Dimanche des Rameaux


L'Entrée de Notre Seigneur dans Jérusalem

Au Nom du Père, et du Fils, et du saint Esprit.
Que le Nom de notre Seigneur Dieu soit glorifié, que le Nom de notre Seigneur Jésus Christ soit glorifié par chaque bouche et dans chaque cœur de nous tous qui avons été jugés dignes, par la grâce et la compassion de la Toute Sainte Trinité, de traverser ce temps béni du Grand Carême, d'avoir traversé ce stade des vertus.
Ayant participé à, et ayant reçu de cette période bénie, bénie comme elle est bénie par la Sainte Trinité avec tous les dons desquels nous sommes capables de recevoir, avec tout ce que la Sainte Trinité a pu donner dans nos cœurs, chacun de nous selon sa capacité, car beaucoup parmi nous ont des cœurs très étroits, et nous ne pouvons pas contenir beaucoup en termes de bénédiction. Nous le voudrions, mais nos cœurs sont encore resserrés, nos cœurs sont encore étroits à cause de nos péchés, parce que nous ne nous sommes pas encore débarrassés de ces choses qui rendent impossible pour la grâce de la sainte Trinité de nous remplir complètement.
Néanmoins, béni est le Nom de notre Seigneur Dieu qui nous a permis de traverser cette période du Grand Carême. Béni est son Nom, puisqu'Il nous a permis de participer à ces deux jours qui sont entre le Grand Carême et la Semaine Sainte, c'est-à-dire la commémoration de la résurrection de Lazare, et la commémoration de son entrée dans la sainte ville de Jérusalem. Ces jours bénis qui sont une préparation à la Résurrection, ces jours bénis qui prêtent l'oreille et qui envoient nos voix sauter en avant, anticipant le jour de Pâques. Bien que nous sachions que nous avons les jours de la Semaine Sainte à venir, néanmoins l'Église nous a donné, comme un petit avant-goût, ces deux jours bénis de réjouissance, ces deux jours bénis de célébration en l'Esprit, ces deux jours pendant lesquels, pour un moment, nous mettons de côté le caractère sombre du Grand Carême, alors que nous nous préparons à entrer dans le caractère sombre et solennel de la Semaine Sainte. Nous les mettons de côté pour un instant, et nous sommes rafraîchis, et nous respirons. Nous pouvons sentir les fleurs douces du printemps, et nous pouvons sentir et goûter et ressentir les gloires de la Résurrection comme un avant-goût, comme une préparation aux jours qui viennent.
Béni est le Seigneur Dieu qui nous a permis encore une fois de nous embarquer, à partir de ce soir, sur ces jours extraordinaires de la Semaine Sainte. Dans le christianisme nous ne parlons jamais d'être des spectateurs d'aucune des fêtes, d'aucun de ces jours bénis dans l'année ecclésiastique. Nous parlons toujours de participation. Car pour le chrétien orthodoxe, ces jours bénis, tous les jours du Grand Carême, le Samedi de Lazare, le Dimanche des Rameaux, la Semaine Sainte, et puis Pâques, toutes les fêtes de l'année, qu'elles soient celles de la Menée, ou qu'elles soient celles du cycle de la Pentecôte, du cycle de Pâques, toutes celles-là sont le pouls de la vie d'un chrétien orthodoxe. Un chrétien orthodoxe ne peut pas plus se séparer lui-même des fêtes et des jeûnes de l'Église, qu'il ne peut se séparer du battement même de son cœur et de l'aspiration rythmique de l'air dans ses poumons. Il serait tout aussi impossible pour un chrétien de ne pas noter le calendrier des fêtes et le cycle de l'année, qu'il le serait pour lui d'arrêter son cœur et d'arrêter de respirer. Car ce que le cœur et les poumons sont pour le corps, ainsi est l'année ecclésiastique pour l'âme d'un chrétien. A tel point sont les fêtes de l'Église intégralement liées avec nos vies.
