1. Que ma bouche chante la louange du Seigneur de qui est né l'univers, Lui-même né dans l'univers; par qui est révélé le Père, qui a créé sa mère. Fils de Dieu venu du Père, sans mère; Fils de l'homme venu d'une mère, sans père. Grand jour pour les anges que ce raccourci de jour. Dieu le verbe avant tous les temps, le Verbe fait chair au temps marqué. Ayant formé le soleil, sous le soleil Il a reçu sa forme. Ayant ordonné l'ensemble des siècles depuis le sein du Père, depuis le vente de sa mère, Il rend ce jour-ci sacré. En Lui il demeure, d'elle Il naît. Créateur du ciel et de la terre, Il naît sur la terre et sous le ciel. Sage au delà de toute parole, sage avant de pouvoir parler. Il couvre le monde, Lui que contient une crèche. Il règle le cours des astres, cet enfant à la mamelle. Grand comme Dieu, petit comme serviteur, sans que sa Petitesse diminue sa Grandeur, et sans que sa grandeur accable sa Petitesse. Car en revêtant un corps humain, Il n'a pas cessé de faire oeuvre divine; et ne s'est pas relâché de l'étroit embrassement par lequel Il soutient l'univers d'une extrémité à l'autre, et le dispose harmonieusement : quand Il S'est revêtu de l'infirmité de la chair, le sein d'une Vierge l'a recueilli, sans L'emprisonner; et sans rien soustraire au pain dont il nourrit la sagesse des anges, Il nous a donné à goûter combien doux est le Seigneur.
2. Pourquoi tout cela nous étonnerait-il, s'agissant du verbe de Dieu, lorsque les propos même que je profère, gardant, en touchant les sens de l'auditoire, suffisamment d'autonomie pour s'introduire en chacun sans s'y enfermer. Car s'ils ne s'y introduisaient pas, personne n'en serait instruit; et s'ils s'y enfermaient, ils ne passeraient pas à d'autres. Et mon sermon a beau être construit de mots et de syllabes, vous n'en emportez pas chacun un morceau pour vous comme s'il fallait en nourrir votre ventre; vous l'entendez tous tout entier, chacun d'entre vous s'en saisit dans sa totalité. Et je ne crains pas, en parlant, si un auteur s'approprie en esprit tout son contenu, que l'autre n'ait plus rien à prendre. l'attention que je souhaite en vous, suppose que, sans rien dérober à l'oreille ni à l'esprit de personne, chacun d'entre vous l'entende tout entier, en laissant chacun à même de l'entendre tout entier. Et il ne s'agit pas de moments où successivement les paroles prononcées entrent d'abord chez l'un, puis, en sortant, peuvent enfin entrer chez l'autre. Il parvient à tous en même temps et tout entier à chacun. Et s'il avait assez de mérite pour se fixer tout entier dans vos mémoires, comme vous êtes tous venus pour l'entendre tout entier, vous repartiriez chacun avec un sermon tout entier. À combien plus fort raison le Verbe de Dieu, par qui tout a été fait, et qui, demeurant en Lui-même, renouvelle sans cesse tout; qui n'est ni enfermé dans l'espace, ni poussé par le temps, ni soumis à des variations plus ou moins durables; qui ne repose pas sur une forme vocale pour disparaître avec le silence; à combien plus forte raison ce Verbe, d'une telle grandeur et d'une telle nature, a pu féconder le sein de sa mère, ayant revêtu la nature corporelle sans quitter le sein du Père ! D'un côté paraître aux yeux humains, de l'autre illuminer l'esprit des anges. D'un côté mettre pied sur la terre, d'un autre soutenir l'ampleur des cieux ! D'un côté devenir homme, de l'autre créer les hommes.
3. Que personne donc ne croie que le Fils de Dieu S'est transmué totalement en Fils de l'homme : croyons plutôt que sans se défaire de la substance divine, Il a assumé la perfection de la substance humaine, restant Fils de Dieu, mais devenu Fils de l'homme. Car ce n'est pas parce qu'il est dit : "Le Verbe était Dieu", et "le Verbe S'est fait chair", que le Verbe a cessé d'être Dieu en Se faisant chair. Puisque le Verbe qui S'est fait chair, est devenu, à sa Naissance l'Emmanuel, c'est à dire "Dieu avec nous". De même que le verbe qui est au fond de notre bouche, devient un son vocal lorsque nous l'extériorisons par le canal de notre bouche, sans que sa nature devienne celle du son; il demeure au contraire ce qu'il est lorsque le véhicule qui l'extériorise le prend en charge, de telle sorte qu'intérieurement il reste un objet intelligible, et à l'extérieur sonne comme un objet audible : mais ce que le son traduit, c'est cela même qui se faisait entendre d'abord dans le silence; ainsi un verbe vocalement exprimé ne se transforme pas en son vocal; il reste dans la lumière de l'esprit, et lorsqu'il prend la forme d'une voix charnelle, il fait route vers l'auditeur, sans abandonner celui qui le pense. Il ne s'agit pas ici du cas où le mot, grec latin ou de quelqu'autre langue, est pensé silencieusement. Mais de celui où, avant de passer par la diversité des langues, la chose elle-même que l'on veut dire, repose encore, pour l'esprit qui la conçoit, en quelque sorte toute nue dans la couche de son coeur, avant de revêtir, pour en sortir, la voix de la parole. Et toutefois, les deux choses : ce que la pensée intelligible conçoit, et ce que la parole fait entendre, sont amenées à changer et à se transformer. Il ne restera rien de la première, une fois dans l'oubli, ni de la seconde, une fois le silence venu. mais le verbe de Dieu demeure éternellement, et demeure inchangé.
