propre jugement et savants à leurs propres yeux !» Et le Seigneur a déclaré plus clairement : «Celui qui n'accueille pas le royaume de Dieu comme un petit enfant, non certes n’y entrera pas.»
Il faut donc se garder pur de tout à la fois : convoitises du diable, exaltations du monde, et aussi traditions humaines et volontés propres, même si elles semblent à l'apparence plutôt bonnes et trouvent un appui dans la Loi, dès lors qu’elles entraînent un retard, fût-il léger, à l'empressement très vif que l'on doit manifester pour les volontés de Dieu. Ainsi, après s'être reconnu par un tel baptême crucifié avec le Christ, mort avec lui, enseveli avec lui, enraciné avec lui, ressuscité avec lui, on pourra en toute liberté dire avec vérité : «Moi je suis crucifié au monde» – mais bien davantage au diable –, «et le monde est crucifié pour moi. Ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi.» Et ce Christ nous enseigné à dépasser la justice selon la Loi, afin que nous soyons jugés dignes du royaume des cieux.
C'est sans doute le moment maintenant pour nous de nous mettre à réfléchir, afin de saisir et de bien voir, grâce à notre foi dans le Christ, ce que signifie le fait d'être baptisé au nom du Père, du Fils et du saint Esprit. Eh bien ! il faut d'abord, pour chaque nom en particulier, apprendre à connaître la gloire de celui qui est nommé.
Ensuite il faut savoir que sur le fait d'être baptisé au nom du saint Esprit, le Seigneur lui-même nous éclaire lorsqu'il dit : «Ce qui est né de la chair est chair et ce qui est né de l'esprit est esprit .» Ainsi, en prenant exemple sur la logique propre à la naissance selon la chair, nous apprendrons de façon claire et véridique, à partir de cette réalité plus connue, la doctrine de la piété, et nous saurons avec une parfaite assurance que si l'être né selon la chair est tel que l'être dont il est né, de même c’est une nécessité pour nous aussi que, naissant de l'esprit, nous devenions esprit.
Mais cet esprit n'est pas en rapport avec la grande gloire du saint Esprit, gloire inaccessible à l’intelligence humaine, qu'on observe seulement en énigme dans la diversité des dons spirituels que Dieu fait à chacun en vue du bien par l'intermédiaire de son Christ et dans la traduction en actes de tous ces dons, qu'on observe aussi de la même façon en d'autres réalités exprimables. Il est en rapport avec le souvenir et l'enseignement des commandements de Dieu qui nous ont été annoncés par intermédiaire de notre Seigneur Jésus Christ. C'est en effet notre Seigneur Jésus Christ lui-même qui nous a dit : «L'Esprit saint vous instruira et vous rappellera tout ce que je vous ai dit.» C'est ensuite l'Apôtre qui nous enseigne plus longuement par quelles façons de penser on devient esprit. Tantôt il écrit : «Le fruit de l'Esprit est amour, joie, paix, longanimité e», etc. – il avait dit auparavant : «Si c'est l'Esprit qui vous conduit, vous n’êtes pas sous la Loi», et ailleurs : «Si nous vivons par l'Esprit, réglons-nous aussi sur l'Esprit» –, tantôt il écrit : «Nous avons des dons spirituels différents selon la grâce de Dieu qui nous a été donnée. Si c’est la prophétie, exerçons ce don en proportion de notre foi, si c'est le service en servant», etc.
Par ces moyens et par d'autres semblables nous dit le Seigneur, les êtres qui sont nés de l’Esprit deviennent esprit. Et l'Apôtre donne un témoignage concordant puisqu'il dit : «C'est pourquoi je fléchis les genoux devant le Père de notre Seigneur Jésus Christ, de qui toute paternité, au ciel et sur la terre, tire son nom, pour qu'il vous accorde selon la richesse de sa gloire d'être fortifiés et affermis par son Esprit dans votre être intérieur, afin que le Christ vienne s’y établir», cela, a condition du moins que, vivant par l'Esprit, nous nous réglions aussi sur l’Esprit et que, devenus ainsi aptes a faire place à l’Esprit saint, nous soyons capables de confesser le Christ, car «nul n’est capable de dire : Jésus est le Seigneur, si ce n'est sous l'action de l’Esprit saint.» Voilà donc l’enseignement que le Seigneur a donné par lui-même et par l’intermédiaire de l’Apôtre à ceux qui sont nés de l'Esprit, pour qu’ils deviennent esprit.
