Bulletin des vrais chrétiens orthodoxes

sous la juridiction de S.B. Mgr. André

archevêque d'Athènes et primat de toute la Grèce

NUMÉRO 82

Juillet 1998

Hiéromoine Cassien

Foyer orthodoxe

66500 Clara (France)

Tel : 00 33 (0) 4 68 96 1372

NOUVELLES

L'ANACHORETE INCONNU

L'ANGOISSE ET L'INQUIÉTUDE DES CHRÉTIENS

L'HOMME EN JÉSUS CHRIST

QUESTIONS ET RÉPONSES

COURRIER D'UNE LECTRICE

LA THÉBAIDE DU NORD dans les années 1990

VIE DE SAINTE THÉODORA DE VASTA MEGALOPOLIS

LA VIE EN JÉSUS CHRIST


NOUVELLES

Il y a assez de nouvelles, cette fois-ci, pour remplir une page.

Je commence avec le baptême de Fabien qui a eu lieu le samedi passé - 19 juillet (1 août). Par manque d'eau nous avons dû le baptiser dans la rivière. Entre-temps, le prophète Elie, dont c'était la fête le jour suivant, a fait pleuvoir lors de sa fête et encore après. Un grand merci à lui car c'était vraiment la sécheresse telle que je ne l'avais pas vu ici depuis 28 ans.

J'étais en Grèce, il y a quelques semaines, afin de filmer des monastères et d'éditer ensuite des vidéo-cassettes. C'est prêt et j'espère pouvoir continuer par la suite (Mont Athos, Terre sainte, etc). J'envisage aussi d'en faire pour des émissions à la télé et je suis en plein pourparlers.

Je termine en hâte le bulletin car des lecteurs s'impatientent déjà, vu le retard. Ensuite, d'autres préoccupations m'attendent.

Dans l'amour du Christ,
hm. Cassien

L'isolement n'est pas la solitude; il en est même le contraire. L'être isolé est une unité parmi d'autres et souvent contre d'autres...

Le solitaire au contraire communique avec l'univers entier; sa solitude est plénitude.
J. Lacroix (Le sens du dialogue)

L'ANACHORETE INCONNU
Dans :
Père Païsios
Fleurs du jardin de la Mère de Dieu
édité par le monastère Saint-Jean-Le-Théologien
Souroti de Thessalonique (Grèce)

Lorsque je vins au Mont Athos pour la première fois, en 1950, je perdis mon chemin en montant du skite de Kapsokalyves vers Sainte-Anne. Au lieu de prendre la direction du skite, je m'acheminai vers le sommet de l'Athos. Après avoir marché assez longtemps, je compris que je montais et cherchai un sentier pour couper et redescendre rapidement. Dans mon inquiétude, je suppliai la Mère de Dieu de venir à mon secours, quand, tout à coup, un anachorète au visage lumineux surgit devant moi : il devait avoir dans les 70 ans, et son vêtement indiquait qu'il n'avait pas de contacts avec les hommes. Il portait une soutane qui semblait être en toile de bateau, très délavée et trouée de partout. Il avait bouché les trous avec des sortes de poinçons en bois, comme font les paysans pour raccommoder les sacs déchirés quand ils n'ont ni aiguille ni gros fil. Il portait une besace en peau, délavée, elle aussi, et dont les trous étaient comblés de la même façon.

Il avait au cou une grosse chaîne, à laquelle une petite boîte était suspendue et qui retombait sur sa poitrine : il devait y avoir quelque chose de sacré dedans !

Avant même que je ne l'interroge, il me dit :

- Ce chemin ne mène pas à Sainte-Anne, mon enfant !

Et il me montra un autre sentier. D'après toute son apparence, il semblait être un saint.

Je demandai à l'ermite :

- Où demeures-tu, Géronda ?

 

Et il répondit en me montrant le sommet de l'Athos :

- Quelque part à côté d'ici.

Comme j'avais erré ça et là en quête du Géronda auprès duquel mon âme trouverait ce qu'elle désirait, j'avais oublié le jour et la date où nous étions. Je le demandai donc à l'ermite et il me répondit que nous étions vendredi. Il sortit ensuite un petit sac en peau contenant de menus morceaux de bois avec des traits, et, d'après le nombre de traits, il me dit quel jour du mois nous étions. Je reçus sa bénédiction, avançai par le sentier qu'il m'avait indiqué et atteignis le skite de Sainte-Anne. Mais mon esprit revenait sans cesse au visage lumineux et rayonnant de l'anachorète.

Lorsque j'appris plus tard qu'il existait douze anachorètes au sommet de l'Athos - certains disent qu'ils sont sept -, je m'interrogeai sur la rencontre que j'avais faite en 1950 et la racontai à des vieillards pleins d'expérience, qui me dirent :

- Cela devait être un de ces saints anachorètes, qui vivent invisibles aux yeux des hommes au sommet de l'Athos !

Chacun sait que le propre du génie est de fournir des idées aux crétins, 20 ans plus tard.

L. Aragon

L'ANGOISSE ET L'INQUIÉTUDE DES CHRÉTIENS
Extrait du livre "Therapeftiki agoghi" de l'archimandrite Hiérothée Vlachos
Traduit du grec
Chapitre 19

Le chrétien d'aujourd'hui se sent envahi par l'angoisse et l'inquiétude, voyant que tous combattent contre l'Église et que l'Église... se perd ! Tout est noir ! Tout est obscur ! On ne rencontre rien de bon ! On dirait que les portes de l'Enfer se sont ouvertes pour avaler les hommes de Dieu et faire disparaître leur trace de la terre. Ainsi, nous nous trouvons dans l'anxiété, notre âme est agitée et nous prenons une position de résistance et d'agression. Nous luttons contre les "athées" qui veulent détruire l'Église et nous faisons le possible pour que la Tradition orthodoxe ne chancelle pas. Tout cela crée un surcroît d'appréhension et de désolation.

Mais cette anxiété et cette tristesse sont-elles justifiables ? Je pense que pour la plupart des cas - pour ne pas dire dans tous les cas - elles ne sont pas justifiables. Et cela pour de nombreuses raisons.

Tout d'abord, parce que l'Église vit toujours la Croix du Christ. Un ancien auteur ecclésiastique demandait : "Quelle femme épouserait un crucifié ? Et pourtant c'est ce que l'Église a fait. Elle a épousé un Crucifié." Il n'existe pas d'église orthodoxe locale qui ne subisse pas de persécution. Seulement, le genre de persécution diffère selon le lieu - ici ouverte, de front, là intérieure ou indirecte, ailleurs avec l'influence du monde, encore ailleurs avec l'anthropocentrisme etc. L'Église sans persécution est indigne de son apostolat. L'Église sans attaque est inconcevable. C'est ce qu'enseigne l'histoire de l'Église orthodoxe. D'ailleurs, une des différence fondamentale entre l'orthodoxie et le papisme, c'est que les orthodoxes sont toujours les crucifiés, alors que les papistes sont ceux qui crucifient. C'est aussi ce qui se passe avec les vrais chrétiens. Quand et où le Christ nous a-t-Il promis que tout le monde nous estimera et nous respectera ? Bien au contraire, le Seigneur parlait toujours de persécution et de vi de la Croix. Au chapitre 10 de l'Évangile selon saint Matthieu, l'enseignement du Christ sur l'apostolat de ses disciples comme oeuvre de croix apparaît nettement : "Voici, je vous envoie comme des brebis au milieu des loups"; "Vous serez haïs de tous à cause de mon Nom"; "S'ils ont appelé le Maître de maison Béelzebul, combien plus les gens de sa maison !"; Ne croyez pas que Je sois venu apporter la paix sur la terre; Je ne suis pas venu apporter la paix, mais l'épée..." (Mt 10,16-36) Tout ce chapitre pourrait constituer une lecture apostolique quotidienne. Les chrétiens peuvent le lire chaque jour, car malheureusement, nous avons appris à être respectés et honorés et nous ne pouvons vivre sans cela. Ailleurs, le Seigneur insiste encore sur le caractère indispensable des persécutions et des afflictions. "Vous aurez des tribulations dans le monde. Mais prenez courage, J'ai vaincu le monde" (Jn 16,33).

