NUMÉRO 122
mars2009
Bulletin des vrais

chrétiens orthodoxes

sous la juridiction de

S. B. Mgr. Nicolas

archevêque d'Athènes

et primat de toute la Grèce

Archimandrite Cassien
Foyer orthodoxe
F 66500 Clara
Tel : 00 30 6949577884
cassien@orthodoxievco.info

 SOMMAIRE

NOUVELLES

LE DIMANCHE DE ZACHƒE

LES PéRES DE LՃGLISE : Saint Ephrem le Syrien

LES TROIS PARABOLES

DE LA VIE DE SAINT BASILE LE GRAND

PREMIéRE HOMELIE DE L'ARCHEVęQUE PHILARéTE

DE LA VIE DE SAINT NICƒTIUS

REClT DU PAPE ET PATRIARCHE JOACHIM D'ALEXANDRIE

UNE INTERVENTION DE SAINT CHARALAMPE

QUESTIONS ET RƒPONSES


Paris

NOUVELLES

Je publie ce bulletin sur le site sans savoir quand il sera imprimŽ Š Dieu seul le sait.

Je viens de rentrer de Paris, o jÕai passŽ quelques jours afin de rendre visite ˆ nos nouveaux fidles, qui habitent dans cette rŽgion. Tout cÕest trs bien passŽ. Maintenant il faudra passer ˆ la prochaine Žtape : ouvrir une chapelle. Que le Seigneur nous vienne en aide !

Ici en Grce rien ˆ signaler. Je suis toujours affectŽ ˆ lÕarchevchŽ et jÕhabite enfin au deuxime Žtage, o les conditions sont plus vivables. JÕaurai aussi le tŽlŽphone fixe ces jours-ci.

V™tre en Christ,
archimandrite Cassien

AVEC NOS FIDéLES RUSSES (LES GƒORGIENS MANQUENT SUR LE PHOTO)
 


sentence

LE DIMANCHE DE ZACHƒE

 

JŽsus, Žtant entrŽ dans JŽricho, traversait la ville. Et voici, un homme riche, appelŽ ZachŽe, chef des publicains, cherchait ˆ voir qui Žtait JŽsus; mais il ne pouvait y parvenir, ˆ cause de la foule, car il Žtait de petite taille. Il courut en avant, et monta sur un sycomore pour Le voir, parce quÕIl devait passer par lˆ. Lorsque JŽsus fut arrivŽ ˆ cet endroit, Il leva les yeux et lui dit : ZachŽe, h‰te-toi de descendre; car il faut que Je demeure aujourdÕhui dans ta maison. ZachŽe se h‰ta de descendre, et Le reut avec joie. Voyant cela, tous murmuraient, et disaient : Il est allŽ loger chez un homme pŽcheur. Mais ZachŽe, se tenant devant le Seigneur, Lui dit : Voici, Seigneur, je donne aux pauvres la moitiŽ de mes biens, et, si jÕai fait tort de quelque chose ˆ quelquÕun, je lui rends le quadruple. JŽsus lui dit : Le salut est entrŽ aujourdÕhui dans cette maison, parce que celui-ci est aussi un fils dÕAbraham. Car le Fils de lÕhomme est venu chercher et sauver ce qui Žtait perdu. (Luc 19,1-10)

QuÕest-ce que lՎvangile dÕaujourdÕhui peut nous apprendre ? Commenons un par un :
JŽricho, o lՎpisode se passe, est une ville dans la plaine de Moab. CÕest lˆ que le Seigneur a fait voir ˆ Mo•se, sur le mont Nebo, la Terre promise. Mo•se devait monter sur la montagne, et ZachŽe sur un sycomore pour voir les Merveilles de Dieu. Ė JŽricho se passa Žgalement lՎpisode avec Rahab la prostituŽe et les espions (cf. Jos 6) et cÕest cette mme ville que JosuŽ a maudite, aprs avoir dŽtruit la ville : ĒMaudit soit devant le Seigneur lÕhomme qui se lvera pour reb‰tir cette ville de JŽricho ! Il en jettera les fondements au prix de son premier-nŽ, et il en posera les portes au prix de son plus jeune fils.Č (Jos 6,26) Cette malŽdiction a eu son effet car nous lisons dans I Roi (16,34) : ĒDe son temps, Hiel de BŽthel b‰tit JŽricho; il en jeta les fondements au prix dÕAbiram, son premier-nŽ, et il en posa les portes au prix de Segub, son plus jeune fils, selon la parole que le Seigneur avait dite par JosuŽ, fils de Nun.Č
Dans lՎvangile est relatŽe la guŽrison de BartimŽe, un mendiant aveugle, qui Žtait assis au bord du chemin, ˆ la sortie de JŽricho. (Mc 10,46) BartimŽe y Žtait assis pour mendier et, de son c™tŽ, ZachŽe le Publicain savait que le Christ devait passer par lˆ et il monta sur un sycomore afin de Le voir au moins. ĒZachŽe Žtait montŽ sur un sycomore, lÕaveugle Žtait assis le long du chemin; le Seigneur attend lÕun pour le guŽrir, Il honore lÕautre en daignant descendre dans sa maison.Č (saint Ambroise de Milan)
De ZachŽe il est dit quÕil Žtait chef des publicains, cÕest-ˆ-dire plus quÕun simple publicain. Les publicains et les prostituŽes ont eu la mme mauvaise renommŽe, mais on les voit se tourner vers Dieu plus facilement que ceux qui se croyaient justifiŽs. Pensons ˆ la parabole du Publicain et du Pharisien, que nous lisons dimanche prochain. Matthieu lՎvangŽliste Žtait aussi publicain, et nous avons dŽjˆ mentionnŽ Rahab la prostituŽe. Il est Žcrit : ŅsÕil refuse aussi dՎcouter lՃglise, quÕil soit pour toi comme un pa•en et un publicain.Č (Mt 17,18) Donc tre publicain nŌŽtait pas un titre de noblesse, pas plus quՐtre prostituŽe. Ce nՎtait donc pas pour rien quÕon se scandalisait quand le Seigneur les frŽquentait. ĒVoyant cela, tous murmuraient, et disaient : Il est allŽ loger chez un homme pŽcheur,Č dit lՎvangile dÕaujourdÕhui.
ĒConsidŽrez lÕexcessive BontŽ du Sauveur : innocent, Il Se mle aux coupables; Source de toute justice, Il entre en relation avec lÕavarice qui est la cause de toute perversitŽČ, nous dit le grand Chrysostome. Et un peu plus loin, il dit : ĒMais JŽsus, accusŽ dՐtre le convive et lÕami des publicains, dŽdaigne ces calomnies pour accomplir son Īuvre; car le mŽdecin ne peut guŽrir les malades quՈ la condition de supporter ce que leurs plaies ont de rebutant.Č
Pourquoi le Fils de lÕhomme agit-Il ainsi ? On pourra dire : ĒParce que celui-ci est aussi enfant dÕAbraham.Č Aucune brebis ne dŽdaigne Celui qui est venu chercher la brebis ŽgarŽe. ĒCar le Fils de lÕhomme est venu chercher et sauver ce qui Žtait perdu Č prŽcise lՎvangŽliste. Saint Jean Chrysostome dit ailleurs : ĒPourquoi me faire un crime de chercher ˆ ramener les pŽcheurs ? Je suis si loin de les ha•r quÕils sont la cause de ma Venue sur la terre; Je suis venu comme mŽdecin et non comme juge, aussi Je ne dŽdaigne pas de devenir le convive des malades, et Je supporte la mauvaise odeur de leurs plaies, afin de pouvoir y appliquer des remdes plus efficaces.Č
On parle aussi de la foule dans lՎvangile. CÕest cette foule qui dŽfendait ˆ lÕaveugle de demander ˆ JŽsus par ses cris de lui rendre la vue, et elle est aussi lÕobstacle qui empche ZachŽe de voir le Sauveur. CÕest cette foule sans nom qui est poussŽe par ses passions et qui criait plus tard : ĒCrucifie-LeČ, peu aprs avoir criŽ : ĒHosanna au Fils de David.Č Cette instabilitŽ lui est caractŽristique car elle se fie ˆ lÕapparence. Ē La foule reprŽsente cette multitude ignorante et tumultueuse qui nÕa pu Žlever ses regards jusquÕau sommet de la sagesse; aussi longtemps que ZachŽe demeure dans la foule, il ne peut voir JŽsus Christ, mais aussit™t quÕil sՎlve au-dessus de cette multitude ignorante, il mŽrite de recevoir dans sa maison Celui quÕil dŽsirait voir simplement, nous dit saint Cyrille.
Pourquoi ZachŽe dŽsirait-il voir JŽsus ? ĒLa semence du salut avait germŽ dans son ‰me, puisquÕil dŽsirait voir JŽsusČ, dit un autre pre quelque part. Il avait certainement entendu parler du Messie et il voulait en avoir le cĻur net. Quelque chose le travaillait : le remords de sa conscience, la Gr‰ce de Dieu.
Il courait mme :ŹĒCourant donc en avant, dit lՃvangŽliste, il monta sur un sycomore pour Le voir, parce quÕIl devait passer par lˆ.Č Il nՎtait pas tide et la parole de lŌApocalypse : Ēparce que tu es tide, et que tu nÕes ni froid ni bouillant, Je te vomirai de ma Bouche,Č ne sÕappliquait pas ˆ lui. Cette disposition de cĻur poussa le Sauveur ˆ SÕadresser ˆ lui et ˆ se faire inviter. ĒZachŽe, h‰te-toi de descendre; car il faut que Je demeure aujourdÕhui dans ta maison.Č ĒZachŽe, de son c™tŽ, nÕa point mis le moindre retard, et sÕest ainsi montrŽ digne de la MisŽricorde de Dieu, qui rend la vue aux aveugles, et appelle ceux qui sont ŽloignŽs,Č dit saint Cyrille dÕAlexandrie. Saint Ambroise dit : ĒSans tre invitŽ, Il SÕinvite Lui-mme ˆ descendre chez lui : Et lÕayant vu, Il lui dit : ZachŽe, descendez vite, etc. Il savait que lÕhospitalitŽ quÕIl demandait serait largement rŽcompensŽe, et bien quÕIl nÕežt pas encore entendu ZachŽe Lui adresser dÕinvitation, Il voyait les sentiments de son cĻur.Č ĒEt Le reut avec joie,Č dit lՎvangile. Il espŽrait tout juste voir le Messie et voilˆ, Celui-ci daigne descendre dans sa maison, la maison dÕun publicain; il Žtait donc au comble de la joie.
Ē Voyant cela, tous murmuraient, et disaient : Il est allŽ loger chez un homme pŽcheur,Č continue lՎvangŽliste. En entendant ces remarques, ZachŽe se dŽfend : ĒVoici, Seigneur, je donne aux pauvres la moitiŽ de mes biens, et, si jÕai fait tort de quelque chose ˆ quelquÕun, je lui rends le quadruple,Č disait-il au Seigneur. Il Žtait prt ˆ partager son bien avec les pauvres et ce quÕil avait mal acquis, il voulait le rendre au quadruple. Il Žtait prt ˆ faire mme plus que ce que la loi prescrivait et ˆ rendre au quadruple. La Loi ne dit que : Ēsi ce quÕil a dŽrobŽÉ, il fera une restitution au double.Č (Ex 22,4)
Le Christ voyait la disposition de son cĻur tout contrit et, au lieu de lui faire des reproches, Il lui disait : Ē Le salut est entrŽ aujourdÕhuiČ et la suite. La mme attitude compatissante que pour la femme adultre et Žvidemment comme chaque fois que le Sauveur voyait du repentir sincre. Comment peut-Il faire autrement Celui qui nous parle dans la parabole du Fils prodigue de ce pre dont la misŽricorde est conditionnŽe par lÕamour paternel. Notre justice ˆ nous est plut™t basŽe sur des raisonnements humains et sur des apparences comme ce mŽtier de publicain, qui causait du scandale ˆ nos semblables.
Pourquoi lՃglise a-t-elle mis cette pŽricope de lՎvangile juste avant le Triode ? Par pur hasard ? Il nÕy a pas de hasard ni dans lՃglise ni dans lՃconomie de Celui qui est venu faire la VolontŽ de Celui qui LÕa envoyŽ. CÕest cette VolontŽ divine qui dirige lՃglise et qui a dirigŽ les pas du Seigneur. Voilˆ la raison de fond. Il y a certes des raisons secondaires, mais, au lieu de tout vous m‰cher, je laisse ˆ chacun de les trouver. Pour finir, il ne me reste qu'ˆ vous souhaiter que chacun de nos pas soit Žgalement dirigŽ par la VolontŽ divine.