Et là encore nous imiterons la naissance selon la chair. Ce sera d'abord en transportant ailleurs notre séjour et en transformant notre façon de vivre, grâce à l’affermissement de notre être intérieur opéré par l'Esprit, de manière à pouvoir dire : «Pour nous, notre citoyenneté est dans les cieux.» Alors, notre corps, nous le traînerons de côté et d’autre sur la terre comme une ombre, mais pour notre âme nous la maintiendrons en concitoyenneté avec les habitants, du ciel. Ce sera ensuite en changeant aussi nos fréquentations terrestres, car David a dit : «Celui qui médit furtivement de son prochain, celui-là je le chassais loin de moi. L'homme à l'oeil orgueilleux et au coeur insatiable je ne mangeais pas avec lui. J'avais les yeux sur les fidèles du pays pour les faire asseoir avec moi. Celui qui marche sur une voie sans reproche, celui-là était mon serviteur. Il n'habitait pas au milieu de ma maison le faiseur d'embarras; le parleur injuste ne prospérait pas devant mes yeux.» Et il s'est exprimé de la même façon en d'autres passages. Quant à l'Apôtre, il fait cette recommandation plus énergique : «Si quelqu'un tout en portant le nom de frère est fornicateur, ou cupide, ou diffamateur, ou ivrogne ou voleur, il ne faut même pas prendre de repas avec un tel homme.»
Et souvent encore le même apôtre a prononcé de semblables sentences à l'encontre de semblables personnes. Après avoir exposé la grande et illustre grâce de la philanthropie du Christ, il nous enseigne de façon claire et sûre avec qui, avec quelle sorte de gens nous devons vivre. «C'est le Christ, dit-il, notre paix, lui qui des deux peuples en a fait un seul, ayant détruit en sa chair le mur de haine qui les séparait et qui par ses dogmes a rendu vaines les prescriptions de la Loi. Il voulait ne former en lui de ces deux peuples qu'un seul homme : nouveau, en établissant la paix, et les réconcilier l'un et l'autre à Dieu en un seul corps, par sa croix, ayant en sa personne détruit la haine. Alors il est venu annoncer la bonne nouvelle de la paix, paix à vous qui étiez loin, et paix à ceux qui étaient près, car c'est par lui que les uns et les autres nous avons accès auprès du Père, en un seul Esprit. Ainsi donc vous n'êtes plus des étrangers ni des hôtes de passage; vous êtes les concitoyens des saints, les membres de la famille de Dieu; apôtres et prophètes sont les fondations sur lesquelles vous avez été édifiés, et la pierre d'angle, c'est lui Jésus Christ, en qui tout édifice qui se construit trouve sa cohésion et s’élève pour former un temple saint dans le Seigneur.»
Ayant de la sorte pris racine avec le Christ dans la ressemblance de sa mort, ayant reçu le baptême au nom du saint Esprit, étant nés d'en haut dans notre être intérieur grâce au renouvellement de notre intelligence, ayant été édifiés sur les fondations des apôtres et des prophètes, alors nous deviendrons dignes de recevoir le baptême au nom du Fils seul-engendré de Dieu et nous pourrons être admis à recevoir le grand don à propos duquel l'Apôtre nous a transmis cet enseignement : «Vous tous qui avez reçu le baptême dans le Christ, vous avez revêtu le Christ. Il n'y a pas de Grec ni de Juif, de circoncision ni d'incirconcision, pas de barbare, de Scythe, d'esclave, d'homme libre, mats il y a le Christ qui est tout et en tous.»