Restant ferme dans cette tradition qu'il reçut du Seigneur, saint Jean le Théologien affirme : "Le monde ne vous connaît pas, car Il ne L'a pas connu." (1 Jn 3,1), et "Ne vous étonnez pas, frères, si le monde vous hait " (1 Jn 3,13). Et saint Paul, le grand Apôtre des nations, écrit aux Corinthiens : "Car Dieu, ce me semble, a fait de nous, apôtres, les derniers des hommes, des condamnés à mort en quelque sorte, puisque nous avons été en spectacle au monde, aux anges et aux hommes. Nous sommes fous à cause du Christ; mais vous, vous êtes sages en Christ; nous sommes faibles, mais vous êtes forts. Vous êtes honorés et nous sommes méprisés ! Jusqu'à cette heure nous souffrons la faim, la soif, la nudité; nous sommes maltraités, errant çà et là; nous nous fatiguons à travailler de nos propres mains; injuriés, nous bénissons, persécutés, nous supportons; calomniés, nous parlons avec bonté; nous sommes devenus comme les balayures du monde, le rebut de tous jusqu'à maintenant" (1 Cor 4,9-13).

Certes, il y en a qui déclarent que autre est l'épreuve personnelle et autre la persécution de la foi, et que dans le premier cas, nous devons patienter mais dans le deuxième, nous insurger. Cependant, cela n'est pas aussi simple. Souvent, quand nous prétendons lutter pour la foi, en réalité nous projetons notre moi passionné et nous luttons pour le soutenir. Il est même effrayant de voir que dans cette lutte nous exprimons nos passions et nous essayons essentiellement de sauvegarder notre moi malade. Les saints qui vivent dans l'impassibilité et l'illumination peuvent entreprendre des luttes héroïques pour la sauvegarde de l'enseignement orthodoxe, quand il s'agit de sauver les faibles dans la foi. C'est pourquoi, comme nous le remarquerons plus bas, même quand il sera nécessaire de "défendre" la foi, il faudra que cela se fasse dans le calme et la surabondante vivification du Verbe.

Mais revenons à notre sujet, affirmant qu'il n'est pas nécessaire de s'inquiéter, justement parce que la croix et la persécution sont le sort du christianisme orthodoxe. Par la croix, nous vivons la liberté en Christ. Et nous ressentons la liberté comme affranchissement de la mort. Le Christ et ceux qui suivent le Christ, abolissent la mort et vivent la vraie vie. Et là où la mort est abolie, il n'y a absolument aucun danger.

Cependant, je pense qu'il existe une autre raison pour laquelle il n'y a pas lieu de s'inquiéter : c'est que ce mal (la persécution) n'est pas un phénomène nouveau. Il ne faut pas voir la vie d'un seul point de vue et toujours dans notre perspective. L'effort pour affaiblir la foi et la tradition du peuple ne vient pas tout juste de commencer. C'est un phénomène qui, dans notre pays *, a commencé avant la révolution de 1821 et se poursuivit (afin de s'accomplir) après la révolution. Le modernisme a dès lors commencé à ronger la moelle de notre société. Depuis la libération de la Grèce, notre vie commença à s'occidentaliser. On rencontre cette occidentalisation dans tous les domaines : justice, éducation, religion, divertissements, etc., tout est transformé. Et cela à tel point que le général Makriannis écrit : "Si quelqu'un nous décrivait la liberté dont nous jouirons, nous demanderions à Dieu de nous laisser aux Turcs encore autant d'années, afin que les hommes reconnaissent ce que signifient patrie, religion, dignité, vertu, honneur." D'autre part, le marxisme est une création de la métaphysique occidentale. Le capitalisme tout comme le marxisme sont nés en Occident avant de s'introduire par différents moyens dans notre pays. Par conséquent, la lutte n'est pas récente. Ce n'est pas non plus seulement maintenant que nous chancelons.

Par ailleurs, l'inquiétude des chrétiens n'est pas excusable, car nous avons la certitude de la victoire. La parole chrétienne est comme la pâte qui panifie le monde; la terre porte du fruit automatiquement, la force de la parole de Dieu est inexprimable. Saint Jean le Théologien écrit : Tout ce qui est né de Dieu triomphe du monde; et la victoire qui triomphe du monde, c'est notre foi. Qui est celui qui a triomphé du monde, sinon celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu ?" (1 Jn 5,4-5).

Il a été dit plus haut que certaines fois il est nécessaire de lutter afin que la révélation transmise par Dieu aux saints ne soit pas altérée. Nous ne prétendons pas qu'il faut toujours se taire. Nous devons transmettre la parole à quiconque l'exige. Mais cela, je pense, doit se faire sous certaines conditions qui constituent l'esprit orthodoxe, car autrement la lutte serait tout à fait inutile.

1. On peut parler quand il s'agit de sujets qui altèrent les dogmes de l'Église. En effet, quand le dogme est altéré, le trouble s'introduit dans la vie.Les Pères parlaient quand il s'agissait de questions graves ayant des conséquences dans cette vie même.

2. Une attention éveillée est nécessaire afin que notre parole sur la Vérité ne devienne pas de la politique. Malheureusement, nous vivons à une époque où tout est politisé. Je pense que c'est très effrayant - voire un péché - de politiser les luttes pour la foi orthodoxe et la Vérité. Et cette politisation se fait sans que nous nous en rendions compte. Il existe des groupes qui exploitent politiquement les questions de religion. Les saints martyrs qui se défendaient se contentaient de confesser qu'ils croyaient au Christ et qu'ils ne Le renieraient pas. Ils étaient simples dans leurs expressions et calmes dans leurs réponses durant tout le processus de l'interrogatoire, même sous les tortures effroyables que l'on leur faisait subir. Ils avaient une paix intérieure, preuve de la plénitude du saint Esprit. Par contre, dans les cas où les martyrs, après leur confession du Christ, procédèrent à des actes politiques, l'Église ne les range pas au choeur des saints martyrs. Malheureusement aujourd'hui, au nom de l'orthodoxie et de la sauvegarde de la foi orthodoxe, nous procédons à des actes politiques. Mais cela n'est pas orthodoxe. Souvent je me demande si nous les chrétiens, nous n'irritons pas les dits "athées". Malheureusement, dans beaucoup de cas, cela est une réalité. De toute façon, l'Église ne doit pas s'introduire dans la division de la société dans le but de conserver cette division, mais appeler la société à l'union. Cela est une oeuvre de croix.

3. Quand il nous faudra parler, cela devra se faire sans crainte ni angoisse. Je veux dire qu'il ne faut pas voir sans cesse autour de nous des ennemis qui veulent nous détruire, la plupart du temps, nous considérons chaque pensée personnelle comme une hérésie et celui qui a ou qui exprime cette pensée, comme un hérétique ou un ennemi de la foi, un élément dangereux pour la société. De cette façon, nous voyons le problème en dehors de nous et non en nous-mêmes. L'expression qui domine à notre époque : "c'est la faute de la société", nous la vivons, nous aussi les chrétiens. Nous disons que c'est à cause des athées que les hommes ne croient pas en Dieu. Nous ne nous tournons jamais vers nous-mêmes pour constater que le problème, c'est nous et non les autres. En effet, selon le témoignage orthodoxe, c'est nous qui sommes l'enfer (= la perte) des autres et non les autres notre enfer. L'altération de la vie orthodoxe se trouve d'abord en nous-mêmes. L'homme passionné est déjà modernisé, occidentalisé. La modernisation n'est rien d'autre que notre nature déchue. Nous savons bien, à travers l'histoire de l'Église orthodoxe, que le vrai chrétien peut vivre aussi bien sous tous les régimes. Pour celui qui vit selon les commandements du Christ, Néron, Dioclétien, saint Constantin le Grand ou Julien l'Apostat, c'est la même chose. Aucun d'entre aux ne l'empêche de vivre l'évangile dans sa vie. La liberté en Christ qui est détachée de la mort, du péché et du diable, se vit dans tous les pays du monde et sous les pires conditions sociales et politiques. La lettre à Diognitos du 2e siècle est significative : les chrétiens "habitent dans leur patrie mais comme de passage, ils participent à tout comme citoyens et supportent tout comme des étrangers; tout pays étranger est le leur et tout pays leur est étranger. Ils séjournent sur la terre, mais ils vivent au ciel. Ils se soumettent à des lois établies et, par leur propre vie, ils surpassent les lois." Aussi, comme nous l'avons dit plus haut, le Seigneur dit que ses disciples resteront des brebis, même au milieu des loups.Ici je voudrais mentionner le paroles de saint Jean Chrysostome : l'injure est soit constituée soit perdue, non par le jugement de ceux qui la prononcent, mais par la disposition de ceux qui la supportent; voici ce que je dis : on t'a injurié avec maintes paroles; si tu méprises les injures, tu n'as pas été injurié, car ce n'est pas par la manie de ceux qui disent des injures, mais la faiblesse de ceux qui les subissent que se constituent les injures et leur déshonneur, si donc nous savons être philosophes, nous ne pouvons être injuriés ni subir aucun mal.

