L'histoire
commence avec un temple païen, dont l'origine se perd dans la
nuit des temps. Il n'en reste plus que le nom, Pomarium en latin, ou
Pomers en catalan (Il s'agit d'un dendronyme équivalant
à Pommeraie). Ce temple, comme tant d'autres temples, a
dû céder la place à un édifice
chrétien à une époque également
incertaine. Le site d'ailleurs se prêtait à merveille
pour ce culte idolâtre - l'éperon, sur lequel est sis
l'ermitage actuel qui domine toute la vallée, et la source,
dans le ravin, qui, lui, prend son origine bien plus haut,
alimentée par la pente du roc des Maures qui s'accroche sur le
versant nord du Canigou.
La chapelle, peut-être encore temple à ce
moment-là, s'incorpora enfin dans le château du comte du
Conflent, dont la date la plus reculée des archives remonte
à 865. C'est là que se tient, en 865, un plaid
présidé par le comte Salomon, plaid relaté par
une charte authentique, aujourd'hui déposée aux
archives départementales, qui se trouve être le plus
ancien document original conservé en Roussillon. Salomon
chicana à l'abbaye de Lagrasse la propriété de
Prades, donnée par le comte Suniefred d'Urgel et son
épouse Ermessinde.
Loin de disparaître, mais après 200 ans de sommeil, le
château est mentionné à nouveau en 1095, dans le
testament du comte de Cerdagne, Guillem Ramon, qui lègue
à son fils aîné, Guillem Jorda, les comtés
de Cerdagne et de Conflent avec leurs châteaux : Rodes,
castrum Sancti Stephani
Enfin, entre 1117 et 1131 c'est Udalgar, fils de Matella qui
prête serment à Ramon Berenger, comte de Barcelone, pour
le même château.
De ce château historique, il reste encore aujourd'hui les
soubassements d'une tour carrée, située au sommet d'un
roc qui surplombe l'ermitage actuel.
Le château existait toujours au milieu du XIIe siècle mais il n'était plus le siège
administratif du Conflent, lequel avait été
transféré au château de Joch, dès que le
Conflent, rattaché à la Cerdagne (870), était
devenu un vicomté.
Une fois le château abandonné, des moines se sont
installés dans ce qu'il en restait encore, et il paraît
en effet qu'au douzième siècle, une communauté
franciscaine y avait élu domicile. Au dix-septième
siècle, un ermite y vivait. On sait de lui, qu'avec son
retable (capelleta) qui abritait la statue de saint Etienne, il
parcourait les villages, comme c'était la coutume à
cette époque, afin de faire vénérer par les gens
son saint patron, ce qui en échange lui procurait sa
subsistance. Mais hélas, sur le chemin du retour, des
Miquelets le spoliaient chaque fois, ce qui décida notre
ermite à se réfugier finalement, à un âge
avancé, dans un monastère du côté de
Thuir, exactement à Saint-Martin-de-Camelas.
Après ces moines et ermites, la chapelle ne servit plus que de
lieu de pèlerinage jusqu'à une date dont les vieux du
village se souviennent encore. Par suite de l'effondrement de la
toiture du narthex, chapelle et ermitage tombèrent en ruine et
les objets, s'ils ne furent pas volés, furent
transférés dans des églises aux alentours.
Quand enfin en 1970, l'ermite actuel s'y installa, il ne restait de
l'ermitage qu'une partie de la toiture, les murs plus ou moins
délabrés et un tas de débris. C'est ainsi que ce
jeune moine orthodoxe débuta sa vie érémitique
avec plein d'enthousiasme et de résolution sans oublier sa foi
qui seule lui permettait de tenir.
La voûte, qui seule était couverte à ce
moment-là, lui servait d'abri et, peu à peu, il
restaura l'ancienne demeure de l'ermite d'autrefois. Après
avoir gratté les murs de la chapelle et les avoir
plâtrés de nouveau, il se mit aussi à
décorer la chapelle de fresques.
À l'heure actuelle, la maçonnerie est pratiquement
achevée, et il reste encore à terminer la peinture des
fresques.
Au cours des années, l'ermite pourvut à sa subsistance
par des commandes d'icônes, l'apiculture, et pendant quelques
années avec l'élevage de chèvres jusqu'au moment
où l'administration des Eaux et Forêts, qui est
propriétaire du terrain autour de l'ermitage, le lui
interdit.