C'est, en effet, une nécessité qui découle de la naissance, que le port d'un vêtement. Prenons seulement une comparaison. Voici un panneau d'une matière quelconque. On a enlevé les inégalités, raclé les parties rugueuses; puis on le revêt d'une image représentant le roi. A ce moment-là, ce n'est pas à cause de la différence due au bois, à l'or ou à l'argent qu'une différence se reconnaît dans l'image, mais si cette dernière, dans une ressemblance exacte avec le modèle a été réalisée noblement, de façon très soignée et selon les règles de l'art, d'une part elle cache la différence due à la matière, si considérable soit-elle, d'autre part elle attire les regards vers sa gloire propre et devient plus digne d'honneur que toute puissance et toute autorité.
Il en est ainsi de celui qui reçoit le baptême : qu'il soit Juif ou Grec, homme ou femme, esclave ou homme libre, qu'il soit Scythe, barbare, qu'il soit appelé d’un autre nom à cause d'une quelconque différence de race, du moment que, dans le sang du Christ, il a dépouillé le vieil homme avec ses pratiques et que, grâce à l’enseignement de ce Christ, il a revêtu dans l’Esprit saint l'homme nouveau, celui qui a été créé selon Dieu dans la justice et la sainteté véritables et qui se renouvelle pour connaître, à l'image de son Créateur, il devient digne de rencontrer la complaisance de Dieu, comme l'Apôtre l’a enseigné en disant : «Nous savons que tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux-là qui sont appelés selon son dessein. Car ceux que d'avance il a connus, il les a aussi prédestinés à devenir conformes à l'image de son Fils, afin qu'il soit l'aîné d'une multitude de frères.»
Alors, en effet, puisqu'on a revêtu le Fils de Dieu, on est jugé digne d'accéder à l’initiation parfaite et l'on reçoit le baptême «au nom du Père», notre Seigneur Jésus Christ lui-même donnant le pouvoir, selon le témoignage de Jean, de devenir enfants de Dieu. Oui, quand Dieu déclare : «Sortez du milieu de ces gens-là et séparez-vous d'eux, ne touchez rien d'impur et moi je vous accueillerai. Je serai pour vous un père, et vous, vous serez pour moi des fils et des filles, parole du Seigneur tout-puissant», cela se réalise par la grâce de notre Seigneur Jésus Christ lui-même, le Fils seul-engendré du Dieu vivant, en qui «ni circoncision ni incirconcision n'ont de valeur, mais la foi agissant par l'amour», ainsi qu'il est écrit.
Grâce à cette foi, il nous est facile d'accomplir la parole que le même Jésus Christ notre Seigneur a jointe immédiatement au précepte de baptiser : «Apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé.» Et cette observation des commandements, le Seigneur lui-même l'avait définie comme une preuve de notre amour envers lui quand il avait dit : «Si vous m'aimez, observez mes commandements», et encore : «Celui qui a mes commandements et qui les observe, voilà celui qui m'aimer», et encore : «Si quelqu'un m'aime, il observera ma parole et mon père l'aimera.» Il affirme aussi de façon plus forte et plus impressionnante : «Demeurez dans mon amour. Si vous observez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi j'ai observé les commandements de mon Père et je demeure dans son amour.»