Nous avons l'habitude de voir partout des ennemis prêts à nous déchirer. Cela révèle le manque de connaissance de soi et d'amour envers le prochain. Le Christ ne voyait jamais l'homme comme un ennemi, mais comme un malade qui devait être soigné. Les saints de l'Église agissent de la même façon.

4. Quand il nous faudra parler, alors, que la parole utilisée soit une parole du Verbe, une expression de très profonde paix et essentiellement une révélation de Dieu, afin de ne faire aucun mal aux hommes et à l'Église. Le témoignage et le martyre des saints étaient principalement et surtout fruit de contemplation. Les saints avaient obtenu un sentiment intérieur de Dieu, furent dignes de voir Dieu et rendirent témoignage de ce Dieu "connu". Si nous n'avons pas de révélation ou de contemplation, nous ne pouvons pas parler facilement. Mais même si nous ne sommes pas encore parvenus à cet état, au moins soyons guidés par des hommes qui vivent cette vie de l'Église. Il faut enfin savoir que nus avons besoin de recevoir la bénédiction de notre lutte, de nos paroles et de nos actes par les saints qui vivent dans la révélation et ont une assurance auprès de Dieu, union avec Lui. Combien d'entre nous avons-nous exposé nos actes et nos paroles à des pères contemporains, qui ont "vu" Dieu, pour les faire examiner ?

Outre tout cela, qu'il me soit permis de rappeler un autre moyen d'agir dans ces temps troublés et très agités. Au lieu de nous confronter avec les dits "athées" et ennemis de l'Église, entraînés dans des querelles anthropocentriques, fût-ce pour la grâce du peuple qui ne sait pas et ne peut pas se défendre, il faudra entreprendre un travail plus fondamental. Offrir la santé au peuple. C'est-à-dire lui révéler l'esprit orthodoxe, le transfigurer par l'esprit orthodoxe. L'aider à parvenir à la connaissance personnelle de Dieu, si bien que rien ne pourra le faire chanceler. Aucune force humaine, si passionnée qu'elle soit, ne pourra l'influencer. Initier le peuple à la méthode négative de la théologie orthodoxe, dans l'enseignement comme dans la vie. Et puisque cette connaissance de Dieu s'obtient principalement par la prière - sans s'écarter de l vie mystique et surtout de la divine communion, - il faudra nous intéresser sérieusement à l'introduction des fidèles à la pratique de la prière du coeur. Nous intéresser sérieusement à ce que nos fidèles aient le Nom du Seigneur Jésus marqué dans le coeur, et non la marque de la Bête "sur leur main droite ou sur leur front" (Ap 13,16), et qu'ils soient comptés ainsi parmi "ceux qui avaient été décapités à cause du témoignage de Jésus [...] et qui n'avaient pas reçu la marque sur leur front et sur leur main" (Ap 20,4). En effet seuls ceux qui ont la prière du coeur échapperont à la marque de la Bête de l'Apocalypse et auront la liberté en Christ, c'est-à-dire la vie éternelle. Mais cela demande un travail sérieux et nous ne sommes disposés qu'à nous occuper de choses faciles. Nous nous contentons d'oppositions en mots et en phrases. Mais cela ne sert à rien, surtout de nos jours anthropocentriques. Cela procure plus de mal que de bien à l'Église.

Avec tout ce que j'ai écrit, j'ai voulu offrir u peuple un autre sentiment des choses. Voir la lutte du monde contre l'Église et celle de l'Église contre le monde d'un autre point de vue. En effet, je pense fermement qu'aujourd'hui nous avons besoin de sentiments orthodoxes. Nous ne pouvons pas lutter pour la sauvegarde de a Tradition orthodoxe avec des motivations, des jugements et des pensées mondains. Cela ne résiste pas au temps et à l'éternité;

Et puisque j'ai dit précédemment que nous devons nous approcher des ermites, hésychastes, starets contemporains, qui voient les choses plus clairement, je voudrais finir avec quelques paroles que j'ai entendues de la bouche de tels saints hommes et qui peuvent nous aider :

"Laissons les athées à leurs affaires afin qu'ils nous laissent à nos affaires."

"Le plus grand mal dans l'Église n'est pas fait par les dits "athées", mais par les dits "fidèles".

"Tant qu'il existe ne serait-ce qu'un saint qui voit la Lumière incréée, il n'y a aucun danger pour l'Église. De tels saints existent encre aujourd'hui."

Mai 1985

* C'est-à-dire la Grèce. Ce paragraphe montre que l'auteur s'adresse aux orthodoxes de Grèce qui s'angoissent devant l'occidentalisation du pays et la difficulté de vivre la foi. Mais cela n'est-il pas valable pour les orthodoxes de tous les pays, qui vivent encore plus intensément cette difficulté ?


L'HOMME EN JÉSUS CHRIST

L'homme en Jésus Christ diffère beaucoup d'un homme chrétien seulement par le nom, que l'on appelle chrétien parce qu'il fait partie d'une communauté chrétienne. Il est vraiment triste quand ceux qui portent ce nom, compromettent le Nom de Jésus Christ par des actes indignes d'un vrai chrétien. Plusieurs fois, quelques-uns ont jugé le christianisme en disant : "Il vaut mieux rester comme nous sommes que de nous exposer à la risée des gens". Il est vrai que quelques-uns des soi-disant chrétiens laissent à désirer par leur comportement, mais cela ne signifie pas que tous sont pareils.

Dans tous les domaines d'activité il y a de bonnes et de mauvaises gens. Même parmi les douze apôtres il y avait un homme méchant, Judas, qui a vendu même son Seigneur et Maître.

Un homme en Jésus Christ est premièrement homme et comme il est homme, il est imparfait. Et pourtant, de cette catégorie de gens ont jailli quelques-uns qui ont vécu toute leur vie conformément aux principes de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ, ont défendu l'Église de Jésus Christ au prix de leur sang, sont morts comme martyrs pour Dieu, pour l'Église et pour leur nation.

Le vrai chrétien devient un homme puissant, un homme qui a toujours Dieu comme ami. Le chrétien fait partie de l'espèce la plus noble; il est l'homme le plus libre, le plus audacieux, le plus brave. S'il est ce qu'il doit être, alors il est, dans toute l'acception du mot, un homme très humain, un homme ayant la crainte de Dieu et la foi en Lui.

Il est homme par le fait qu'il se rend compte de sa responsabilité devant et envers Dieu.

Il sait bien qu'il doit être pieux et soumis à Dieu et que le jour du Jugement dernier il devra justifier ses pensées, ses paroles et ses actes.

Un saint prêtre nous dit qu'un homme qui était toujours débiteur et qui était arrêté souvent, s'étant pris la manche de sa veste dans une branche, s'est mis à prier d'échapper cette fois-ci. Voilà comment la peur transforme l'homme.

Il y en a plusieurs qui errent de cette manière dans le monde.