Archimandrite Cassien

sentence

LES PéRES DE LՃGLISE
(suite)

Athanase Fradeaud

Saint Ephrem le Syrien
(ftŽ le 28 janvier)

Le saint que nous allons suivre aujourdÕhui sur le chemin de Ēsa vie en ChristČ ne se voit pas connu dans toute sa plŽnitude dans lÕOccident post-orthodoxe. Certes, son nom continue de figurer dans les ĒpatrologiesČ o lÕon en dit grand bien, mais o son rayonnement est comme limitŽ, tant lÕon souligne quÕen fait Ēil nÕa pas creusŽ trs avant dans le dogmeČ et ne sÕest pas livrŽ ˆ des spŽculations philosophiques et thŽologique. On oublie ainsi lÕaphorisme bien connu nous apprenant ĒquÕil est meilleur de se purifier pour Dieu que de parler de DieuČ, tout comme la simple sagesse qui nous apprend quÕil convient de se purifier avant dÕaborder le sujet le plus sublime qui soit. Cet Žtonnement ne doit pas nous surprendre, car le R.P. GuettŽe le signalait en son temps en Žcrivant dans son ĒHistoire de lՃgliseČŹ: ĒQuoique la VŽritŽ rŽvŽlŽe ne puisse progresser, puisquÕelle est lÕexpression mme de lÕętre infini, lÕintelligence peut progresser dans sa connaissance. Seulement, la base fondamentale du progrs dans la connaissance du dogme, cÕest quÕil reste dans sa nature, autrement, il y aurait changement et non progrsČ. Et saint Ephrem qui ne se livrait ˆ aucune spŽculation correspond ˆ ce que le mme auteur ajoute en lÕespceŹ: ĒLes Pres de lՃglise par leurs immortels ouvrages, o lÕessence des dogmes Žtait respectŽe, dŽveloppaient dans lՃglise une intelligence supŽrieure des doctrines divines et Žlevrent lÕesprit humain ˆ une hauteur quÕil nÕa pas dŽpassŽČ. Tout ceci est valable bien sžr pour tous les Pres selon leur charisme propre; nous verrons quÕil en fut de mme pour saint Ephrem lorsquÕil utilisa le talent quÕil avait reu.
EphremEphrem le Syrien naquit ˆ Nisibe en MŽsopotamie, raison pour laquelle il est parfois nommŽ Ephrem de Nisibe par certains. AttirŽ trs t™t par la VŽritŽ chrŽtienne, il dut subir trs jeune une rude Žpreuve. En effet, ˆ cause de son amour pour la Bonne Nouvelle du Christ, il suscita lÕire de son pre qui Žtait prtre pa•en. Ce dernier le chassa dÕailleurs de la maison paternelle. Cette Žpreuve, Dieu la changea en bŽnŽdiction, puisquÕil inspira au saint Žvque Jacques (mŽmoire le 13 janvier) qui le recueillit et lÕinstruisit comme son fils spirituels. CÕest ainsi que le jeune Ephrem put sÕimbiber entirement de lÕexemple de son ma”tre, ˆ la manire dont une mche de veilleuse sÕimbibe de lÕhuile qui la contient. Il ne manqua pas de tirer son miel de vertus non seulement dÕun tel enseignement, mais aussi de tels exemples. Son application dans les exercices spirituels lui obtint du Seigneur bien des dons spirituels, comme celui de pouvoir gouverner les mouvements de son ‰me et ne pas laisser la moindre pensŽe mauvaise prendre possession de son esprit. Le dŽpouillement quÕil pratiqua, selon les prŽceptes de lՎvangile, pour imiter les ap™tres, lui obtint de Dieu la componction et les larmes continuelles, ˆ propos desquelles les Pres ont ditŹ: ĒLorsque les larmes viennent, tout cesse, mme la prireČ. Pendant des annŽes, les eaux purificatrices de ses larmes ne cessrent de couler, tant ses yeux purifiŽs avaient ŽtŽ transformŽs en sources intarissables. Et cet homme dŽifiŽ sut dŽlivrer un enseignement si purificateur que bien des larmes de repentir coulrent plus tard des yeux de ses fidles auditeurs. Ce qui contribue ˆ sa gloire et obtint la reconnaissance impŽrissable de ceux quÕil remit alors sur la voie droite.
CÕest vers lՉge de vingt ans quÕil reut le baptme. Il se retira alors au dŽsert, fuyant le trouble de la ville, afin de vivre dans lÕhŽsychia. Il passait de lieu en lieu, sans sÕarrter nulle part, en suivant lÕinspiration du saint Esprit qui lui servait de guide, lÕamenant lˆ o Il le voulait pour sa sanctification et celle de ses frres. En suivant son chemin, il le parsemait dÕexemples vertueux. LÕun dÕeux servit dÕoccasion de repentir ˆ une femme qui se prostituait. La rencontrant, il fit mine dÕaccepter ses propositions et, lÕinvitant ˆ le suivre, lÕamena sur la place publique, au lieu de rechercher un lieu discret pour cacher le pŽchŽ. Ė la prostituŽe qui lui demandait pourquoi il lÕamenait lˆ, et pourquoi il nÕavait pas honte dÕexposer une telle situation aux yeux des hommes, Ephrem rŽponditŹ: ĒMalheureuse, tu crains le regard des hommes et tu ne crains pas le Regard de Dieu qui voit tout et jugera tout au dernier jour, nos actions et nos pensŽes les plus secrtes.Č Saisie de crainte, la malheureuse femme se repentit et se laissa conduire vers un lieu o elle pourrait faire son salut. CÕest ainsi quÕil parvint ˆ la ville dՃdesse ˆ la recherche dÕun compagnon avec lequel il pourrait mener la vie angŽlique et lutter dans le stade ascŽtique du monachisme.
Il nÕy resta que quelques annŽes, avant de retourner au dŽsert continuer la lutte. CÕest dans son hŽsychia quÕil lui fut accordŽ la gr‰ce de voir le grand saint Basile dans une vision, Ētel une colonne de feu unissant la terre au cielČ. Il dŽsira alors vivement de le conna”tre, dirigea ses pas vers la Cappadoce et arriva ˆ ƒdesse le jour de la ThŽophanie au moment mme o le saint hiŽrarque cŽlŽbrait la divine Liturgie. Assistant ˆ lÕhomŽlie du saint Žvque, il vit une colombe blanche posŽe sur son Žpaule et comprit combien Basile Žtait inspirŽ par lÕEsprit divin. CÕest par un signe semblable que saint Basile fut averti de la prŽsence dÕEphrem, recevant aussi de Dieu la connaissance de sa vertu. LÕenvoyant chercher, il rŽpondit ˆ la requte du saint ermite qui lui demanda dÕobtenir de Dieu pour lui la gr‰ce de parler la langue grecque, comme sÕil la possŽdait de naissance. Ce que saint Basile obtint pour lui, avant de lÕordonner diacre. Puis, Ephrem retourna dans sa patrie.
Le saint diacre syrien refusa toujours dՐtre ŽlevŽ au sacerdoce et encore moins ˆ lՎpiscopat. Son humilitŽ extraordinaire ˆ cet Žgard se signala tout particulirement lorsquÕon vint le chercher dans le dŽsert afin de lՎlever ˆ lՎpiscopat. Il quitta alors sa solitude pour la place publique, o il simula si bien la folie, que le projet de lՎlire fut abandonnŽ. Il se cacha alors dans une solitude dÕo il ne sortit quÕaprs avoir appris que lÕon avait choisi un autre candidat.
Entre 338 et 387, une longue et cruelle guerre sŽvit entre les Romains et les Perses. Ė cette occasion, des persŽcutions frapprent implacablement les chrŽtiens, tenus comme alliŽs des Romains. Le cĻur paternel dÕEphrem sÕen Žmut tant quÕil retourna ˆ Nisibe pour assister, consoler et soutenir ses frres, tant en paroles quÕen actes. La gr‰ce qui demeurait en lui Žtait si grande que, lorsquÕil sÕadressait aux fidles assemblŽs, sa langue nÕavait pas le temps de traduire tout ce que Dieu lui inspirait. Il Žtait alors comme pris de bŽgaiement et obligŽ dÕadresser au Seigneur cette prire peu communeŹ: ĒRetiens, Seigneur, les flots de ta Gr‰ceČ. LorsquÕil nՎtait pas occupŽ ˆ la prŽdication et aux Žtudes, il se mettait au service de tous, en vŽritable et saint diacre.
Lorsque ses ennemis lÕassiŽgrent en 338, la citŽ de Nisibe fut dŽlivrŽe gr‰ce ˆ ses prires et ˆ celles du saint Žvque Jacques. Mais en 363, elle finit par tomber aux mains des Perses. CÕest alors que saint Ephrem, comme beaucoup dÕautres chrŽtiens, partit pour ƒdesse afin de ne pas vivre sous la domination pa•enne. Lˆ, pendant les dix dernires annŽes de sa vie, il partagea son temps entre lÕinstruction de ses disciples venus ˆ lui de toutes parts, la prŽdication et la rŽdaction de nombreux Žcrits. Il continua aussi lÕĻuvre exŽgŽtique amorcŽe dans lՎcole fondŽe ˆ Nisibe par le saint Žvque Jacques, ˆ ƒdesse, que lÕon appela ds lors Ēƒcole des PersesČ. Ses disciples principaux y furentŹ: Mar Abba, auteur dÕun commentaire sur les Žvangiles et dՎcrits exŽgŽtiques, ZŽnobius, diacre dՃdesse, auteur dՎp”tres et de traitŽs contre Marcion et Pamphiles, et dÕune ĒVieŹde saint EphremČ, Paulonas, auteur de traitŽs contre les hŽrŽtiques et dÕhymnes sacrŽes, ainsi que SymŽon, Habraam et Maras dont les Žcrits Žtaient fort apprŽciŽs dans lՃglise syriaque.