Actuellement, en plus de l'iconographie et de
l'apiculture, il s'occupe de l'édition d'une revue et de
livres, et du foyer au village, qui sert de centre d'accueil.
Au cours des siècles, l'édifice a bien des fois
changé d'aspect, selon l'usage que ses habitants en faisaient
et chaque génération y a laissé son empreinte,
ce qui donne vie et caractère à l'ermitage actuel.
Le chevet qui abrite le sanctuaire est ce qui a gardé le plus
le style pré-roman de la chapelle. Sur un plan
semi-circulaire, ou en fer à cheval si on
préfère, il est comme toute la bâtisse en pierres
brutes. La voûte est couverte de lauzes et
décorée d'une croix en marbre blanc. Deux
fenêtres, dont l'une est orientée et qui a
retrouvé sa forme outre-passée, laisse entrer, à
travers son ébrasement, le soleil matinal. Deux petites niches
ornent également le sanctuaire.
De l'autel ne restait que le socle de forme baroque recouvert de
stuc. La dalle de l'autel primitif, en pierre taillée, servait
comme dallage de l'entrée. Entre-temps cette dalle a repris sa
destination d'origine et forme avec un socle carré en pierre,
l'autel actuel. L'iconostase sépare et communique à la
fois avec la nef que nous allons décrire.
Entièrement voûtée, au moins depuis le
onzième siècle, la nef abrite cinq niches dont
l'origine coïncide avec celle de la voûte qui a permis le
doublement du mur et donc l'existence de ces niches. Depuis la
restauration, un mur sépare nef et narthex, là
où se trouvait anciennement une tribune. Une porte, qui donne
vers le nord, communique avec l'extérieur. Deux bancs en
chêne massif, posés sur des socles en pierre, flanquent
la nef.
Le narthex, plus récent, n'est pas voûté mais
surmonté d'un étage - l'ancienne tribune, qui est
l'actuelle bibliothèque. Avec ses murs peints à la
chaux, il abrite icônes, baptistère, poêle, et
quelques reliquaires. D'autres reliquaires sont dans les niches de la
nef. Un escalier en pierre fait la liaison avec la
bibliothèque qui, elle, donne sur le réfectoire et la
cuisine. Le clocher a retrouvé la cloche qui date du 19e
siècle, et qui tinte joyeusement lors des offices. Trois
mezzanines sont encore à mentionner et le tour de la
bâtisse est fait.
Après l'architecture, qui constitue pour ainsi dire le corps
de l'ermitage, venons maintenant à l'iconographie qui en est
l'âme et lui donne vie.
À son arrivée en 1970, l'ermite ne trouva comme
iconographie que des noms, des dates et de petits coeurs que le
génie des passants avait gravés au cours des
années depuis l'abandon de la chapelle. Le tout d'ailleurs
était bien vétuste et il ne restait qu'à gratter
les murs et à les enduire de nouveau, ce qui a permis en
même temps de découvrir les niches qui étaient en
partie cachées, en partie réduites.
Les murs sont de nouveau enduits et la peinture des fresques est bien
avancée mais il reste encore du pain sur la planche. Le mot
fresques est mis entre guillemets car il ne s'agit pas de fresques
proprement dites, (celles-ci sont toujours peintes sur un support
frais, d'où le nom), mais de peintures murales
exécutées sur un support sec, c'est-à-dire al
secco . Ces deux techniques ont d'ailleurs toujours existé aux
cours des siècles et c'est abusivement que l'on appelle toutes
les peintures murales fresques .
L'abside, autrement dit le sanctuaire, représente dans la
voûte la Mère de Dieu qu'on appelle la plus vaste que
les cieux. Plus bas, tout autour, se tient le rang des
hiérarques. Chacun de ces évêques tient un
rouleau ouvert portant comme inscription un passage de la divine
Liturgie. Deux diacres, saint Etienne et saint Laurent, terminent
cette procession liturgique. Une autre rangée
d'évêques, en médaillons, se tient au-dessus de
l'iconostase, mais encore dans le sanctuaire. Le tout est
entouré de décorations stylisées, plus
exactement transfigurées car elles ne figurent plus la nature
déchue mais le monde sauvé comme toute l'iconographie
byzantine.
