Bulletin des vrais chrétiens orthodoxes sous la juridiction

de S.B. Mgr. André archevêque d'Athènes

et primat de toute la Grèce.

NUMÉRO 81

MAI 1998

Hiéromoine Cassien

Foyer orthodoxe

66500 Clara (France)

Tel : 00 33 (0) 4 68 96 1372

 NOUVELLES
QUESTIONS ET RÉPONSES
LES FRUITS DE LA DÉVOTION
COURRIER
SUR LA PRIERE HÉSYCHIASTE
VIE DE SAINTE LIOBA
OSTENSIONS DU SAINT SUAIRE
CONFESSION DE SAINT PATRICK
LE SAVIEZ-VOUS ?

NOUVELLES

Des nouvelles, il n'y en a pas qui valent la peine d'être relater si ce n'est une bien réjouissante : la visite, à l'Annonciation, de Mgr. André, évêque de Diavlia et du père Stéphan, higoumène du monastère de la Transfiguration à Kératéa (Attique). Ci-contre la photo après la divine Liturgie à l'hermitage.

Pâque s'est bien passé, comme chaque année, même si les visites varient chaque fois. Je ne mets pas la photo habituelle, par manque de place, car je termine déjà le bulletin.

Voilà pour le passé. Des projets et des rêves pour l'avenir, je n'en manque pas, mais j'ignore encore leurs réalisations qui sont dans la Main du Seigneur. Je vous en parlerai la prochaine fois et on verra ce qui a pu être réalisé.

Christ est ressuscité !
Dans l'Amour du Christ, hiéromoine Cassien

L'ANNONCIATION A L'HERMITAGE

QUESTIONS ET RÉPONSES

Question :

Pouvez - vous me parler du Christ Pantocrator, qu'est ce que cela signifie ?

Réponse :

Pantocrator est généralement traduit par Tout-Puissant. Tout-Puissant, en grec, c'est aussi Pantodynamos et Pantodynastis. Voir aussi autocrator. Cratos en grec c'est l'empire, la puissance.

 

Question :

Que représente la famille et quel est son rôle dans l'Orthodoxie ?

Réponse :

La famille suppose le mariage et le couple (je ne parle évidement pas des couples sodomiques d'aujourd'hui).

Dieu a créé à l'origine la femme afin qu'elle soit une compagne à l'homme car il voyait que ce n'est pas bon que l'homme soit seul.("Et le Seigneur Dieu dit : Il n'est pas bon que l'homme soit seul; Je lui ferai une aide qui lui corresponde". (Gen 2,18). Le premier but du couple est donc de vivre ensemble afin de s'aider sur le chemin de la vie. Par le sacrement du mariage, l'Église sanctifie ce couple. Dieu a dit ensuite : "Et Dieu leur dit : Fructifiez, et multipliez, et remplissez la terre et l'assujettissez." (Gen 1,28). C'est donc une tâche, voulue par Dieu, de procréer et de continuer ainsi le genre humain.

Tout cela pourtant n'est que pour cette vie terrestre car dans l'autre vie, nous ne nous marierons et ne procréerons plus car nous serons comme les anges, selon les paroles du Christ Lui-même.

Cette première institution fut pourtant altérée par la chute comme toute la nature. C'est pour cela que dans la vie monastique on cherche à dépasser la nature blessée et à arriver directement à la vie future.

Ce sont donc deux moyens pour arriver finalement au même but et à chacun de choisir le moyen qui lui convient le mieux.

 

Question :

Quel est le but de l'homme ?

Réponse :

Le but de l'homme est la sanctification, dans d'autres termes la déification, qui suppose la purification. On peut aussi le définir par l'union avec Dieu dans l'amour (dans cette vie dans la foi, et dans l'autre dans la gloire). Ce que le Christ est par nature, Dieu-homme, nous sommes appelés à le devenir par grâce. Dieu S'unit à nous comme le feu au fer. Le fer garde sa nature comme nous nous garderons toujours notre personnalité et ne serons pas absorbés dans un "Nirvana". De même, Dieu ne s'ajoute pas à nous comme quelque chose de l'extérieur, mais nous pénètre comme un feu ou du levain selon l'évangile.

Coopérer avec Dieu à la création c'est également une tâche de l'homme car Dieu à dit dans le paradis : "Et Dieu les bénit; et Dieu leur dit: Fructifiez, et multipliez, et remplissez la terre et l'assujettissez, et dominez sur les poissons de la mer et sur les oiseaux des cieux, et sur tout être vivant qui se meut sur la terre." (Gen 1,28) et : "Le Seigneur Dieu prit l'homme, et le plaça dans le jardin d'Éden pour le cultiver et pour le garder". (Gen 2,15). Mais n'oublions pas non plus qu'Il a dit après la chute : "Il dit à la femme: J'augmenterai la souffrance de tes grossesses, tu enfanteras avec douleur, et tes désirs se porteront vers ton mari, mais il dominera sur toi. Il dit à l'homme : ... le sol sera maudit à cause de toi. C'est à la sueur de ton front que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie,..." (Gen 2,16-17).

hm. Cassien

Dieu est l'au-delà de tout. Et c'est pour cela qu'Il n'est la négation de rien; car Il contient tout ce qu'Il dépasse.

De même pour l'homme : il ne repousse et ne calomnie que ce qu'il n'a pas atteint; ce qu'il a vraiment dépassé, il se contente de le mettre à sa place.
Gustave Thibon (L'ignorance étoilée)

LES FRUITS DE LA DÉVOTION
"Bienheureux les pauvres en esprit car les royaume des cieux est à eux."
(Mt 5,3)

En regardant et en écoutant alentour, nous allons former la conviction que l'opinion du monde est autre que la nôtre. On dit que les savants, les génies, les esprits élevés sont heureux, ceux qui n'ont pas besoin de boire aux sources de l'Esprit divin car ils possèdent assez de science pour se conduire, pour maîtriser et diriger ce monde.

Quelques-uns de ceux-ci se glorifient eux-mêmes, se considèrent spirituels et méprisent ceux considérés comme simples qui cherchent Dieu et s'abreuvent aux sources de la sagesse éternelle.

Seulement, Dieu ne fait pas attention à ce qui naît de l'arrogance mais aux fruits de la piété.

La piété n'est autre chose que la reconnaissance de la faiblesse et de la vanité, de la sécheresse de notre âme devant Dieu. C'est la confirmation que nous sommes faibles, pleins de défauts et, par conséquent, nous avons besoin sans conditions que Dieu couvre nos lacunes, fasse disparaître les faiblesses de notre âme, nous transportant dans les voies de la perfection de Jésus Christ.

C'est en cette aspiration et désir d'achèvement que consiste la simplicité.

Donc, nous dirons que les simples, dans le véritable sens biblique, sont ceux qui, malgré toute leur perfection d'âme, du point de vue moral et intellectuel, se sentent pourtant et s'avouent faibles en face de Dieu et sa Sagesse infinie, en brûlent du saint désir d'acquérir une quantité aussi grande que possible de la richesse infinie des biens divins.

La notion de "simples", dans l'acception ordinaire, est interprétée d'habitude dans le sens des infortunés dépourvus d'intelligence et de raison.

On attribue cette notion également à ceux qui sont raisonnables mais ignorants en ce qui concerne la somme de la science et de la connaissance des esprits brillants. Mais, malgré ces coutumes du monde athée, nous savons que ni le génie, ni la folie qui en sont caractéristiques, ne conditionnent le bonheur terrestre, d'autant moins l'acquisition du bonheur éternel.

Même parmi les grands savants peuvent exister, et ils existent en réalité, des simples qui aspirent au vrai bonheur. La science en soi-même ne rend heureux personne et aucun savant n'a été heureux grâce à sa science. Le bonheur de la science commence au moment où l'âme même, et non seulement le cerveau, désire la science. La science de l'âme s'appelle sagesse, et celle du cerveau la connaissance.

La sagesse élève, réchauffe, et rend heureux. La science subjugue, enchaîne comme un paragraphe rigide de la loi. La sagesse est un trait de caractère qui tient de la grâce divine que seul les élus reçoivent.

"Il n'y a qu'un être sage, très redoutable quand il siège sur son trône : c'est le Seigneur. C'est Lui qui l'a créée, vue et dénombrée, qui l'a répandue sur toutes ses oeuvres, en toute chair selon sa Largesse et qui l'a distribuée à ceux qui L'aiment." (Ec 1,8) La science est un prisme de cristal ciselé par le bien et par le mal, par lequel chaque personne reflète d'après les possibilités ses capacités.

Dans les sentences de Salomon, on fait la distinction entre la sagesse et la science, la première se définit ainsi : "Le début de la sagesse est la crainte de Dieu et la pénétration de l'esprit est la science du saint." (Sag 9,10) C'est-à-dire, la sagesse est le don qui a son origine dans la crainte de Dieu et ses fruits sont : la justice, l'équité, le bon raisonnement, toutes les voies qui se dirigent vers le bien.

Ces voies chérissent les simples mais l'arrogante science du monde les méprise, les déteste et les persécute.

Notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ, l'idéal des simples méprisés et persécutés par les sages de ce monde n'a pas adressé ses paroles salvatrices et consolantes aux savants et aux pharisiens.

La fin viendra pour les simples en esprit de même que pour les savants orgueilleux. L'un et l'autre s'en iront sur le même chemin, vers la même porte de la justice éternelle et définitive.

A ce moment-là beaucoup de riches selon le monde vont connaître la fausseté de leur sagesse terrestre. Ils vont comprendre que la récompense de la véritable sagesse, celle qui vient de la piété, est pour les simples, car l'obéissance précède la grandeur et les fruits de la sagesse sont meilleurs que de l'or et de l'argent.

Ouvrons donc nos coeurs afin de recevoir la sagesse qui vient de Dieu, en implorant, dans la misère du monde d'aujourd'hui, une goutte de la richesse de la grâce divine.

Père Olivian


COURRIER

Cher Père,

...

J'ai eu une discussion assez intéressante avec M. B. sur les émissions Corpus Christi, les deux personnes qui ont réalisés ces émissions, ont fait des conférences, à l'université de Lausanne en théologie protestante. Un étudiant en droit proche de M. B. y est allé. Il en est ressorti «choqué» par le message destructeur et blasphémateur, que tente de faire passer ces émissions pernicieuses. Beaucoup d'autres étudiants sont ressorti «choqués», mais certains aussi «troublés», j'aurai du m'y rendre car je suis curieux d'entendre les protagonistes même d'une telle entreprise de destruction de la chrétienté. Ces personnes se présentent comme athées et d'après leur dire, le but de ces émissions sont de supprimer le «côté» antisémite de nos saintes Écritures, de rétablir une image saine du judaïsme etc. Malheureusement l'étudiant en droit, qui était à la conférence, a rendu visite à M. B. dans l'après-midi, soudain les deux personnes sont arrivées. L'étudiant a dit à M. B. , mais c'est eux, et comme il devait partir, il est parti.

M. B. qui est un personnage aimant parler et qui a le contact facile, va vers eux et leur demande si ils cherchent quelque chose. Ces deux personnes se présentent, comme étant les réalisateurs de Corpus Christi et entament la discussion avec M. B. Celui-ci leur dit que leurs fameux spécialistes en théologie, qu'ils soient protestants, catholiques ou juifs sont tous issus du même courant et que c'est un peu absurde, il leur demande pourquoi, ils ne se sont pas penchés sur les travaux d'autres théologiens, d'autres courants, et à sa surprise ils lui répondent : "vous savez ses émissions sont financées par les médias et qui est à la tête des médias, se sont des juifs". Piège dans lequel M. B. n'est pas tombé en répondant : "vous êtes responsable de vos paroles", et ces messieurs lui ont dit avant de partir, "de toute façon nous sommes des charismatiques", le matin athée et l'après midi charismatique, rapide conversion.