Son Ļuvre

En prose, nous ne possŽdons plus que ses Ļuvres exŽgŽtiques. Saint Ephrem avait commentŽ toute la Bible, sauf sans doute les livres deutŽrocanoniques de lÕAncien Testament. Sont parvenus jusquՈ nous ses commentaires sur la Gense et trente-deux chapitres de lÕExode, des fragments du Pentateuque, JosuŽ, les Juges et les quatre livres de Rois, Job, et tous les Prophtes. On note aussi le ĒCommentaire de lՃvangile concordantČ ou ĒDiatesseronČ, et un autre sur les Žp”tres de saint Paul, sauf celle ˆ PhilŽmon.
En vers, son Ļuvre est immense et la tradition nous parle de Ētrois millions de versČŹ! Parmi ceux qui nous sont parvenus, notons deux sŽries de cinquante-six et quatre-vingts discours dirigŽs contre les hŽrŽsies. La premire sŽrie contre les hŽrŽsiarques Bardesane (que sa curiositŽ malsaine pour lÕastrologie le conduisit ˆ une forme de gnosticisme), Marcion (dont lÕhŽrŽsie consistait ˆ opposer la loi comme Ļuvre dÕun dieu juste et lՎvangile comme Ļuvre dÕun dieu bon) et Mans. La deuxime sŽrie Žtait dirigŽs contre Ēles scrutateursČ, nom donnŽ aux hŽrŽtiques sÕattaquant ˆ la TrinitŽ ou ˆ lÕIncarnation. Notons aussi sept sermons Ēsur la perle de la foiČ, trois autres Ēsur la foiČ, le discours contre les Juifs, un autre sur lÕIncarnation, quatre chants contre Julien lÕApostat et deux autres discours dirigŽs contre les hŽrŽtiques et les Juifs. Il a aussi traitŽ du libre arbitre, se montrant trs orthodoxe dans ses expositions et ses ouvrages de polŽmique.
Quant aux homŽlies, on peut rappeler douze sermons sur divers passages de lÕAncien Testament, douze discours sur le Paradis et dix discours sur Joseph vendu par ses frres. Les discours sur la Vie du Seigneur sont une partie importante de son Ļuvre avec vingt-deux sermons sur la NativitŽ, quinze sur la ThŽophanie et quarante et un autres sur dÕautres mystres de la Vie du Christ. Sans oublier vingt homŽlies sur lÕEnfantrice de Dieu et dÕautres encore sur les ap™tres, les martyrs et les confesseurs.
Dans cet ensemble se trouvent aussi beaucoup de matires morales et ascŽtiques et ces ouvrages passent pour ses meilleurs compositions. Viennent aussi toute une sŽrie de traitŽs sur la vie chrŽtienne, monastique et sacerdotale, dont, entre autres, soixante-seize exhortations ˆ la pŽnitence. Ses Žcrits portent le cachet de sa vertu, tant il sÕest montrŽ plein dÕardeur pour les vertus chrŽtiennes et la perfection de la vie monastique.
Son Ļuvre le fait considŽrer comme lÕun des plus Žminents pres de lՃglise; les plus grands Žvques sÕhonoraient dՐtre en rapport avec lui, et le grand saint Basile louait sa science. Palladius le nomme avec saint Sabbas comme lÕun des plus illustres moines de la MŽsopotamie. ThŽodoret en parlait comme de Ēla lyre du saint EspritŹet le canal par lequel les eaux de la gr‰ce coulaient sur les SyriensČ. Sozomne constate que, sans avoir ŽtudiŽ dans sa jeunesse, Ephrem devint si habile dans lÕart dՎcrire quÕil surpassa les Žcrivains grecs eux-mmesŹ: Ēsi lÕon traduit ceux-ci en syriaque Š dit-Š ils perdent aussit™t leur style; tandis que ceux dÕEphrem traduits en grec conservent toutes leurs beautŽs originalesČ. Ses Žcrits Žtaient si estimŽs que lÕon les lisait, en Syrie, aprs les saintes ƒcritures.
On comprend mieux ici pourquoi ce monde le considre autrement que le font les chrŽtiens orthodoxes. Pour les uns, le charisme de saint Ephrem est trop facilement rŽduit ˆ de bonnes rŽpŽtitions, mais lՃglise nÕoublie pas que la transmission de la Foi est un charisme particulier et un don qui possde plusieurs degrŽs. CÕest parce que ce charisme Žtait visible chez le saint diacre Ephrem et parce que ses dons en pareil domaine Žtaient Žminents quÕil a ŽtŽ reconnu par la conscience de lՃglise comme cette Ēlyre du saint EspritČ, qui a su faire bien le bien quÕil devait faire. CÕest parce que le saint diacre parlait de lÕabondance de son cĻur purifiŽ que lՃglise se reconnut dans ses compositions, qui entrrent plus tard dans les livres liturgiques de lՃglise syriaque. CÕest pour cela surtout que lՃglise reconnut en lui lÕun des plus grands parmi les Pres. Avec cet exemple, nous devons aussi mieux nous souvenir que la transmission des textes liturgiques est celle dÕune riche catŽchse et dÕune sainte thŽologie, qui doivent nous rendre attentifs ˆ lՃglise lors des offices.
Aprs avoir secouru ses compatriotes lors de la famine de 372, saint Ephrem, qui avait Žcrit de si belles hymnes sur le Paradis, rendit son ‰me ˆ Dieu lÕannŽe suivante, en 373. Il partit vers sa bienheureuse destinŽe Žternelle, entourŽ par bien des moines et d'asctes qui avaient quittŽ le lieu de leur pŽnitence pour lÕassister lors de son dŽpart. Il termina aussi humblement que saintement son stade ascŽtique en demandant ˆ ceux qui lÕaimaient de ne point l'honorer par de brillantes funŽrailles, mais de dŽposer son corps dans la fosse rŽservŽe aux Žtrangers, en lui offrant, au lieu de fleurs et d'aromates, le soutien de leurs fidles et orthodoxes prires.
Que ce gran
d confesseur de notre sainte foi dŽblaie et rende aisŽ, par ses intercessions, pour nous tous le chemin du Paradis.

BibliographieŹ:
ĒSources ChrŽtiennesČ :
ŠŹCommentaire de lՃvangile concordant ou Diatesseron (N” 121) 31 Ū
Š Hymnes sur la NativitŽ (N” 459) 38 Ū
Š Hymnes sur le Paradis (N” 137) 20 Ū

ƒditions monastiques deŹBellefontaineŹ:
Š Hymnes sur le ježne 11,43 Ū
Š Hymnes sur lՃpiphanie 11,43 Ū

 sentence

LES TROIS PARABOLES

(Mt 18,12 et Luc 15,11-29)

En lisant la parabole du Fils prodigue et de la Brebis ŽgarŽe, on constate une certaine contradiction : Le pre du fils prodigue resta ˆ la maison en attendant que le fils revienne, et pour la brebis perdue, on voit le berger qui va ˆ la recherche de la brebis.
Les paraboles indiquent la rŽalitŽ d'une manire plus ou moins parfaite Š par certains aspects seulement. Dans la premire parabole (celle du fils prodigue), est soulignŽe la libertŽ de l'homme ˆ prendre le chemin de la perdition et dans la seconde (celle de la brebis ŽgarŽe), on voit l'extrme Sollicitude de Dieu ˆ notre Žgard, qui va jusqu'aux antres les plus profonds de nos pŽchŽs afin de nous sauver.
Donc, les deux paraboles se compltent sans se contredire. Mais allons encore un peu plus loin.
Le pre du fils prodigue ne suivait pas celui-ci pour le retenir de force, mais attendait patiemment son retour. On peut s'imaginer qu'il regardait chaque jour le long du chemin dans l'espoir de voir le fils revenir. Ds que le pre vit finalement le repentir du fils, Ēil courut et se jeta ˆ son couČ. Cette attitude montre la libertŽ du fils Ń qui n'Žtait pas un esclave Ń, et Žgalement le discernement du pre qui laissait son fils faire cette mauvaise expŽrience afin de le rendre sage.
Chez la brebis ŽgarŽe, le sens est autre : une brebis est ignorante et cherche facilement l'herbe qui lui pla”t. Elle ignore le danger du prŽcipice et des fauves et s'Žgare ainsi de la protection du troupeau. Notre ignorance est visŽe par cette parabole. Le pŽchŽ nous est doux, nous minimisons les consŽquences et fermons facilement les yeux au moment de nous Žgarer. Ce n'est qu'aprs que nos yeux s'ouvrent, comme pour les protoplastes : ĒLes yeux de l'un et de l'autre s'ouvrirent, ils connurent qu'ils Žtaient nus, et ayant cousu des feuilles de figuier, ils s'en firent des ceintures.Č (Gn 3,7) ĒLe pasteur cherche sa brebis ŽgarŽe et la rapporte sur ses Žpaules, parce qu'elle Žtait incapable de revenir; cette brebis, animal dŽpourvu de raison, est donc la figure de l'homme imprudent qui, victime de ruses Žtrangres, s'est ŽgarŽ comme une brebis,Č dit saint Jean Chrysostome. (Hom. sur le pre et ses deux fils.)
ĒLorsque le pasteur eut retrouvŽ sa brebis, il ne la ch‰tia point, il ne la ramena pas au bercail avec violence, mais il la chargea sur ses Žpaules, et la porta avec tendresse pour la rŽunir au troupeau : Et lorsqu'il l'a trouvŽe, il la met avec joie sur ses Žpaules,Č dit saint GrŽgoire de Nysse. Donc ni le pre du fils prodigue ni le bon pasteur ne contraignent l'ŽgarŽ, et tous deux l'accueillent sans rŽserve.
L'ŽvangŽliste Luc nous relate successivement la parabole de la brebis ŽgarŽe, ensuite celle de la drachme perdue et en troisime lieu celle du fils prodigue. Si chaque parabole avait exactement le mme sens, pourquoi ne pas se contenter d'une seule parabole ? Mais prŽcisŽment chaque parabole souligne des aspects diffŽrents et complŽmentaires.
Dans chaque parabole, le Christ prŽcise le nombre : cent brebis, dix drachmes et deux fils. Il y a des ŽgarŽs et perdus et d'autres qui ne le sont pas. La joie par contre Žtait chaque fois pour la premire catŽgorie Ń ce qui doit rendre plein d'espoir le pŽcheur, pourvu qu'il se repente.
Dans les trois paraboles, le Seigneur demande ˆ se rŽjouir avec Lui. Il ne veut pas Se rŽjouir tout seul d'avoir retrouvŽ ce qui Žtait perdu mais en invite d'autres ˆ se rŽjouir avec Lui.
Pour conclure : Il n'y a donc pas de contradictions dans les paraboles du Sauveur mais complŽmentaritŽ, car chaque parabole ne sait exprimer que certains aspects et une partie seulement de la rŽalitŽ.

