1. Notre Seigneur Jésus Christ qui, avant de naître d'une mère, était auprès du Père, a choisi non seulement la Vierge dont Il devait naître, mais aussi le jour de sa Naissance. En ce monde d'erreur, les hommes n'en choisissent pas moins la plupart du temps leurs jours, pour planter, pour bâtir, pour partir en voyage, ou parfois pour se marier. Ce faisant, ils ont l'intention de ménager à ce qui prend en quelque sorte naissance dans leur vie, un heureux développement. Personne toutefois ne peut choisir un jour pour fixer sa propre naissance. C'est lui qui a rendu glorieux le jour où Il a daigné naître. Et Il n'a pas choisi ce jour comme l'auraient fait ceux qui ont la sottise de croire que le destin des hommes dépend de la position des astres. Car ce n'est pas le jour de sa Naissance qui a jeté un heureux sort sur sa Naissance. C'est Lui qui a rendu glorieux le jour où Il a daigné naître. Car justement, le jour de sa Naissance révèle le mystère de sa Lumière. L'Apôtre dit en effet : c'était d'abord la nuit, mais le Jour S'est approché : rejetons les oeuvres des ténèbres et revêtons-nous des armes de la lumière; comme il sied en plein jour, conduisons-nous honnêtement." Reconnaissons ce jour et soyons des jours de lumière. Car nous étions devenus nuit, quand nous vivions dans l'infidélité. Et parce que cette infidélité même qui couvrait le monde entier d'une nuit toujours renouvelée, devait diminuer avec l'accroissement de la foi, pour cette raison, au jour de la Naissance du Sauveur, la nuit a commencé à reculer sous l'assaut, et le jour à croître. Considérons donc, mes frères, ce jour, comme un jour consacré : non pas comme feraient les infidèles, en raison de la position du soleil, mais à cause de Celui qui a fait le soleil. Car Celui qui était le Verbe est devenu chair, afin de vivre, à cause de nous, sous le soleil. Selon la chair, en effet, Il vivait sous le soleil, mais par sa Majesté, Il est au-dessus de l'univers dans lequel Il a formé le soleil. En fait, même par la chair, Il était au-dessus de ce soleil qu'adorent à la place de Dieu ceux dont l'esprit aveuglé ne voit pas le vrai Soleil de justice.
2. Donc, chrétiens, célébrons ce jour, non pas comme celui de sa Naissance divine, mais comme celui de sa Naissance humaine, je veux dire celle par laquelle Il S'est rendu semblable à nous, afin que, l'Invisible S'étant rendu visible, nous puissions passer du monde visible au monde invisible. Car la foi chrétienne doit retenir l'existence des deux Nativités du Seigneur : l'une divine, l'autre humaine; la première hors du temps,l'autre dans le temps. Les deux sont miraculeuses : la première sans mère, la seconde sans père. Si nous avons du mal à parler de la seconde, à quand le récit de la première ? Car qui pourrait comprendre que cette révolution des révolutions dans l'ordre des choses, sans précédent, cas unique au monde, incroyable, a été rendu croyable, et que, contre toute vraisemblance, le monde entier croit qu'une vierge a conçu, qu'une vierge a enfanté et qu'ayant enfanté, elle est restée vierge ? Mais ce à quoi la raison humaine n'a pu atteindre,la foi le comprend : et là où la raison humaine défaille, la foi prend le relais. Car qui pourrait soutenir que le Verbe de Dieu, par qui tout a été fait, n'aurait pas pu Se faire un corps sans mère, comme Il a fait le premier homme sans père et sans mère ? Mais parce que c'est bien Lui qui a fait l'un et l'autre sexe, l'homme et la femme, Il a voulu, en naissant, honorer l'un et l'autre sexe qu'Il était venu libérer. Certes, vous connaissez la faute du premier homme, lorsque le serpent n'a pas osé parler à l'homme, mais pour le faire tomber, a osé ses servir de la femme. Par le plus faible, il est venu à bout du plus fort. Et en s'introduisant dans l'un des deux, il a triomphé des deux. Aussi, pour nous empêcher de haïr en la femme la cause de notre mort par notre idée de suivre le mouvement d'un juste ressentiment et de la croire condamnée sans retour, le Seigneur, venant chercher ce qui était perdu, a voulu honorer chaque sexe pour lui donner son prix, parce que tous deux avaient été réduits à la mort. nous en devons donc faire injure au Créateur dans aucun des deux sexes : La Naissance du Seigneur les a honorés tous deux pour que nous ayons l'espoir d'obtenir le salut. La Chair du Christ honore le sexe masculin, sa Mère le féminin. La Grâce de Jésus Christ a vaincu la ruse du serpent.