Triste, non ? Mais tellement commun. Enfin, c'est une anecdote parmi des milliers qui chaque jour doivent se passer.

Vôtre T.

"Allez-vous en loin de moi, vous les maudits, dans le feu intérieur et éternel de la haine, dit le Seigneur, car j'ai eu soif de votre amour et vous ne Me l'avez pas donné, J'ai eu faim de votre béatitude et vous ne me l'avez pas offerte, J'étais en prison dans ma Nature humaine et vous ne M'avez pas visité dans mon Église. Vous êtes libres d'aller où votre malice le désire, loin de moi, dans la haine torturante de vos coeurs, étrangère à mon Coeur aimant qui n'a de haine pour personne. Libre à vous de quitter l'Amour pour l'enfer éternel de la haine, inconnu de Moi et de ceux qui sont avec Moi, mais qui a été préparé par la liberté pour le diable, du jour où J'ai formé mes créatures libres et raisonnables. Mais où que vous alliez dans la ténèbre de vos coeurs pleins de haine, mon Amour vous suivra comme un fleuve de feu, car quel que soit le choix de votre coeur, vous êtes et resterez éternellement mes enfants. Amen."

Alexandre Kalomiros (+ 1990)

SUR LA PRIERE HÉSYCHIASTE

D'abord, hésychiasme, hésychiaste, vient du grec et veut dire : quiétude, recueillement.

Il s'agit d'une forme de prière qui est étroitement liée à la prière du coeur, à la prière de Jésus, et elle constitue toute une spiritualité dans l'Orthodoxie. Il faut y distinguer la prière hésychiaste dans son essence d'avec les différentes pratiques et exercices. Les dernières peuvent varier et n'ont qu'une valeur relative, tandis que la prière hésychiaste dans son essence n'est rien d'autre que l'union avec Dieu - la déification.

Cette déification, liée à la prière hésychiaste, a provoqué une grande controverse à l'époque de saint Grégoire Palamas. Saint Grégoire fut le défenseur de la prière hésychiaste et c'est à lui que revient le mérite d'avoir démontré que l'union et la connaissance de Dieu est possible, en distinguant entre la Nature divine et ses Énergies. Selon saint Grégoire et toute la spiritualité orthodoxe, Dieu est inconnaissable dans sa Nature mais Il se révèle dans ses Énergies, autrement dit dans ses Attributs (Beauté, Sagesse, Amour, etc.).

Le but des hésychiastes est donc la connaissance de Dieu, non une connaissance intellectuelle, mais une connaissance du coeur, c'est-à-dire dans l'amour. Dans la prière hésychiaste, on cherche précisément à faire descendre l'intellect dans le coeur et on arrête toute pensée discursive.

La prière de Jésus, une prière jaculatoire, c'est-à-dire très brève - qui consiste généralement en les paroles : Seigneur Jésus Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi pécheur - aide à découvrir la prière du coeur. D'abord dite avec les lèvres et à haute voix, elle s'intériorise de plus en plus au fur et à mesure qu'on avance spirituellement. Liée au souffle et à la respiration, elle unit tout l'être humain, le corps, l'esprit et l'âme. Elle suppose et stimule la purification de l'homme vicié et récrée l'état paradisiaque où l'homme est de nouveau en familiarité avec Dieu et où toutes ses facultés sont à nouveau unies.

La prière liturgique, la lecture du psautier et toutes les autres formes de prières ont le même but, mais c'est la prière du coeur, qui est la prière par excellence, qui est la plus apte pour y arriver. D'ailleurs, on l'appelle tout court la Prière.

Cette prière suppose qu'on fasse silence en soi, qu'on arrête même le flux des pensées et surtout qu'on lutte contre ses passions qui font obstacle à la prière.

Des techniques, comme s'asseoir et incliner la tête, retenir le souffle, fixer la pensée sur le coeur, etc., aident à la prière du coeur. Mais ce ne sont nullement des pratiques magiques qui promettent une réussite certaine dans la pratique. Ils supposent d'ailleurs une direction spirituelle, car ils ne sont pas sans danger. Surtout, le débutant prend des phénomènes tout à fait naturels pour l'effet de la grâce et il s'égare dans sa présomption.

C'est le "Récit du pèlerin russe" avec sa Philocalie qui a fait découvrir à l'Occident, desséché par le rationalisme, la prière du coeur. A travers son expérience, le pèlerin montre que même un simple paysan peut arriver au plus haut degré de la prière et ses multiples récits font découvrir que dans toutes les couches de la société russe orthodoxe, cette prière est largement pratiquée comme dans les autres pays orthodoxes. Qui n'a pas vu dans les églises orthodoxes, lors des offices, des fidèles se signer sans arrêt, murmurer la Prière et égrener leur chapelet ? Cela montre en même temps que prière liturgique et prière de Jésus ne sont pas incompatibles mais se complètent et peuvent aller de pair. Un occidental ne peut pas comprendre cela, car selon lui, on ne peut penser à la fois aux paroles de l'office et aux paroles de la prière de Jésus, car il ignore que la prière orthodoxe n'est pas une prière discursive mais contemplative et qu'elle siège dans le coeur et non dans le cerveau. Rien n'empêche de contempler en même temps une icône car, ce que les yeux contemplent sur l'icône, c'est exactement ce que le coeur expérimente à son niveau. Et pourquoi ne pourrait y participer tout le corps en faisant des métanies, des signes de croix et en versant des larmes sur ses péchés ?

Quand la prière est arrivée à son plus haut degré, toutes les activités de l'homme, de toute façon, sont suspendues, selon les spirituels, car c'est l'Esprit qui a pris alors possession entière de toutes les facultés humaines. Entre-temps, avant d'arriver à ce stade, l'homme participe de son mieux à la prière en synergie avec l'Esprit.

hm.Cassien


VIE DE SAINTE LIOBA

(suite et fin)

Lioba, abbesse du monastère de Bischofsheim

Pour atteindre ses buts, saint Boniface nomma des personnes responsables à la tête des monastères et établit l'observance de la règle : il plaça Sturm comme abbé des moines et Lioba comme abbesse des moniales. Il lui donna le monastère situé à un lieu nommé Bischofsheim, où il existait une grande communauté de moniales. Celles-ci furent formées selon ses principes quant à la discipline de la vie monastique et firent un tel progrès sous son enseignement que plusieurs d'entre elles devinrent par la suite supérieures d'autres moniales, de sorte qu'il n'y avait guère de monastère dans cette contrée qui n'eût comme abbesse une de ses disciples. Elle était une femme de grande vertu et était si fortement attachée au genre de vie à laquelle elle s'était vouée qu'elle ne pensa jamais à son pays natal ni à ses parents. Elle consacrait toute son énergie au travail qu'elle avait entrepris, afin de paraître irréprochable devant Dieu et de devenir un modèle de perfection pour celles qui lui obéissaient en paroles et en actes. Elle était toujours sur ses gardes pour ne pas enseigner aux autres ce qu'elle n'accomplissait pas elle-même. Il n'y avait ni arrogance, ni orgueil dans sa conduite; elle ne faisait pas acception de personnes, mais se montrait affable et gentille à l'égard de tous. Elle était d'apparence angélique, agréable en paroles, précieuse d'esprit, forte de prudence, catholique de foi, très patiente dans l'espérance et universelle en sa charité. Mais, bien qu'elle fût toujours joyeuse, elle n'éclatait jamais de rire en une hilarité excessive. Personne n'entendit jamais un mot méchant de ses lèvres; le soleil ne se couchait jamais sur sa colère. Pour la nourriture et la boisson, elle montrait toujours la plus grande compréhension à l'égard des autres, mais elle était extrêmement parcimonieuse dans son propre usage de ces choses. Elle avait l'habitude de boire dans une toute petite coupe que les soeurs appelaient, à cause de la faible quantité qu'elle contenait, "la petite de la Bien-Aimée".

Son zèle pour la lecture était si grand qu'elle ne l'interrompait que pour prier ou pour restaurer son corps par la nourriture ou le sommeil : les Écritures ne quittaient jamais ses mains. Car, comme elle était formée depuis son enfance dans les rudiments de la grammaire et l'étude des autres arts libéraux, elle essayait, par une réflexion constante, d'atteindre la connaissance parfaite des choses divines, de sorte que grâce à sa lecture associée avec son intelligence vive, ses dons naturels et son travail assidu, elle devint extrêmement instruite. Elle lut avec attention tous les livres de l'Ancien et du Nouveau Testament et apprit par coeur tous les commandements de Dieu. Pour les compléter, elle y ajouta les écrits des pères de l'Église, les décrets des conciles et tout le droit canon. Elle observait une grande modération dans tous ses actes et dispositions et tenait toujours en vue le but pratique pour ne jamais devoir regretter d'avoir agi en cédant à une impulsion. Elle était profondément consciente de la nécessité de la concentration de l'esprit dans la prière et l'étude : pour cette raison, elle prenait soin à éviter tout excès dans la veille ou d'autres exercices spirituels. Pendant tout l'été, elle et toutes les soeurs sous ses ordres allaient au lit après le repas de midi et elle ne donna jamais à aucune la permission de se coucher tard le soir, car elle disait que le manque de sommeil rendait l'esprit paresseux, surtout pour l'étude. Quand elle s'allongeait pour se reposer, soit la nuit soit l'après-midi, elle faisait lire les Écritures saintes à son chevet par les plus jeunes soeurs, qui accomplissaient ce devoir à tour de rôle sans maugréer. Il est difficile de le croire, mais même quand elle paraissait endormie, elles ne pouvaient sauter aucun mot, aucune syllabe en lisant, sans qu'elle les corrigeât aussitôt. Celles qui étaient ainsi en charge confessaient plus tard que souvent, la voyant s'assoupir, elles faisaient une erreur de lecture exprès pour voir si elle la remarquait, mais jamais aucune ne réussit à échapper à son attention. Il n'est pourtant pas surprenant qu'elle ne pouvait même pas être trompée dans son sommeil, puisque Celui qui garde Israël et qui ne dort ni ne sommeille possédait son coeur et elle pouvait dire avec la fiancée du Cantique des Cantiques : "Je dors, mais mon coeur veille."

Elle préservait la vertu de l'humilité avec un tel soin que, bien qu'elle fût nommée pour gouverner d'autres à cause de sa sainteté et sa sagesse, elle croyait en son coeur qu'elle était la moindre de toutes. Elle le prouvait à la fois par ses paroles et son comportement. Elle était extrêmement hospitalière. Elle tenait la maison ouverte à tous sans exception, et même quand elle jeûnait, elle donnait des festins et lavait les pieds de ses hôtes avec ses propres mains, à la fois comme la gardienne et le ministre de la pratique instituée par notre Seigneur.

Les machinations du malin

Tandis que la vierge du Christ agissait de cette façon et attirait à elle l'affection de tout le monde, le démon qui est l'ennemi de tous les chrétiens, voyait avec impatience sa propre vertu ainsi que le progrès que faisaient ses disciples. Il les attaquait donc constamment par de mauvaises pensées et des tentations de la chair, essayant de détourner quelques-unes du chemin qu'elles avaient choisi. Mais quand il vit que tous ses efforts étaient anéantis par leurs prières, leurs jeûnes et la chasteté de leur vie, le malin tentateur tourna son attention à d'autres moyens, espérant détruire du moins leur bonne réputation, même s'il ne pouvait briser leur intégrité par ses suggestions obscènes.