Archimandrite Cassien

sentence

DE LA VIE DE SAINT BASILE LE GRAND

Une fois une pauvre femme, qui avait ŽtŽ lŽsŽe par un magistrat, se plaa sur le chemin de Basile, tomba ˆ ses pieds, et le supplia dՎcrire une lettre dÕintercession au magistrat, car elle savait quÕil avait de la considŽration pour lui. Prenant une feuille de parchemin, il Žcrivit la lettre suivante : ĒCette pauvre femme sÕest adressŽe ˆ moi en disant que ma requte aurait beaucoup dÕimportance ˆ tes yeux. Si cÕest vraiment le cas, prouve-le par des actes et fais-lui misŽricorde !Č Ayant fini dՎcrire, il tendit la missive ˆ lÕinfortunŽe qui se rendit chez le magistrat. Ce dernier rŽpondit au saint de la faon suivante : ĒConformŽment ˆ ta lettre, saint pre, je voudrais bien tre misŽricordieux envers cette femme, mais je ne puis le faire, car elle est soumise ˆ lÕimp™t gŽnŽralČ. Alors le saint rŽpondit en ces termes : ĒSi tu voulais mais ne pouvais pas, cÕest bien; mais si tu pouvais et ne voulais pas, alors Dieu te comptera toi-mme au rang des nŽcessiteux, de sorte que tu ne puisses plus faire ce que tu veux !Č Les paroles du saint ne tardrent pas ˆ se rŽaliser. Peu de temps aprs, lÕempereur se f‰cha contre le magistrat en apprenant quÕil opprimait le peuple, et le fit jeter en prison pour quÕil dŽdommage tous ceux quÕil avait opprimŽs. Le magistrat sÕempressa de faire parvenir ˆ Basile une lettre pour le prier dÕavoir pitiŽ de lui et dÕintercŽder en sa faveur auprs de lÕempereur. Six jours plus tard, on reut lÕordre de libŽrer le prisonnier. Comprenant la misŽricorde dont le saint avait fait preuve ˆ son Žgard, le magistrat se prŽcipita chez lui pour le remercier et rendit ˆ la pauvre femme le double de ce quÕil avait exigŽ dÕelle.

Du plus ŽlevŽ au plus bas, du plus fondamental au plus futile, de la vertu au pŽchŽ, il nÕy a souvent quÕun pas.
Extrait du journal de saint Jean de Kronstadt

Premire HomŽlie

de l'archevque Philarte (Goumilevsky) de Tchernigov (1805-1866)

La prŽdiction finale de sa Mort par le Sauveur et le dŽpart de Judas pour Le trahir (mercredi saint).
Mt 26,1-5, 14-16 (Marc 14,1-2, 10-11; Luc 22,1-6

Depuis les premiers sicles du christianisme, le saint ježne du Grand Carme a ŽtŽ dŽdiŽ ˆ la Passion du Sauveur sur la Croix. Et combien il est nŽcessaire, combien il est salutaire d'Žtudier le rŽcit de la Passion de notre Seigneur sur la Croix ! L'ap™tre Paul en tŽmoigne ˆ son propre sujet : "Car je nÕai pas eu la pensŽe de savoir parmi vous autre chose que JŽsus Christ, et JŽsus Christ crucifiŽ". (I Cor 2,2). Voilˆ ˆ quel point il considŽrait importante la connaissance du Christ crucifiŽ ! Comment ne pas savoir nous-mmes, comment ne pas Žtudier les Souffrances salutaires du Christ sous leur forme exacte et complte ? Peut-il y avoir quoi que ce soit de plus cher, de plus important pour nous, que la Passion de notre Sauveur ? L'Ap™tre appelle le Christ crucifiŽ "Puissance de Dieu et Sagesse de Dieu" (I Cor 1,24). Quel sujet vaste et ŽlevŽ que le Christ crucifiŽ ! Les caractŽristiques les plus particulires de Celui qui avait ŽtŽ promis au genre humain par l'ancienne rŽvŽlation se rŽalisrent avec toute l'exactitude dans l'histoire de JŽsus souffrant sa Passion. Combien de consolation, combien de pouvoir il y a dans la foi en Christ ! La Passion de JŽsus est la quintessence de toute sa vie, si pure, si sainte et divine. C'est ˆ la lumire de cela que son Amour pour les gens, sa Soumission ˆ son Pre dans les cieux, sa Douceur cŽleste, son Innocence et sa PuretŽ, ainsi que son ƒloignement, pour la Gloire de Dieu, de tout ce qui est terrestre, se manifestent. Et les instructions de ses derniers jours Š ŽlevŽes et saintes Š ne nous sont-elles pas d'autant plus chres qu'elles Žtaient les dernires, comme si elles contenaient les dernires volontŽs d'un pre mourant ? Quel fils ne chŽrirait-il pas les dernires paroles de son pre ? Quel disciple ne garderait-il pas au plus profond de son ‰me les instructions d'un noble prŽcepteur qui prend congŽ de lui pour toujours ?
Avec cela, je suis convaincu, mes auditeurs, que, ˆ cause de votre amour respectueux pour la Passion du Sauveur, vous allez, avec ardeur et amour, Žcouter l'explication de l'Žvangile dŽcrivant ces souffrances pendant le saint ježne du Grand Carme.
Autant que notre entendement nous le permet, nous vous montrerons, les uns aprs les autres, les enseignements et les ŽvŽnements, dans leur ordre chronologique, d'aprs les saints ŽvangŽlistes. Et en expliquant les paroles nobles des Žvangiles, nous n'allons pas nous en tenir ˆ nos opinions arbitraires, mais aux enseignements des saints pres et docteurs de l'ƒglise.
Tout d'abord, nous allons expliquer l'ultime ProphŽtie du Sauveur concernant sa mort sur la Croix et l'appel de Judas ˆ la trahison.

