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Licence ABU

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Version 1, Août 1997

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--------------------- FIN DE LA LICENCE ABU ------------------

Augustin

CONTRE LES GENTILS

Îuvres Complètes de Saint Augustin, éd. Guérin, Bar-le-Duc, 1868.

Sermon 240. Le XIe prononcé pour les fêtes de Pâques.

SUR LA RÉSURRECTION DES CORPS, CONTRE LES GENTILS.

 

I. 1. En ces jours, ainsi que vos charités s'en rappellent, on a coutume de donner lecture, avec solennité, des passages de l'Évangile portant sur la résurrection du Seigneur. Les quatre Évangélistes, en effet, ne purent se taire ni à propos de sa passion, ni à propos de sa résurrection. Et, parce que notre Seigneur Jésus a fait bien des choses, toutes n'ont pas pu être consignées: mais celui-ci a consigné celles-ci, et celui-là celles-là; ils présentent cependant la plus haute concordance pour la vérité. Jean l'Évangéliste commémore en effet beaucoup de choses faites par le Seigneur Jésus-Christ, lesquelles ne sont consignées par aucun autre. Toutes celles qui ont été faites l'ont été parce qu'elles le devaient; toutes celles qui ont été écrites l'ont été parce qu'elles devaient être lues. Mais montrer que les quatre Évangiles, en ce qu'ils disent tous ensemble et n'omettent pas, c'est-à-dire pour ce qui concerne la passion et la résurrection du Christ, ne se contredisent pas mutuellement, c'est un travail de longue haleine. Certains ont estimé que certaines choses étaient contraires les unes aux autres, alors qu'eux-mêmes étaient en contradiction avec le bien de leur âme. Et ainsi, cette tâche est confiés à ceux qui sont, avec le secours du Seigneur, capables de montrer que ces textes ne se contredisent pas. Mais, comme je l'ai dit, si je vous montrais cela, et si je voulais traiter cela devant le peuple, la multitude des auditeurs étoufferait d'ennui avant que la vérité ne soit apparue.

Mais je connais votre foi, la foi de toute cette multitude, ainsi que celle de ceux qui ne sont pas là aujourd'hui et sont cependant fidèles; je sais que leur foi si assurée relativement à la vérité des Évangélistes qu'ils ne réclament pas mon explication. Qui sait comment défendre cela est plus savant, mais non plus fidèle. Il a la foi, et il a la faculté de défendre la foi. Un autre n'aura ni la faculté ni le génie ni le savoir pour défendre la foi, mais il aura la foi elle-même. Celui qui, en effet, sait défendre la foi est nécessaire à ceux qui chancellent, et non à ceux qui croient. En effet, dans la défense de la foi, il faut soigner les blessures du doute et de l'infidélité. Qui donc défend la foi est bon médecin : mais en toi il n'y a pas ce mal de l'infidélité. Comment pourrait-il soigner ce que tu n'as pas ? Il sait administrer le médicament, mais il n'y a pas de mal en toi. "Ce ne sont pas les hommes sains qui ont besoin du médecin, mais ceux qui ont mal" [Mt. 9,12].

II. 2. Cependant, je n'ai pas l'intention de vous taire ce qui peut vous être dit de façon plus commode lorsque c'est le temps, et qui sera alors plus facilement entendu. De cette même résurrection, dont le Seigneur a donné l'exemple en lui-même, pour que nous sachions nous aussi ce que nous devons espérer dans nos propres corps à la fin du siècle, nombreux sont ceux qui ont disputé; certains selon la foi, d'autres dans l'infidélité. Ceux qui disputent selon la foi veulent avec diligence savoir quoi répondre aux infidèles; ceux qui disputent avec infidélité, argumentent contre leur propre âme, en disputant contre le pouvoir du tout puissant et en demandant: "d'où vient qu'il se puisse faire qu'un mort se relève ?" Moi je dis: "Dieu est, qui le fait", et toi tu dis: "Cela ne peut se faire" ? Donnez-moi, je ne dis pas un chrétien ou un juif, mais donnez-moi un païen, rendant culte aux idoles et serviteur des démons, qui ne tienne pas que Dieu est tout puissant! Il peut nier le Christ; il ne peut nier que Dieu est tout puissant. Ce que donc toi tu crois - c'est ici comme si je parlais à ce païen -, celui que tu crois, ce Dieu tout puissant, c'est celui dont moi je dis qu'il fait renaître d'entre les morts. Si tu dis: "Cela ne peut se faire", tu portes atteinte à sa toute puissance. Si, au contraire, tu le crois tout puissant, pourquoi me rejettes-tu lorsque je l'affirme?