Il y avait une pauvre jeune fille estropiée qui était assise près du portail du monastère et demandait l'aumône. Chaque jour, elle recevait sa nourriture de la table de l'abbesse, ses vêtements et toutes ses autres nécessités des moniales; ils lui étaient donnés par divine charité. Il arriva qu'au bout d'un certain temps, trompée par les suggestions du diable, elle commit le péché de fornication, et lorsque sa silhouette ne permettait plus de cacher qu'elle avait conçu un enfant, elle couvrit sa culpabilité en prétendant être malade. Quand son heure arriva, elle enveloppa l'enfant dans des langes et le jeta de nuit dans une mare près de la rivière qui la traversait. De cette façon, elle ajouta un crime à l'autre, car non seulement elle fit succéder le meurtre au péché de la chair, mais elle combina le meurtre avec l'empoisonnement de l'eau. Quand le jour se leva, une autre femme vint puiser de l'eau et, voyant le cadavre de l'enfant, elle fut frappée d'horreur. Bouillonnant de toute sa rage de femme, elle fit retentir tout le village de ses cris incontrôlables et hurla ses reproches aux saintes moniales en ces termes indignés : "Oh, quelle chaste communauté ! Qu'elle est admirable, la vie des moniales qui, sous leur voile, mettent des enfants au monde et remplissent à la fois la fonction de mère et de prêtre en baptisant ceux à qui elles ont donné naissance. Car, chers villageois, vous avez détourné cette eau pour faire une mare non simplement dans le but de moudre du blé, mais, sans le savoir, pour un baptême d'une nouvelle sorte, inouï. Maintenant allez et demandez à ces femmes que vous complimentez en les appelant des vierges, d'ôter ce cadavre de la rivière pour la rendre à nouveau propre à l'usage que nous en faisons. Cherchez laquelle est absente du monastère et vous trouverez qui est responsable de ce crime."

A ces paroles, toute la foule se souleva et tous, sans distinction d'âge ou de sexe, se pressèrent, en une seule grande masse, pour voir ce qui s'était passé. Dès qu'ils virent le cadavre, ils condamnèrent le crime et dénigrèrent les moniales. Quand l'abbesse entendit l'émeute et apprit ce qu'il en était, elle rassembla les moniales, leur en dit la raison, et constata qu'il n'y avait qu'une absente, soeur Agathe, qui, quelques jours plus tôt, fut convoquée chez ses parents pour une affaire urgente : mais elle y alla avec son entière bénédiction.

Un messager fut envoyé pour la rappeler au monastère sans délai, car Lioba ne pouvait pas supporter que l'accusation d'un si grand crime pèse sur elles. Quand Agathe fut arrivée et eut entendu de quel acte on l'accusait, elle tomba à genoux et, levant les yeux au ciel, s'écria : "Dieu tout-puissant qui connais toutes choses avant qu'elles n'arrivent, aux yeux de qui rien ne reste caché et qui délivras Suzanne des fausses accusations quand elle mettait sa confiance en Toi, montre ta Miséricorde à cette communauté rassemblée ici en ton Nom et ne la laisse pas souiller par d'ignobles rumeurs à cause de mes péchés; mais daigne Toi-même démasquer et faire connaître, pour la louange et la gloire de ton Nom, la personne qui commit ce méfait."

En entendant cela, la vénérable supérieure, assurée de l'innocence d'Agathe, leur ordonna à toutes d'aller à la chapelle et de se tenir debout, les bras étendus en forme de croix, jusqu'à ce que chacune ait chanté le psautier entier, puis, d'aller, trois fois par jour, à Tierce, à Sexte et à None, faire le tour du monastère en procession, avec le crucifix à leur tête, invoquant Dieu pour les délivrer, dans sa Miséricorde, de cette accusation. Quand elles eurent fait deux tours et allèrent entrer à l'église à None, la bienheureuse Lioba alla droit à l'autel, et, debout devant la croix préparée déjà pour la troisième procession, elle étendit ses mains vers le ciel et avec larmes et gémissements, elle pria disant : "Oh, Seigneur Jésus Christ, Roi des vierges, Amant de la chasteté, Dieu inconquérable, manifeste ta Puissance et délivre-nous de cette accusation, car les outrages de ceux qui T'insultent sont tombés sur nous". Immédiatement après qu'elle eut dit cela, la malheureuse petite femme, dupe et instrument du diable, parut entourée de flammes, et, invoquant le nom de l'abbesse, elle confessa le crime qu'elle avait commis. Alors un grand cri monta au ciel : la foule immense fut stupéfaite à la vue du miracle, les moniales se mirent à pleurer de joie et toutes d'une seule voix, proclamèrent les mérites de Lioba et du Christ notre Sauveur.

C'est ainsi qu'il arriva que la réputation des moniales que le diable avait voulu ruiner par cette rumeur sinistre, fut grandement améliorée encore et des louanges pleuvaient sur elles de toute part. Mais la misérable femme ne mérita pas d'échapper au châtiment et pour le reste de sa vie, elle demeura possédée du démon. Déjà avant ces événements, Dieu avait opéré des miracles par Lioba, mais ils étaient tenus secrets. Celui-ci fut son premier en Allemagne, et, parce qu'il se produisit en public, il parvint aux oreilles de tout le monde.

D'autres miracles de Lioba

A une autre occasion, comme elle s'assit selon son habitude pour donner de l'instruction spirituelle à ses disciples, un incendie se déclara quelque part au village. Comme les toits des maisons sont faits de bois et de chaume, il furent vite consumés par les flammes et la conflagration s'étendit avec une rapidité croissante dans la direction du monastère, de sorte qu'elle menaçait non seulement de détruire les édifices, mais même les hommes et les bêtes. Alors put-on entendre les cris confus des villageois terrifiés comme ils couraient en masse vers l'abbesse pour l'implorer d'écarter le danger qui les menaçait. Sans se troubler et gardant son sang-froid, elle apaisa leurs craintes et, sans être influencée par leur confiance en elle, leur ordonna de prendre un seau et d'apporter de l'eau de la partie supérieure de la rivière qui coulait près du monastère. Dès qu'ils l'eurent apportée, elle prit un peu de sel qui avait été béni par saint Boniface et qu'elle gardait toujours sous la main, et le répandit dans l'eau. Puis, elle dit : "Allez et reversez cette eau dans la rivière, et que tout le peuple puise ensuite de l'eau plus en aval de l'endroit où elle a été versée et qu'il jette l'eau sur le feu." Quand ils eurent fait cela, la violence de la conflagration s'apaisa et l'incendie s'éteignit comme si un déluge était tombé des cieux. Ainsi les bâtiments furent sauvés. A ce miracle, toute la foule se tint frappée de stupeur puis éclata en louanges de Dieu qui par la foi et les prières de sa servante les délivra de façon si extraordinaire d'un terrible danger.

Je pense qu'en parlant ses vertus, on doit raconter aussi le jour où une tempête féroce éclata et que tout le ciel s'obscurcit par des nuages si sombres que le jour paraissait se changer en nuit, des éclairs effrayants et la foudre qui tombait remplirent de terreur les coeurs les plus solides et chacun tremblait de peur. D'abord les gens conduisirent leurs troupeaux à l'abri dans leurs maisons pour qu'ils ne périssent pas; puis quand le danger augmentant, il les menaçait tous de mort, ils se réfugièrent avec leurs femmes et leurs enfants dans l'église, désespérant de leur vie. Ils verrouillèrent toutes les portes et attendirent là tremblant, pensant que c'était le jugement dernier qui s'annonçait. Dans cet état de panique, ils remplissaient l'air du vacarme de leurs cris confus. Alors la vierge sainte sortit à leur rencontre et leur suggéra de prendre patience. Elle promit qu'aucun mal ne leur arriverait; alors, après les avoir encouragés à se joindre à elle par la prière, elle se prosterna au pied de l'autel. Entre-temps, la tempête s'étant déchaînée, les toits des maisons furent arrachés par la violence du vent, la terre trembla par les chocs répétés de la foudre et l'obscurité épaisse qu'intensifiaient les lueurs des éclair quasi incessants illuminant les fenêtres, aggrava leur terreur. Alors, la foule, incapable de supporter la tension plus longtemps, courut à l'autel pour l'arracher à la prière et demander sa protection. Une de ses parentes, Thècle, lui parla la première, disant : "Bien-aimée, tout l'espoir de ce peuple repose en toi : tu es leur seul soutien. Lève-toi donc et prie à la Mère de Dieu, ta Maîtresse, pour nous, afin que, par son intercession, nous soyons délivrés de cette tempête épouvantable." A ces mots, Lioba se leva de sa prière, et comme si elle eût reçu un défi, elle rejeta la cape qu'elle portait de ses épaules et, intrépide, ouvrit les portes de l'église. Debout sur le seuil, elle fit un signe de la croix, opposant le Nom du Dieu haut à la furie de la tempête. Ensuite, étendant ses mains vers le ciel, elle invoqua par trois fois la Pitié du Christ, priant pour que, par l'intercession de la sainte Vierge Marie, Il daigne venir promptement au secours de son peuple. Soudain, Dieu vint à leur aide. Le bruit du tonnerre s'évanouit, les vents changèrent de direction et dispersèrent les lourds nuages, l'obscurité recula et le soleil brilla à nouveau, apportant la sérénité et la paix. C'est ainsi que la Puissance divine rendit manifestes les mérites de sa servante. Une paix inattendue envahit son peuple et la peur fut chassée.

Il y a un autre de ses faits dont tout le monde s'accorde à dire qu'il fut extraordinaire et mémorable et qui ne doit pas, je pense, non plus être passé sous silence. Une des soeurs du monastère, nommée Williswind, de très bon caractère et de conduite exemplaire fut atteinte d'une grave maladie; elle souffrait de ce que les docteurs appellent des hémorroïdes et le saignement des ses parties intimes lui valait d'être tenaillée par de douleurs violentes aux intestins. Comme son mal ne cessait pas d'augmenter jour après jour en gravité, sa force diminua au point qu'elle ne pouvait plus, non seulement se lever du lit et marcher sans s'appuyer sur quelqu'un d'autre, mais même pas se tourner sur son côté dans son lit. Quand elle ne put plus rester dans le dortoir commun à cause de la puanteur, ses parents, qui vivaient dans le voisinage, demandèrent et obtinrent pour elle la permission d'être transportée sur un brancard dans leur maison, de l'autre côté de la rivière Tuberaha. Peu de temps après, comme la maladie gagnait du terrain, elle s'approchait rapidement de sa fin. Comme la partie inférieure de son corps devint complètement insensible, et qu'elle pouvait à peine respirer, ses parents demandèrent à l'abbesse non de venir visiter la moniale malade, mais de prier Dieu pour son heureux trépas. Quand Lioba vint, elle s'approcha du lit qui était entouré maintenant par un groupe de voisins en pleurs, et ordonna que l'on ôte la couverture, puisque la patiente était déjà enveloppée d'un linceul comme le sont les corps des défunts. Quand ils l'eurent ôtée, elle plaça sa main sur sa poitrine et dit : "Cessez vos pleurs car son âme est encore en elle." Puis, elle envoya au monastère et ordonna que l'on en rapportât la petite cuiller dont elle se servait d'ordinaire à table; quand ce fut fait, elle bénit du lait et le versa goutte à goutte à l'aide de la petite cuiller dans la bouche de la moniale malade. A peine touchés par quelques gouttes de lait, sa gorge et ses organes internes reprirent vie, elle remua la langue pour parler et se mit à regarder autour d'elle. Le lendemain, elle fit tant de progrès qu'elle put s'alimenter et, avant la fin de la semaine, elle alla sur ses propres pieds au monastère d'où auparavant elle avait été transportée en civière. Elle vécut plusieurs années après et demeura au service de Dieu jusqu'aux jours du règne de Louis, roi des Francs, toujours robuste et en bonne santé, même après la mort de Lioba.