l'achevque Philarte
Philarte

"Lorsque JŽsus eut achevŽ tous ces discours, Il dit ˆ ses disciples :" (Mt 26,1).
Quelle Žtait la substance des discours prŽcŽdents ? Ils concernaient la Venue du Christ pour juger le monde entier (Mt 24,4-25).
C'Žtait l'ultime instruction du grand Illuminateur du monde. Cet enseignement au sujet de la fin du monde est la conclusion naturelle de l'oeuvre du Docteur du monde. Le ministre du Prophte sans prŽcŽdent, de l'Exemple des prophtes, s'Žtait poursuivi pendant trois ans et demi. La Lumire du monde, le grand Prophte (Jn 8,12, Lc 7,16) avait achevŽ son oeuvre. Aprs cela, si JŽsus Christ n'avait ŽtŽ que le docteur d'Isra‘l, Il n'aurait eu rien d'autre ˆ faire au monde. Ce qu'il Lui fallait proclamer au peuple, Il l'avait proclamŽ. La VolontŽ de Dieu pour le peuple avait ŽtŽ rŽvŽlŽe par le Fils de Dieu de faon complte, comme jamais avant. Elle a ŽtŽ exposŽe avec une grande clartŽ, et accessible ˆ l'entendement de tout un chacun, comme elle n'avait jamais ŽtŽ rŽvŽlŽe par les prophtes. Mme les ennemis de JŽsus tŽmoignrent en disant : "Jamais homme nÕa parlŽ comme cet Homme". (Jn 7,46). Mais JŽsus fut appelŽ le Saveur du monde ds sa Naissance; ds sa Naissance le ciel avait proclamŽ qu'avec Lui appara”trait la paix sur la terre et la bonne volontŽ du ciel parmi les hommes. Il est clair qu'Il est plus que le Docteur d'Isra‘l, plus que l'Illuminateur du monde. De plus, aurait-il suffi au pauvre genre humain d'entendre proclamer la VolontŽ de Dieu ˆ son intention, mme dans toute sa plŽnitude ?
Non ! Š pour son salut, il Žtait nŽcessaire que la Justice cŽleste fžt rŽconciliŽe avec l'humanitŽ pŽcheresse. Et maintenant, le Sauveur, attendu depuis des sicles, ayant proclamŽ la VolontŽ de Dieu en tant que Prophte, accomplit la rŽconciliation du ciel et de la terre en tant que grand-prtre. C'est de cela qu'Il parle maintenant ˆ ses disciples.
"Il dit ˆ ses disciples : Vous savez que la P‰que a lieu dans deux jours, et que le Fils de lÕhomme sera livrŽ pour tre crucifiŽ." (Mt 26,1-2).
Plus d'une fois, le Sauveur avait parlŽ de sa Mort sur la croix de faon symbolique : ainsi Il avait expliquŽ Mo•se qui Žleva le serpent dans le dŽsert (Jn 3,14); ainsi Il avait parlŽ de la destruction du temple de son Corps par les Juifs (Jn 2,19). Et Il leur avait, plus d'une fois, fait savoir clairement qu'Il devait souffrir et mourir ˆ JŽrusalem (Mt 16,21; 17,22; 20,18). Et maintenant de nouveau, mais pour la dernire fois, deux jours ˆ l'avance, Il prophŽtise sa Mort sur la Croix. N'est-il pas clair que sa Mort est un acte de la VolontŽ spŽciale de Dieu ? N'est-il pas clair que JŽsus Christ va ˆ la mort de manire totalement libre, selon le dŽcret de la VolontŽ de Dieu ? Il dit mme plus t™t : "JÕai le pouvoir de la donner [ma Vie], et jÕai le pouvoir de la reprendre : tel est lÕordre que jÕai reu de mon Pre". (Jn 10,18). Et maintenant, ses oeuvres elles-mmes indiquent la mme chose.
"Vous savez que la P‰que a lieu dans deux jours" (Mt 26,2).
Et quel jour Žtait-ce o c'Žtait dit aux disciples ? Six jours avant la P‰que, le Seigneur JŽsus avait ŽtŽ ˆ BŽthanie, o Marie avait oint ses Pieds avec le parfum prŽcieux, et cela avait eu lieu le sabbath (Jn 12,1-3). Le jour suivant, c'Žtait son entrŽe triomphale ˆ JŽrusalem (Jn 12,12). Lundi, en allant ˆ JŽrusalem, JŽsus avait maudit le figuier stŽrile, et le soir il Žtait retournŽ ˆ BŽthanie (Mt 21,18, Mc 11,13-14,19). Mardi, ˆ la remarque de Pierre concernant le figuier dessŽchŽ, Il avait parlŽ du pouvoir de la foi, et plus tard ˆ JŽrusalem Il avait conversŽ avec les scribes (Mc 11,21-27). Ainsi, le mercredi de la semaine de la Passion, le Seigneur parle ˆ ses disciples de ses Souffrances, qui doivent s'accomplir ˆ la P‰que.
"La P‰que a lieu dans deux jours, et le Fils de lÕhomme sera livrŽ pour tre crucifiŽ". (Mt 26,2). Quel est le sens de la co•ncidence de ces deux circonstances ? La P‰que Žtait la plus grande solennitŽ des HŽbreux. Elle unissait deux commŽmorations : premirement, le sauvetage des premiers-nŽs d'Isra‘l de l'ŽpŽe destructive du ciel, qui dŽtruisit les premiers-nŽs d'ƒgypte; et deuximement, le sauvetage de toute la nation d'Isra‘l du pharaon, qui se noya dans la mer Rouge. Quelle que fžt la grandeur de ces ŽvŽnements dans la destinŽe d'Isra‘l, l'importance la plus grande Žchut ˆ la cŽlŽbration pascale par la signification archŽtypale de l'agneau pascal. Quand le Seigneur JŽsus dit ˆ ses disciples qu'Il allait tre livrŽ ˆ tre crucifiŽ ˆ la P‰que, il n'est pas Žvident s'ils avaient compris son indication ˆ leur adresse de la co•ncidence mystique de sa Passion avec les jours de la P‰que. Plus tard, cependant, ŽclairŽs par l'Esprit saint, ils firent remarquer clairement et continuellement cette corrŽlation mystique des ŽvŽnements.
"Christ notre P‰que a ŽtŽ immolŽ", dit l'Ap™tre Paul (I Cor 5,7), et Il nous a commandŽ de cŽlŽbrer une nouvelle P‰que, "non avec du vieux levain, non avec un levain de malice et de mŽchancetŽ", comme les HŽbreux l'avaient cŽlŽbrŽe, "mais avec les pains sans levain de la puretŽ et de la vŽritŽ" (cf. I Cor 5,7-8). "Nous sommes sauvŽs", enseigna l'ap™tre Pierre, "par le prŽcieux Sang du Christ, comme dÕun agneau sans dŽfaut et sans tache" (I Pi 1,19), et par consŽquent nous n'avons pas besoin de l'agneau pascal d'ƒgypte.
"Alors les principaux sacrificateurs et les anciens du peuple se rŽunirent dans la cour du souverain sacrificateur, appelŽ Ca•phe; et ils dŽlibŽrrent sur les moyens dÕarrter JŽsus par ruse, et de Le faire mourir." (Mt 26,3-4).
Selon le rŽcit de saint Jean, lorsque JŽsus eut ressuscitŽ Lazare, le sanhŽdrin dŽcida de Le tuer. Ensuite, ils donnrent l'ordre de saisir le Ma”tre nazarŽen ; mais le Seigneur, ne Se soumettant pas au danger prŽmaturŽment, Se cacha. Cela se passa une semaine avant la P‰que (Jn 11,53-57; 12,1). Maintenant le sanhŽdrin s'Žtait assemblŽ pour dŽlibŽrer comment rŽaliser leur dŽcision de faire mourir JŽsus. Ils proposrent, premirement, d'agir contre Lui en secret. Deuximement, ils dŽcidrent que sa mort ne devait en aucun cas avoir lieu lors des festivitŽs de la P‰que (Mc 14,2). Pourquoi le sanhŽdrin a-t-il dŽcidŽ d'agir contre le Christ de cette faon ? "afin quÕil nÕy ait pas de tumulte parmi le peuple" ... "car ils craignaient le peuple" (Mc 14,2, Lc 22,2). Une conscience tranquille n'a peur de rien, mais une sans honneur fuit mme quand personne ne la poursuit (cf. Ps 13,6). Le sanhŽdrin craignait le peuple, qui rŽvŽrait JŽsus, bien que cette crainte fžt entirement infondŽe, comme le prouvrent les ŽvŽnements ultŽrieurs. Une conscience tranquille agit ouvertement; elle ne dŽdaigne pas la circonspection de la prudence, mais elle ne se cache pas non plus du peuple par crainte des gens, ni elle ne prend de mesures d'astucieuse ruse. Le sanhŽdrin sentit que son agissement Žtait loin d'tre celui d'une conscience pure, et ils Žtaient forcŽs d'agir avec subtilitŽ, en employant des mŽthodes de ruse basse. Ainsi le sanhŽdrin a formulŽ un plan d'action. Leurs intentions seraient-elles rŽalisŽes ? ƒtait-il possible que, comme des gens ayant dans leurs mains une autoritŽ puissante, ils ne pourraient pas mener ˆ bien quelque chose qui, selon leur raisonnement, Žtait absolument nŽcessaire ? Cependant, tout se passa de faon contraire. Pourquoi cela ? Parce que, avant que le peuple ait fait sa dŽcision, Celui qui avait ŽtŽ envoyŽ par le Pre cŽleste avait dit : "La P‰que a lieu dans deux jours, et le Fils de lÕhomme sera livrŽ pour tre crucifiŽ". (Mt 26,2). C'est ainsi que sont dŽtruits les projets des hommes, ds qu'ils ne correspondent pas ˆ ceux de Dieu. Contre leur volontŽ, au dŽtriment de leur honneur, les gens font quelque chose qu'ils avaient auparavant jugŽ dŽsavantageux pour eux, quelque chose qu'ils n'avaient pas souhaitŽ faire. Et ils le font parce que la VolontŽ de Dieu en a disposŽ ainsi.
"Alors lÕun des douze, appelŽ Judas Iscariot, alla vers les principaux sacrificateurs, et dit : Que voulez-vous me donner, et je vous Le livrerai ?" (Mt 26,14-15).
Judas Žtait nŽcessaire au sanhŽdrin afin qu'il puisse, comme il l'avait dŽcidŽ, prendre JŽsus par ruse. Ainsi, il n'y a pas de doute que Judas offrit sa trahison peu de temps avant la deuxime rŽunion du sanhŽdrin. Judas apprit qu'ils cherchaient une occasion de prendre JŽsus en secret, et il s'empressa d'offrir ses services au puissant sanhŽdrin.
Qu'est-ce qui a obligŽ Judas ˆ se rŽsoudre ˆ un acte aussi sombre ? Certains pensent que Judas, ˆ cause de sa foi en le Messie-Roi, souhaitait voir son royaume terrestre appara”tre plus vite. Les Ca•nites1 vŽnŽraient Judas pour sa trahison et disaient que lui seul parmi les ap™tres Žtait douŽ de prŽvision dans le mystre du salut de l'homme par la mort de JŽsus.2 Certains nouveaux hŽrŽtiques disent des choses semblables. Mais les ŽvangŽlistes n'indiquent ni par parole, ni par suggestion, qu'il y avait en Judas un dŽsir d'introniser son Ma”tre plus rapidement, mme si une telle pensŽe ˆ son sujet avait soulagŽ leur chagrin causŽ par leur frre tra”tre. Au contraire, ils ont partout indiquŽ en Judas une ‰me avide de gain, d'argent. Le Fils de l'homme en tŽmoigne : "Malheur ˆ lÕhomme par qui le Fils de lÕhomme est livrŽ !" (Mt 26,24). Et, de toute Žvidence, un jugement aussi sŽvre ne saurait s'appliquer ˆ un prophte du royaume du Messie. Judas, ds le dŽbut de sa trahison, exprima son ‰me : "Que voulez-vous me donner", dit-il, "et je vous Le livrerai ?" (Mt 26,15). Il dit lui-mme qu'il a besoin d'argent et qu'il est prt ˆ livrer son Ma”tre pour de l'argent. Il dit la mme chose dans sa confession avant sa mort : "JÕai pŽchŽ, en livrant le sang innocent." (Mt 27,4); et il rend les fatales pices d'argent. C'Žtait donc la passion de l'argent qui poussa Judas ˆ la trahison. Elle avait germŽ depuis longtemps dans l'‰me de Judas, y fut cultivŽe et poussa peu ˆ peu, Žtant jalousement nourrie. Augmentant progressivement, elle finit par obscurcir les pensŽes lumineuses dans son ‰me concernant son Ma”tre cŽleste et ses oeuvres. Le Sauveur, par sa Vie, Žveilla la conscience de Judas ˆ la lutte contre les passions et exposa clairement son manque de foi en paroles (Jn 6,64).
Mais la passion augmentait, et les pensŽes pures sur l'amour et la vŽritŽ, sur la vŽnŽration et la gratitude, furent cachŽes ˆ la vue de Judas. Elle le conduisit secrtement ˆ devenir voleur (Jn 12,6) et finalement mme tra”tre. Et maintenant il marchande avec des mŽchants le prix pour lequel il est prt ˆ leur livrer le grand Ma”tre, l'Ami et l'EnvoyŽ de Dieu.
Il est effrayant de voir o peut mener la passion de l'argent. Elles sont vraies, les paroles de l'Ap™tre : "Mais ceux qui veulent sÕenrichir tombent dans la tentation, dans le pige, et dans beaucoup de dŽsirs insensŽs et pernicieux qui plongent les hommes dans la ruine et la perdition". (I Tim 6,9). Par le remords final de Judas, on peut voir que, dŽsirant avidement avoir l'usage des pices d'argent, il n'avait pas vu les consŽquences de son acte, ou en avait mis de c™tŽ la pensŽe, croyant que son Ma”tre trouverait le moyen de Se libŽrer des mains du sanhŽdrin, comme Il l'avait fait plus d'une fois. La puissance de la passion couvrit son ‰me d'Žpaisses tŽnbres. "Comme un ivrogne, pendant qu'il se remplit de vin," dit st Jean Chrysostome, "n'y voit pas de mal, mais apprend plus tard par expŽrience combien c'est nocif Š ainsi est le pŽchŽ. Avant d'tre commis, il obscurcit l'intellect, plaant devant lui un nuage Žpais, et la conscience ne s'Žveille que plus tard."
"Aprs lÕavoir entendu, ils furent dans la joie" (Mc 14,11).
Voyez, des gens se rŽjouissent mme de l'infamie ! Oh, toutes les joies qu'Žprouvent les gens ne sont pas dignes de joie ! Ils se rŽjouissent du fait qu'une occasion gratuite s'est ouverte ˆ eux de faire le mal; un moyen facile a ŽtŽ trouvŽ de commettre un crime; un homme a apparu, prt ˆ les assister dans leur malfaisance. Quelle joie effrayante ! Cependant, les gens n'ont-ils pas beaucoup de joies qui ne sont pas de meilleure valeur ?
"Et ils lui payrent trente pices dÕargent." (Mt 26,15).
On promit ˆ Judas trente pices dÕargent. Trente pices dÕargent, ou trente shekels, ne valent pas plus de quinze roubles d'argent en notre monnaie.3 Selon la loi, trente shekels Žtaient le prix d'un esclave (Ex 21,32). Voyez-vous combien peu cher Judas a estimŽ Celui qui lui a fait tant de bien ? L'ŽvangŽliste Matthieu parle du prix auquel les Juifs ont estimŽ le Christ JŽsus, avec les paroles du prophte Zacharie. Par le prophte, le Seigneur dit avec lamentation : "Et ils pesrent pour mon salaire trente sicles dÕargent." (Zach 11,12). Ainsi le Seigneur, le Messie Lui-mme, est ŽvaluŽ par les Juifs au prix d'un esclave. Ainsi fut le Sauveur du monde estimŽ par le monde, selon la parole de la prophŽtie.
"Aprs sՐtre engagŽ, il cherchait une occasion favorable pour leur livrer JŽsus ˆ lÕinsu de la foule." (Lc 22,6).
Judas fit sa promesse et se mit ˆ chercher un moment qui convienne pour trahir JŽsus Christ hors de la vue du peuple. ƒtait-ce seulement ˆ cause du dŽsir du sanhŽdrin que Judas voulait livrer JŽsus en secret ? Bien sžr, le sanhŽdrin, comme nous l'avons vu, craignait le peuple. Mais Judas craignait aussi pour lui-mme. Ce n'est que la nuit qu'il s'aventura pour accomplir sa t‰che. Ne voyez pas de fermetŽ ou de courage dans le pŽchŽ. Il est aussi bas qu'il est aveugle. Judas, aprs avoir vu tant d'exemples de la Toute-Puissance de JŽsus, pensa maintenant qu'il pourrait trouver un moment et un endroit o JŽsus Christ ne Se cacherait pas de ses ennemis, mme s'Il le voulait. Mais s'exposer devant le peuple en tant que tra”tre de son Ma”tre Š c'Žtait trop pour Judas.
O Divine Lumire ! O Amour, qui Te livres ˆ la souffrance pour nous ! ƒclaire les yeux de notre ‰me, que nous puissions voir la ruine causŽe par les dŽsirs de notre cĻur pŽcheur ! Insuffle une crainte sacrŽe en nous, que nous puissions frŽmir du pŽchŽ ds qu'il s'approche de notre ‰me. Fortifie notre volontŽ par une puissance remplie de gr‰ce pour la lutte contre l'impiŽtŽ.
Mes auditeurs ! Terrible est le pŽchŽ de Judas; terrible est son appel de livrer le Sauveur pour de l'argent. Mais la passion de l'amour du gain augmenta peu ˆ peu en Judas. Notre travail est de lutter contre le pŽchŽ, et il nous est facile de le vaincre si nous ma”trisons la passion qui est en nous tant qu'il est encore ˆ son stade embryonnaire. Pourquoi cette lŽgretŽ d'esprit, pourquoi cette imprudence Š de considŽrer l'une ou l'autre de nos passions comme une bagatelle, et par lˆ lui laisser toute libertŽ de gagner de plus en plus de pouvoir sur nous ? Oh ! Ne laissons pas notre cĻur trouver des excuses pour nos faiblesses ! Avec toute notre fermetŽ, avec toute notre rigueur, Žlevons-nous contre le pŽchŽ ds qu'il touche notre ‰me. Nous avons reu l'ordre de lutter contre le pŽchŽ jusqu'au sang, au point de sacrifier notre force et tout ce qui nous est cher. Si cela signifie que nous devons rompre nos liens nocifs avec des gens, "ne marchons pas selon le conseil des mŽchants, ne nous arrtons pas sur la voie des pŽcheurs" (Ps 1,1). Le salut Žternel de l'‰me vaut les luttes temporelles les plus difficiles. Gardons-nous pour la gloire du Nom de Dieu.
"Prtez l'oreille, vous tous, amoureux de l'argent, qui souffrez de la maladie de Judas," enseigne st Jean Chrysostome. "Gardez-vous de la passion de l'avarice. Si celui qui demeurait avec le Christ, opŽrait des miracles et bŽnŽficiait de tels enseignements tomba dans un tel ab”me parce qu'il n'Žtait pas libre de cette maladie Š alors ne pouvez-vous pas, vous qui n'Žcoutez pas les ƒcritures est tes toujours occupŽs du prŽsent, tre encore plus facilement sŽduits par cette passion si vous tes nŽgligents ? Comment pouvez-vous espŽrer Žchapper ˆ cette maladie quand vous n'usez pas d'un remde fort et que vous ne faites pas un effort de zle ? Cette passion est la plus terrible de toutes les passions.
Elle engendre des meurtres, elle engendre des guerres et des combats, elle engendre tout mal, quel que soit son nom. Il n'y a pas du tout de bŽnŽfice qui provienne de l'argent lorsque l'‰me est pauvre, et il n'y a pas de perte lorsque l'‰me est riche."
Gloire ˆ Dieu. Amen.