III. 3. Si je disais que la chair ressuscitera pour avoir faim, pour avoir soif, pour être malade, pour travailler, pour être assujettie à la corruption, je mériterais que tu ne me crois pas. Car ces choses tiennent aux nécessités ou aux malheurs de l'état de chair. Et d'où cela vient-il ? La cause en est le péché. En un seul nous avons péché, et nous sommes tous nés pour la corruption. Ce n'est en effet pas sans cause que les hommes subissent ces maux. Dieu est juste, Dieu est tout puissant: nous ne subirions rien de tout cela si nous ne le méritions pas. Mais, alors que nous étions dans les peines auxquelles nous étions venus pour à cause de notre péché, notre Seigneur Jésus-Christ voulut être dans notre peine sans qu'il y eût péché de sa part. En supportant la peine sans la faute, il a délié et la faute et la peine. Il a délié la faute en remettant le péché; et il a délié la peine en ressuscitant d'entre les morts. Il a promis cela et a voulu que nous marchions dans l'espoir: persévérons, et nous parviendrons à la chose en sa réalité. La chair se relèvera incorruptible; la chair se relèvera sans mal, sans difformité, sans mortalité, sans charge et sans fardeau. Ces choses qui font maintenant ton tourment seront après cela ton ornement. Donc, s'il est bon d'avoir un corps incorruptible, pourquoi désespérerions-nous que Dieu le fasse ?

IV. 4. Les philosophes de ce siècle, qui furent les plus grands, les plus doctes et les meilleurs, ont estimé que l'âme humaine était immortelle: ils l'ont non seulement estimé, mais aussi défendu autant qu'ils le pouvaient par des argumentations, et leurs défenses demeurent consignées pour la postérité. Ce sont leurs livres, on les lit. Et j'ai dit que ces philosophes étaient les meilleurs par comparaison avec les pires: parce qu'il y eut en effet des philosophes qui affirmèrent que nulle vie ne demeure en l'homme après la mort. Ceux-là sont en tout cas préférables à ceux-ci. Et ce en quoi ils furent meilleurs - malgré qu'ils aient en bien des choses dévié de la vérité - et qui les rapproche de la vérité, c'est quoi qu'il en soit ce qui les rend supérieurs aux autres.

Ceux donc qui ont estimé et affirmé que les âmes humaines étaient immortelles ont recherché, pour autant que les hommes le puissent, les causes du mal en l'homme, de la peine et des erreurs; et ils ont dit, comme ils pouvaient, que je ne sais quels péchés commis dans une autre vie avaient précédé [cette vie-ci], et que le mérite de ces péchés valait aux âmes d'être incarcérées dans ces corps. ils ont ensuite recherché ce que serait l'homme après la mort. Et ils ont gaspillé leur ingéniosité, et travaillé autant qu'ils le pouvaient pour rendre la raison aux hommes, tant à eux-mêmes qu'aux autres: et ils ont affirmé que les âmes des hommes vivant mal et rendues immondes par leurs mÏurs, lorsqu'elles sortaient des corps, retournaient aussitôt en d'autres corps, et y acquittaient les peines que nous voyons; mais que les âmes qui ont vécu selon le bien, lorsqu'elles sortaient des corps, allaient au plus haut des cieux et demeuraient là en repos, dans les étoiles et dans les luminaires visibles, ou dans quelque lieu secret et retiré dans les cieux, et qu'elles oubliaient tout des maux précédents, et se plaisaient à nouveau à retourner vers les corps et à venir à nouveau vers ces épreuves.