Élevée d'une marche, l'abside est séparée
de la nef par l'iconostase en pierre. L'iconostase, munie d'un seul
portique - la porte royale - est flanquée de deux
niches, l'une avec l'icône du Christ et l'autre avec celle de
la Toute-Sainte. Au-dessus figurent des chérubins et des
séraphins. Dans deux médaillons en bas sont
représentés le célèbre épisode de
saint Martin qui partage son manteau avec le pauvre et le martyr
Ménas sur son lion.
La nef est constituée de deux parties. Dans la première
partie, plus haute que l'autre, mais dont la voûte est plus
basse, l'iconographie est presque terminée.
Dans la niche nord est représentée
une scène de Pâques : les femmes myrophores devant
le tombeau du Christ, gardé par un ange. Le tout est
entouré de saints. La niche en face, à peine
commencée, représente deux médaillons de saints.
Sur un pilier se tient saint Pierre Orséolo (ou
Urséole), un ermite qui a vécu aux 10-11e
siècles dans la vallée d'à côté.
Les trois niches de la seconde partie de la nef sont peintes avec les
scènes suivantes : la Mère de Dieu Source de vie , la
fuite d'Élisabeth et la lapidation de saint Etienne, patron de
la chapelle. Au-dessus de la porte, qui est entourée
également de saints comme les niches, est écrit :
Cette chapelle de l'illustre archidiacre et protomartyr Etienne fut
construite au temps wisigoth et consacrée en l'an 975
après Jésus Christ .
Cette inscription comme toutes les inscriptions est écrite en
onciales romaines du 7e siècle qui s'harmonisent parfaitement
avec le tout. Toute cette iconographie de style byzantin ne
montre-t-elle pas ce que l'art roman serait devenu à peu
près, si l'Occident avait gardé l'orthodoxie au lieu de
tomber dans la décadence, laquelle a comme fruit le
naturalisme et l'humanisme, une autre forme d'arianisme ?
Au-dessus des niches se trouvent deux rangées de saints moines
et moniales, en médaillons entourés de branchages.
Encore plus haut est représentée l'Entrée de la
Toute-Sainte au Temple et en face les marchands du Temple (deux
scènes du Temple en plein contraste, une qui sanctifie et
l'autre qui profane). Tout en haut figure la sainte Face et une
rangée de justes et de prophètes. Sur les piliers
figurent des saints moines et stylites. Et tout en bas, des
médaillons peints sur des draperies, également peintes,
des animaux du paradis illustrant le passage du psaume qui dit :
Que tout ce qui respire loue le Seigneur.
Le mur ouest de la nef représente, en haut, la sainte
Trinité, telle qu'elle est apparue à Abraham sous le
chêne de Mambré. Plus bas, au-dessus du porche qui
communique avec le narthex, le Christ dans le paradis Il ne sommeille
ni ne dort comme dit le psaume. Quelques saints complètent le
tout.
Le narthex, peint à la chaux, abrite des icônes dont la
plupart sont récentes. Dorées en grande partie, elles
sont toutes peintes selon la tradition byzantine, à savoir
à la tempéra à l'oeuf.
Il ne reste plus qu'à dire encore quelques mots sur l'ermite
actuel qui trouvera, plaise à Dieu, un jour son repos au
côté des autres défunts qui sont enterrés
à l'est de l'ermitage.
La vie de l'ermite à été jusqu'à
présent loin de l'image d'Épinal qui veut l'ermite
assis paisiblement devant son ermitage égrenant son chapelet
et méditant de pieuses pensées. À peine sorti de
sa formation monastique dans différents monastères, il
a dû débuter dans cette ruine qu'était
l'ermitage, dans la pauvreté, la solitude, les hivers rudes
passons. Entre-temps, tout s'est mis en place et calmé, mais
il est obligé de s'occuper, en plus de sa vie d'ermite, de ses
devoirs de prêtre qui consistent entre autres dans
l'édition religieuse et dans la gestion du foyer qui, au
village, sert de centre d'accueil. C'est donc un va-et-vient entre
l'ermitage et le foyer.