4. Et lorsqu'Il a revêtu la chair dans le temps pour S'approcher de notre vie temporelle, non seulement dans la chair Il n'a pas rendu l'éternité, mais devant la chair Il S'est porté garant de l'immortalité. Et "comme l'époux sortant de sa chambre, Il se réjouit comme le héros qui va fournir sa carrière. Étant dans la forme de Dieu, Il n'a pas pensé pouvoir tirer profit de son égalité avec Dieu. Mais, pour nous, afin d'être ce qu'Il n'était pas, "Il S'est réduit Lui-même à néant"; sans quitter la Forme de Dieu, mais en "prenant la forme de l'esclave"; et c'est par elle qu'"Il est devenu semblable à un homme". Ce n'était pas sa substance propre; c'est "par son aspect extérieur qu'on l'a vu ressembler à un homme". En effet d'ensemble de ce que nous sommes, dans notre âme et notre corps, constitue notre nature : pour Lui ce n'est là que son aspect extérieur. Nous, si nous n'étions pas pourvus de cette nature, nous n'existerions pas; Lui, si cette nature n'existait pas, n'en serait pas moins Dieu. Et lorsqu'Il a commencé à être cette nature qui n'était pas la sienne, Il est devenu homme tout en restant Dieu. Afin qu'on ne le dise pas l'un de nous, mais selon l'exacte vérité un être de l'une et l'autre nature. Et parce qu'Il a été fait homme : "Le Père est plus grand que Moi"; et parce qu'Il est resté Dieu, "le Père et moi sommes un". Car si le Verbe pour devenir homme avait perdu sa Forme, c'est-à-dire pour devenir homme Dieu aurait perdu sa Nature, il n'y aurait de vrai que : "Le Père est plus grand que Moi," parce que Dieu est plus grand que l'homme; mais "Moi et le Père sommes un" serait faux; parce que Dieu et l'homme ne sont pas un. Peut-être pourrait-Il dire : Moi et le Père ne sommes pas un, mais avons été un. Car ce qu'Il était et a cessé d'être, évidemment, Il ne l'est pas, Il l'a été. En réalité, ayant réellement pris la forme du serviteur, Il a dit vrai en disant : "Le Père est plus grand que Moi"; et parce qu'Il était réellement Dieu, et qu'Il le restait, Il a dit vrai en disant : "Le Père et Moi sommes un." Donc lorsqu'Il S'est réduit à néant auprès des hommes, Il n'a pas voulu, en devenant ce qu'Il n'était pas, cesser ce qu'Il était; mais cachant ce qu'Il était, montrer ce qu'Il était devenu. Ainsi donc, c'est parce que la Vierge a conçu et enfanté un fils, parce qu'Il a pris aux yeux de tous la forme d'esclave qu'"un enfant nous est né". Mais parce que le Verbe de Dieu, qui reste dans l'éternité, est devenu chair pour habiter parmi nous, parce que sa Nature divine cachée demeure, selon l'annonce de Gabriel nous lui donnons "le nom d'Emmanuel". Car Il est devenu Homme, tout en restant Dieu, pour que le fils de l'homme aussi puisse être appelé justement "Dieu avec nous". Dieu et l'Homme en Lui ne sont pas deux personnes distinctes. Que le monde donc se réjouisse en la personne des croyants qu'Il est venu sauver par Celui qui a formé le monde. Créature de Marie, né de Marie; Fils de David, Seigneur de David; progéniture d'Abraham, né avant Abraham. Il a formé la terre, a été formé sur terre, Créateur du ciel, créé sous le ciel. Il est bien le Jour qu'a fait le Seigneur, et le Seigneur est bien le Jour de notre coeur. Marchons dans sa Lumière et exultons de joie en Lui.