La foi du peuple était stimulée par de telles preuves de sainteté et à mesure que le sentiment religieux augmentait, le mépris du monde s'intensifiait aussi. Beaucoup de personnages nobles donnèrent leurs filles à Dieu pour qu'elles vécussent au monastère en chasteté perpétuelle; de nombreuses veuves quittèrent également leur maison, firent voeu de chasteté et prirent le voile au couvent. A toutes celles-là, la vierge sainte montra par parole et par exemple comment on pouvait atteindre les hauteurs de la perfection.

Le testament de saint Boniface

Pendant ce temps, le bienheureux Boniface, l'archevêque, se préparait à aller en Frise, ayant décidé de prêcher l'évangile à son peuple plein de superstitions et d'incroyance. Il convoqua son disciple Lull en sa présence (celui qui devait lui succéder plus tard comme évêque), et confia tout à ses soins, en faisant comprendre l'importance, en particulier, de la sollicitude à l'égard des fidèles, du zèle pour prêcher l'évangile et de la conservation des églises qu'il a fait construire en divers lieux. Par-dessus tout, il lui ordonna de compléter la construction du monastère de Fulda qu'il avait commencé à construire dans le désert de Bochonie, une oeuvre entreprise sous l'autorité du pape Zacharie et avec le soutien de Carloman, roi d'Austrasie. Il fit cela parce que les moines qui y vivaient étaient pauvres, n'avaient pas de revenus et étaient contraints de vivre du produit de leur labeur manuel. Il lui ordonna aussi d'enlever son corps de là après sa mort. Après avoir donné ces instructions parmi d'autres, il convoqua à lui Lioba et l'exhorta à ne pas abandonner son pays d'adoption et de ne pas se lasser du genre de vie qu'elle avait entreprise, mais plutôt d'étendre la portée de la bonne oeuvre qu'elle avait commencée. Il dit qu'elle ne devrait pas prendre en considération sa faiblesse ni compter les longues années qui étaient encore devant elle; elle ne devait pas trouver la vie spirituelle comme étant dure, ni le but comme étant difficile à atteindre, car les années de cette vie sont courtes comparées à l'éternité et les souffrances de ce monde sont comme rien en comparaison avec la gloire qui sera manifestée dans les saints. Il l'a remise à Lull et aux moines anciens du monastère qui étaient présents, leur recommandant de prendre soin d'elle avec révérence et respect et redisant son voeu qu'après sa mort, ses ossements fussent placés près des siens propres dans la tombe, de sorte que ceux qui avaient servi Dieu pendant leur vie avec une égale sincérité et un pareil zèle, attendissent ensemble le jour de la résurrection.

Après ces paroles, il lui donna son capuchon et l'implora et la supplia de pas abandonner sa terre adoptive. Ainsi, quand tous les préparatifs nécessaires furent faits pour le voyage, il partit pour la Frise, où il gagna une multitude de gens à la foi du Christ et finit sa vie par un glorieux martyre.Ses restes furent transportés à Fulda, et là, selon ses voeux préalables, il fut enterré avec des de dignes preuves de respect.

La bienheureuse vierge persévérait cependant, inébranlable, dans l'oeuvre de Dieu. Elle n'avait aucun désir de gagner des possessions terrestres, mais seulement celles du ciel, et elle dépensait toute son énergie à s'acquitter de ses voeux. Sa merveilleuse réputation se répandit à l'étranger et le parfum de sa sainteté et de sa sagesse attira a à elle l'affection de tous. Elle était vénérée par tous ceux qui la connaissaient, même par des rois. Pépin, roi des Francs, et ses fils Charles et Carloman la traitaient avec un profond respect, surtout Charles qui, après la mort de son père et de son frère avec qui il avait partagé le trône pendant quelques années, prit les rênes du gouvernement. C'était un homme menant une vraie vie chrétienne, digne du pouvoir qu'il exerçait et de loin le roi le plus courageux et le plus sage des Francs. Son amour pour la foi catholique était si sincère que, bien qu'il fût gouverneur de tous, il traitait les serviteurs et servantes de Dieu avec une humilité émouvante. Souvent il convoquait la vierge sainte à sa cour, la recevait avec toutes les marques de respect et la comblait de présents qui convenaient à son statut. La reine Hildegarde la révérait aussi avec une chaste affection et l'aimait comme sa propre âme. Elle aurait voulu qu'elle restât continuellement à ses côtés afin de pouvoir progresser dans la vie spirituelle et profiter de ses paroles et son exemple. Mais Lioba détestait la vie à la cour comme du poison. Les princes l'aimaient, les nobles la recevaient chez eux, les évêques l'accueillaient avec joie. Et à cause de ses vastes connaissances des Écritures et ses conseils pleins de prudence, ils discutaient souvent de choses spirituelles et de la discipline ecclésiastique avec elle. Mais son souci le plus enraciné était l'oeuvre qu'elle avait entreprise. Elle visitait les divers monastères de femmes et, comme une maîtresse de novices, les stimulait à rivaliser l'une avec l'autre pour atteindre la perfection.

Parfois, elle venait au monastère de Fulda pour y prier, privilège jamais accordé à aucune femme ni avant ni depuis, car du jour où les moines commencèrent à y vivre, l'entrée en fut toujours interdite aux femmes. La permission ne fut accordée qu'à elle, pour la simple raison que le saint martyr Boniface l'avait commandée aux anciens du monastère et parce qu'il avait ordonné que ses restes y fussent enterrés. Les règles suivantes étaient cependant observées quand elle y venait : ses disciples et compagnes restaient derrière elle dans une cellule et elle entrait au monastère toujours à la lumière du jour, avec une moniale plus âgée que les autres; puis, une fois qu'elle avait fini ses prières et eu un entretien avec les moines, elle retournait vers ses disciples qu'elle avait laissées derrière elle dans la cellule. Quand elle devint vieille et décrépite à cause de l'âge, elle réunit tous les couvents sous ses soins sur une base solide et puis, sur le conseil de l'évêque Lull, alla à un lieu appelé Scoranesheim, à quatre milles de Mayence. Là, elle élut domicile avec quelques-unes de ses moniales et servait Dieu jour et nuit par le jeûne et la prière.

Fin de la vie terrestre de Lioba

Entre-temps, tandis que le roi Charles restait dans son palais d'Aix-la Chapelle, la reine Hildegarde lui envoya un messager l'implorant de venir la visiter, si ce n'était pas trop difficile, car elle désirait la revoir avant de partir de cette vie. Et bien que Lioba n'en fût pas du tout contente, elle était d'accord pour y aller à cause de leur longue amitié. Elle y alla donc et fut reçue par la reine avec son habituel accueil chaleureux. Mais dès que Lioba apprit la raison de l'invitation, elle demanda la permission de rentrer chez elle. Et quand la reine insista pour qu'elle restât quelques jours de plus, elle refusa; mais, lui donnant l'accolade plus affectueusement que d'habitude, elle l'embrassa sur la bouche, le front et les yeux et prit congé d'elle en disant : "Adieu pour toujours, ma dame bien-aimée et soeur chérie; adieu, la moitié la plus précieuse de mon âme. Que le Christ notre Créateur nous accorde de nous revoir sans honte le jour du jugement. Plus jamais nous ne jouirons de la présence l'une de l'autre sur cette terre."

Ainsi elle retourna au couvent, et quelques jours plus tard, abattue par une maladie, elle s'alita. Voyant que sa maladie ne cessait de s'aggraver et que l'heure de son trépas s'approchait, elle envoya chercher un prêtre anglais de sainte vie nommé Torthat, qui avait toujours été à ses côtés et la servait avec respect et amour, et reçut de lui le viatique du Corps et du Sang du Christ. Ensuite, elle quitta son enveloppe terrestre et rendit joyeusement son âme au Créateur, pure et incorrompue comme elle l'avait reçue de Lui. Elle mourut au mois de septembre, le quatre des calendes d'octobre. Son corps, suivi d'un long cortège de personnages nobles, fut transporté par les moines de Fulda à leur monastère, avec toutes les marques de respect. Ainsi, les anciens se souvinrent de ce qu'avait dit saint Boniface; c'est-à-dire de sa dernière volonté qui était que ses restes fussent enterrés à côté de ses ossements à lui. Mais parce qu'ils craignaient d'ouvrir la tombe du bienheureux martyr, ils débattirent la chose entre eux et décidèrent de l'enterrer du côté nord de l'autel que saint Boniface avait élevé et consacré lui-même en l'honneur du Sauveur et des douze apôtres.

Après quelques années, quand l'église devint trop petite et que ses recteurs se préparaient à une nouvelle consécration, l'abbé Eigil, avec la bénédiction de l'archevêque Heistulf, transféra ses ossements et les plaça dans le portail nord, près des reliques du saint martyr Ignace, où, enchâssés dans une tombe, ils reposent, glorieux, et opèrent des miracles. Beaucoup en effet, s'approchant pleins de foi de sa tombe, reçurent bien des fois des faveurs divines. Je vais maintenant relater à mes lecteurs, avec simplicité et véracité, les quelques-unes qui me reviennent en mémoire.

Miracles opérés par ses reliques

Un homme avait ses bras si étroitement liés d'anneaux de fer que le fer était presque couvert par la chair nue qui poussait autour, de chaque côté. L'un de ces anneaux était déjà tombé d'un des bras et laissa une profonde cicatrice nettement visible. Cet homme vint à l'église et fit le tour des sanctuaires des saints, priant à chaque autel. Quand il arriva à la tombe de la sainte vierge Lioba, et commença à prier, une force mystérieuse détendit l'anneau de fer et, brisant les verrous, le détacha de son bras, le laissant tout en sang. Avec joie et allégresse, il rendit grâce à Dieu, parce que par les mérites de la bienheureuse moniale, lui qui était jusqu'à ce moment lié d'entraves par suite de ses péchés, fut délivré.

Il y avait un autre homme, d'Espagne celui-là, qui, à cause de ses péchés, fut affligé d'horribles convulsions dans tous ses membres. Selon ses propres dires, il contracta cette infirmité en se baignant dans la rivière Ebro. Et comme il ne pouvait supporter d'être vu dans sa difformité par les gens de son pays, il vagabondait de sanctuaire en sanctuaire, là où cela lui chantait d'aller. Après avoir traversé toute la France et l'Italie, il vint en Allemagne. Quand il eut visité plusieurs monastères pour y prier, il vint à Fulda où on le reçut à l'hospice des pèlerins. Il y resta trois jours, allant à l'église et priant pour que Dieu fût apaisé et le rétablît à son état de santé d'avant. Quand le troisième jour il entra à la chapelle, après avoir prié à chaque autel, il vint naturellement au sanctuaire de la sainte vierge Lioba. Ayant fini sa prière là, il descendit à la crypte occidentale au-dessus de laquelle repose le corps du saint martyr Boniface. Prosterné en prière, il était étendu comme quelqu'un qui dort, mais il ne s'agitait plus comme il le faisait avant dans son sommeil. Un saint hiéromoine nommé Firmandus, qui avait l'habitude d'être assis à cet endroit car une infirmité l'empêchait de se tenir debout, s'en aperçut et fut frappé d'étonnement. Il ordonna à ceux qui voulaient le relever de ne pas le toucher, mais d'attendre plutôt pour voir ce qui allait se passer. Soudain, l'homme se releva et, puisqu'il était guéri, ses convulsions avaient cessé. Interrogé par le prêtre qui, étant italien, comprenait son langage, il dit avoir eu une extase dans laquelle il vit un vieil homme vénérable portant une étole d'évêque, accompagné d'une jeune femme en habit de moniale. Celle-ci le prit par la main, le releva et le présenta à l'évêque pour sa bénédiction. Quand l'évêque fit le signe de la croix sur sa poitrine, un oiseau noir comme l'encre et ressemblant à un corbeau sortit en vol de son sein et à travers la capuche de sa tunique; dès qu'il atterrit, il se transforma en poule, puis prit la forme d'un horrible petit homme très laid qui émergea de la crypte sur les marches de l'entrée nord. Aucun chrétien ne peut douter qu'il ne fût guéri par les prières de la vierge sainte et les mérites du bienheureux martyr. Ces deux, bien qu'ils ne partagent pas la même tombe, reposent cependant au même endroit et ne manquent jamais de condescendre à ceux qui cherchent leur intercession, avec la même bonté maintenant qu'ils sont en gloire qu'ils le faisaient au temps où ils vivaient sur terre et montraient pitié et compassion à l'égard des malheureux.