V. Ils voulaient donc mettre cette différence entre les âmes des pêcheurs et les âmes des justes, que les âmes des pêcheurs tout aussitôt, qu'elles sortent des corps retournent vers d'autres corps, alors que les âmes des justes demeurent longtemps en repos; mais pourtant pas pour toujours, puisqu'elles se plaisent à nouveau à revenir vers les corps, et que, depuis les plus du ciel, après une si grande justice, elles font leur propre ruine en revenant vers ces maux.

5. Voilà ce qu'ont dit ces philosophes si grands. Les philosophes de ce monde n'ont rien pu trouver de plus, aux dont nos Écritures disent: "Dieu rend folle la sagesse de ce monde" [1 Cor. 1,20]. Si la sagesse est rendue folle, combien plus le sera la folie! Si la sagesse de ce monde est folie auprès de Dieu, combien plus éloignée de Dieu sera la véritable folie du monde! Mais il existe une certaine folie de ce monde qui parvient jusqu'à Dieu, celle dont l'Apôtre dit: "Parce que le monde, par sa sagesse, n'a pas connu Dieu dans la Sagesse de Dieu, il a plu à Dieu de faire le salut de ceux qui croiraient par la prédication de la folie" [1 Cor. 1,20]. et il dit: "Car les Juifs réclamaient des signes miraculeux, et les Grecs cherchaient la sagesse; et nous, nous prêchons le Christ crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les gentils, mais qui est, pour les appelés et Juifs et Grecs, Christ Vertu de Dieu et Sagesse de Dieu" [1 Cor. 1,21 sv.]. Le Seigneur Christ, Sagesse de Dieu, est venu: le ciel a tonné, les grenouilles se sont tues. Ce que la Vérité a dit, cela est vrai. Ce qu'Il a dit, dans quel mal est le genre humain à cause du péché, est manifeste. Mais, qui croire au Médiateur qui est institué milieu entre Dieu et les hommes - entre le Dieu juste et les hommes injustes, un homme juste est le milieu, qui tient son humanité du plus bas, et sa justice du plus haut, et qui est en cela milieu : un d'ici-bas et un de là-bas &emdash; parce que s'il tenait les deux d'ici-bas, il serait abattu avec nous, et il ne serait pas le milieu ; -&emdash; qui donc croira au Médiateur et vivra selon la foi et le bien sortira du corps, non pour le tourment, mais pour son ornement, et il vivra avec Dieu dans l'éternité. Il n'y aura rien qui lui fera se plaire à revenir vers les corps, parce qu'il aura, uni à lui, son corps. Donc, mes bien aimés, puisque je vous ai aujourd'hui exposé ce que disent les philosophes de ce monde, dont Dieu a réprouvé la sagesse comme étant en vérité folie, demain, avec le secours de Dieu, nous pourrons développer ce point.


Sermon 241. Le XIe prononcé pour les fêtes de Pâques.

 

SUR LA RÉSURRECTION DES CORPS, CONTRE LES GENTILS.

 