DE LA VIE DE SAINT NICƒTIUS
Saint NicŽtius, Žvque de Trves. Ce que GrŽgoire en rapporte est digne de toute confiance, dit-il, car il le tient dÕArŽdius, abbŽ du pays de Limoges, qui avait ŽtŽ ŽlevŽ par ce saint. Ds sa naissance NicŽtius sembla dŽsignŽ pour la vie clŽricale; car en venant au monde il avait sur la tte compltement nue dÕailleurs, comme lÕont ordinairement les petits enfants, une lŽgre rangŽe de poils qui ressemblait ˆ une couronne de clerc. Il fut instruit dans lՎtude des lettres et placŽ dans un monastre o sa dŽvotion lui mŽrita par la suite dՐtre Žlu pour succŽder ˆ lÕabbŽ. CՎtait un abbŽ sŽvre qui ne voulait pas mme que ses moines parlassent, ˆ moins que ce ne fžt pour chanter les louanges de Dieu. Le roi ThŽoderic (Thierri Ier, fils a”nŽ de Clovis) dont il mettait souvent ˆ dŽcouvert les vices et les crimes, lÕavait en vŽnŽration, et lՎvque de Trves Žtant mort, il voulut que NicŽtius lui succŽd‰t (Saint Nizier de Trves gouverna lՎglise de cette ville depuis lÕan 527 jusquÕau 5 dŽc. 566.) Ayant donc rŽuni le consentement du peuple et la sanction royale, il fut amenŽ, par des personnes du plus haut rang, auprs du roi, pour tre consacrŽ. Comme ils arrivrent proche la ville, au coucher du soleil, ces personnes disposrent les tentes pour faire halte et aussit™t l‰chant leurs chevaux les laissrent aller parmi les champs ensemencŽs des pauvres gens. Ce que voyant, le bienheureux NicŽtius fut touchŽ de pitiŽ, et ditŹ: Chassez tout de suite vos chevaux de la moisson du pauvre, sinon je vous priverai de ma communion. Ceux-ci courroucŽs rŽpondirentŹ: QuÕest-ce que tu disŹ? Tu nÕes pas encore arrivŽ ˆ lՎpiscopat, et dŽjˆ tu menaces dÕexcommunicationŹ! Mais lui courut chasser les chevaux et entra dans la ville accompagnŽ du respect de ces hommes.
ThŽoderic Žtant mort (en 534), son fils ThŽodebert prit possession du pouvoir et il fut souvent repris par NicŽtius soit pour les mauvaises actions quÕil commettait, soit pour celles quÕil laissait commettre. Un dimanche le roi entra dans lՎglise avec des gens ˆ qui lՎvque avait interdit la communion. Aprs que les leons eurent ŽtŽ lues et les offrandes dŽposŽes sur lÕautel, lՎvque ditŹ: On ne cŽlŽbrera la liturgie ici aujourdÕhui que quand ceux ˆ qui la communion est interdite se seront retirŽs. Le roi sÕopposait ˆ cela lorsque tout ˆ coup, au milieu du peuple, un jeune garon est saisi du dŽmon et se met ˆ proclamer dÕune forte voix au milieu des tourments quÕil endure, et les vertus du saint, et les crimes du roi. Il disait : lՎvque est chaste et le roi adultre; lÕun redoute humblement le Christ, lÕautre est gonflŽ de lÕorgueil du pouvoir; lÕun, sans tache dans son ministre, sera lՎlu de Dieu plus tard, lÕautre sera brisŽ par lÕinstigateur mme de son pŽchŽ. Le roi frappŽ de crainte fit sortir de lՎglise tous ceux que la sentence Žpiscopale avait condamnŽs, et aussit™t lՎnergumne disparut sans quÕon ait pu le retrouver. LÕardeur du pontife ˆ poursuivre les vices enflamma contre lui les poisons de la haine; mais il disait : Je mourrai volontiers pour la justice ! Il excommunia souvent le roi Chlotaire pour des actions injustes, et vainement celui-ci le menaait de lÕexil, il nÕen fut jamais effrayŽ. Une fois il Žtait sur le point de partir et les autres Žvques, devenus les flatteurs du roi, lÕavaient abandonnŽ, lorsquÕil dit au seul diacre qui lui fžt restŽ fidle : Demain ˆ pareille heure je reprendrai ma dignitŽ et serai rendu ˆ mon Žglise. Le lendemain matin, arriva un messager avec des lettres du roi Sigibert annonant que le roi Chlotaire Žtait mort et que lui Sigibert, au moment dÕentrer en possession du royaume, rŽclamait lÕamitiŽ de lՎvque.
Le courage de NicŽtius ne reculait devant aucun danger. Il le montra un jour que traversant la Moselle en bateau, il faillit pŽrir en heurtant contre une pile du pont. Il le montra aussi lors de la peste qui ravagea les environs de Trves. Il fit divers miracles. Je ne crois pas non plus devoir passer sous silence ce qui lui fut rŽvŽlŽ par le Seigneur sur les rois des Francs. Il vit en songe pendant la nuit une grande tour tellement prodigieuse de hauteur quÕelle semblait proche du ciel, percŽe dÕun grand nombre de fentres, ayant le Seigneur debout ˆ son sommet et des anges de Dieu placŽs ˆ toutes ses fentres. LÕun dÕentre eux tenait un grand livre ˆ la main, et disaitŹ: Tel et tel roi vivra tant de temps en ce monde. Et il les nomma tous lÕun aprs lÕautre, et ceux qui existaient alors et ceux qui naquirent dans la suite, indiquant la nature bonne ou mauvaise de leur rgne et la longueur de leur vie. Et aprs le nom de chaque roi, les autres anges rŽpondaient : Ainsi soit-il. Et il en arriva dÕeux plus tard, comme le saint lÕavait prŽdit par cette rŽvŽlation.
Un jour se prŽsenta devant NicŽtius un homme portant de longs cheveux et une longue barbe qui se jeta ˆ ses pieds pour le remercier de lÕavoir sauvŽ dÕun danger quÕil avait couru sur mer, et comme le saint homme le rudoyait dÕoser dire cela, il raconta que sՎtant embarquŽ rŽcemment pour lÕItalie, il se trouvait seul chrŽtien au milieu dÕune foule rustique de pa•ens. Une tempte sՎtant ŽlevŽe, cette multitude se mit ˆ implorer ses dieux, qui Jupiter, qui Mercure, celui-ci Minerve, un autre VŽnus; mais les flots ne sÕapaisrent que lorsque sur lÕavis du chrŽtien ils eurent invoquŽ lÕassistance de NicŽtius auprs du Seigneur; et, ajouta cet homme, jÕai ait vĻu de ne point couper mes cheveux jusquՈ ce que jÕaie obtenu dՐtre prŽsentŽ ˆ tes regards. LՎvque le fit tonsurer, et lÕhomme regagna Clermont dÕo il Žtait.
NicŽtius annona sa mort quelques jours ˆ lÕavance, et fut enseveli dans la basilique de Saint-Maximinus.