Mais si l'observation des commandements est une preuve nécessaire de notre amour, elle est d'autre part un plus grand sujet de crainte, étant donné que sans amour ni les opérations les plus éclatantes des charismes fameux, des facultés les plus hautes, de la foi elle-même, ni le commandement qui rend parfait ne sont utiles. L'apôtre Paul, qui parle dans le Christ, a dit lui-même : «Si je parle les langues des hommes et des anges, mais que je n'aie pas l'amour, je suis un airain qui résonne ou une cymbale qui retentit. Si j'ai le don de prophétie, si je connais tous les mystères et toute la science, si j'ai toute la foi au point de transporter les montagnes, mais que je n'aie pas l'amour, je ne suis rien. Si je distribue tous mes biens en aumônes, si je livre mon corps aux flammes, mais que je n'aie pas l'amour, cela ne m'est d’aucune utilité .» Ces réflexions en forme d'aphorismes, il les a faites, selon moi, en se rappelant ces paroles du Seigneur : «Beaucoup viendront en ce jour-là disant : Seigneur, Seigneur, n'avons-nous pas prophétisé en ton nom, n'est-ce pas en ton nom que nous chassions les démons, en ton nom que nous avons fait de nombreux miracles ? N'avons-nous pas mangé et bu devant toi, n'as-tu pas enseigné sur nos places ? Et il leur répond : Jamais je ne vous ai connus, éloignez-vous de mot, ouvriers de l'iniquité.»
Ainsi il est clair et incontestable que si on n'a pas l'amour on aura beau accomplir les préceptes, satisfaire à la justice, garder les commandements du Seigneur, traduire en actes les grands charismes, cela sera compté comme oeuvres d'iniquité, non que dans leur principe charismes et devoirs de justice soient tels, mais parce que ceux qui les pratiquent, recherchent leurs volontés propres. L'Apôtre, en effet, tantôt parle de gens «qui regardent la piété comme une source de profits», tantôt déclare : «Certains annoncent le Christ dans un esprit de jalousie et de rivalité, tels autres par esprit d'intrigue, pour des motifs qui ne sont pas purs, croyant ajouter à l'accablement de mes chaînes.» Ailleurs il affirme : «Nous ne sommes pas comme la plupart qui trafiquent de la parole de Dieu.» Et il exprime encore sa réprobation quand il déclare : «Jamais nous ne nous sommes adressés à vous avec des paroles de flatterie, comme vous le savez, ni avec une arrière-pensée de cupidité, Dieu m'en est témoin. Nous n'avons pas cherché non plus la gloire humaine, ni auprès de vous, ni auprès d'autres personnes. Et pourtant nous aurions pu, en notre qualité d'apôtres du Christ, faire sentir notre poids.»
Ces paroles et d'autres semblables font voir clairement la justesse de la réponse du Seigneur : «Eloignez-vous de moi ouvriers de l'iniquité.» Ils sont en effet ouvriers de l'iniquité, puisqu'ils se servent des charismes de Dieu pour travailler à leurs volontés propres – c'est comme si, en médecine, les instruments et préparations conçus pour le traitement des maladies, pour le soin de la santé et de la guérison étaient employés pour tuer – et puisqu'ils enfreignent ce précepte de l'Apôtre : «Que vous mangiez, que vous buviez, quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu.»
Il est donc absolument nécessaire de prendre soin de l'homme intérieur, si l'on veut avoir l'esprit stable, unifié en quelque sorte dans cette perspective de la gloire de Dieu. Ainsi, observant le commandement du Seigneur qui a dit : «Rendez l'arbre bon et son fruit sera bon», et qui a dit encore : «Pharisien aveugle, purifie d'abord l'intérieur de la coupe et alors l’extérieur sera pur tout entier», nous pourrons, de l’abondance d'un coeur généreux, porter des fruits soit en paroles soit en actions, pour la gloire de Dieu et de son Christ, l'un cent, l'autre soixante, l'autre trente, en nous gardant, où que nous soyons, de contrister l’Esprit saint. Ainsi encore nous pourrons échapper à cette condamnation du même Seigneur : «Malheur à vous parce que vous êtes semblables à des sépulcres blanchis. Au dehors, ils ont belle apparence, mais au dedans ils sont pleins d'ossements de morts et de toute espèce de pourriture; vous de même, par votre extérieur, vous apparaissez aux hommes comme des justes, mais à l'intérieur vous êtes pleins d'hypocrisie et d’iniquité.»