I. 1. La foi propre des chrétiens est la foi en la résurrection d'entre les morts. Le Christ, notre chef, nous l'a montrée en lui-même, c'est-à-dire par sa résurrection d'entre les morts, et il nous a présenté un exemple de foi; de sorte que les membres espèrent que ce qui s'est d'abord produit dans le chef se produira aussi en eux-mêmes. Hier, nous vous avons exposé la pensée de ceux qui, parmi les sages et les gentils, sont appelés philosophes, ceux-là même qui furent les plus célèbres, ceux qui ont sondé la nature et reconnu l'Artisan à partir des Ïuvres. Ils n'avaient pas entendu les Prophètes, ni reçu la Loi de Dieu; mais Dieu, par une certaine manière silencieuse, par les Ïuvres de son monde, leur parlait, et les spectacles du monde les invitaient à rechercher l'Artisan de ces réalités; ils ne purent non plus inscrire en leur âme [animus] que le ciel et la terre se puisse maintenir sans un Auteur. Le bienheureux Apôtre Paul parle d'eux ainsi: "La colère de Dieu, dit-il, se révèle depuis le ciel et la terre contre toute impiété" [Rom. 1,18]. Que signifie "contre toute impiété" ? Ce n'est pas seulement contre les Juifs, qui ont reçu la Loi de Dieu et qui ont osé offenser le donateur des Lois, mais aussi bien contre toute impiété des gentils que "la colère de Dieu se révèle depuis le ciel". Et pour que nul ne demande: "Pourquoi cela, alors qu'eux n'ont pas reçu la Loi ?", il ajoute juste après: "Et contre l'injustice de ceux qui retiennent la vérité dans l'iniquité" [Rom. 1,18]. Toi, maintenant, réponds : Quelle est cette vérité ? Ils n'ont en effet pas reçu la Loi ; ils n'ont en effet pas entendu les Prophètes. Écoutes quelle est cette vérité: "Puisque, dit-il, ce qui peut être connu de Dieu est manifeste pour eux" [Rom. 1,19]. Comment cela est-il manifeste ? Écoutes ce qui suit: "Dieu le leur a manifesté" [Rom. 1,19]. Si tu demandes encore: "Comment l'a-t-Il manifesté à ceux à qui Il n'a pas donné la Loi ?", écoutes cela: "Ses [perfections] invisibles, Il les a rendues saisissables pour l'intellect depuis la constitution du monde, elles par lesquelles le monde a été fait" [Rom. 1,20]. "Ses [perfections] invisibles", c'est-à-dire les [perfections] invisibles de Dieu; "depuis la constitution du monde", c'est-à-dire depuis que le monde dut créé ; "elles sont devenues saisissable pour l'intellect par ce qui a été fait", c'est-à-dire que ce qui a été créé les fait saisir par l'intellect. "Aussi bien - je dis la parole même de l'apôtre et j'en retisse la trame - sa puissance éternelle que sa divinité" [Rom. 1,20]: sous-entendez ici qu'elles "sont devenues saisissables par l'intellect". "De sorte qu'ils sont inexcusables" [Rom. 1,20]. Pourquoi inexcusables ? "Parce que connaissant Dieu, ils ne l'ont pas glorifié comme Dieu, et ils ne Lui ont pas rendu grâce" [Rom. 1,21]. Et il ne dit pas "ignorant", mais "connaissant Dieu".

II. 2. D'où vient qu'ils Le connaissent ? De par ce qu'Il a fait. Interroge la beauté de la terre ; interroge la beauté de la mer; interroge la beauté de cet air dilaté et diffusé en tout; interroge la beauté du ciel; interroge l'ordre des astres ; interroge le soleil qui, par son rayonnement, éclaire le jour; interroge la lune qui, par la splendeur qui l'accompagne, tempère les ténèbres de la nuit; interroge les animaux qui se meuvent dans les eaux, ceux qui se meuvent dans les eaux, ceux qui séjournent sur terre, ceux qui volent dans les airs ; les âmes cachées et les corps saisissables; les réalités visibles devant être régies et les réalités invisibles qui les dirigent ; - interroge ces choses. Elles te répondront toutes: "comme tu le vois, nous sommes belles". Et par leur beauté, elles confessent [leur Auteur]. Qui a fait ces beautés changeantes sinon la beauté immuable.