Saint GrŽgoire de Tours (De la gloire des Confesseurs 17)

REClT DU PAPE ET PATRIARCHE JOACHIM D'ALEXANDRIE

Il y avait en ƒgypte un certain roi circassien du nom de Gabriel, de religion turque, trs mŽchant pour les chrŽtiens, plus que les Turcs actuels, et qui avait auprs de lui un mŽdecin juif fort rusŽ. (Merveilleux est le rŽcit du glorieux pape et patriarche Joachim d'Alexandrie et, celui de sa patience !)
Ce mŽdecin juif voulait faire pŽrir et extirper tous les chrŽtiens d'ƒgypte, mais il n'y parvint pas; il se rendit chez le roi d'ƒgypte, Gabriel, et lui dit : ĒRoi, il y a des chrŽtiens chez toi en ƒgypte; ils ne font pas dignes de vivre sur ton territoire, car ils sont impurs et leur foi n'est pas la bonne; ordonne-leur de prendre la foi turque ou la juive.Č Le roi rŽpondit : ĒJ'aurais fait d'eux des Turcs avant ce soir, s'ils n'avaient pas un vieux patriarche ce qu'ils appellent saint; c'est lui que je crains.Č Le Juif reprit : ĒNe crains pas ce vieillard, ™ roi, livre-le entre mes mains, et je lui donnerai un tel poison que, mme s'il en prend une demi-cuiller, il ne vivra pas plus d'une heure.Č Alors le roi lui dit : ĒSi tu ™tes la vie ˆ ce vieillard, j'amnerai tous les chrŽtiens ˆ la foi turque, ou bien je les livrerai ˆ la mort.Č Et le roi ordonna au patriarche de le rendre chez lui.
Le patriarche vint chez le roi et le mŽdecin juif lui dit : ĒVieillard, quitte ta foi, et prends la foi turque ou notre foi juive qui est la vraie, tandis que votre foi chrŽtienne ne l'est pas.Č Le patriarche rŽpondit au roi en disant : ĒNous ne censurons pas votre foi turque, ni la juive, ™ roi ! mais notre foi chrŽtienne orthodoxe est la bonne.Č Le juif dit alors au patriarche : ĒEst-il vrai qu'il est Žcrit dans vos livres : ĒS'ils boivent quelque breuvage mortel, il ne leur fera point de mal ?Č (Mc 16,18). Ne peux-tu pas boire un poison mortel pour [prouver] ta foi ?Č Le patriarche rŽpliqua : ĒJe suis prt ˆ mourir aussit™t pour mon Christ et pour la foi orthodoxe; donne-moi immŽdiatement ce que tu veux.Č Le mŽdecin
juif dit alors au roi : ĒDonne-moi du temps jusqu'ˆ tel jour, ™ roi ! et je lui prŽparerai un poison mortel.Č Cette discussion avait eu lieu un dimanche en prŽsence du roi, qui ordonna au patriarche de para”tre le dimanche suivant devant lui.
Le patriarche, de retour chez lui, assembla tous les chrŽtiens et leur raconta qu'il avait discutŽ de la foi chrŽtienne, en prŽsence du roi, avec le mŽdecin juif, et qu'il devait recevoir de les mains un poison mortel. ĒPres et frres ! leur dit-il, priez le Seigneur Dieu et lˆ trs sainte Mre de me sauver, pour la foi orthodoxe, [des mains] du juif impie. Je serai avant vous auprs du Roi cŽleste et le supplierai pour vous, et vous recevrez tous des couronnes de martyrs des mains du Seigneur et souffrirez des tourments, et serez les nouveaux martyrs du tide prŽsent; car vous ne pouvez, frres, renier la foi orthodoxe; et vous changerez ma douleur en joie.Č Ils se jetrent ˆ ses pieds avec des larmes en disant :ĒNe nous quitte pas, seigneur ! afin que nous buvions la mme coupe mortelle que toi; ne pense pas, seigneur ! que nous allions renier la vraie foi orthodoxe; si tu es livrŽ ˆ la mort, pas un seul de nous ne quittera le palais du roi sans l'avoir aussi bue.Č RentrŽs chez eux, ils s'enfermrent pour toute la semaine, priant Dieu avec des larmes, et ne quittrent pas une seule fois leurs maisons. Quant au patriarche, il ježna toute la semaine et gožta peu de sommeil. Le dimanche de P‰ques, s'Žtant rendu pour les matines dans la sainte Žglise du thaumaturge Nicolas, debout ˆ sa place ordinaire, il s'affligeait de devoir
boire cette boisson mortelle et Žtait trs troublŽ. Au neuvime verset, appuyŽ sur sa crosse, il sommeillait lŽgrement, lorsqu'il vit, comme dans un rve, une femme vtue de blanc qui sortait de l'autel avec deux adolescents. Cette femme s'approcha de lui et lui dit : ĒVieillard ! ose et ne crains pas, car je suis avec toi.Č Il ouvrit les yeux, et vit devant lui le sacristain avec une lampe. Il s'approcha alors de l'image de la trs sainte Vierge, et,
s'Žtant prosternŽ jusqu'ˆ terre, loua Dieu avec des larmes. Au mme instant sa tristesse se dissipa, et une grande joie remplit son coeur. Les matines finies, il cŽlŽbra lui-mme la divine liturgie et communia. Beaucoup de chrŽtiens, hommes et femmes, ayant reu de les saintes mains la divine eucharistie, se prŽparaient ˆ la mort avec lui. Le patriarche les bŽnit de ses mains, et les supplia en pleurant de ne pas renier le Christ, notre vrai Dieu. Ils l'embrassrent avec des larmes et de grandes lamentations, et lui promirent de boire avec lui la coupe mortelle et de verser leur sang pour le Christ.
Le patriarche fut rempli de joie et le prŽsenta chez le roi parŽ pour la mort de tous les vtements sacerdotaux. Les chrŽtiens, hommes, femmes et enfants, se rendirent avec lui au palais royal, qui est ˆ trois ventes environ de l'Žglise du grand thaumaturge Nicolas. Une multitude de peuple les suivait : des Turcs, Arabes, Latins, Coptes, Maronites, Ariens, Nestoriens, Jacobites, TŽtrodytes et gens de diffŽrentes religions, pour voir ce qui arriverait aux chrŽtiens. Le patriarche parut avec les chrŽtiens dans le palais, devant le roi; la salle Žtait pleine de gens du roi; [il y avait] des pachas, des santschaks, et le maudit
Juif. Une coupe pleine d'un breuvage empoisonnŽ Žtait posŽe sur la fentre. En entrant dans la salle, le patriarche salua trois fois du c™tŽ de l'orient, et dit au roi : ĒOrdonne de me donner ce que tu as commandŽ, je fuis prt ˆ boire la coupe mortelle pour mon Christ.Č Le roi rŽpondit : ĒVieillard ! ce n'est pas avec nous que tu as discutŽ de la foi, et ce n'est pas nous qui te donnons la coupe.Č Le Juif prit alors la coupe, l'apporta au
patriarche, pleine d'un breuvage fortement empoisonnŽ et couvert d'Žcume, et lui dit : ĒPrends cette coupe et bois ! si ta foi est la vraie, tu n'auras aucun mal; si elle ne lÕest pas, tu auras bu la mort.Č Le saint patriarche prit la coupe, les larmes aux yeux, dit lˆ prire, fit le ligne de la croix au-dessus, et, ayant soufflŽ, du vin rouge apparut aussit™t sous l'Žcume. Les chrŽtiens prŽsents s'Žcrirent avec des pleurs : ĒSeigneur ! aie pitiŽ des chrŽtiens !Č Er ils le mirent ˆ rŽpŽter : ĒDieu, aie pitiŽ de nous !Č
Quant au patriarche, il vida la coupe jusqu'au bout et le breuvage lui parut du vin trs doux et bon, et il relia sain et sauf. Alors il dit au roi : ĒOrdonne de me a donner un peu d'eau.Č Et son visage s'Žclaircit comme le soleil et tous furent ŽmerveillŽs de la beautŽ de son visage. On lui apporta un peu d'eau; il la versa dans la coupe, et, l'ayant lŽgrement rincŽe, il la prŽsenta au Juif avec ces paroles :ĒJ'ai bu un poison mortel servi par ta bonne foi, et toi bois un peu d'eau de ma mauvaise foi.Č Le Juif ne voulut pas boire, sur quoi le patriarche dit : ĒRoi ! juge Žquitablement entre moi et le Juif; nous avons bu de les mains le poison qu'il a voulu et qu'il a passŽ une semaine ˆ prŽparer, et moi j'ai versŽ devant toi de l'eau dans la coupe, et non du poison.Č Tout le peuple prŽsent s'Žmut contre le Juif. Le roi lui ordonna de boire et l'y contraignit ˆ grand'peine. Il but un peu de cette eau et son corps commena aussit™t ˆ enfler. Il s'enfuit du palais dans sa maison, et le roi envoya un janissaire ˆ sa suite pour voir ce qui lui arriverait. Une demi-heure aprs le janissaire revint et dit : ĒLe maudit Juif a rendu l'‰me, ™ roi ! son ventre s'est fendu et dŽversŽ.Č Alors le roi dit : ĒDemande-moi ce que tu veux, vieillard ! et ne sois pas f‰chŽ contre moi; ce n'est pas moi qui t'ai donnŽ le poison; celui qui te l'a donnŽ a pŽri. Le patriarche lui rŽpondit : ĒIl ne faisait ce que que tu lui avais ordonnŽ,Č et ajouta : ĒDonne-moi les chrŽtiens qui habitent l'ƒgypte, afin qu'ils ne dŽpendent que de moi et que je les juge, que tes commissaires n'entrent pas chez eux, et qu'ils ne puissent tre vendus.Č Le roi lui abandonna les chrŽtiens et commanda de lui donner un rescrit, et il le retira.
Les chrŽtiens l'emportrent dans leurs bras en louant Dieu, et donnrent un grand et abondant repas aux plerins et aux pauvres. Depuis ce jour les Turcs commencrent ˆ vŽnŽrer le patriarche et ˆ le craindre grandement. De retour dans sa cellule, le saint patriarche perdit toutes ses dents, une ˆ une, sans souffrance, ˆ cause du violent poison. Les moines lui font tous les jours du pain blanc et tendre, et le nourrissent ainsi. Il fut patriarche en ƒgypte, pendant seize ans, aprs avoir pris cet affreux poison.
Le sultan turc Soliman vint de Constantinople au Caire et prit [cette ville] en l'annŽe sept mille vingt-deux, ainsi que le roi Gabriel, qui avait donnŽ le poison, et le fit pendre dans ses vtements royaux aux portes de fer qui sont au bout de la grande place.
On nous dit que le saint patriarche occupe le sige patriarcal depuis quatre-vingt-cinq ans. Il prit les ordres dans le Couvent du Sina•, y passa douze ans, et officia pendant trois ans ˆ JŽrusalem, au Saint SŽpulcre de notre Seigneur.