Ils sont conscients qu'ils ont commis et commettent même encore de mauvaises choses et c'est pourquoi leur raison les transforme en craintifs. Mais quand leur conscience est contente (libre), quand ils savent que leur coeur se dirige vers les remords sincères et vers la purification et qu'ils veulent faire tout ce qui est juste et ce qui plaît à Dieu, alors ils ne craignent plus.

L'homme en Jésus Christ est habitué à écouter les enseignements et les décrets de l'Église de Dieu et de notre Seigneur Jésus Christ. A suivre absolument les ordres divins. Un tel homme est plus libre, plus affable et meilleur, parce qu'il ne s'attache pas à certaines coutumes qui rendent la plupart des hommes craintifs, vivant dans la crainte de pouvoir perdre leur dignité, de ne plus avoir de considération devant le monde.

Le vrai chrétien se soumet aux lois parce que Dieu et le Sauveur Jésus Christ le lui a ordonné et c'est ainsi que l'Église de Jésus Christ le lui enseigne.

L'homme en Jésus Christ s'agenouille toujours devant Dieu, il a une pensée trop élevée pour s'incliner devant le péché, les infamies de ce monde et la vie passagère, même si tout cela est couvert de tout l'éclat du pouvoir. Un tel homme est toujours sincère et lutte toujours pour la justice et la vérité, pour le bien et le bonheur de ses semblables, pour le bien et la prospérité de l'Église de Jésus Christ, dont il est le fils.

Un homme qui croit en Dieu et dans ses saints est un homme plein de courage, parce qu'il se sent en sûreté et dans la Main de Dieu et de ses saints. Un tel homme reçoit volontiers les peines et les tentations, car il a Dieu et croit que tout ce qu'il lui arrive est décidé par son Seigneur et Maître. Il sait que le Seigneur "marche dans la tempête, dans le tourbillon; les nuées sont la poussière de ses Nieds" (Na 1,3), il est sûr que le Seigneur est son Sauveur. Un tel homme n'a pas peur de mauvaises nouvelles. Il n'en a pas peur et son coeur est plus fort, plus confiant en Dieu. Il vit comme un vrai chrétien et il est tranquille dans les moments où les autres ont peur, car il sait que là-haut, dans les cieux il n'y a pas de crainte et que tout est ordonné par Dieu avec beaucoup de sagesse. De cette manière, il est maître de lui-même, plein d'audace et tranquille, là où les autres, peut-être, sont bouleversés et se perdent.

L'homme en Jésus Christ est homme dans toute l'acception du mot, car il vit dans un monde vrai et non pas dans une cité fictive de la sainteté. Il a découvert le moyen de s'élever au-dessus des choses périssables, en les mettant au service de celles spirituelles, jusqu'au moment où il élimine des choses terrestres celles qui ne coïncident pas à la Volonté de Dieu. Il est cent fois plus facile de transformer les choses spirituelles en choses terrestres. Il y a plusieurs personnes qui profanent Dieu, qui profanent l'Église, les saints et tous les enseignements de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ, en ne se rendant pas compte qu'au fond, ils se profanent eux-mêmes.

Un homme qui vit vraiment en Jésus Christ est un homme qui ne cherche ni le profit, ni le travail de personne. Il ne ment jamais et dit toujours : "Je ne veux le travail de personne, je veux mon travail honnête et mon but est de ne pas faire le mal."

L'homme en Jésus Christ est un homme supérieur de tous les points de vue. Le monde ne peut ni le comprendre ni le vaincre. Il vit dans ce monde, mais il lui est supérieur; il glisse à travers le monde, bien sûr pas sans peine, mais sans chutes, selon que notre Seigneur Jésus Christ a dit : "Osez ! J'ai vaincu le monde" (Jn 16,33).

Le véritable homme en Jésus Christ, même s'il ne cherchait pas une vie éternelle, mais qu'il s'attende à mourir comme le dernier infidèle, il désire pourtant être un bon chrétien.

S'il n'y avait pas une vie éternelle, s'il n'y avait ni ciel, ni enfer, ni paradis et si l'homme vivait entouré seulement de peines et de chagrins, il prierait pourtant le Sauveur Jésus Christ de l'inscrire dans le Livre de vie, Le priant de lui donner paix, repos, rémission de ses péchés et rédemption.

Mais la vie éternelle existe, car la résurrection en est le garant.

Père Olivian Bindiu

 

QUESTIONS ET RÉPONSES

Question :

En lisant le Synaxaire, je lis que saint Georges ressuscita un boeuf. Comment peut-il ressusciter un boeuf ? Les animaux ont une âme, il y a là un élément qui reste flou, pouvez-vous m'éclairer ?

Réponse :

Si saint Georges a ressuscité un boeuf c'est normal. Tout ce qui a vie peut ressusciter. Les animaux ont aussi une âme (en grec psychè) c'est-à-dire un psychisme et ils ont une vie. Une vie peut mourir et donc aussi ressusciter. Donc n'en voulez pas à saint Georges. Priez-le plutôt afin que votre âme ressuscite aussi, morte qu'elle est par le péché.

 

Question :

Une question lorsque dans l'évangile il est dit - on ne peut servir Dieu et Mamon, Mamon est le diable, pourquoi ce nom de Mamon. Pouvez-vous m'en dire quelques mots.

Réponse :

Mamon c'est le dieu de l'argent comme Venus la déesse de l'amour par exemple.

LA THÉBAIDE DU NORD
dans les années 1990
par le moine Nicolas

Et Il me dit : Fils d'homme, ces os revivront-ils ? Et je dis : Seigneur Éternel, Tu le sais... Et je prophétisai selon qu'il m'avait été commandé; et comme je prophétisais, il y eut un bruit, et voici, il se fit un mouvement, et les os se rapprochèrent, un os de son os. Et je vis, et voici, il vint sur eux des nerfs et de la chair, et de la peau les recouvrit par-dessus; mais il n'y avait pas de souffle en eux... Et je prophétisai selon qu'Il m'avait commandé; et le souffle entra en eux, et ils vécurent, et se tinrent sur leurs pieds, - une immense armée. Et Il me dit : Fils d'homme, ces os sont toute la maison d'Israël. Voici, ils disent : Nos os sont desséchés, et notre attente a péri; nous sommes retranchés !... Et vous saurez que Je suis l'Éternel, quand J'aurai ouvert vos sépulcres, et que Je vous aurai fait monter hors de vos sépulcres, mon peuple. Et Je mettrai mon Esprit en vous, et vous vivrez, et Je vous placerai sur votre terre; et vous saurez que c'est Moi, l'Éternel, qui ai parlé et qui l'ai fait, dit l'Éternel. (Ez 37, 3, 7, 8, 10, 11, 13, 14)

Entre le 14e et le début du 17e siècle, le Nord de la Russie fut colonisé par les moines qui répandirent l'ancien idéal chrétien hésychaste dans ces régions sauvages et peu peuplées. De tels luminaires universels de l'Église orthodoxe que saint Serge de Radonège (+1392), saint Cyrille du Lac Blanc (+1429), saint Nil de la Sora (+1508) et saint Alexandre de Svir (+1533) endurèrent faim, froid et toutes sortes de privations dans leur soif de vivre uniquement pour Jésus Christ et de contempler sa Majesté ineffable, acquérant ainsi l'Esprit de paix, par lequel des milliers furent sauvés autour d'eux.

Ce mouvement pionnier rempli de l'Esprit contenait dans ses rangs de nombreux autres saints, qui, bien que pas aussi bien connus, étaient cependant des participants à part entière de cette activité attirant la Grâce. Ils fondèrent monastères et skites dans des forêts et marécages impénétrables, attirant à eux des disciples désireux de mener la vie ascétiques. Ces disciples à leur tour, s'étant perfectionnés en vertu, s'aventurèrent dans de nouveaux maquis et, en émulation de leurs précepteurs, produisirent des fruits spirituels «au centuple». Tels étaient les vrais héros de la sainte Russie. Un tel colon monastique était le saint Martyr de Zelenets (+1603) qui vécut et oeuvra vers la fin de la période susdite, mourant tout juste avant le Temps des Troubles. C'était dans son port tranquille, aujourd'hui détérioré par les ravages du temps, la négligence et la brutalité bolchéviques, que j'ai eu la bénédiction de passer cinq mois, du printemps à l'automne 1993. C'était une époque remplie de sens, de réaffirmation et d'approfondissement du rapport que nous devons avoir avec nos prédécesseurs du désert, qui sont, après tout, non seulement des sources d'inspiration, mais aussi nos protecteurs célestes et guides de notre chemin monastique. La réouverture, réoccupation et reconstruction d'une multitude de petits monastères et skites de cette sorte qui s'opèrent de nos jours en Russie, aura aussi, Dieu voulant, un effet déterminant sur la direction que la vie de l'Église prendra dans les années à venir. Puisque l'ancienne chrétienté russe reçut sa formation et son inspiration du désert, il n'est que normal de regarder vers le désert pour sa restauration authentique.