Dieu opéra beaucoup d'autres miracles par les prières de la sainte vierge, mais je ne les mentionne pas, de peur qu'en prolongeant mon récit je n'inflige de l'ennui au lecteur. Mais j'ai rappelé ces deux-là, parce que plusieurs des frères qui sont encore vivants témoignèrent, par des paroles qui ne doivent pas être dédaignées avec légèreté, qu'ils les avaient vus. J'étais aussi présent quand ils eurent lieu. J'écris cela, donc, pour la louange et la gloire du Nom de notre Seigneur Jésus Christ qui glorifie ceux qui Le glorifient et qui accorde à ceux qui Le servent non seulement le royaume des cieux, mais aussi noblesse et honneur dans ce monde. A Lui la gloire avec le Père et le saint Esprit dans les siècles des siècles. Amen.


OSTENSIONS DU SAINT SUAIRE
par Jude Webber

TURIN, 18 avril, Reuters

Pour la quatrième fois seulement en un siècle et la première fois depuis vingt ans, le public aura accès à partir de dimanche au saint Suaire de Turin. Selon la tradition, cette toile de lin portant l'image inexpliquée d'un crucifié a enveloppé le corps du Christ après sa mort.

Exposé dans un reliquaire contenant du gaz inerte, le saint Suaire est déplié dans toute sa longueur (4,36 m sur 1,12 m) au coeur de la cathédrale de Turin, plongée dans une semi-obscurité pour protéger la fragile pièce de lin.

Près de 50 000 personnes sont attendues chaque jour jusqu'au 13 juin pour admirer l'un des mystères les plus vivaces et controversés de la chrétienté.

Lors de la dernière ostension (exposition d'une relique), trois millions de fidèles s'étaient déplacés.

La princesse Marie-Gabrielle de Savoie, fille du dernier roi d'Italie, faisait partie des premiers fidèles à contempler le saint Suaire. Humbert II d'Italie, descendant de la famille royale de Savoie, propriétaire du suaire depuis le XIVe siècle, l'a légué au Vatican avant de mourir en 1983.

"Ce n'est pas une image, c'est une présence", a-t-elle murmuré après avoir observé pour la première fois cette image fantomatique, inversée comme un négatif photographique, de deux silhouettes d'un homme portant cheveux longs et barbe, le visage calme surmonté d'une couronne d'épines, les bras croisés.

Plusieurs caractéristiques du suaire recoupent les informations livrées par les évangiles et tendraient à prouver que la toile de lin exposée est bien le linceul du Christ.

L'image porte notamment des marques de flagellation et de clous dans les poignets et les pieds. Mais surtout, comme le précisent les saintes Écritures, les jambes ne sont pas brisées, les paupières ont été recouvertes de pièces de monnaie selon une ancienne tradition juive et les contours du bas du visage n'ont pas été "imprimés"" (on dit que la mâchoire du Christ aurait été recouverte d'un second linge).

La science doute

Les scientifiques ont en fait autant de mal à expliquer la présence de cette image christique sur une toile filée et tissée à la main au Moyen-âge que la résurrection elle-même.

Malgré des dizaines d'années de recherches, la question de l'authenticité du Saint-suaire n'a toujours pas été tranchée.

Même les scientifiques de la Nasa n'ont pas réussi à percer le mystère de cette impression en trois dimensions, résistante à la chaleur et apparemment indélébile.

En 1898, un avocat italien, passionné de photographie, Secundo Pia, est autorisé à prendre les premiers clichés du suaire qui se révèle cette fois-ci comme une image en positif.

Mais de récentes recherches viennent ébranler les certitudes de 1988. Selon deux microbiologistes du Texas, le docteur Garza-Valdes et le professeur Mattingly, certaines bactéries incrustées dans le Saint-suaire depuis des siècles ont pu fausser la datation.

 

Pour Franco Testore, unique spécialiste italien de technologie textile qui avait procédé aux prélèvements de tissu pour les expériences de 1988, les expertises des deux chercheurs texans sont intéressantes, mais pas décisives.

 

Des milliers de pèlerins se pressent devant le saint Suaire

par Jude Webber

TURIN, 19 avril, Reuters

Des milliers de pèlerins patientaient dimanche devant la cathédrale de Turin dans l'espoir de saisir le mystère du saint Suaire, linceul qui, selon la tradition catholique, a enveloppé le corps du Christ.

"C'est le vrai linceul du Christ", affirme John Callaghan, un ingénieur à la retraite venu spécialement de Chicago pour l'ostension du Suaire.

Catogan et croix autour du cou, John Callaghan refuse de croire à la datation réalisée en 1988 au carbone 14.

Trois laboratoires (Oxford, Zurich et Tucson) avaient alors ébranlé le mythe, estimant que le linceul datait du Moyen âge.

"Ils se sont plantés". Callaghan est catégorique.

Invisible depuis 20 ans, le Suaire sera dévoilé à la curiosité des pèlerins jusqu'au 13 juin.

Une armée d'organisateurs et de 2.400 volontaires quadrillent les visiteurs qui doivent faire la queue dans les jardins du Palais royal avant d'accéder à une salle où est projetée une vidéo leur expliquant l'histoire et les caractéristiques du Suaire.

Les pèlerins peuvent ensuite pénétrer dans le choeur de la cathédrale où le linceul, qui porterait les empreintes d'un homme crucifié, est exposé dans un reliquaire de cristal blindé et baigne dans une faible lumière, dans un décor de tentures violettes.

Les organisateurs s'attendent à 50 000 visiteurs par jour.

Dimanche, 4.000 personnes s'étaient déjà présentées 90 minutes après l'ouverture de la cathédrale.

La visite est gratuite mais nécessite une réservation. Les pèlerins n'ont du reste que quelques minutes pour observer le linceul au son d'une musique sacrée et d'une prière récitée par une religieuse.

"J'ai honte de la dire, mais j'ai pleuré", confie Rosa Chino après avoir découvert le Suaire.

"C'est un miracle. Tout est possible quand on la foi", clame Jean-Marie Savant, qui accompagne 200 pèlerins venus de Marseille.

Bien que fervent catholique, Enrico De Georgis refuse de souscrire à cette version. "On ne peut remettre en question les résultats de la datation au carbone 14. C'est un subterfuge médiéval, un point c'est tout".

Antonio Iozzi, un Américain d'origine italienne, préfère garder en mémoire la vision fascinante du saint Suaire, vrai ou pas.

"Il y a aura toujours des croyants et des sceptiques jusqu'à la fin des Temps", observe-t-il avec philosophie.

A Scété, un ancien était gravement malade et des frères le servaient. En voyant la peine qu'il leur donnait, il dit : " Je vais aller en Egypte pour ne plus déranger ces frères. " Mais l'abbé Moïse lui conseilla : " N'y va pas, car là-bas tu tomberas dans l'impureté. " L'ancien en fut peiné et lui répliqua : " Mon corps est mort, et tu me dis cela ? " Il partit donc en Egypte. A la nouvelle de son arrivée, les habitants des environs lui apportèrent beaucoup de présents, et une vierge fidèle vint même servir le vieillard malade. Peu de temps après, se trouvant mieux, il pécha avec elle et elle conçut. Les habitants du village lui demandèrent de qui elle concevait, et elle répondit : " C'est de ce vieillard. " Mais eux ne voulaient pas le croire. L'ancien leur dit alors : " Si, c'est bien de moi ; gardez-moi l'enfant qu'elle met au monde. " Après la naissance de l'enfant et quand il fut sevré, le vieillard le prit sur ses épaules et vint un jour de fête à Scété ; il rentra à l'église devant tous les frères qui se mirent à pleurer en le voyant. "Vous voyez cet enfant, leur dit-il ; c'est le fils de ma désobéissance. Prenez garde, mes frères, car j'ai fait cela dans ma vieillesse, et priez pour moi. " Puis regagnant sa cellule, il reprit par le début son ancienne manière de vivre.

CONFESSION DE SAINT PATRICK

Je suis Patrick, pécheur, très peu instruit, le moindre de tous les fidèles et extrêmement méprisé par beaucoup. Mon père était le diacre Calpornius, fils du prêtre Potitus; il officiait dans une banlieue de Bannavem Taverniæ et il avait une résidence de campagne dans la proximité. C'est là que je fus pris captif.

J'avais alors environ seize ans et je ne connaissais pas le vrai Dieu. Je fus emmené captif en Irlande avec plusieurs milliers de gens - et non sans le mériter, puisque nous nous étions détournés de Dieu et ne gardions pas ses Commandements ni n'obéissions à nos prêtres qui nous faisaient penser à notre salut. Et le Seigneur répandit sur nous sa Colère et nous dispersa parmi plusieurs nations, jusqu'aux endroits les plus reculés de la terre où ma petitesse est placée maintenant au milieu d'étrangers.

Et là, le Seigneur m'ouvrit l'intelligence pour me rendre conscient de mon manque de foi afin que je pusse enfin me souvenir de mes péchés et me convertir de tout mon coeur au Seigneur mon Dieu, qui, ayant égard à mon indignité, avait pitié de ma jeunesse et de mon ignorance, et veillait sur moi avant que je ne Le connusse, avant que je ne fusse capable de distinguer entre le bien et le mal, me protégeait et me consolait comme le ferait un père à son fils.

C'est pourquoi je ne peux taire - ni je ne le dois pas non plus - les grands Bienfaits et la grande Grâce que le Seigneur m'avait accordés sur la terre de ma captivité; car ce que nous pouvons donner à Dieu en retour, après avoir été châtiés par Lui, c'est d'exalter et louer ses Merveilles devant toutes les nations qui sont partout sous le ciel.

Il n'y a pas d'autre Dieu - il n'y en a jamais eu, ni il n'y en aura - que Dieu le Père inengendré, sans commencement, de qui provient tout commencement, le Seigneur de l'univers, comme on nous l'a enseigné; et son Fils, Jésus Christ, que nous confessons avoir toujours été avec le Père, qui est engendré spirituellement et ineffablement par le Père avant le commencement du monde, avant tout commencement; et par Lui sont faites toutes les choses visibles et invisibles. Il Se fit Homme et ayant vaincu la mort, fut reçu au ciel par le Père; et Il Lui donna tout pouvoir sur tous les noms au ciel et sur la terre et sous la terre et toute langue confessera que Jésus Christ est Seigneur et Dieu, en qui nous croyons et dont nous attendons l'Avènement pour bientôt, Lui, Juge des vivants et des morts, qui rendra à chacun selon ses oeuvres; et Il versa abondamment sur nous l'Esprit saint, le don et le gage de l'immortalité qui fait de ceux qui croient et obéissent des enfants de Dieu et cohéritiers du Christ; et c'est Lui que nous confessons et adorons : un seul Dieu dans la Trinité de saint Nom.