C'est pourquoi, avant de recevoir le baptême, il faut se faire disciple, c'est-à-dire écarter d'abord les obstacles à l'instruction et se mettre ainsi en état de la recevoir; car lui-même, notre Seigneur Jésus Christ, a confirmé par des exemples sa sentence première et il y a ajouté, une fois, à titre d'enseignement : «Ainsi quiconque parmi vous ne renonce pas à tous ses biens ne peut être mon disciple», une fois, comme un ordre : «Si quelqu’un vient à moi, qu'il se renonce lui-même, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive», une fois, en manière d’aphorisme : «Celui qui ne prend pas sa croix chaque jour et ne marche pas à ma suite n'est pas digne de moi.» Ces paroles et d'autres pleines de feu de notre Seigneur Jésus Christ – lequel a dit : «Je suis venu lancer le feu sur la terre et combien je désire qu'il soit déjà allumé !» – rendent claire la malice des fautes et mettent en lumière la vertu des bonnes actions faites pour la gloire de Dieu et de son Christ. Elles nous conduisent sans aucun doute à désirer et à confesser ce qui a été dit par l'apôtre Paul : «Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ? Je rends grâces à Dieu, par l'intermédiaire de Jésus Christ notre Seigneur.» Jésus Christ a dit en effet : «Ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance, qui est versé pour la multitude en rémission des péchés», tandis que l'Apôtre rend ce témoignage : «En lui nous avons la rédemption par son sang, le pardon de nos transgressions.»
C'est alors que nous arrivons au baptême d'eau qui est image de la croix, de la mort, du tombeau, de la résurrection des morts, et que nous ratifions et observons un pacte, celui que l'Apôtre lui-même a marqué d'un sceau en disant dans le chapitre où il est question de ce baptême : «Nous savons que le Christ une fois ressuscité des morts ne meurt plus, que la mort n'a plus de pouvoir sur lui. Sa mort, en effet, fut une mort, au péché une fois pour toutes, mais sa vie est une vie pour Dieu. De même, vous aussi, considérez que vous êtes morts au péché, mais vivants pour Dieu dans le Christ Jésus. Que le péché cesse donc de régner sur votre corps mortel pour vous faire obéir à ses convoitises. Ne mettez pas vos membres au service du péché comme des instruments d'injustice. Offrez-vous à Dieu au contraire tels des vivants revenus de la mort et mettez vos membres au service de Dieu comme des instruments de justice», etc.
On est alors jugé digne de recevoir le baptême au nom du saint Esprit, et, en raison de cette naissance d'en haut, de changer et de lieu et de moeurs et de compagnons de vie. Ainsi, nous réglant sur l'Esprit, nous serons jugés dignes de recevoir le baptême au nom du Fils et de revêtir le Christ, car il faut que le nouveau-né accède aussi à la dignité du vêtement, selon la parole de l'Apôtre : «Vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ .» Et l'Apôtre dit encore : «Vous avez dépouillé le vieil homme avec ses pratiques et revêtu le nouveau qui se renouvelle pour connaître, à l'image de celui qui l'a créé; là il n'y a plus ni Grec, ni Juif.» Ayant revêtu le Fils de Dieu, lequel nous a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, nous recevons le baptême au nom du Père et nous sommes proclamés enfants de Dieu, car Dieu, par la voix du prophète, a donné cet ordre et fait cette promesse : «Sortez donc du milieu de ces gens-là et séparez-vous d'eux, dit le Seigneur. Ne touchez rien d'impur, et moi, je vous accueillerai. Je serai pour vous un père, et vous serez pour moi des fils et des filles, parole du Seigneur tout-puissant.»
«En possession de telles promesses, déclare l’Apôtre, purifions-nous de toute souillure de la chair et de l'esprit, achevons de nous sanctifier dans la crainte de Dieu.» Et il nous exhorte encore en nous disant : «Agissez en tout sans murmures ni discussions afin d'être irréprochables et purs, enfants de Dieu irrépréhensibles au milieu d'une génération perverse et dévoyée, où vous brillez comme des astres dans l'univers. Tenez ferme la parole de vie pour ma fierté, au jour du Christ. Si donc vous êtes ressuscités avec le Christ, cherchez les choses d'en haut, là où est le Christ, assis à la droite de Dieu. Ayez dans l'âme les choses d'en haut, non celles de la terre, car vous êtes morts, et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu; lorsque paraîtra au grand jour le Christ, lui qui est notre vie, alors vous aussi vous apparaîtrez avec lui dans la gloire.» Cette gloire a été promise par le Seigneur lui-même qui a dit : «Alors les justes resplendiront comme le soleil.»