Donc, alors que nous nous approchons de la Semaine Sainte, souvenons-nous encore une fois qu'il y avait deux catégories de personnes aux temps de notre Sauveur Jésus Christ a cette caractéristique. Il devient Lui-même la ligne de démarcation. Toutes ces choses que le monde dit que Jésus Christ unit, toutes les personnes en tout lieu, si elles peuvent être unies en Lui, oui, mais Il n'unit pas les âmes dissemblables. Je suis venu apporter la division sur la terre, dit Jésus Christ. Je suis venu mettre la division entre un homme et sa famille, et sa femme, et ses enfants. Je suis venu apporter l'épée. Cela est ce que dit Jésus Christ, et cela est vrai dans chaque aspect de son existence ici sur la terre, dans chaque aspect de sa prédication, dans chaque aspect de tout ce qui concerne Jésus Christ.
Dans la Passion, Jésus Christ nous divise. Il nous divise entre ces personnes qui participent à sa Passion, et ces personnes qui regardent, ou même ignorent sa Passion. La Passion de notre Sauveur Jésus Christ, pour les chrétiens orthodoxes, n'est pas quelque chose à être regardé; ce n'est pas quelque chose où nous voyons les beaux services, et nous entendons les beaux hymnes, et nous regardons les aspects variés de cette belle saison. Les gens à Jérusalem ont fait cela; les principaux sacrificateurs l'ont fait; le peuple qui était si inconstant, qu'un jour ils criaient, Hosanna ! et accueillaient Jésus dans la ville sainte, et le jour suivant ils étaient prêts, en l'espace de quelques heures, à hurler – selon l'endroit et selon le caprice de ceux sous l'influence desquelles ils étaient – Crucifie-Le! Crucifie-Le!
Pour un chrétien orthodoxe il n'y a pas un tel caractère superficiel. Un orthodoxe est compté, soit avec Jésus Christ, et sa Mère, et ses apôtres et ses disciples, ou il est compté avec les spectateurs qui regardaient. Il est compté avec Jésus Christ, et sa sainte Mère, et les saints apôtres en ce sens qu'il participe à ces choses qui sont commémorées pendant la Semaine Sainte. Car son cœur est déchiré par l'arrestation de notre Sauveur; son cœur est blessé chaque fois que notre Sauveur est frappé; son sens de justice et de droiture est outragé par le procès injuste de Jésus Christ. Son front est ensanglanté par la couronne d'épines, et son dos est blessé de marques de coups sanglantes quand le Christ est battu. Il sent sur son dos, le chrétien orthodoxe, le poids de la Croix, et il devient un autre Cyrènien cherchant le mieux qu'il peut à alléger le fardeau de la Croix sur les épaules blessées de Jésus Christ, spécialement en se tenant éloigné du péché. Car ce n'est pas la charge de la Croix qui pesait sur notre Sauveur, mais le fardeau de nos péchés qui s'appesantissait sur Lui.
Nous goûtons le fiel, nous sentons les clous, nous goûtons même du désespoir.
Cela est la Semaine Sainte d'un orthodoxe. Cela est l'observation par un fidèle orthodoxe de ce temps central, ce temps le plus crucial dans l'année ecclésiastique. Cela est comment un orthodoxe observe la Semaine Sainte.
Beaucoup parmi nous ont déjà commencé à se préparer pour Pâques. Nous avons nettoyé nos maisons, nous avons peint, nous avons fait des courses. Il y a dans nos réfrigérateurs déjà des œufs et du lait, et du fromage et du beurre, et de l'agneau et des saucisses et du jambon et ainsi de suite. Nous avons sorti les décorations, nous avons choisi les vêtements que nous espérons porter le jour de Pâques, et pour nous mêmes et pour nos enfants. Et tout cela est bien, il n'y a pas de mal à cela. A condition que cela ait une signification; à condition que cette célébration ait un sens; à condition que cette anticipation pour la Résurrection ait du fond. Si aujourd'hui Jésus est entré dans votre cœur comme Il est entré dans Jérusalem, alors vous êtes justifiés à anticiper sa Résurrection. Si aujourd'hui vous avez fait de la place pour Lui dans votre cœur, de sorte que là, dans votre cœur, Il puisse être arrêté, Il puisse être jugé, Il puisse être battu, Il puisse être craché dessus; si là dans votre cœur notre Sauveur Dieu peut être crucifié; si là dans votre cœur vous goûterez l'amertume du fiel et du vinaigre, alors vous êtes justifié à anticiper Pâques, et à faire des courses pour Pâques, et à vous préparer pour Pâques. Si toutes ces choses de la Semaine Sainte vont avoir lieu dans votre cœur, alors, que Dieu bénisse tout dans votre réfrigérateur; que Dieu bénisse vos vêtements de Pâques; que Dieu bénisse vos préparatifs pour Pâques, car ils ont un sens. A Dieu ne plaise que toutes ces courses et toute cette préparation soient simplement une observance de coutumes populaires, une observance de nos traditions, une observance qui a aussi peu de sens pour la plupart des gens que d'observer les rituels d'une tribu de Patagonie, d'un groupe inconnu de personnes en Terre de Feu, ou en Nouvelle-Guinée. Que cela ne soit pas ainsi.