Car c'est Lui-même qui a dit par son prophète : Invoque-Moi au jour de la tribulation et Je te délivrerai et tu Me glorifieras. Et encore : Il est honorable de révéler et confesser les oeuvres de Dieu.

Bien que je sois imparfait en beaucoup de choses, je souhaite néanmoins que mes frères et mes parents sachent quelle sorte de personne je suis, afin qu'ils puissent comprendre le désir de mon coeur.

Je connais bien le témoignage de mon Seigneur qui déclare dans le psaume : Tu détruiras ceux qui profèrent le mensonge. Et de même Il dit : La bouche qui ment tue l'âme. Et le même Seigneur dit dans l'évangile : De toutes les vaines paroles que vous avez prononcées, vous rendrez compte au jour du Jugement.

Je devrais donc redouter terriblement, avec crainte et tremblement, cette sentence au jour où personne ne pourra fuir ou se cacher, mais où tous, sans exception, nous devrons rendre compte jusqu'à nos moindres péchés devant le Tribunal du Seigneur Christ.

A cause de cela, j'ai pensé écrire, mais j'ai hésité jusqu'à présent; je craignais de m'exposer au qu'en-dira-t-on, parce que je n'ai pas fait d'études comme d'autres qui ont parfaitement assimilé la Loi et les Écritures saintes et qui n'ont jamais dû changer de langue depuis leur enfance et ainsi ils ont pu la perfectionner. Dans notre cas, ce que j'avais à dire devait être traduit en une langue qui m'est étrangère, comme cela peut être prouvé facilement par la saveur de mon écriture qui trahit combien j'ai eu peu d'instruction et d'entraînement à l'art de la parole, car, comme dit le Sage, par le langage seront reconnus l'intelligence, la connaissance et l'enseignement de la vérité.

Mais de quel secours nous est une excuse, même vraie, surtout si elle est mêlée de présomption, puisque maintenant, à mon âge avancé, je désire quelque chose que je n'avais pas acquis dans ma jeunesse ? C'était mes péchés qui m'empêchaient de fixer dans mon esprit ce que j'avais à peine lu jusqu'au bout. Mais qui me croit, bien que je répète ce que j'ai dit au début ?

Comme jeune homme, non, presque comme un enfant encore, je me trouvai en captivité, avant que je susse quoi poursuivre et quoi éviter. D'où vient qu'aujourd'hui je rougis et crains énormément de révéler mon manque d'éducation; car je suis incapable de raconter mon histoire à ceux qui sont versés dans l'art de l'écriture concise - de la façon, j'entends, dont mon esprit et mon intellect voudraient le faire et de manière à ce que le sens de mes mots expriment ce que je ressens.

Mais s'il m'eût été donné comme il a été donné à d'autres, alors je ne tairais pas la récompense reçue, et si peut-être certaines personnes me trouvent trop arrogant de le faire en dépit de mon manque de connaissance et la lenteur de ma langue, il est écrit après tout : Les langues qui balbutient apprendront vite à parler de paix.

Combien plus assidûment devrions-nous nous efforcer de faire cela, nous qui sommes, comme dit l'Écriture, une lettre du Christ pour le salut jusqu'aux extrémités de la terre, et bien qu'une lettre peu éloquente, cependantÉ écrite dans nos coeurs, non pas avec l'encre, mais avec l'Esprit du Dieu vivant ! Et aussi l'Esprit témoigne que même la rudesse fut créée par le Très-Haut.

Moi donc, autrefois rude, exilé, inculte, ne sachant pas comment s'approvisionner pour l'avenir, ce que je sais du moins pour sûr, c'est qu'avant d'être humilié, j'étais comme une pierre au fond d'un profond bourbier; et Celui qui est puissant vint et dans sa Pitié me releva, m'éleva haut et me plaça sur le haut du mur. Je dois donc m'écrier haut et ainsi rendre aussi quelque chose au Seigneur pour ses grands Bienfaits ici et dans l'éternité - des Bienfaits que l'intelligence humaine est incapable d'appréhender.

Soyez donc émerveillés, vous, petits et grands qui craignez Dieu, et vous, hommes de lettres dans vos domaines, écoutez et considérez ceci. Qui était celui qui m'éleva, l'insensé que je suis, du milieu de ceux qui, aux yeux des hommes, sont sages et experts dans la loi et puissants en paroles et en toutes choses ? Et Il m'inspira - moi, le rebut du monde - avant d'autres, pour que je sois l'homme (si seulement je le pouvais !) qui, avec crainte et vénération et sans reproche, serve le peuple auquel l'amour du Christ m'a conduit et m'a donné de les servir ma vie durant avec humilité et droiture.

Dans la lumière, donc, de notre foi en la sainte Trinité, je dois faire ce choix, sans égard au danger, je dois faire connaître le Don de Dieu et sa Consolation éternelle, sans crainte et avec franchise je dois répandre partout le Nom de Dieu, afin qu'après ma mort, je puisse laisser un legs à mes frères et enfants que j'avais baptisés dans le Seigneur - tant de milliers de personnes.

Et je n'étais pas digne, ni n'étais-je tel que le Seigneur dusse accorder cela à son serviteur; qu'après mes tribulations et de si grandes difficultés, après ma captivité et après tant d'années écoulées, Il me donnât une si grande grâce au milieu de cette nation - une chose à laquelle jamais dans ma jeunesse je ne m'étais attendu ni n'avais pensé.

Mais après ma venue en Irlande - où tous les jours je devais m'occuper de brebis, et je priais plusieurs fois par jour - l'amour de Dieu et sa crainte me venaient de plus en plus et ma foi s'affermit. Et mon esprit était si touché qu'en un seul jour, je disais jusqu'à cent prières, et presque autant la nuit, et cela même lorsque j'étais resté dans les forêts et sur les montagnes; et je me levais avant la lumière du jour, par temps de neige, de gelée ou de pluie, et je ne m'en trouvais pas mal et il n'y avait pas en moi de découragement - comme je le vois maintenant, car l'esprit en moi était alors fervent.

Et alors, une nuit j'entendis dans mon sommeil une voix qui me disait : 'C'est bien que tu jeûnes, bientôt tu iras dans ton propre pays'. Et encore une fois, après un court laps de temps, j'entendis une voix me dire : 'Regarde, ton bateau est prêt.' Il n'était pas près, mais à une distance d'environ deux cents milles et je n'avais jamais été là, ni ne connaissais âme qui vive là-bas; et alors je partis et quittai l'homme chez qui j'avais habité pendant six ans.

Et j'allais par la Force de Dieu qui dirigeait bien ma voie, et ne craignais rien tant que je fusse arrivé à ce bateau. Et le jour de mon arrivée, on mit le bateau sur l'eau et je dis aux marins que je pouvais payer ma traversée avec eux. Mais le capitaine n'était pas content et il répondit très durement, avec indignation : 'C'est en vain que tu essaies de venir avec nous.' Et quand j'entendis cela, je les quittai afin de retourner dans la cabane où j'habitais. Et comme j'y allais, je me mis à prier; et avant que j'eusse fini ma prière, j'entendis l'un d'eux crier derrière moi : 'Viens, dépêche-toi, on te prend avec nous sous notre tutelle; lie-toi d'amitié avec nous de la façon que tu le veux.' Plus tôt, ce jour-là, j'avais refusé de sucer leurs mamelles par crainte de Dieu, mais j'espérais plutôt qu'ils viendraient sous la tutelle de Jésus Christ, puisqu'ils étaient païens. Ainsi, je m'accommodai avec eux et nous fîmes voile aussitôt.

Et au bout de trois jours, nous mîmes pied à terre et pendant vingt et un jours, nous voyageâmes à travers un pays désertique. Et ils manquaient de vivres et la faim les tenaillait; et le jour suivant, le capitaine me dit : 'Dis-moi, chrétien, tu dis que votre Dieu est grand et tout-puissant; pourquoi donc ne pries-tu pas pour nous ? Comme tu vois, nous souffrons de la faim : il est en effet peu vraisemblable que jamais nous revoyions un être humain'.

Plein de confiance, je leur dis : 'Convertissez-vous de tout votre coeur au Seigneur mon Dieu, car rien n'est impossible pour Lui, et aujourd'hui encore Il peut vous envoyer de la nourriture sur votre chemin jusqu'à ce que vous soyez rassasiés; car Il a de l'abondance partout.' Et avec l'Aide de Dieu, il en advint ainsi : soudain, un troupeau de cochons apparut sur la route devant nos yeux, et ils en tuèrent beaucoup; et ils s'arrêtèrent pour y passer deux nuits et regagnèrent parfaitement leur force et leurs chiens se rassasièrent aussi, car beaucoup d'entre eux s'étaient affaiblis et étaient à moitié crevés sur le chemin. Et à partir de ce jour ils avaient beaucoup à manger. Ils trouvèrent aussi du miel sauvage et m'en offrirent, et l'un d'eux dit : 'Cela, nous l'offrons en sacrifice'. Dieu merci, je n'en goûtai pas du tout.

Cette même nuit, pendant que je dormais, Satan me livra un violent assaut, chose dont je me souviendrai tant que je serai dans ce corps. Et il tomba sur moi comme un énorme roc et je ne pus remuer un seul de mes membres. Mais comment alors me vint-il à l'esprit, à moi l'ignorant, d'invoquer Élie ? Et pendant que je voyais le soleil se lever à l'horizon, et que je criais de toute ma force : 'Élie, Élie !' soudain, la splendeur de ce soleil me tomba dessus et me délivra de tout malheur. Et je crois fermement que j'étais soutenu par le Christ mon Seigneur et que son Esprit intercédait pour moi à ce moment par des cris, et j'espère qu'il en sera de même au jour de ma tribulation, comme il est écrit dans l'évangile : 'Ce jour-là, déclare le Seigneur, ce n'est pas vous qui parlerez, mais l'Esprit de votre Père parlera en vous'.

Et de nouveau, après de nombreuses années, je tombai en captivité. Et la première nuit que j'étais parmi eux, j'entendis un message divin me dire : 'Deux mois tu resteras avec eux'. Et il en advint ainsi : la soixantième nuit à partir de là, le Seigneur me délivra de leur mains.

Aussi, pendant notre route, le Seigneur nous donnait tous les jours de la nourriture, du feu et du temps sec, et le dixième jour nous rencontrâmes des gens. Comme je dis plus haut, nous voyagions pendant vingt-huit jours à travers un pays désertique et la nuit où nous rencontrâmes ces gens, il ne nous restait plus de nourriture.

Et après quelques années, je me trouvai de nouveau en Grande-Bretagne avec mon peuple qui me reçut comme son fils et m'implora sincèrement de ne plus les quitter enfin, après avoir souffert tant de tourments, et de ne plus aller ailleurs maintenant.

Et alors, j'eus la nuit la vision d'un homme nommé Victor, qui semblait venir d'Irlande, avec d'innombrables lettres. Et il m'en donna une, et je lus les premiers mots de la lettre qui étaient : 'La voix des Irlandais'; et comme je lisais le début de la lettre, je croyais en même temps entendre leur voix - de ceux qui habitent du côté de la Forêt de Voclut qui est près de la Mer Occidentale - et ils s'écrièrent ainsi, d'une seule bouche : 'Nous te prions, enfant, reviens parmi nous.'