Chapitre III

Par la grâce du Dieu de bonté, les paroles que nous avons rappelées, celles du Fils seul-engendré du Dieu vivant, celles de ses saints évangélistes et prophètes, celles de l'Apôtre, nous ont suffisamment expliqué la signification du baptême selon l'évangile de notre Seigneur Jésus Christ, et ainsi il nous a été enseigné que le baptême de feu peut réfuter toute malice et nous rend capables de recevoir la justice selon le Christ, car il inspire la haine du mal et le désir de la vertu. Puis, grâce à la foi nous avons été purifiés de tout péché par le sang du Christ, et, plongés avec l'eau du baptême dans la mort du Seigneur, c'est comme si nous avions déposé une profession de foi écrite attestant que nous sommes morts au péché et au monde, mais vivants pour la justice; alors, ayant reçu le baptême au nom de l’Esprit saint, nous sommes nés d'en-haut; nés, puis baptisés au nom du Fils, nous avons revêtu le Christ; ayant revêtu l'homme nouveau créé selon Dieu, nous avons alors été baptisés au nom du Père et proclamés enfants de Dieu.
Nous avons donc besoin désormais d'être nourris de la nourriture de vie éternelle, comme lui encore, le Fils seul-engendré du Dieu vivant, nous l'a enseigné. Il nous a dit, une fois : «L'homme ne vivra pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu», et il nous a montré comment réaliser cela en disant : «Ma nourriture est que je fasse la volonté de mon Père qui m'a envoyé.» Une autre fois, apposant sur ses conclusions le double «amen» pour les garantir et donner pleine assurance à ses auditeurs, il affirme : «Amen, amen je vous le dis, si vous ne mangez pas la chair du Fils de l'homme et ne buvez pas son sang, vous n'avez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, et moi je le ressusciterai au dernier jour, car ma chair est une vraie nourriture et mon sang un vrai breuvage. Qui mange mon corps et boit mon sang demeure en moi et moi en lui.» Et peu après, il est écrit : «Beaucoup de ses disciples qui l'avaient entendu parler dirent alors : Cette parole est dure; qui peut l’entendre ? Mais Jésus sachant en lui-même que ses disciples murmuraient à ce sujet leur dit : Cela vous scandalise ? Et s'il vous arrivait de voir le Fils de l'homme monter là où il était auparavant ? C’est l'esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie. Mais il en est parmi vous qui ne croient pas – Jésus savait en effet dès le commencement qui étaient ceux qui croyaient et qui était celui qui le livrerait – et il ajoutait : Voilà pourquoi je vous ai dit que nul ne peut venir à moi sinon par un don de mon Père. Dès lors, nombre de ses disciples se retirèrent et cessaient de l'accompagner. Jésus dit alors aux Douze : Voulez-vous partir vous aussi ? Simon Pierre lui répondit : Seigneur; à qui irons-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Pour nous, nous croyons et nous savons que toi, tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant.»
Vers la fin des évangiles, il est écrit : «Jésus prit du pain, rendit grâces, le rompit, et il le donnait à ses disciples en disant : Prenez et mangez, ceci est mon corps qui est rompu pour vous. Faites cela en mémoire de moi. Et après avoir pris le calice et rendu grâces, il le leur donna en disant : Buvez en tous, ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance qui est répandu pour la multitude en rémission des péchés. Faites cela en mémoire de moi.»