Le monastère de la Sainte-Trinité de Zelenets est situé entre Saint-Petersbourg et Novgorod-la Grande, à environ 90 milles à l'est du premier, sur la ligne du chemin de fer Petersbourg-Archangelsk. Vers le nord, il y a l'extrémité méridionale du Lac Ladoga, sur lequel se trouvent les monastères de Valaam et de Konevits. A une heure de train vers l'est se trouve le monastère de la Dormition-de-l'Enfantrice-de-Dieu qu'avait quitté saint Martyr pour établir l'hermitage de Zelenets. Il n'existe pas d'autres routes qui y mènent, vu l'isolement de l'endroit et le terrain. Il se dresse comme un chandelier, sur un sommet élevé au milieu de fondrières, de marécages et de forêts, et est visible d'assez loin grâce à la proéminence des cinq coupoles de l'église cathédrale principale. La végétation tout autour est luxuriante, les forêts sont denses de bouleaux, de sapins et de pins et une grande partie de la superficie est couverte d'une mince couche d'eau. A présent, le niveau de l'eau a un peu baissé, à la suite de maigres tentatives de la canaliser, mais au temps de saint Martyr, il devait apparaître comme une île, sertie comme une pierre précieuse au milieu du lac. Le monastère est à dix minutes à pied de la minuscule station de chemin de fer de Zelenets, le long de l'unique voie locale qui n'est qu'un canal bordé de chaque côté de planches de bois placées bout à bout. Le territoire du monastère commence à l'autre extrémité du village de Zelenets. Le village est un rappel grave de la déshumanisation résultant de «l'expérience» socialiste, en ce que trop d'habitants ne semblent y faire grand-chose d'autre que boire. Ils ne montrent pas beaucoup d'intérêt au monastère et on en a vu très peu assister aux offices. L'attitude générale semblaient être celle de la méfiance ou de l'apathie, bien que, avec le temps, pendant mon séjour, un changement tout juste perceptible ait semblé avoir lieu. Malgré la grande proximité du village, un sentiment d'isolement prévaut quand on est dans le monastère, sentiment dû en partie aux murs hauts et épais qui l'entourent et en partie au fait que sur trois côtés, le désert s'étend sur des milles avant que l'on rencontre d'autres habitations.

Histoire

L'histoire du monastère de Zelenets en est une particulièrement triste, puisque depuis ses jours les plus reculés, il subit à plusieurs reprises des attaques de diverses origines. Sa survie ne peut être attribuée qu'à la Grâce de Dieu et aux ferventes prières de son fondateur. C'est saint Martyr qui vint d'abord du monastère de Tikhvine dans cette région sauvage et inhabitée aux alentours de l'année 1560, sur l'insistance de son disciple Abramius qui reçut une révélation du Seigneur. D'abord, il construisit pour lui-même une cellule de torchis et une petite chapelle. Dans les années 1580, il existait déjà un monastère en bois, avec de nombreux frères. En 1601, juste deux ans avant le trépas du saint, une première église en pierre fut construite en l'honneur de l'icône de Tikhvin de la toute-sainte Enfantrice de Dieu. La première adversité qui échut aux moines eut lieu autour de 1613 pendant le Temps des Troubles lorsque les Suédois pillèrent et incendièrent l'ermitage. Grâce à la protection et l'assistance du pieux tsar Michaïl Féodorovitch, le monastère fut reconstruit dans les années 1630. Cependant, la communauté ne resta pas longtemps libre d'afflictions. Le malheur vint cette fois-ci de la part des schismatiques vieux-croyants, qui vivaient dans ces régions de la Russie. A une occasion, ils allèrent si loin qu'ils prirent possession du monastère, s'y enfermèrent pour se brûler vifs eux-mêmes en masse. (Ce genre de comportement fut répété à d'autres endroits de la Russie septentrionale à cette époque.) Finalement, dans les années 1680, le métropolite Corneille de Novgorod (+1698, commémoré le 5 mars), qui avait eu ses propres débuts monastiques à l'ermitage de Zelenets, construisit les églises et les bâtiments en pierre, qui existent encore à ce jour. Parmi ceux-ci sont la Cathédrale de la Sainte-Trinité, de deux étages, l'église (du réfectoire) dédiée à l'Annonciation, une église sur le portail, dédiée à saint Jean le Théologien, le clocher et quatre grands bâtiments abritant des cellules et des ateliers. C'était peu après cela que la vénération de Martyr en tant que saint, fut instituée. C'est arrivé d'une manière extrêmement intéressante, par la tsarine Élisabeth Petrovna. Dans les chroniques du monastère, on relate : «En 1747, sa Majesté daigna aller, en carrosse, au monastère et une fois devant le portail, elle daigna descendre de sa carrosse et entrer au monastère à pied. Elle alla tout droit au thaumaturge - au tombeau de saint Martyr - et, s'en étant approchée avec révérence, elle se signa en s'inclinant trois fois et vénéra l'icône du reliquaire. Elle daigna demander : «Faites-vous des 'molibens' au saints ?». A cela, l'hiéromoine Simon répondit : «Nous faisons des pannikhides, comme il n'a pas encore été reconnu comme saint ». Elle daigna dire à cela : «N'est-ce pas une preuve suffisante pour vous que, de son vivant, il ressuscita le tsarevitch mort et opéra beaucoup d'autres miracles ? Célébrez un office en son honneur et faites des 'molibens' en vous servant des Ménées générales et cessez de faire des 'pannikhides'».

Cette époque de paix relative ne dura pas longtemps non plus. Car au siècle suivant, comme suite à la politique anti-monastique de Pierre Ier et de Catherine II, lorsqu'un grand nombre de monastères furent soit fermés, soit surveillés d'une manière qui était incompatible avec la vie monastique, le monastère de la Sainte-Trinité fut transformé en «hôpital» monastiques pour moines aliénés. (1762) Cela irrita grandement, bien sûr, les vieux-croyants, qui vivaient encore dans cette région, et, trois ans plus tard, ils tentèrent de l'incendier. Puis en 1771, le monastère de Vieux Ladoga (au nord) fut fermé et ses moines furent contraints de déménager à Zelenets. Une autre période de renouveau suivit, de 1770 à 1780, pendant laquelle l'église inférieure (d'hiver) fut redédiée à saint Jean le Théologien et l'église sur le portail fut remplacé par une cellule pour le supérieur, abritant une chapelle et un étage supérieur. C'était dans l'église d'hiver que se trouvaient les reliques de saint Martyr et du métropolite Corneille.

Beaucoup plus tard, entre 1893 et 1906, des rénovations importantes furent effectuées sur l'église de la Sainte-Trinité, comprenant de nouvelles fresques sur les murs et les piliers. A cette époque, il y avait déjà quatre skites, situés, chacun, à plusieurs milles du monastère principal, dans les quatre directions cardinales. Aujourd'hui encore, l'arrêt du train à l'ouest de Zelenets porte le nom de «Skite», puisque l'un d'eux n'en était pas loin. Comme c'était le cas de pratiquement tous les deux monastères de la Russie, l'ermitage de saint Martyr ne fut pas non plus épargné au temps de la révolution. Par décret du régime soviétique athée, il fut fermé, laissant seulement ouverte l'église de la Sainte-Trinité comme église paroissiale. Les moines eux-mêmes furent contraints de partir en 1920 sous menace de violence. Parmi les habitants du lieu, on raconte l'histoire qu'à cette époque, plusieurs moines (environ cinq ou six, leurs noms sont inconnus) refusèrent de partir. Les bolchéviques les saisirent sauvagement, les enfermèrent dans une dépendance servant à stocker le blé à l'extérieur du portail du monastère, et mirent le feu au bâtiment, en les tuant tous. On raconte que deux des derniers moines du monastère survécurent jusqu'aux années 1950, menant une existence de bas niveau dans le skite à l'ouest du monastère, mais personne ne semble se rappeler leurs noms.