Dans : LE PéLERINAGE DU MARCHAND BASILE POSNIAKOV AUX SAINTS LIEUX DE L'ORIENT (1558-1561)

Si nous voulons quitter ce monde en de bonnes dispositions et aller au paradis, tout en appelant notre Dieu amour et pre, nous devons avoir deux amoursŹ: l'amour de Dieu et l'amour de notre prochain. Il nous est naturel d'avoir ces deux amours, et il est contraire ˆ la nature de ne pas les avoir. De mme qu'une hirondelle a besoin de deux ailes pour voler, de mme avons-nous besoin de ces deux amours, car sans eux nous ne pouvons tre sauvŽs.
Les Martyrs gagnrent le paradis par leur sangŹ; les Asctes par leurs exploits ascŽtiques. A prŽsent, vous, mes frres, qui avez des enfants, comment gagnerez vous le paradisŹ? En pratiquant l'hospitalitŽ, en donnant ˆ vos frres qui sont pauvres, aveugles, les boiteux.
Aimons Dieu et en raison de cela les hommes. Alors, Dieu vient et implante la vie Žternelle en nos cĻurs et nous quittons cette vie en de bonnes dispositions et allons au paradis nous y rŽjouir pour l'ŽternitŽ.
Dieu nous a-t-il donnŽ la richesse ? Il est de notre devoir de manger et de boire autant que nŽcessaire d'avoir suffisamment d'habits; le reste devrait tre dŽpensŽ pour les pauvres. Dieu ne nous a pas donnŽ la richesse pour que nous mangions et buvions ˆ l'excs ou que nous portions des vtements cožteux et construisions d'imposantes maisons alors que les pauvres meurent de faim. Telle est alors notre devoir. Prenez en conscience. Ds aujourd'hui, agissez de cette faon et vous serez sauvŽs.
Nous qui sommes de pieux chrŽtiens devrions aimer nos ennemis et leur pardonner. Nous devrions leur offrir ˆ manger et ˆ boire et confier leur ‰me ˆ Dieu. Et nous devrions alors direŹ: ĒMon Dieu, je Te demande de me pardonner comme j'ai pardonnŽ ˆ mes ennemisŹČ.
Si vous voulez que Dieu vous remette vos pŽchŽs et Žcrive votre nom au paradis, dites ˆ vos ennemis trois foisŹ: ĒQue Dieu te pardonne et te fasse gr‰ce.Č

Saint Cosmas dՃtolie

ĒLa contrition est la peine parfaite du cĻur qui envahit la personne qui, ˆ cause des pŽchŽs commis, a dŽu Dieu et transgressŽ sa loi divine. Cette contrition ne vient qu'ˆ ceux qui sont parfaits et ˆ ceux qui sont enfants de Dieu, car elle provient uniquement de l'amour de Dieu, tout comme un fils se repent simplement parce qu'il a dŽu son pre, et non parce qu'il a ŽtŽ dŽshŽritŽ ou chassŽ de la maison paternelle. Au sujet de cela, le divin Chrysostome ditŹ:ŹĒGŽmissez aprs que vous ayez pŽchŽ, non pas parce que vous serez puni (car cela n'est rien), mais parce que vous avez offensŽ votre Ma”tre, celui qui est si gentil, qui est si bon, celui Qui vous aime tant et dŽsire ardemment votre salut au point d'avoir donnŽ son Fils pour vous. En raison de tout cela, gŽmissezČ (HomŽlie de Saint Jean Chrysostome sur II Corinthiens). [Ź...] Afin d'acquŽrir la contrition, considŽrez combien vous avez traitŽ Dieu de faon injuste par vos pŽchŽs. [...]
1) Par vos pŽchŽs, vous avez offensŽ et dŽshonorŽ le Trs Haut et Grand Dieu Š vous qui n'tes qu'un ver avez dŽshonorez le Tout Puissant, vous qui n'tes que de l'argile avez offensŽ et dŽshonorŽ le CrŽateur de tout, vous qui n'tes rien avez offensŽ et dŽshonorŽ l'ętre Infini Š car vous avez transgressŽ sa loiŹ: ĒTu dŽshonores Dieu par la transgression de la loiČ (Rom 2,23).
2) Par vos pŽchŽs, vous vous tes rŽvŽlŽ tre un esclave et un fils ingrat ˆ l'Žgard d'un Ma”tre si bon et d'un Pre rempli d'affection, qui vous a aimŽ avant les sicles; ce n'est pas ˆ cause de votre valeur, mais uniquement ˆ cause de sa bontŽ qu'il a dŽcidŽ en sa divine pensŽe de vous crŽer alors qu'il aurait pu en crŽer d'autres ˆ votre place. Vous l'avez dŽshonorŽ car vous vous tes montrŽ ingrat ˆ l'Žgard du Dieu qui vous a menŽ ˆ l'tre, qui vous a crŽŽ ˆ son image et ˆ ressemblance, qui vous a donnŽ un corps contenant tous les sens et une ‰me avec toutes les facultŽs, qui vous a fait roi de toutes les crŽatures, qui vous a donnŽ la nourriture nŽcessaire, les vtements nŽcessaires, une maison, qui a commandŽ ˆ ses crŽatures sensŽes de vous servir, qui vous a sauvŽ de tant de dangers, maladies et de la pauvretŽ dont tant d'autres personnes souffrent, qui vous a donnŽ un ange pour demeurer ˆ vos c™tŽs et vous garder.
Vous avez dŽshonorŽ Dieu car vous vous tes montrŽ ingrat vis-ˆ-vis de votre grand Bienfaiteur, qui a ordonnŽ que vous naissiez de parents chrŽtiens, qui vous a reu tant de fois ˆ ses Mystres, qui a fait de vous son enfant par le saint baptme, qui vous a rachetŽ des mains des dŽmons, qui s'est fait homme pour votre salut, qui a rŽpandu son sang jusqu'ˆ la dernire goutte pour faire de vous l'hŽritier de son royaume, qui tant de fois a attendu votre repentance aprs que vous ayez pŽchŽ, alors qu'il en condamnait beaucoup d'autres qui avaient commis des pŽchŽs moindre, qui vous a suivi quand vous vous Žloigniez de lui, qui vous a parlŽ, vous a aimŽ, vous a suppliŽ, dŽsirant votre salut.
En somme, vous avez dŽshonorŽ Dieu parce que vous vous tes montrŽ ingrat ˆ l'Žgard d'un tel Ma”tre, qui a rŽpandu sur vous tant de bŽnŽdictions et de gr‰ce, en partie et en totalitŽ, de faon cachŽe et manifeste, et la pire chose de toutes est qu'au moment o vous receviez toutes ces gr‰ces sous vos yeux, vous, crŽature ingrate, avez osŽ Lui offrir en retour vos actes mauvais.

ļ mon frre pŽcheurŹ! Si jamais quelqu'un vous donnait seulement une seule de ces bŽnŽdictions, vous ne sauriez comment le remercier. Mais quand ce n'est pas un homme, mais le Dieu tout puissant, le CrŽateur de tous les anges vous a accordŽ tant de gr‰ces, comment se fait-il qu'au contraire, vous faites preuve d'ingratitude ˆ son ŽgardŹ? Demandez-vous, mon frre, demandez-vous comment se fait-il que la terre vous porte encore et ne se soit pas encore ouverte pour vous avaler vivant. Demandez-vous comment se fait-il que le ciel ne vous ait pas frappŽ d'Žclairs pour vous carboniser; comment se fait-il que l'air que vous avez polluŽ de vos pŽchŽs, n'ait pas encore Žmis des vents toxiques afin de vous empoisonner, et comment se fait-il que tous les ŽlŽments ne se soient soulevŽs contre vous comme des btes afin de vous avaler vivant, incapables de supporter de vous voir vous, l'apostat et leŹ fourbe, montrer une telle ingratitude par vos pŽchŽs ˆ l'Žgard de leur CrŽateur, qui est aussi votre plus grand BienfaiteurŹ: ĒRace perverse et retorse, est-ce le Seigneur que vous en rendrez responsableČ (Dt 32,5).
3) Vous avez dŽshonorŽ Dieu car par vos pŽchŽs vous avez commis une injustice et une moquerie inou•es contre la rŽdemption que le Fils de Dieu a accompli pour vous, parce que vous l'avez placŽ une seconde fois sur la Croix, vous avez foulŽ au pied son amour, vous avez profanŽ son trs saint Sang, vous avez insultŽ la gr‰ce de son Esprit, vous avez ouvert ses plaies, vous avez renouvelŽ les crachats, les soufflets, la couronne d'Žpines, la flagellation, les clous, la lance et toutes les souffrances et humiliations, vu que vous avez commis le pŽchŽ, qui fut la cause de sa CrucifixionŹ:ŹĒils crucifient de nouveau, pour leur part, le Fils de Dieu et le dŽshonorent publiquementČ (Heb 6,6), dit le divin Paul.
ļ mon frre, si vous considŽrez ces trois lances par lesquelles vous avez blessŽ Dieu en pŽchant, je suis certain que vous rugirez et gŽmirez comme un lion ˆ cause de vos pŽchŽsŹ: ĒJe gŽmis ˆ cause du trouble de mon cĻurČ (Ps 37,8-9), et vous ha•rez le pŽchŽ et vous en serez dŽgožtŽs, et votre cĻur sera brisŽ en un millier de morceaux, mme s'il Žtait insensible et dur comme la pierre; vous le ferez verser des larmes de sang. Ainsi, autant que possible, concentrez-vous et mŽditez sur ces trois points en vu d'acquŽrir la sainte contrition, qui est la plus noble et la plus prŽcieuse partie de la repentanceŹ: il s'agit d'tre triste pour le seul motif que vous avez pŽchŽ contre Dieu et attristŽ le saint Esprit, selon la parole de l'Ap™treŹ: ĒN'attristez pas le saint Esprit de DieuČ (Eph 4,30).

Saint Nicodme de lÕAthos (Manuel de la Confession)

 

Une intervention de saint Charalampe

Lors de la deuxime Guerre mondiale, le fait suivant eut lieu dans un petit village du PŽloponnse :
Sur l'ordre du commandant d'une troupe allemande, ce village devait tre dŽtruite le lendemain. Tous les villageois prirent peur en apprenant cette dŽcision et se prŽcipitrent dans l'Žglise du village, dŽdiŽe ˆ saint Charalampe, afin d'implorer son secours.
La nuit suivante, le commandant vit en rve un prŽlat barbu qui lui demandait de ne pas dŽtruire le village. Le commandant ne comprenait rien ˆ ce rve. Le rve se renouvela et il fut promis au commandant que lui et ses soldats rentreraient sains et saufs dans leur patrie s'il renonait ˆ son projet. Il eut le mme rve une troisime fois et il commena ˆ avoir peur, ne comprenant pas trop ce qui lui arrivait.
Le matin il se rendit, accompagnŽ de quelques militaires, dans l'Žglise du village. Les habitants croyaient l'heure arrivŽe pour la destruction en voyant les soldats dans l'Žglise. Quand le commandant s'approchait de l'ic™ne de saint Charalampe, il reconnut celui qui lui Žtait apparu en rve et demanda qui Žtait ce personnage sur l'ic™ne. On lui dit que c'Žtait le patron de l'Žglise, saint Charalampe.
Ė la suite de cela, le commandant annula son projet et, comme promis, lui et ses camarades rentraient sains et saufs en Allemagne.
Depuis lors, chaque annŽe, ce mme commandant fait un plerinage dans ce village perdu en PŽloponnse pour remercier saint Charalampe.

Archimandrite Cassien

QUESTIONS ET RƒPONSES

Question :
Qu'est-ce que cela veut dire "cacodoxe" ?

RŽponse :
Cacodoxe vient de caco (mauvais) et doxa (glorification); Ce nÕest pas nŽcessairement lÕhŽrŽsie ni le schisme.
HŽtŽrodoxe veut dire (autre glorification).
Les ĒnŽosČ ne sont pas encore condamnŽs par notre Synode comme hŽrŽtiques quoiquÕils les sont vue leur ĻcumŽnisme. Le Synode attend encore. La mme chose pour les florinŽens.
Les cacodoxes sont Žvidement en dehors de lՃglise et il nÕy a des sacrements valables que dans lՃglise. Autre chose la foi dÕun cacodoxe que Dieu seul juge, qui conna”t les cĻurs de chacun et autre chose les sacrements.

Le commencement de la chastetŽ, cÕest un esprit qui ne flŽchit pas devant les pensŽes ou rveries adultres;

la perfection de la chastetŽ, cÕest la puretŽ qui voit Dieu.


Saint Ignace Briantchaninov

 

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