L'Apôtre ajoute aussi son témoignage à ce récit. Il dit en effet : «Pour moi, j'ai reçu du Seigneur ce qu'à mon tour je vous ai transmis : le Seigneur Jésus, la nuit où il était livré, prit du pain, et après avoir rendu grâces, il le rompit et dit : Ceci est mon corps qui est rompu pour vous. Faites cela en mémoire de moi. De même aussi pour le calice après le repas, il dit : Ce calice est la nouvelle alliance en mon sang. Faites cela en mémoire de moi. Toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez ce calice, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne.»
A quoi servent donc ces paroles ? A ce que nous commémorions toujours, en mangeant et en buvant, le souvenir de celui qui est mort et ressuscité pour nous et qu'ainsi nous apprenions nécessairement à observer devant Dieu et devant son Christ la doctrine que l'Apôtre nous a transmise en ces termes : «L'amour du Christ nous étreint, à la pensée que si un seul est mort pour tous, alors tous sont morts; et il est mort pour tous afin que les vivants ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux …» Il est évident en effet qu'on mange et qu'on boit pour commémorer de manière ineffaçable celui qui est mort et ressuscité pour nous, Jésus Christ notre Seigneur; mais si on n'accomplit pas ce qui est signifié par la commémoration de son obéissance jusqu'à la mort, si on ne se conforme pas à l'enseignement de l'Apôtre qui a dit, comme je viens de le rappeler : «L'amour du Christ nous étreint, à la pensée que si un seul est mort pour tous, alors tous sont morts» – ce qui est justement notre profession baptismal –, «et il est mort pour tous, afin que les vivants ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux», dans ces conditions, on ne retire (de la communion) aucun profit, comme l'indique cette sentence du Seigneur : «La chair, ne sert de rien.»
De plus, dans ce cas, on attire aussi sur soi la condamnation de l'Apôtre qui dit : «Celui qui mange et boit indignement mange et boit sa propre condamnation, ne discernant pas le corps du Seigneur.» Car ce n'est pas seulement quand on s'approche des choses saintes dans l'indignité d'une chair et d'un esprit souillés qu'on s'expose à une condamnation redoutable et qu'on aura à répondre du corps et du sang du Seigneur; il en va de même également pour celui qui mange et boit de façon paresseuse et inutile, puisqu’il commémore Jésus Christ notre Seigneur, mort et ressuscité pour nous, sans observer cette parole : «L’Amour du Christ nous étreint, à la pensée que si un seul est mort pour tous, alors tous sont morts», etc. Laissant en effet improductif, par inconscience en quelque sorte et inefficacité, un bien si grand et d'une telle nature et s'approchant comme un ingrat d'un tel mystère, il encourt la condamnation de la paresse, car le Seigneur n'a pas admis qu'on puisse échapper à la condamnation lorsqu'on prononce simplement une parole oiseuse, et il présente avec plus de force la condamnation de la paresse grâce à l'exemple de l'homme qui avait conservé son talent tel quel sans le faire fructifier; et de son côté, l'Apôtre nous a enseigné que même celui qui profère la bonne parole attriste l’Esprit saint s'il ne la dirige pas vers l'édification de la foi. Aussi, devons-nous faire attention à la condamnation portée contre celui qui mange et boit indignement. Et si celui qui attriste son frère pour une simple question de nourriture se trouve déchu de l'amour, sans lequel l'accomplissement des grands charismes et des grandes oeuvres de justice ne sert à rien, que dire de celui qui ose paresseusement et inutilement manger le corps et boire le sang de notre Seigneur, mort et ressuscité pour nous ?
Quand on s'approche du corps et du sang du Christ pour le commémorer, lui qui est mort et ressuscité pour nous, il faut donc être pur de toute souillure de la chair et de l'esprit, afin que manger et boire n'entraîne pas de condamnation; mais il faut aussi manifester en actes le souvenir de celui qui est mort et ressuscité pour nous, en mourant au péché, au monde et à nous-mêmes, puis en vivant pour Dieu dans le Christ Jésus notre Seigneur.

Sur le baptême
fin du livre I
divisé en trois chapitres