Et j'en eus le coeur brisé, au point de ne pas pouvoir lire plus loin, et donc m'éveillai. Grâce à Dieu, après plusieurs années, le Seigneur exauça leurs cris.

Et une autre nuit - si ce fût en moi ou hors de moi, je ne sais, Dieu le sait - on m'appela sans erreur possible avec des mots que j'entendais mais ne pouvais pas comprendre, sauf qu'à la fin de la prière, Il parla ainsi : 'Celui qui donna sa Vie pour toi, c'est Lui qui parle en toi'; et ainsi je m'éveillai plein de joie.

Et encore une fois je le vis qui priait en moi, et j'étais, pour ainsi dire, à l'intérieur de mon corps, et je l'entendis au-dessus de moi, c'est-à-dire l'homme intérieur, et là il pria très fort avec des gémissements. Et tout le temps j'étais ébahi et me demandais avec émerveillement qui pouvait être celui qui priait en moi. Mais à la fin de la prière, Il parla, disant qu'Il est l'Esprit ; alors je m'éveillai et me souvins de l'Apôtre qui dit : L'Esprit vient au secours de l'infirmité de notre prière. Car nous ne savons ni comment ni pour quoi prier; mais l'Esprit Lui-même intercède pour nous par des gémissements ineffables; et encore : Le Seigneur qui est notre avocat parle pour nous.

Et lorsque je fus éprouvé par un certain nombre de mes aînés qui vinrent énumérer mes péchés pour discréditer mon laborieux épiscopat, ce jour-là, je fus frappé si fort que j'aurais pu tomber maintenant et pour l'éternité; mais le Seigneur épargna par sa Grâce celui qui pour son Nom se fit étranger et pèlerin et vint puissamment à mon secours dans cette affliction. Effectivement, ce n'était pas rien, la honte et le blâme qui étaient alors tombés sur moi ! Je prie Dieu que cela ne leur soit pas imputé comme péché.

Comme cause de procès contre moi, ils trouvèrent - après trente années ! - une confession que j'avais faite avant d'être diacre. Dans l'anxiété de mon esprit troublé, j'avais confessé à mon ami le plus cher ce que j'avais fait un jour dans mon enfance, non, une heure seulement, parce que je n'avais pas encore vaincu mes voies pécheresses. Je ne sais pas, Dieu le sait, si j'avais alors quinze ans : et je ne croyais pas à cette époque au Dieu vivant, ni je n'y avais jamais cru depuis mon enfance, mais vivais comme mort par manque de foi jusqu'au jour où je fus sévèrement châtié et réellement humilié, par la faim et la nudité, et jour après jour en Irlande je devais voyager contre mon gré jusqu'à épuisement; mais c'était plutôt pour mon bien, car de la sorte, je fus purifié par le Seigneur; et Il me rendit prêt à devenir ce que j'étais loin d'être autrefois, afin de prendre soin et travailler pour le salut des autres, alors qu'à l'époque je ne prenais même pas soin de moi-même.

Ce jour-là donc où je fus rejeté par ceux que je mentionne plus haut, j'eus une vision la nuit. J'étais confronté à un manuscrit qui me déshonorait et en même temps j'entendis la voix de Dieu qui me dit : 'Nous avons vu avec déplaisir la face de l'élu privé de son renom'. Il ne dit pas : 'Tu as vu", mais 'Nous avons vu', comme s'Il S'était inclus Lui-même, comme lorsqu' Il dit : Celui qui te touche, touche pour ainsi dire la prunelle de mes Yeux.

C'est pourquoi je Lui rends grâce, à Lui qui me fortifia en tout, car Il ne frustra ni la route que j'avais choisie ni l'oeuvre que m'avait enseignée le Christ mon Seigneur; mais je sentis plutôt, après cela une grande force et ma confiance s'est avérée fondée devant Dieu et les hommes.

Je dis donc avec audace, ma conscience ne me reproche rien maintenant ni dans l'avenir : Dieu m'est témoin que je n'ai pas menti dans le récit que je vous donne.

Mais je suis désolé pour mon ami le plus cher, parce que nous dûmes entendre ce qu'il avait dit. A lui, je lui avais livré jusqu'à mon âme ! Et quelques-uns des frères m'avaient dit, avant que mon procès eût lieu, qu'il me défendrait en mon absence. Je n'étais pas présent, puisque je n'étais même pas en Grande-Bretagne et je ne l'avais pas suggéré. C'est lui qui m'avait dit, à moi en personne : 'Écoute, tu devrais être élevé au rang d'évêque !' - ce dont je n'étais pas digne. Mais d'où lui vint-il ensuite de me laisser tomber publiquement devant tous, bons et mauvais, et dans une question où il m'avait privilégié auparavant ? Car il l'avait fait de façon spontanée et avec joie - et non seulement lui, mais le Seigneur qui est plus grand que tous ?

Assez de cela. Je ne dois pas cependant cacher le Don de Dieu qu'Il m'accorda sur la terre de ma captivité; puisqu'alors je Le cherchais avec zèle et Le trouvai, et Il me sauva de tout mal à cause - comme je le crois - de son Esprit qui vit en moi. C'est encore dit avec audace. Mais Dieu le sait, si cela m'avait été dit par un homme, je n'en aurais peut-être pas parlé du tout pour l'amour du Christ.

Depuis donc je ne cesse de rendre grâce à Dieu qui me garda fidèle au jour de ma tentation, de sorte que je peux aujourd'hui Lui offrir avec confiance mon âme comme un sacrifice vivant - au Christ mon Seigneur qui me sauva de toutes mes tribulations. Ainsi je peux dire : 'Qui suis-je, Seigneur, et à quoi m'as-Tu appelé, Toi qui daignas m'assister d'un tel Pouvoir divin que j'exalte et magnifie ton Nom constamment aujourd'hui parmi les païens où que je sois, et non seulement les jours heureux, mais aussi dans mes tribulations ?' Ainsi en effet, je dois accepter avec égalité d'âme tout ce qui m'arrive, que ce soit du bien ou du mal et en remercier toujours Dieu qui m'a enseigné d'avoir toujours confiance en Lui sans réserve et qui a dû entendre ma prière à tel point que moi, quelle que fût mon ignorance, j'osai entreprendre les derniers jours une oeuvre si sainte et si merveilleuse - imitant ainsi d'une certaine façon ceux qui, comme l'avait prédit une fois le Seigneur, prêcheraient son évangile en témoignage à toutes les nations avant la fin du monde. Ainsi l'avons-nous vu et ainsi s'est-il accompli : en vérité, nous sommes témoins que l'évangile a été prêché jusqu'aux parties du monde au-delà desquelles personne ne vit.

Maintenant, il serait ennuyeux de rendre compte en détail de tous mes travaux ou même d'une partie d'eux. Laissez-moi dire brièvement comment le Dieu miséricordieux me délivra souvent de l'esclavage et de douze dangers qui menaçaient ma vie - sans parler de nombreuses conspirations que je ne peux pas exprimer en paroles; car je ne veux pas ennuyer mes lecteurs. Mais Dieu m'en est témoin, Lui qui sait toutes choses avant même qu'elles arrivent, comme Il me prévenait même moi, pauvre misérable que je suis, de beaucoup de choses par un message divin.

Comment ai-je obtenu cette sagesse qui n'était pas en moi qui ne connaissais pas le nombre de mes jours et ne savais pas qui était Dieu ? D'où m'a été donné plus tard le don si grand, si salutaire - de connaître Dieu et de L'aimer, bien qu'au prix de quitter mon pays et mes parents ?

Et de nombreux dons me furent offerts dans la tristesse et les larmes et j'offensai les donateurs, bien à l'encontre des souhaits de certains de mes aînés; mais guidé par Dieu, je n'étais d'accord avec eux ni ne cédais à leurs objections. Ce n'était pas ma vertu, mais la Grâce de Dieu qui est forte en moi, qui leur résistait à tous. Je vins chez les païens d'Irlande pour prêcher l'évangile et souffrir les insultes des incroyants. J'entendais me reprocher mon départ à l'étranger, j'endurais beaucoup de persécutions jusqu'aux chaînes et je cédais mon statut d'homme libre au bénéfice des autres; et, en serais-je digne, je suis prêt à donner jusqu'à ma vie, sans hésiter et avec une grande joie, pour son Nom, et c'est là que je souhaite la passer jusqu'à ma mort, si le Seigneur veut bien me l'accorder.

Car je suis bien en dette envers Dieu qui me donna une telle grâce que beaucoup de gens naquirent à nouveau en Dieu par moi et furent confirmés ensuite, et des prêtres furent ordonnés pour eux partout, pour un peuple qui venait juste d'acquérir la foi, peuple que le Seigneur prit des extrémités de la terre, comme Il l'avait promis autrefois par ses prophètes : Les nations viendront à Toi des extrémités de la terre et diront : 'Qu'elles sont fausses, les idoles que nos pères s'étaient faites et il n'y a pas de profit en eux'; et encore : 'Je T'ai établi comme une lumière parmi les nations pour que Tu puisses être leur salut jusqu'aux extrémités de la terre.

Et c'est là que je souhaite attendre l'accomplissement de sa Promesse, à Lui qui ne trompe certainement jamais, comme Il le promet dans l'évangile : Ils viendront de l'orient et de l'occident et vont s'asseoir avec Abraham, Isaac et Jacob - comme nous croyons que les fidèles viendront de tous les coins du monde.

Pour cette raison, donc, nous devons pêcher bien et avec diligence, comme le Seigneur exhorte à l'avance et enseigne, disant : Suivez-Moi et Je vous ferai pêcheurs d'hommes. Et aussi Il dit à travers les prophètes : Voici, J'envoie beaucoup de pêcheurs et de chasseurs, dit Dieu et le reste. Donc, il était très nécessaire d'étendre nos filets afin qu'une grande foule et une multitude pussent être attrapées pour Dieu et qu'il y eût partout du clergé pour baptiser et exhorter un peuple dans la nécessité et le besoin, comme le Seigneur le dit dans l'évangile en exhortant et enseignant : Allez donc maintenant et enseignez toutes les nations, les baptisant au Nom du Père et du Fils et du saint Esprit, leur apprenant à observer toutes les choses que Je vous ai commandées : et voici que Je suis avec vous jusqu'à la consommation du monde. Et de nouveau, Il dit : Allez donc dans le monde entier et prêchez l'évangile à toutes les créatures. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé; mais celui qui ne croira pas sera condamné. Et encore : Cet évangile du royaume sera prêché dans le monde entier comme témoignage à toutes les nations et puis viendra la fin. Et c'est ce que le Seigneur annonce aussi par le prophète quand Il dit : Et il adviendra, dans les derniers jours, dit le Seigneur, que Je répandrai de mon Esprit sur toute chair; vos fils et vos filles prophétiseront, et vos jeunes hommes auront des visions et vos vieillards auront des songes. Et sur mes serviteurs en vérité et sur mes servantes Je répandrai en ces jours-là de mon Esprit et ils prophétiseront. Et dans Osée, Il dit : 'J'appellerai mon peuple ce qui n'était pas mon peuple, É et celle qui n'a pas obtenu miséricorde comme celle qui a obtenu miséricorde. Au lieu d'entendre : "Vous n'êtes pas mon peuple", ils seront appelés les fils du Dieu vivant.'

Donc comment est-il advenu en Irlande que ceux qui n'avaient jamais eu la connaissance de Dieu, mais qui jusqu'à maintenant ont toujours adoré des idoles et des choses impures, sont maintenant devenus peuple de Dieu et sont appelés fils de Dieu, que les fils et les filles des rois des Irlandais se voient moines et vierges du Christ ?