Comment participerons-nous à la Semaine Sainte ? Car je parle de choses terribles. Qui parmi nous peut vraiment, vraiment imiter en lui-même les souffrances de Jésus ?
Nous avons un peu de peau qui s'est détaché de l'ongle, et on croirait que c'est la fin du monde; nous avons mal à la tête et nous devenons des monstres; nous perdons patience à la moindre douleur, à la moindre irritation, à la moindre frustration. Nous sommes prêts à bondir sur quiconque nous gêne, surtout quand nous sommes occupés.
Alors comment, ayant des constitutions si chétives, pouvons-nous participer à la Semaine Sainte ? Mes chers frères et sœurs, notre Seigneur a pitié de nous. Il sait ce que nous pouvons supporter; Il connaît notre capacité; Il sait combien nous sommes faibles. Et il en est ainsi qu' Il nous envoie non pas les choses terribles qu'Il a souffertes, Il nous envoie des petites difficultés : un mot cinglant de notre femme; un regard dur de notre mari; un enfant peu coopératif; la circulation dense; pas de place pour garer la voiture quand nous arrivons à l'église; le bruit, les ennuis – toutes ces choses. Afin que, quand nous nous sentons un peu gênés, peut-être nous penserons et nous nous souviendrons de l'emprisonnement de notre Sauveur. Si quelqu'un est impoli envers nous, peut-être nous pouvons penser au flagrant irrespect des gifles et des crachements que le visage de notre Sauveur a supportés. Peut-être avec l'irritation et la déception d'un enfant, d'un époux, d'un ami, nous pouvons goûter un peu du fiel de la Croix, et du désespoir que notre Sauveur s'est permis d'éprouver afin qu' Il éprouve tout de l'humanité, Lui causant de s'écrier à son Père qu' Il avait été abandonné.
Parce que si nous pouvons faire cela, si nous pouvons vivre la Semaine Sainte, alors à la fin de l'arrestation, de la trahison, du procès, des coups, des crachements, des mauvais traitements, de la Croix – à la fin de tout cela, à la fin de l'ensevelissement, si notre cœur a été Jérusalem tous ces jours, alors sûrement notre cœur sera Jérusalem de nouveau, mais maintenant le Jérusalem de résurrection, le Jérusalem de lumière, le Jérusalem du salut, le Jérusalem du repos céleste.
Et nous pourrions vraiment dire que nous avons célébré la Pâque de notre Sauveur. Alors notre table couverte de toutes les bonnes choses ne signifiera pas simplement qu'un pauvre agneau devait mourir pour que nous puissions manger, mais plutôt que dans cet agneau, nous nous souvenons du Grand Agneau qui fut sanctifié et sacrifié pour notre salut. Chaque morceau que nous mangeons sera en action de grâce, et chaque fois que nous disons, le Christ est Ressuscité, cela ne viendra pas de lèvres vides, mais de personnes pour qui la Résurrection est une expérience véritable, car leurs âmes auront été ressuscitées; leurs cœurs bondiront d'une chambre de mort; et leur maisonnée entière sera remplie de la lumière de Pâques.
A chacun de nous je ne souhaite rien d'autre que la participation à la Semaine Sainte, et une véritable célébration de Pâques, une Pâque du Seigneur, notre Seigneur Jésus Christ, qui pour l'amour de nous a subi tout, afin qu' Il puisse être ressuscité, et avec Lui nous ressuscite. A Lui, à son Père, et au saint Esprit, soit gloire et honneur aux siècles des siècles. Amen.

père Anthony