3. Donc que les deux sexes renaissent en Celui qui est né aujourd'hui et qu'ils célèbrent le jour d'aujourd'hui. En ce jour, le Christ, notre Seigneur, n'a pas commencé à être, mais Celui qui était de toujours auprès du Père, a fait paraître à la lumière la chair qu'Il a reçue de sa Mère; donnant à sa Mère la fécondité, sans lui enlever sa pureté. Il est conçu, naît, est Enfant. Qu'est-ce à dire enfant ? L'enfant est celui qui ne peut pas s'exprimer, parler. Il est donc à la fois Enfant et Verbe. Par la chair, Il se tait, par les anges, Il enseigne. Le Prince et Berger des bergers est annoncé aux bergers : et Il est couché dans la crèche comme nourriture des bêtes fidèles. Car Il avait été annoncé par les prophètes : "Le boeuf a reconnu son Maître et l'âne la crèche de son Seigneur." C'est pourquoi Il est monté sur un âne lorsqu'Il est entrée à Jérusalem, précédé et suivi de la foule qui chantait ses louanges. Nous aussi, reconnaissons-Le, approchons-nous de la crèche, mangeons la nourriture, portons notre Maître et notre guide, pour accéder sous sa conduite à la Jérusalem céleste. Lorsque le Christ naît d'une mère, c'est la naissance d'un être diminué. Lorsqu'Il naît du Père, c'est celle d'un incomparable Souverain. Dans les jours qui passent, Il a son jour qui passe. Mais Il est, Lui, le Jour éternel, venu du Jour éternel.
4. C'est à bon droit que, comme la voix d'une trompette céleste, ce psaume enflamme nos coeurs : "Chantez au Seigneur un cantique nouveau. Chantez au Seigneur, toute la terre. Chantez au Seigneur et bénissez son Nom." Reconnaissons-Le donc et proclamons le Jour qui vient du Jour, Celui qui est né en la chair en ce jour. Jour le Fils, né du Jour le Père, Dieu né de Dieu, Lumière de la Lumière. Car c'est le salut que nous apporte Celui dont il est dit ailleurs : "Que Dieu ait pitié de nous et nous bénisse; qu'Il fasse luire sa Face sur nous, pour que nous reconnaissions tes chemins sur la terre, et ton Salut dans toutes les nations." À "sur la terre" fait écho "dans toutes les nations". Et à "chemins" "ton Salut". Rappelons-nous que c'est le Seigneur Lui-même qui a dit: "Je suis le Chemin". Et lorsque tout à l'heure on lisait l'évangile, nous avons vu le bienheureux vieillard Siméon recevoir la Réponse divine à la promesse qu'il n'atteindrait pas la mort avant d'avoir vu l'Oint du Seigneur. Ayant pris dans ses mains le Christ-Enfant et ayant reconnu la Grandeur de ce petit Être, il dit : "Rappelle maintenant, Seigneur, ton serviteur, comme Tu l'as promis, en paix, parce que mes yeux ont vu ton Salut." Proclamons "sa Gloire parmi les nations, ses Miracles dans tous les peuples." Il est couché dans une crèche, mais Il contient le monde : Il est à la mamelle, mais est la nourriture des anges : dans les langes, Il nous revêt d'immortalité; on Le nourrit de lait, mais on L'adore : Il n'a pas trouvé place à l'auberge, mais Il S'est fait un temple du coeur des croyants. Car pour que sa Faiblesse devienne force, sa Force s'est faite faiblesse. Que sa Naissance charnelle donc aussi nous plonge dans l'admiration et non dans le mépris; et reconnaissons comme s'y est humilié pour nous une telle grandeur. Puis enflammons notre charité, pour parvenir à son Éternité.