Entre autres, une bienheureuse Irlandaise de naissance noble, belle femme que j'ai baptisée, est venue à nous après quelques jours pour une raison particulière : elle nous dit qu'elle avait reçu un message d'un messager de Dieu qui l'exhorta à devenir une vierge du Christ et à s'approcher de Dieu. Grâce à Dieu, le sixième jour après cela, elle choisit de manière très louable et très zélée ce que font toutes les vierges du Christ. Non que leurs pères soient d'accord avec elles : non - elles subissent souvent même la persécution et des reproches non mérités de leurs parents; et pourtant, leur nombre ne cesse d'augmenter. Combien il y en eut qui naquirent de nouveau pour être de notre race, je ne sais pas - sans parler des veuves et des continentes.

La pire est la souffrance de ces femmes qui vivent en esclavage. Elles doivent endurer tout le temps la terreur et les menaces. Mais le Seigneur donna sa Grâce à beaucoup de ses servantes; car, bien qu'on leur défende de le faire, elles Le suivent courageusement.

Il n'est pas bon pour moi de les quitter et d'aller en Grande-Bretagne - et pourtant combien aurais-je aimé aller dans mon pays et chez mes parents, et aussi en Gaule pour visiter les frères et voir la face des saints de Dieu ! Dieu sait si je l'ai désiré ardemment; mais je suis lié par l'Esprit qui témoigne contre moi que si je le faisais, je serais coupable; et je crains de détruire le travail que j'ai commencé - non pas moi, mais c'est le Seigneur Christ qui m'a demandé de venir ici et demeurer avec eux pour le reste de ma vie. Si le Seigneur le veut, Il me gardera de toutes voies mauvaises afin que je ne pèche pas contre Lui.

C'est cela que je dois faire, je présume, mais je ne me fie pas à moi-même tant que je suis dans ce corps de mort, car il est fort, celui qui s'efforce tous les jours de me détourner de la foi et de la pureté de la vraie religion à laquelle je me suis consacré, pour le Christ mon Dieu, jusqu'à la fin de ma vie. Mais la chair hostile me tire toujours vers la mort, c'est-à-dire vers la satisfaction de désirs illégitimes; et je sais que je n'ai pas mené une vie aussi parfaite que les autres fidèles; Mais je le confesse à mon Seigneur et ne rougis pas devant Lui, parce que je ne mens pas : depuis le temps où dans ma jeunesse j'ai appris à Le connaître, l'amour de Dieu et sa crainte ont augmenté en moi, et jusqu'à maintenant, par la Grâce de Dieu, j'ai gardé la foi.

Que celui qui veut rire et se moquer le fasse. Je n'ai pas l'intention de taire les signes et prodiges que le Seigneur m'avait révélés plusieurs années avant leur accomplissement, comme il convient à Celui qui savait tout avant même le commencement du temps. Je dois rendre grâce sans cesse à Dieu qui pardonna si souvent ma folie et ma négligence, et à plusieurs reprises, Il m'épargna de sa grande Colère. Bien qu'Il me choisît pour être son aide, j'étais lent à accepter l'aiguillon de l'Esprit. Le Seigneur fut bienveillant envers moi un million de fois, car Il voyait que j'étais prêt, même si je ne savais pas quoi faire de ma position, parce que nombreux étaient ceux qui entravaient ma mission. Ils discutaient ainsi entre eux derrière mon dos : "Pourquoi donc ce bonhomme se précipite-t-il dans le danger au milieu d'ennemis qui ne connaissent pas Dieu ?" Il n'y avait pas de malice en eux; tout simplement, ils ne voyaient pas comment ma mission pouvait être considérée, à cause de mon manque d'éducation, et cela, je l'admets moi aussi librement. J'ai manqué, moi aussi, de me rendre compte, en temps voulu, de la grâce qui était en moi. Il m'est évident maintenant ce que j'aurais dû comprendre plus tôt.

J'ai donné ici un simple compte-rendu à mes frères et mes compagnons de captivité. Ils se sont fiés à moi à cause de tout ce que j'ai prédit et que je prédis encore pour affermir et consolider leur foi. Dieu fasse que vous aussi, vous aspiriez à des choses supérieures et que vous progressiez ! Ce sera mon bonheur, car un enfant sage est l'honneur de son père.

Vous savez, comme Dieu le sait, comment je me suis comporté parmi vous depuis mon jeune âge, avec une foi authentique et un coeur sincère. J'ai gardé la foi aussi avec les païens parmi lesquels je vis et je n'ai pas l'intention de les abandonner maintenant. Dieu sait que je n'ai exploité aucun d'eux pour Dieu ou son Église; la pensée même ne m'en a pas effleuré. Je craindrais de provoquer de la persécution contre eux et contre nous tous, ou de faire que le Nom du Seigneur soit blasphémé à cause de moi. Il est écrit : Malheur à l'homme à cause de qui le Nom du Seigneur est blasphémé.

Bien que je sois ignorant en tout, j'ai essayé d'éviter d'être gâté par mes frères en Christ et par les vierges et les femmes consacrées qui m'offraient, sans que je l'eusse demandé, de menus présents et laissaient même de leurs bijoux sur l'autel. Quand j'insistais à les leur rendre, elles étaient offensées. Mais ma vision était une à long terme et pour cela, je prenais toutes les précautions pour que les païens ne pussent aucunement trouver à redire au sujet de ma personne ou de mon ministère. Je ne voulais pas fournir aux incroyants la moindre occasion de calomnie ou de médisance. Ai-je jamais pris un seul sou de qui que ce soit, lors des milliers de baptêmes que j'ai administrés ? Dites-le et je le rendrai. Ou, quand le Seigneur ordonna par mon indignité tant de membres du clergé en leur donnant un office spirituel, ai-je jamais demandé à un seul ne serait-ce que le prix d'une paire de chaussures ? Dites-le-moi et je le rendrai.

Au contraire : j'ai dépensé de l'argent en votre intérêt pour être accepté, j'étais voyageur parmi vous et je me suis exposé pour vous à de nombreux dangers partout, jusqu'aux contrées les plus reculées au delà desquelles il n'y a pas d'homme vivant et où personne n'était jamais allé baptiser, ordonner des clercs ou confirmer les gens. C'est un don que le Seigneur m'a fait que d'entreprendre tout avec égard et zèle pour votre salut. Tout le temps, je donnais des cadeaux aux rois, au delà et en plus des frais que j'ai payés à leurs fils qui voyagent avec moi. Malgré cela, ils ont attaqué mes compagnons et moi et se disposaient avec fanatisme à me tuer ce jour-là; mais mon temps n'était pas encore arrivé. Ils emportèrent tout ce qui leur tombaient sous la main et m'enchaînèrent. Quinze jours plus tard, le Seigneur me délivra de leur pouvoir et nos affaires nous étaient retournées par les bons offices de Dieu et des bons amis que nous nous sommes faits auparavant. Vous avez vu aussi combien je payais les juges de toutes les régions que je visitais souvent. J'ai dû distribuer entre eux pas moins que le prix de quinze hommes afin que vous pussiez jouir de ma compagnie, comme moi de la vôtre toujours, jusqu'au jour où nous rencontrerons Dieu. Je ne le regrette pas, je ne le considère même pas assez, je dépense encore et continuerai à en dépenser plus. Le Seigneur a le pouvoir de me permettre finalement de me dépenser moi-même dans l'intérêt de vos âmes.

Tenez, je prends Dieu à témoin de ma vie que je ne dis pas de mensonges, que je ne vous écris pas par flatterie ni par soif d'argent ni parce que je cherche votre estime. L'estime que l'on ne voit pas encore mais que l'on sent dans le coeur est suffisant. Il est fidèle, Celui qui a promis et Il ne ment jamais. Je vois que même dans ce monde j'ai été exalté sans mesure par le Seigneur. Je n'en étais pourtant pas digne, ni n'étais un choix probable pour ce privilège.

Je sais parfaitement bien que la pauvreté et le malheur me conviennent mieux que la richesse et le plaisir. Christ le Seigneur Lui-même était pauvre pour nous, et je suis moi-même dans le besoin. Même si j'en voulais, je n'ai pas de fortune; je ne me juge pas non plus en cette matière, car je m'attends tous les jours à être tué, volé ou réduit à l'esclavage d'une façon ou d'une autre. Ce n'est pas que je craigne aucune de ces choses. A cause de ses Promesses, je me remets dans les Mains du Dieu tout-puissant qui gouverne partout. Comme le dit le prophète : Décharge ton fardeau sur le Seigneur et Il te soutiendra.

Je confie donc maintenant mon âme à Dieu qui est fidèle et pour qui je suis ambassadeur dans mon humble état. Car Dieu ne fait pas acception de personne et Il me choisit pour cet office pour que je devienne un de ses ministres, quand bien même le moindre parmi eux.

Que lui rendrai-je pour toute sa Bonté envers moi ? Que puis-je dire ou que puis-je promettre à mon Seigneur puisque toute aptitude que j'ai vient de Lui ? Qu'il Lui suffise de regarder dans mon coeur et ma raison; car je suis prêt et en vérité, je désire beaucoup qu'Il me donne sa coupe à boire, comme Il l'a donné à d'autres qui L'ont aimé. Ma seule prière à Dieu est qu'il n'arrive jamais que je laisse son peuple qu'Il a gagné pour Lui au bout de la terre. Je prie Dieu pour la persévérance, qu'Il m'accorde à rester son témoin fidèle par amour pour Lui jusqu'à mon départ de cette vie.

Si j'ai jamais fait quoi que ce fût de méritoire pour mon Dieu que j'aime, je L'implore de m'accorder la grâce de verser mon sang tant que je suis parmi ceux qui sont également des exilés et captifs à cause de Lui. Que l'on me refuse une sépulture, que mon corps soit déchiqueté et répandu aux chiens et aux animaux sauvages, que les oiseaux du ciel le dévorent, je serais pleinement assuré que j'aurai sauvé mon corps et mon âme. Car en ce jour-là, nous nous lèverons indubitablement dans la splendeur du soleil, c'est-à-dire la Gloire de notre Seigneur Jésus Christ le Rédempteur, comme fils du Dieu vivant, cohéritiers du Christ et faits à son Image. De Lui et par Lui et pour Lui nous régnerons. Ce soleil que nous voyons se lève journellement par son Ordre pour notre bien, mais il ne régnera jamais et sa splendeur ne durera pas toujours. Ceux qui lui rendent un culte seront sévèrement punis. Nous, par contre, nous croyons en Christ et L'adorons, Lui, le vrai Soleil qui ne périra jamais, ni ceux qui font sa Volonté. Ils demeureront pour toujours comme le Christ demeure pour toujours, Lui qui règne avec Dieu le Père tout-puissant et le saint Esprit avant le commencement du temps et maintenant et pour l'éternité.

LE CUISINIER QUI DEVIENT MOINE

LE SAVIEZ-VOUS ?

 

Pourquoi les chefs en cuisine portent-ils ces hautes coiffes ?

A une époque, la ville de Constantinople (en Turquie) était réputée pour ses grands chefs, mais vers la fin du 6e siècle, des barbares venus du nord de l'Europe envahirent la région et bien des chefs cherchèrent refuge dans les monastères. Pour se dissimuler, ils portèrent les hauts chapeaux noirs que portent encore de nos jours, les moines orthodoxes. Par la suite, ils changèrent la couleur noire pour le blanc et ainsi se distinguer des moines. La grande coiffe noire du moine était devenue la grande coiffe blanche du chef.

dans : The New Zealand Beekeeper, décembre 1997)