Pendant l'époque de la «terreur rouge», bon nombre des saints monastères de la Russie furent non seulement fermés, mais, dans certains cas, complètement rasés. Tels furent, entre autres, l'Hermitage bien connu, le monastère des Sept Lacs près de Caisson et le skite de la Laure de Saint-Serge. Dans la plupart des cas, cependant, les monastères devinrent «le bien du peuple» (n'ont-ils pas existé pour le bien du peuple de la Russie ?) et furent livrés à divers usages strictement profanes. L'Hermitage subit aussi ce sort et après avoir été fermé, il fut transformé en hôpital militaire pendant la seconde guerre mondiale (1941). Après la guerre, de 1945 à 1976, il servait d'hôpital-sanatorium pour les invalides de guerre. Cette situation prit fin en 1976 lorsque le saint monastère qui connut en son temps tant de tragédies, fut déserté et abandonné tout simplement à la ruine, pour porter la désignation officielle de «monument d'architecture».

Avec l'écroulement inévitable de l'état socialiste, préordonné par le Dieu tout-miséricordieux, les murs de l'Hermitage de Zelenets retentirent de nouveau joyeusement du son de la prière. En 1991, le monastère fut officiellement retourné à l'Église orthodoxe russe, et en janvier 1992, un petit groupe de postulants monastiques en reçurent les clefs et le rouvrirent, le consacrant de nouveau à une vie de prière, de repentir et de labeur. Ainsi débuta la phase présente de l'histoire du monastère, et que Dieu accorde à ces sincères chercheurs de Dieu la force de persévérer dans les épreuves qui sont encore à venir.

COURIER D'UNE LECTRICE

Félicitations! Mes bien vives félicitations! C'est le plus beau site que j'ai jamais vu sur Internet. Je n'aurai jamais cru que l'on pourrait arriver à une telle perfection. Le site est beau, le langage de la Bible est mis à la portée des enfants et est très clair.

C'est merveilleux!

Je n'ai pas eu le temps de tout lire. Je n'avais pas les yeux assez grands pour admirer...

Je vais continuer à admirer et à regarder car je me suis arrêtée au No 5 mais ces 5 premiers chapitres, je dois les lire comme il le faut car, actuellement, je ne fais qu'admirer.

Encore bien vives félicitations !

Arlette (de l'Ile Maurice, Océan Indien)
orian1@intnet.mu

VIE DE SAINTE THÉODORA DE VASTA MEGALOPOLIS

Dans l'empire byzantin, il existait deux armées : une qui consistait de conscrits et une autre de volontaires; ces derniers étaient payés par l'état. Les guerres n'étaient pas fréquentes, mais l'empire était convoité par de nombreux ennemis.

Chaque maisonnée était tenue de fournir un jeune homme à l'armée des conscrits, ou, à défaut, payer la somme pour son remplacement.

C'est en ce temps-là qu'un régiment gardait et protégeait un monastère très riche et important près de Gargaliani dans la province de Christianopolis. Le monastère, en échange, approvisionnait les soldats en nourriture et d'autres nécessités.

Selon la tradition locale, il vivait, dans un village à la frontière de Messinia et Arcadia dans l'Ancien Melpeia, une famille chrétienne très pauvre. Elle consistait des deux parents et de leurs trois filles. Le village se trouvait près du monastère le plus grand et le plus riche de cette région, monastère dédié à la Vierge Marie et situé à Volkanou, près de Balira.

Le lieu de naissance de Théodora, l'une des trois filles de la famille pauvre en question, était quelque part entre Vasta d'Isari et Likouresi-Dasohorias d'aujourd'hui.

Comme ces pauvres gens n'avaient ni enfant mâle ni argent à fournir à l'armée, leur inquiétude pour observer la loi d'alors fut grande.

Théodora, la puînée des trois filles, jeune vierge très avenante et aux qualités enviées par beaucoup, proposa alors à son père qu'elle remplirait l'obligation de la famille envers l'état, en s'enrôlant sous le pseudonyme de Théodoris. Sa mère en mourait d'inquiétude et son père hésitait d'accepter la proposition de sa fille, disant d'une part qu'il serait difficile de tromper l'armée entière et que la fraude découverte mettrait en danger la famille, d'autre part que la vie de soldat , trop rude, n'était pas faite pour une femme.

Mais la jeune fille, se montrant sûre de l'Aide que Dieu accorde aux nécessiteux, finit par rassurer et convaincre ses parents qui lui donnèrent donc leur bénédiction, et ses soeurs se mirent à l'appeler désormais Théodoris.

Elle se prépara diligemment à son rôle de soldat, en s'exerçant à la maison, puis le jour venu, elle partit. Ses parents répandirent la rumeur selon laquelle leur fille aurait émigré.

Il est facile d'imaginer les prières et l'anxiété que cette situation suscita dans cette famille chrétienne.

Le coeur des parents en fut longtemps douloureux. Seule Théodora restait calme et sans inquiétude ni d'être découverte ni d'avoir la vie trop dure.

Elle se confia à la protection de la Vierge Marie et s'attacha fortement à sa foi en Jésus. Le jour de son arrivée à l'armée était pour elle un jour glorieux.

L'armée campait dans le monastère même et les soldats y recevaient leur entraînement. Théodora se dévoua entièrement au monastère. Elle ne se demandait pas du tout comment se comporter. C'était comme si une Force divine l'avait guidée. Ses seules préoccupations étaient de savoir comment gagner l'estime du monastère et de l'armée. Elle savait que pour elle, le seul moyen était d'acquérir l'habileté du soldat et garder sa vertu par la prière et la piété.

Elle arriva au camp avec cette disposition d'esprit et personne ne remarqua rien à son apparence. On l'accepta comme Théodoris de Melpeia, fils de sa famille en âge d'être recruté. On lui fournit l'uniforme qu'elle enfila en secret et personne ne la soupçonna d'être une femme. Elle se transforma en un beau soldat; certains faisaient remarquer seulement que sa peau était fine comme "celle d'une femme". Elle gagna l'admiration de tous et certains la jalousaient pour sa beauté et son bon caractère.

Elle se fit remarquer aussi par son dévouement à l'Église et sa haute moralité et on lui demanda si elle ne voulait pas se faire moine. Théodora alla tous les jours au monastère pour assister aux vêpres. Elle était aussi très appréciée pour sa loyauté et son obéissance à ses supérieurs militaires et ses compagnons soldats.

Elle parvint à éviter le danger. Personne ne la soupçonnait et elle n'avait jamais peur. Sa force résidait en sa pureté. Quand un homme garde sa vertu et ne dissipe pas sa virilité, il devient très fort. La même chose est valable pour une femme. Le seul danger qu'une femme qui vit parmi des hommes encourt, c'est elle-même. Si elle réussit à garder sa vertu, elle n'a rien à craindre, car elle est forte.

Il y avait une autre femme au camp, probablement la blanchisseuse de l'armée, car elle y avait une grande liberté de mouvement. Elle n'était pas pure et avait des liaisons avec plusieurs soldats. 'Théodoris' qui la voyait faire, voulait la détourner de ses voies mauvaises, mais n'osa pas, de peur de nuire à sa réputation d'homme. Alors, elle se contenta de prier pour elle.

Elle, en revanche, était attirée par 'Théodoris', qui lui fit comprendre qu'une liaison entre 'lui' et elle était hors de question, ce qui l'attira encore plus vers 'lui', tant et si bien que les soldats se mirent à taquiner 'Théodoris' au sujet de cette femme.