La vie érémitique n'est pas un but mais un moyen, mais
le but est le salut qui est la vie en Dieu et en Dieu avec les
autres. Un jour, l'ermite s'inscrira dans l'histoire du lieu et son
seul souhait est que d'autres prennent la relève
jusqu'à ce que l'ermitage ait aussi achevé sa mission
pour laquelle il fut autrefois construit et toujours
entretenu.
Dans :
Pèlerin
(n 5775) 6 août 1995
Randonnées
...de Saint-Michel-de-Cuxa, ou Saint-Martin-du-Canigou, ou de
modestes ermitages comme celui qui domine une petite vallée
au-dessus de Clara. C'est ici que vit Cassien, moine et artiste. Il
occupe sa solitude en peignant des icônes et en couvrant son
modeste oratoire de fresques magnifiques. La porte du moine de la
chapelle, là-bas , comme on dit dans la vallée, s'ouvre
toujours aux rares marcheurs qui s'aventurent jusqu'à lui
GRANDS REPORTAGES
(Mars 1996 N 17 )
Article :
PYRÉNÉES INSOLITES
Jean-Christophe Pratt et Dominique Le Brun
Cette évocation de l'insolite pyrénéen culmine
au coeur du Roussillon montagnard, au berceau même de
l'architecture romane. Quelques randonneurs passant par là ont
dû se croire transportés dans les îles grecques en
croisant au détour d'un sentier perdu la haute silhouette en
soutane noire et la barbe poivre et sel d'un moine orthodoxe. Le
hiéromoine Cassien, allemand d'origine, a choisi les flancs du
mont Canigou pour redresser de ses mains l'ermitage où il vit,
reconstituant la sérénité colorée des
chapelles byzantines dans une bâtisse en pierre sèche,
à flanc de montagne.
Pendant des mois, il a monté les sacs de ciment, les tuiles et
les matériaux nécessaires à son oeuvre :
trois quarts d'heure de marche depuis le dernier point accessible
avec son petit 4 x 4. Puis, une fois les murs d'aplomb, il s'est
consacré à la décoration de son oratoire qu'il a
couvert de fresques sacrées. Aujourd'hui, rares sont les jours
où il ne prend pas son pinceau pour peaufiner un
détail. Le reste du temps, on le voit occupé à
gagner sa vie, en faisant les vendanges par exemple à moins
qu'il ne soit devant son ordinateur, plongé dans la
rédaction d'un bulletin d'information sur l'orthodoxie.
Étonnant... quoique, à bien y regarder, on finisse par
trouver un air de Péloponnèse au paysage de garrigue
qui entoure l'ermitage
Après la Pentecôte et l'effusion du saint
Esprit sur les apôtres, nombreux furent ceux qui
commencèrent à se convertir, saisis par les paroles de
feu des apôtres et par leurs prodiges. Une fois devenus membres
du Corps du Christ par le saint baptême, les croyants
abandonnaient tous leur biens pour les déposer aux pieds des
apôtres et, se détachant ainsi de tout lien et de toute
affection, ils menaient vie commune, n'ayant qu'un coeur et qu'une
âme. Après s'être acquittés
assidûment de leurs devoirs religieux au temple, ils se
réunissaient pour suivre l'enseignement des apôtres,
louer le Seigneur Jésus Christ et participer avec
allégresse au festin de la vie éternelle, la sainte
Eucharistie, sceau de leur communion avec Dieu et de leur mutuelle
charité (cf. Ac 2,42-47; 4,32-34).
Comme le nombre des disciples augmentaient sans cesse, les Douze
décidèrent de désigner sept frères,
appréciés de tous pour leur sagesse et remplis de
l'Esprit saint, pour les soulager dans le soin matériel de la
communauté, notamment dans le service des frères
pendant les repas communs et dans l'assistance des veuves et des
déshérités, de sorte que les apôtres
pussent se consacrer sans autre souci à la prière et
à l'enseignement. Ces sept diacres auxquels les apôtres
imposèrent les mains, étaient: Etienne, Philippe,
Prochore, Nicanor, Timon, Parménas et Nicolas (Ac 6,1-6).
L'activité d'Etienne, qui était à leur
tête, s'étendait bien au-delà de la seule
subsistance matérielle de la communauté. Rempli de la
grâce du saint Esprit pour accomplir des miracles et parler
avec l'autorité des envoyés de Dieu, il faisait
l'admiration de tous, à tel point qu'un jour, des Juifs,
furieux de ne pas pouvoir répondre à ses arguments,
l'accusèrent faussement de blasphème et de complot
contre les institutions de la Loi, et le traduisirent devant le
Sanhédrin, le tribunal du grand-prêtre.