Ensuite, ils ont [scruté] en l'homme lui-même, pour comprendre et connaître le Dieu Créateur du monde et de l'univers; et, en lui, ils ont interrogé, dis-je, ces deux choses, le corps et l'âme [anima]. Ils ont interrogé ce qu'ils recelaient en eux-mêmes; ils voyaient le corps et ne voyaient pas l'âme [anima]. Mais ils ne voyaient pas le corps sans le voir par l'âme [anima]. Ils voyaient en effet par l'Ïil, mais à l'intérieur se tenait ce qui va percevoir [en passant] par les fenêtres [de l'âme] les choses extérieures. quand l'habitant s'éloigne, la maison tombe en décrépitude : quand ce qui régente s'éloigne, ce qui était régi meurt; et, parce qu'il meurt [cadere], il est appelé cadavre [cadaver]. Les yeux n'y sont-ils pas en leur intégrité ? Et, quoi qu'ils soient ouverts, ils ne voient rien. Les oreilles sont présentes; mais l'auditeur s'en est allé ; l'organe de la langue demeure, mais le musicien qui la mouvait est parti. Ils ont interrogé ces deux choses, le corps qui se voit et l'âme [anima] qui ne se voit pas, et ils ont découvert que ce qui ne se voit pas est meilleurs que ce qui se voit, que l'âme [anima] cachée est la meilleure chose, et que le corps apparent est la chose la plus basse. ils ont vu cela, ils l'ont examiné avec attention et en ont discuté &emdash; et ils ont découvert que ces deux choses étaient changeantes en l'homme. Le corps change avec l'âge, la corruption, l'alimentation, la réfection et la défection, la vie et la mort. Ils passèrent à l'âme [anima], dont ils avaient compris en tout cas la supériorité, et quoiqu'admirant son invisibilité, ils la découvrirent également changeante: tantôt elle veut, tantôt elle ne veut pas ; tantôt elle se souvient, tantôt elle oublie ; tantôt elle a peur, tantôt elle est audacieuse ; tantôt elle s'avance vers la sagesse, tantôt elle retombe dans la folie. Ils l'ont vue changeante, et ils sont passés à ce qui est après elle : ils recherchaient en effet quelque chose d'immuable.

III. 3. Ils sont ainsi parvenus à connaître le Dieu qui fait par le moyen de ce qu'Il a fait. "Mais ils ne L'ont pas honoré comme Dieu, et ils ne Lui ont pas rendu grâce" [Rom. 1,21], dit l'Apôtre. "Mais ils se sont dissipés en leurs méditations. Se disant sages, ils sont devenus fou, et leurs cÏurs s'est obscurci" [Rom. 1,21] S'arrogeant pour eux-mêmes ce qu'ils recevaient, ils perdirent ce qu'ils tenaient. À quoi parvinrent-ils ? "Et ils ont transformés, dit-il, la gloire du Dieu incorruptible en la ressemblance de l'image de l'homme corruptible" [Rom. 1,]. Il veut parler des idoles [quand il dit "les images"]. Et c'était encore trop peu de faire une idole à figure d'homme, et d'attribuer à l'Artisan une ressemblance avec ses Ïuvres; cela fut encore le moindre [des maux]. Qu'ont-ils fait de plus ? "Et [en l'image] des volatiles, des quadrupèdes et des serpents" [Rom. 1,]. De fait, tous ces êtres vivants muets et privés de raison, ces sages, pour ainsi dire les plus grands, s'en sont faits des dieux. Je te faisais des reproches, quand tu adorais l'image de l'homme: qua faire de toi quand tu adores l'image d'un chien, l'image d'une couleuvre ou l'image d'un crocodile ? Ils en sont venus à cela! Autant ils se sont élevés à porter la recherche vers le haut, autant ils ont plongé et chuté dans les profondeur - on plonge en effet d'autant plus profond qu'on tombe de plus haut.

IV. 4. Ceux-là donc, comme je vous l'ai rappelé hier, ont recherché ce qu'il y avait après, c'est-à-dire ce qui se passait après cette vie. c'est en tant qu'hommes qu'ils firent cette recherche : mais comment pouvaient-ils trouver, puisqu'ils étaient des hommes? Ils n'avaient pas la doctrine de Dieu, ils n'avaient pas entendu les Prophètes : ils ne purent découvrir ce qu'ils ne firent que soupçonner. Je vous ai rapporté hier ce qu'ils avaient soupçonné. Les âmes mauvaises, disent-ils, sortent [du corps], et, parce qu'elles sot immondes, retournent tout aussitôt dans un autre corps; les âmes des sages et des justes sortent [du corps], et, parce qu'elles ont vécu bien, elles s'envolent vers le ciel. C'est bien dit, c'est un bien beau lieu que celui où ils les envoient: elles sont parvenues à s'envoler vers le ciel. Et là, que se passe-t-il ? Elles y sont, disent-ils, et y ont leur repos avec les dieux: les étoiles [stellæ] sont leurs sièges [sedes].