Bientôt un scandale éclata dans le camp. La mère de cette femme vint voir le général pour accuser un soldat d'avoir abusé de sa fille. Elle exigea que le soldat responsable épousât sa fille ou fût soumis au jugement de la cour martiale, pour statuer un exemple. Elle avait amené sa fille avec elle pour qu'elle identifiât le coupable.

'Théodoris' fut promu colonel le jour même où cet incident eut lieu. Son premier devoir comme colonel était donc de régler l'affaire de la femme qui fut déflorée par un soldat et qui conçut de lui.

'Théodoris' invita la femme et son père au monastère et devant une assistance composée de moines, dit à la femme : "Venez avec moi au camp, où vous me désignerez le coupable, ou, si vous connaissez son nom, je lui donnerai l'ordre de venir ici, et le mariage aura lieu avec moi comme témoin."

Alors, la femme répondit : "Il n'est pas nécessaire d'aller au camp ni de faire venir ici qui que ce soit. Le coupable est dans ce monastère." - dit-elle avec un regard insolent à l'adresse du colonel - "Ne m'as-tu pas trahie? Ne m'as-tu pas promis de m'épouser un jour ?"

Le colonel 'Théodoris' eut un moment de stupéfaction. Il ne pouvait pas croire à ses oreilles. Revenu à lui, il regarda l'higoumène du monastère droit dans les yeux et déclara haut et clair : "Vénérable père, regarde-moi. C'est une diffamation terrible. J'ai toujours refusé les avances de cette femme. C'est une diffamation terrible."

L'higoumène regarda 'Théodoris', sachant que ces yeux-là ne pouvaient pas mentir. Alors, la femme, protestant de la vérité de ses dires, demanda que l'on rassemblât les soldats comme témoins de leur liaison. L'higoumène acquiesça.

Les nouvelles se répandirent à l'armée comme un incendie et les opinions étaient partagées. Beaucoup croyaient, connaissant la pureté et la vertu de 'Théodoris', que c'était une diffamation.

D'autres, surtout un officier qui était toujours jaloux de sa beauté, sa loyauté, sa pureté et sa virilité, pensaient devoir étayer l'accusation.

Celui-là, qui aurait d'ailleurs bien pu être le coupable lui-même, parla ainsi :

"Je l'ai vue approcher le colonel, qui lui parlait souvent. Nous n'avons rien vu d'autre. Il y a des choses qui ne se passent pas sous les yeux d'autres personnes. - ajouta-t-il en ricanant.

Entre-temps, plusieurs soldats avec qui la femme avait liaison, se mirent à accuser, sous son instigation, le colonel, disant qu'ils les avaient vus en compagnie l'un de l'autre et qu'elle leur avait confié qu'ils s'aimaient et allaient se marier. Ces accusations finirent par prévaloir, bien que 'Théodoris' refusât de les admettre.

L'higoumène prit la décision, avec tristesse, de dégrader 'Théodoris' et de l'obliger à choisir entre le mariage et la cour martiale. 'Théodoris' qui ne voulait à aucun prix, même pour prouver son innocence, révéler son identité, de peur de nuire à sa famille, préféra accepter pour elle le sacrifice de se présenter devant la cour martiale.

C'est ainsi que Théodora alla à son martyre. Elle y alla avec le même calme qu'elle avait eu autrefois en prenant la décision de se faire soldat sous un faux-nom. Son honneur n'était plus en danger et tout ce qui la préoccupait était d'être en paix avec sa conscience. Elle puisa la force de sa décision en Jésus Christ qui, crucifié comme un criminel, accepta son destin pour sauver les pécheurs.

La cour la condamna à mort comme le dictaient les règles concernant un soldat ayant déshonoré une femme et ne voulant pas l'épouser. Elle écouta, impassible, la sentence, puis demanda à être laissée seule dans le monastère pour prier.

Dans le monastère vide, réconfortée seulement par la lumière des cierges devant les icônes, elle adressa au Seigneur la prière suivante :

"Mon Seigneur, je Te prie d'affermir ma décision. Je quitte cette vie sans l'avoir vécue. Je Te rends grâce, à Toi qui m'as toujours donné la force pour continuer. Tu me glorifies avec ta Volonté et ta Force. Ma pudeur sera gardée encore pour un peu de temps. Console, je T'en prie, mes parents et mes soeurs. Pardonne aussi à cette femme qui, après que mon identité aura été révélée, devra affronter une situation difficile. Je veux que cela arrive, non pas pour montrer mon mérite, mais pour honorer ton Nom. Daigne, Seigneur, accepter ma passion comme un petit sacrifice, en signe de ma gratitude envers Toi.

Seigneur, pour montrer comment Tu as protégé ma pureté, fais qu'après ma mort, mon corps devienne une chapelle, mes cheveux des arbres et mon sang une rivière pour arroser ces arbres."

Lors de la condamnation de 'Théodoris', le camp et le monastère furent bouleversés, pendant que les méchants et les envieux étaient contents. Ce n'était rien cependant, comparé au scandale survenu à la suite de la révélation que 'Théodoris' était en réalité une femme.

'Théodoris' fut exécuté près d'un énorme ravin, à dix kilomètres du monastère. Les soldats décidèrent d'ôter son uniforme avant de ramener son corps au camp.

Alors, grand fut l'étonnement, à la vue du corps d'une femme, qui, de plus, sentait l'innocence et la sainteté. Ils tombèrent à genoux. Ayant recouvert le corps saint, ils inclinèrent la tête. A leur retour, ils racontèrent tout à l'higoumène du monastère. La douleur que celui-ci avait éprouvé lors de la condamnation de 'Théodoris' n'était rien à côté de celle qu'il éprouva maintenant par l'immense regret d'avoir voulu être objectif et de ne pas avoir laissé parler son coeur qui témoignait de l'impossibilité pour 'Théodoris' d'avoir commis un tel péché.

L'higoumène ressentit un poids énorme sur sa conscience. "Comment cela a-t-il pu se passer ainsi ? Comment ai-je pu me laisser égarer par des paroles de méchanceté ? Comment ferai-je pour répondre de mes actes ?

Pendant que l'higoumène méditait douloureusement ces questions, l'âme d'une martyre monta vers le ciel.

En quelques heures, les nouvelles se répandirent dans la région et tous furent ébranlés.

L'higoumène, fort triste, convoqua l'assemblée des moines pour leur annoncer : "Aujourd'hui, mes frères, une nouvelle étoile brillera au ciel, celle de sainte Théodora. Oui, une femme accepta aujourd'hui le martyre. Un officier fut accusé d'avoir déshonoré une femme, sur l'instigation de cette femme légère, soutenue par de faux-témoins : cinq autres officiers jaloux de lui. La cour n'écoutait pas la voix de l'innocent, mais celle de la femme coupable. 'Théodoris' fut exécuté près d'un ravin. Les soldats qui avaient dévêtu son corps découvrirent que c'était en réalité une femme... Qu'avez-vous à me regarder de cette façon incrédule ? N'est-il pas vrai que l'astre brillant d'une martyre s'illuminera au ciel cette nuit ?"

Les moines, revenus de leur stupéfaction, décidèrent de vénérer la sainte martyre Théodora. Tous ceux qui connaissaient l'histoire la considéraient déjà comme une martyre dans leur coeur : les officiers, les juges et la femme pécheresse.

La famille de Théodora avait appris aussi la nouvelle de l'exécution d'un colonel de l'armée, mais quand ils ont su que c'était leur fille, c'était déjà trop tard.

La mère était bien parti pour le monastère : elle s'était mise en route comme une possédée, déterminée qu'elle était de sauver Théodora, d'avouer qu'il s'agissait d'une tromperie. Son mari et ses filles la suivaient de loin. Elle entendit en chemin les coups de feu.

Arrivée à la hauteur du ravin, elle y vit quelques personnes rassemblées et comprit qu'il s'était passé quelque chose de grave. Elle courut vers l'endroit, aperçut le corps inanimé et tomba évanouie.

Un désordre eut lieu alors. Qui était cette femme et que faisait-elle là ?... A l'arrivée du père et des soeurs de Théodora, elle regagna ses esprits. La légende locale rapporte que les cris et les sanglots qu'elle poussait alors, firent trembler les arbres et rompre les rochers.