Le jeune homme s'avança sans crainte devant les juges et
l'Esprit que le Christ a promis de donner à ses disciples en
de telles circonstances (Mt. 10,19), lui inspira un discours
enflammé, dans lequel il rappelait aux Juifs durs de coeur
quelle bienveillance et quelle patience Dieu n'a cessé de
montrer pour son peuple, promettant son alliance aux patriarches et
venant sans cesse au secours de ses élus. Merveilles,
prodiges, actions d'éclat, promesses,
révélations terrifiantes par l'entremise de Moïse,
au Sinaï, dans le désert et dans toute l'histoire
d'Israël, sans se lasser Dieu fit tout pour élever son
peuple au-dessus de l'attachement aux créatures et pour le
délivrer de l'idolâtrie; mais toujours ils
résistèrent, et lorsque vint sur la terre la promesse
des patriarches et l'accomplissement des prophéties, ils
montrèrent le même coeur incirconcis, la même
résistance obstinée aux voies de l'Esprit saint :
Tels furent vos pères, tels vous êtes ! Lequel des
prophètes vos pères n'ont-ils pas
persécutés ? ils ont tué ceux qui
prédisaient la venue du Juste, celui-là même que
maintenant vous venez de trahir et d'assassiner. (Ac 7,51-52).
La grâce de Dieu, qui remplissait le coeur d'Etienne et le
rendait semblable au ciel, faisait jaillir de sa bouche ces paroles
inspirées et se répandait aussi sur son corps,
irradiant son visage d'une lumière divine, comme le Seigneur
le jour de sa Transfiguration (cf. Mt 17,6; Luc 9,29). En le voyant
ainsi revêtu de gloire étincelante, tel un Ange de Dieu
(Actes 6, 15), les Juifs siégeant au tribunal
grinçaient des dents de haine, et leur rage éclata
quand, levant les yeux au ciel et contemplant la Gloire de Dieu et
Jésus debout à la droite du Père aussi
clairement que lorsqu'Il reviendra à la fin des temps, le
saint s'écria : Je vois les cieux ouverts et le Fils de
l'homme debout à la droite de Dieu. (Ac 7,56). Incapables de
supporter cette révélation de l'exaltation au ciel de
Jésus Christ et de son séjour corporel dans le sein de
la bienheureuse Trinité, les Juifs se bouchèrent les
oreilles et, se ruant sur Etienne, ils le menèrent hors de la
ville où ils le lapidèrent.
Tandis qu'on le mettait ainsi à mort,
Etienne, calme et radieux, exultait de joie de suivre ainsi l'exemple
de son Maître, et les pierres qu'on lui jetait devenaient pour
lui autant de degrés qui l'élevaient jusqu'à la
vision glorieuse du Christ qu'il avait entrevue. En invoquant le Nom
du Seigneur, il laissa échapper dans son dernier souffle,
comme Jésus Christ sur la croix, ce cri de suprême amour
pour ses ennemis : Seigneur, ne leur impute pas ce
péché ! (Ac 7,60. Cf. Luc 23,34).
Ornant l'Église des perles précieuses de son sang,
Etienne fut le premier à emprunter la voie que le Christ a
ouvert vers le ciel par sa Passion. Sa mort volontaire pour la
vérité lui a ouvert les cieux et lui a fait voir la
Gloire de Dieu. Son parfait amour envers Dieu et pour son prochain,
allant jusqu'au pardon de ses bourreaux, l'a fait siéger au
premier rang des amis de Dieu; c'est pourquoi les fervents
émules des martyrs qui contemplent en ce jour la
lumière resplendissante de son visage mêlée
à celle de l'astre de Bethléem, ont foi en son
intercession.
Le corps de saint Etienne, enseveli par des hommes pieux, fut
retrouvé en 415 à Caphargamala par le prêtre
Lucien, à la suite d'une apparition, et
transféré à Jérusalem dans
l'église bâtie en son honneur par l'impératrice
Eudocie, épouse de Théodose le Jeune. Par la suite, on
les transféra de nouveau à Constantinople.