Les gens, se rendant compte que c'était la mère de Théodora, restèrent sans voix; ils comprirent qu'une jeune fille innocente s'était sacrifiée en acceptant d'être exécutée comme un officier immoral, pour ne pas mettre en danger sa famille.

Le jour même, les reliques de Théodora furent transférées au monastère. On venait les vénérer en masse et le monastère se remplit de gens de toutes sortes : soldats, gens du commun, jeunes et vieux, membres du clergé, femmes et enfants. Ils assistèrent tous à la vigile qui y eut lieu. Il faisait jour lorsque la Liturgie prit fin et que débuta l'office des funérailles qui était chanté par les prêtres de la région.

L'higoumène avait contacté d'autres monastères et de pieuses moniales vinrent laver le corps de Théodora avec du vin, puis l'habillèrent dans les habits d'enterrement que méritent toutes les femmes qui gardent leur pureté jusqu'à la mort et acceptent le baptême de sang.

On l'ensevelit à l'endroit où elle souffrit sa passion, non loin de son lieu de naissance.

Aujourd'hui, à cet endroit, il y a une chapelle, surmontée et entourée de dix-sept arbres dont les racines semblent sortir miraculeusement du toit, et, à côté de la chapelle, surgit de l'eau venant d'une source inconnue. Les scientifiques sont incapables d'expliquer ces phénomènes.

Tous les ans, le 11 septembre, beaucoup de monde y vient vénérer la sainte martyre Théodora et assister à la Liturgie qui a lieu dans la chapelle.

La chapelle miraculeuse

où on voit sur la toiture

les arbres trois fois si hautes

que la chapelle elle-même,

et la rivière que sort sous la chapelle.

LA VIE EN JÉSUS CHRIST

L'âme du chrétien frémit de joie quand elle se sent près de Dieu. Là où Se trouve Jésus Christ, tout est plein de lumière et de grande joie. Avec Christ, tout est très agréable et facile à réaliser. Sans une vie avec Christ, l'âme est torturée, fatiguée et ensuite elle meurt.

Quand le Seigneur Jésus Christ appelle l'âme, les larmes sèchent et une nouvelle espérance anime notre coeur. C'est ce qui est arrivé à Marie, la soeur de Lazare à laquelle on a annoncé : "Le Maître est ici et Il te demande" (Jn 11,28). Marie au comble de la douleur a quitté immédiatement les soupirs et elle est venue vers Dieu où elle a trouvé une consolation et une joie incroyables.

Heureux est le moment où le Sauveur appelle à Lui une âme, où Il l'appelle des larmes à la joie, du désespoir à la consolation, de la vanité du péché à la vie spirituelle.

La vie sans Jésus Christ est un enfer sombre; sans Dieu tout est vanité. Celui qui croit prospérer de ce que le monde lui offre se trompe terriblement. Sans le Sauveur Christ tout est mensonge, obscurité et péché et tout cela constitue la plus terrible poison pour notre âme.

Courons vers le Christ ! Courons vers son Église, c'est là que nous Le trouverons; nous Le trouverons dans la sainte communion. Cherchons la piété, la douceur et la paix et ensuite le Seigneur S'approchera de nous. Heureuse est l'âme qui reste fidèle à la foi et toujours près de Dieu, menant une vie telle que le Sauveur ne la quitte pas.

Mieux vaut soulever le monde entier contre nous que de déchoir de la Grâce divine et de l'union avec Dieu notre Sauveur.

Tout ce que nous faisons dans cette vie, il faut le faire pour le Seigneur et en son Nom. Aimons de tout notre coeur nos proches, nos chers amis, nos semblables et même nos ennemis et ceux qui nous font du mal. Ne cherchons jamais l'honneur venant des hommes ni la vaine gloire de ce monde. Ne nous efforçons jamais de nous donner des airs devant nos semblables, cherchons seulement à grandir en Dieu, à produire en Lui les fruits de la justice, de la paix, de l'amour et de la bonne intelligence.

Pour avoir le Seigneur Jésus Christ avec nous et pour passer le temps avec Lui, il faut chercher par-dessus tout à mener une vie pure, vivre en pureté, être libre intérieurement de tout lien terrestre.

Notre âme doit être toujours pure et libre à l'égard de tout souci terrestre : "Déposons tout souci du monde !"

Apportons devant Dieu un coeur pur et alors le Seigneur qui est la Lumière viendra chez nous, passera le temps avec nous et nous sentirons et goûterons et verrons que Dieu est bon !

Passer sa vie avec Jésus Christ et être avec Lui est un grand don ! On ne peut pas arriver à cette heureuse grandeur seulement par nos faibles forces. Mais quand le Sauveur Jésus Christ nous visite de sa Grâce divine, alors nous pouvons tout faire, nous sommes puissants et riches.

Demandons toujours dans nos prières la Grâce divine et l'Aide céleste. Par l'intermédiaire du Don céleste, notre union avec Jésus Christ s'accomplit, en nous faisant goûter dès cette vie quelque chose de la grande joie des justes du royaume de la grandeur céleste.

Tous ceux qui cherchent les choses spirituelles ont toujours aspiré au silence et à la solitude. La vie avec Christ, l'union avec Lui ne peut pas avoir lieu au milieu de la tumulte de l'existence.

Pour servir Dieu, pour être près de Lui, nous devons savoir nous créer des moments de silence.

Le Seigneur Jésus Christ a cherché Lui-même les moments de silence et Il Se retirait dans la solitude où Il priait son Père céleste et recevait de nouveaux pouvoirs pour accomplir et mener à bonne fin sa sainte oeuvre parmi les hommes sur terre.

Il nous convient, à nous qui voulons servir Dieu et vivre avec Christ, accomplir sa Volonté et vivre avec Lui, de créer des moments de recueillement. Le matin, avant de commencer le travail, nous devons savoir trouver l'endroit et le moyen pour quelques minutes de silence et de saint recueillement en silence. De même, le soir, après l'effort de la journée et avant les heures du sommeil, il faut nous montrer de nouveau en prière près de Dieu. La prière peut être complétée par la sainte résolution en vue d'une vie très pure en Christ, avec piété et crainte de Dieu.

Ce n'est que de cette manière que les âmes qui vivent la vie avec Christ peuvent arriver à une vraie union spirituelle. Il suffit que quelqu'un choisisse cette voie et il se convaincra tout seul que "Dieu est bon" et l'union avec Lui - heureuse.

Il n'est rien de plus noble, de plus élevé, de plus beau ni de plus heureux que de passer le temps à prier avec Christ. L'invocation du saint Nom du Dieu Jésus Christ est l'arme la plus puissante de la lutte spirituelle pour notre âme.

Le Nom de Jésus Christ auquel tout se soumet, car il est au-dessus de tout autre nom (cf Ph 2,9-10), doit être toujours sur nos lèvres comme prière et dans nos coeurs avec une espérance invaincue.

Le vrai chrétien ne prie pas seulement quand il a besoin de quelque chose. C'est ainsi que procèdent les infidèles. Le vrai chrétien vit par la prière en Christ. Sa prière est une sorte de respiration spirituelle.

Comme l'enfant se trouve sans souci dans les bras de sa mère et, sans avoir aucun besoin, il la caresse en l'appelant "mère", ainsi notre âme doit se confier aux Bras pleins d'amour de notre Seigneur Jésus Christ.

C'est pourquoi, que nous ayons du temps ou non, nous devons employer dans nos prières le Nom de Jésus Christ, et son Nom est très utile dans notre coeur.

Les saints Pères nous sont témoinde cela, ainsi que les ermites du passé de notre Église, qui par l'invocation du Nom de Dieu ont réussi à voir dans leur coeur la Lumière céleste de la sainteté, participant dès ici-bas du bonheur dont se réjouissent les anges des cieux.

Père Olivian

Se donner un peu coûte beaucoup; se donner beaucoup coûte peu; se donner tout entier est devenu aussi simple que bonjour et bonsoir.

V. Jankélévitch